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HARVARD UNIVERSITY.
LIBRARY
OF THE
MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOLOGY.
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DEC 11 isae
lU BULLETINS
L'ACADÉMIE ROYALE
DES
SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS
DE BELGIQUE.
es-* ANNÉE, 3"* SÉRIE, T. XXVI.
1893.
BRUXELLES,
F. HAYEZ, IMPRIMEUR DE l'aCADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE,
rue de Louvain, 112.
MDCCCXCIÏI.
BULLETINS
L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES
LETTRES ET DES BEAIX-ARTS DE BELGIQIE.
BULLETINS
^ACADEMIE ROYALE
DE BELGIQUE.
SOIXANTE-TROISIÈME ANNEE. — >^ SERIE, T.
m
BRUXELLES,
F. HAYEZ, IMritlMEUH DE l'aCAUÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE,
rue de Louvain, 112.
4893
V.
^,.
DEC 11 1896
BULLETIN
DE
L'ACAOÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE,
1895. — N» 7.
CLASSE DES SCIEl^CES.
Séance du 1" juillet 1893.
M.Ch.Van Bambeke, directeur, présidenl de l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Mourlon, vice-directeur; P.-J. Van
Beneden, le baron Edm. de Selys Longchamps, Gluge,
G. Dewalque, E. Candèze, É. Dupont, Éd. Van Beneden,
C. Malaise, F. Folie, Alph. Briart, Fr. Crépin, Jos. De Tilly,
G. Van der Mensbrugglie, W. Spring, Louis Henry,
P. Mansion, J. Delbœuf, P. De Heen, C. Le Paige,
Ch. Lagrange, F. Terby, J. Deruyts, membres; E. Catalan,
Ch. de la Vallée Poussin, associés; L. Errera, J. Neuberg,
correspondants.
3°" SÉRIE, TOME XXVI. i
( 2)
CORRESPONDAlNCE.
M. le Minisire de l'Agiicullure de l'Industrie et des
Travaux publics accuse réception du rapport du jury qui
a jugé les travaux soumis pour la cinquième période du
concours pour le prix fondé par le docteur Guinard.
Il exprime en même temps à MM. Bormans, Briart,
Devvalque, Lamy et Rivier, membres du jury, ses plus vifs
remerciements pour la conscience et le talent dont ils ont
fait preuve dans l'accomplissement de la lourde lâche qui
leur était imposée.
M. F.-A. Robyns, lauréat de ce concours, remercie éga-
lement pour la haute récompense accordée à son OEuvre
des sociétés scolaires de tempérance.
— L'Institut royal des sciences, des lettres et des arts de
Venise adresse le programme de ses concours pour les
années 1893, 1894 et 1895.
— Hommages d'ouvrages :
i° Contributions à l'histoire de la constitution de l'œuf.
II. Élimination d'éléments nucléaires dans l'œuf ovarien de
Scorpaena Scrofa L.; par Ch. Van Bambekc;
2° Zwei Fàlle, in denen die chirurgisc/ie Diagnose mit
Hïilfe der Hypnose fjesfellt wurde; par J. Deibœuf;
5° Études sur l'aspect physique de la planète Jupiter,
troisième partie; par F. Terby;
4" Excursion en Angleterre, en Ecosse et dans le pays
de Galles, faite par la Société des ingénieurs, du 27 juin
au 10 juillet 1892; par Alph. Briart;
(3)
5* La sécheresse du prinlemps de 1893; par A. Lan-
caster;
6° Thermodynamische Théorie der Capillariteil in de
onderstelling tmn continue dicklheids verandering ; par
J.-D. Van der Waais, associé;
7° Recherches sur la diffusion dans l'organisme de
certaines substances toxiques ou médicamenteuses injectées
dans le sang circulant; par le D"" J. Verhoogen;
8° a. Sur quelques points de l'anatomie des Crucifères et
des Dicolylées en général; h. Des méthodes statistiques
applicables aux recherches de floristique; par John Briquet;
9" Délia trisezione dell'angolo ; par Antonio Manelli. —
Remerciements.
— Travaux manuscrits à l'examen :
1° Sur une méthode simple pour mesurer le retard des
minéraux en lames, minces ; par G. Cesàro, Chargé du cours
de minéralogie à l'Université de Liège. — Commissaires :
MM. de la Vallée Poussin et Renard;
2° Sur tes cubiques gauches; par Cl. Servais, professeur
à l'Université de Liège. — Commissaires : MM. Le Paige
et Neuberg.
PRIX CHARLES LEMAIRE.
(Questions relatives aux travaux publics.)
M. le secrétaire perpétuel fait savoir qu'il a reçu pour
la première période de ce concours (1" juillet 1891 au
30 juin 1893), les ouvrages suivants :
Lngels (Le major). Le problème de la Montagne de la
Cour, première et deuxième parties, avec carte. Gand,
1893.
( 4 )
Christophe (P.). Les fondations à l'air comprimé sans
incorporation de fers dans les maçonneries, et leur applica-
tion à la reconstruction de la passe navigable du barrage
de rivière. Bruxelles, 1892.
Lagasse (Ch.). Sur le choix du meilleur système d'ali-
mentation d'eau pour une grande agglomération. Bruxelles,
1891. — Commissaires : MM. Briart, Van der Mensbrugghe
et De Heen.
RAPPOBTS.
Sur la propagation de la chaleur dans les milieux
cristallins ; par E. Ronkar.
HnppofI rfe Jf . Ch. Vagrange, pt'cntief conttniasait'c,
I. Ce travail de M. Ronkar se compose de deux mémoires,
que je désignerai dans ce qui va suivre par les noms de
premier et second mémoire.
Le premier mémoire a été présenté en mars 1891 . Rap«
port en a été fait dans la séance d'août 1891. A la suite de
ce rapport, l'auteur a été remis en possession de son
manuscrit, en même temps que communication lui était
faite du rapport lui même; celui-ci signalait des remanie-
ments indispensables.
A suivi une « réponse » de M. Ronkar « au rapport de
M. Lagrange sur mon mémoire intitulé : Sur la propa-
gation DE LA CHALEUR DANS LES MILIEUX CRISTALLINS ».
Cette « réponse » ne faisait droit à aucune des critiques
contenues dans le rapport. Un nouveau « rapport » sur la
(S)
« réponse » a été lu par moi dans une des séances
suivantes et communiqué à l'auleur.
Le résultai de cette discussion a été la présentation
d'un second mémoire en janvier 1892.
Ainsi, en résumé, les éléments de la question sont :
a) Premier mémoire de M. Ronkar, mars 189! ;
b) Premier rapport;
c) Réponse de M. Ronkar;
d) Deuxième rapport (sur celte réponse);
e) Deuxième mémoire de M. Ronkar, janvier 1892.
Le rapport que je vais présenter sera donc le troisième
auquel cette discussion sur la théorie de Lamé aura donné
lieu. Mais, d'ailleurs, pour réduire les choses à leurs termes
les plus simples, il ne faut prendre en considération spé-
ciale que les documents a) b) et e), c'est-à-dire les deux
mémoires de M. Ronkar et mon premier rapport, attendu
que c] et d) n'ont constitué qu'un relais et laissé la question
au même point. Je désignerai donc dans ce qui va suivre,
pour abréger, mon premier rapport par le simple nom de
rapport.
IL Ceci posé, comme il n'est pas possible d'analyser le
second mémoire sans avoir présent à l'esprit le contenu
du premier mémoire et du rapport, il convient de résu-
mer succinctement la substance de ces deux documents.
Il s'agissait d'étudier la propagation de la chaleur dans
les milieux où la conductibilité varie avec la direction.
Duhamel avait considéré le cas de l'égale conductibilité en
sens diamétralement opposés (cas de Végalilé symétrique);
Lamé, le cas tout à fait général. Dans son premier mémoire,
M. Ronkar prétend démontrer que la généralisation de
Lamé est incompatible avec les principes fondamentaux
( 6)
de l'échange calorifique (*), principes qui permetlenl d'ap-
pliquer au flux la considération du iclraèdre élémentaire
de Cauchy; de telle manière, qu'à moins de renoncer aux
lois classiques de l'échange calorilique, on ne peut rien
supposer de plus général, compatible avec ces lois, que le
cas de l'égalité symétrique de Duhamel. Lamé a cru le
contraire. La démonstration de M. Ronkar ruinerait donc
entièrement, en principe, les leçons sur la théorie analy-
tique de la chaleur de l'illustre physicien.
J'ai fait voir dans le rapport que la conclusion de
M. Ronkar reposait sur une illusion; que s'il trouvait l'éga-
lité symétrique au bout de ses formules, c'est qu'implici-
tement il avait commencé par l'introduire dans son raison-
nement. Pour réduire les choses au cas le plus simple,
supposons que le plan des 1 yz | soit une surface de niveau
thermique, et que la chaleur se propage dans le sens
des X. Soit N une demi-normale à une facette passant par
l'origine, et Q^ le flux de chaleur à travers cette facette
dans le sens N. La formule du tétraèdre donnera
ce qui signifie que la facette i^,N=_x) sera traversée en sens
inverse de celui de sa demi-normale, c'est-à-dire traversée
dans le sens -4- x, par un flux réel égal à Û(x=+,).
Supposons maintenant que l'on ait commencé par
(*) Dans rélat acluel du manuscrit du premier nicmoire, une sur-
charge (p. 5) remplace, en l'allénuant et le rendant peu clair, ce qui
était très clair dans la rédaction primitive. J'aurai à revenir plus loin
sur le fait de cette surcharge.
(7 )
affecter d'un facteur posilil'/"(N) tout échange de chaleur
à travers la facette déterminée par la demi-normale N;
l'équation (1) donnera évidemment
/■(N = -x) = nN=-f-a-)n,
c'est-à-dire l'égalité des coefficients /"(N) en sens diamétra-
lement opposés, ou l'égalité symétrique. Mais en conclure
que ce cas est le seul compatihle avec la formule du
tétraèdre, c'est oublier qu'on avait déjà supposé cette éga-
lité symétrique quand on considérait comme affecté d'un
même facteur /"(N), l'échange, soit dans un sens, soit dans
l'autre, à travers la facette N. En d'autres termes, on ne
trouve :
/(N = -x) = /-(N = H- X)
(*) Soit 9 [t — t'}m\e fonction de la diffcrence de lempérature t — t'
qui change de signe avec l — t'; on aura :
n ^^=^^, = /-{N = -+- .r) X fit — f) j
(1) donnera
f\^ = -^x]f{l - t') = — /■(N= - xtf{l' — t),
c'est-à-dire
Caiip 2. t
/ t^up.t'
(8)
que parce qu'on a commencé par le supposer implicite-
ment. Si, au contraire, on avait fait attention de distinguer
le cas où le flux réel a lieu dans le sens N de celui oh il a
lieu, pour la même facette N, dans le sens — N, le coefli-
cient /"(N) du premier cas aurait été, dans le second, rem-
placé par /■( — N), c'est-à-dire par la fonction /"(N) qui
convient à la facette définie par la demi-normale diamé-
tralement opposée. Alors la formule (1) aurait donné
l'identité
/•(N = H-x) = AN=-*-x),
et on n'aurait plus pu arguer d'aucune contradiction entre
la formule du tétraèdre et l'hypothèse de l'inégale con-
ductibilité en sens diamétralement opposés.
Or, dans cette hypothèse, on est obligé, par l'hypothèse
même, de faire la distinction dont il s'agit. L'erreur de
M. Ronkar a donc été:
i" De ne pas faire cette distinction;
2° De ne pas faire attention que Lamé lui-même l'avait
faite.
Il a donc eu tort de deux façons :
1° En faisant un raisonnement faux;
2" En attribuant un semblable raisonnement à Lamé.
Le rapport ne pouvait donc absolument pas conclure à
l'impression du mémoire. Néanmoins, si les calculs de
M. Ronkar ne ruinent en rien la théorie de Lamé, l'exa-
men de l'ouvrage de ce géomètre fait apercevoir certains
points à élucider, précisément relatifs à la manière de
tenir compte du sens réel du mouvement de la chaleur,
condition que Lamé a d'ailleurs expressément mentionnée
et qui avait échappé à M. Ronkar.
(9)
Le rapport concluait donc:
1" En signalant à l'auteur le passage de Lamé qui ruine
son objection;
2" En l'engageant à entreprendre un nouveau travail,
lequel consisterait, non plus à combattre en principe,
comme il le faisait, la théorie de Lamé, mais à revoir,
dans le point de vue indiqué par Lamé lui-même, cer-
taines parties de l'analyse de ce géomètre.
D'ailleurs, le rapport émettait quelques vues sur la
marche à suivre : i" il signalait la nécessité de prendre en
considération en chaque point la surface de niveau ther-
wït/we (pp. 4 et 6); il faisait voir sur un cas très simple
(p. 4) que la formule du tétraèdre ne peut être appliquée
dans sa généralité qu'à la condition de remplacer le coef-
ficient de direction, propre à un sens dans lequel la chaleur
augmente, par te coefficient de direction propre au sens dia-
métralement opposé; 2° si l'on ne fait pas cette substitution
effective, il faudra procéder d'une manière équivalente en
indiquant d'une manière précise dans quel se7is, par rap-
port à la direction du mouvement de la chaleur dans le
milieu, on prend la normale à une facette. Le rapport
demandait si la relation du tétraèdre ne devait pas s'ap-
pliquer, dans ce dernier point de vue, seulement aux
facettes dont la normale, de la position de laquelle dépend
l'influence de la conductibilité angulaire, est dirigée vers
la région de moindre température, c'est-à-dire aux facettes
dont la normale fait un angle aigu avec la normale à la
surface de niveau ? D'ailleurs, ne pouvant avoir la préten-
tion de constituer lui-même un mémoire, il ne présentait
ces premières vues qu'avec la réserve qui convenait et
comme des doutes signalant une diflîculté; et, concluant
( 10)
que le sujet méritait (fêtre approfondi avec soin, il propo-
sait à la Classe de remettre à l'auteur son manuscrit pour
étudier la question dans le nouveau point de vue qui lui
était signalé.
III. Nous arrivons maintenant au second mémoire de
M.Ronkar. Un courl Avant-propos, qui y refait l'historique
du débat, mérite avant tout qu'on s'y arrête; si, d'un côté,
il met en évidence une transformation réelle des idées de
l'auteur, de l'autre il constitue une défense quand même
de son premier mémoire.
M. Ronkar définit comme il suit la substance de ce pre-
mier mémoire : « Dans cette première partie, en partant
des expressions des conductibilités normales et tangen-
tielles données par Lamé, nous étions arrivé à cette con-
clusion que la généralisation introduite par cet auteur
dans la théorie des flux moléculaires de Duhamel, ne con-
duisait pas aux formules du cas général imaginé par l'au-
teur lui-même. L'application de la formule générale du
tétraèdre aux expressions du flux nous avait, en effet,
ramené au cas de l'égalité symétrique, et nous en con-
cluions tout naturellement la nécessité de modifier autre-
ment la théorie de Duhamel pour parvenir aux formules
pins générales de Lamé (*). »
Ceci voudrait dire que M. Ronkar, dans son premier
mémoire, après avoir établi que les formules, prises telles
quelles, de Lamé, faisaient retomber, par l'emploi de la
formule du tétraèdre, sur celles de Duhamel, en aurait
{') CVst-à-dire : aux fornuiles qui conviennent au cas plus général
envisagé par Lamé.
(H )
conclu qu'il y avail simplemenl lieu de s'écarter plus ou
moins de Lamé dans la manière donl celui-ci modifie lui-
même la lliéorie de Duhamel, ce qui est un acheminement
vers le point de vue indiqué dans le rapport (ce dernier
point de vue consistait à examiner si Lamé avait tiré, des
modilicalions qu'il proposait, toutes leurs conséquences.)
\a' résumé donné sous cette l'orme par M. Ronkar de la
substance de son premier travail ne laisse rien subsister de
la gravité et de la portée des conclusions qu'y avait aperçues
le rap[)orl de votre Commissaire. Mais, d'autre part, il est
impossible de ne pas contester l'exactitude de celle appré-
ciation de l'auteur concernant son travail. Par une atté-
nuation de termes qui constitue une mention peu fidèle,
l'honorable auteur cherche ici à pallier l'erreur qu'il a
commise dans son premier mémoire, sans vouloir néan-
moins reconnaître qu'il a commis celte erreur et que le
rapport avait raison.
Quand il a écrit son premier mémoire, et après avoir
trouvé, en combinant la formule du tétraèdre avec la for-
mule de Lamé, que ces formules se réduisaient à celles de
Duhamel, au lieu de conclure, comme il veut maintenant
l'avoir fait, qu'il y a lieu de modifier autrement que ne l'a
fail Lamé la théorie de Duhamel, M. Ronkar a conclu, de
cette réduction forcée des formules de Lamé à celles de
Duhamel, que Vidée de r inégale conduclibililé en sens dia-
métralement opposés est incompatible avec les principes
londauientaux aujourd'hui admis de la transmission de la
chaleur, et cela de telle manière que, si l'expérience était
d'accord avec certaines conséquences définies (p. 5 du pre-
n)ier mémoire) de la théorie de Lamé, nous en serions
réduits à modifier nos idées sur les lois élémentaires de
l'échange calorifique.
( 12)
Une circonstance particulière vient rendre en quelque
sorte sensible la transformation des idées de l'auteur.
Sur le manuscrit du premier mémoire, qui lui a été remis
en même temps que mon rapport, les mots « lois élé-
mentaires de l'échange calorifique » (que je reproduis
tant d'après mon souvenir que d'après les fragments de
caractères qui en restent) ont été effacés et remplacés par
le terme élastique « notions admises sur les flux de
chaleur ». La première expression était très nette et très
claire. Les lois élémentaires de l'échange calorifique con-
sistent dans l'échange proportionnel, par un coeflicienl,
entre deux parties extrêmement voisines, à la différence
de leurs températures. M. Ronkar croyait avoir démontré
que l'idée de la conductibilité inégale en sens diamétrale-
ment opposés est incompatible avec cette conception ; el
il en concluait très naturellement que si la conductibilité
diamétralement inégale se constatait, il faudrait modifier
les notions de principe sur l'échange calorique. Au lieu de
l'expression a lois élémentaires », il a substitué celle de
« notions admises sur les flux », par oii il est possible
d'entendre à peu près tout ce que l'on veut; et cela a été un
acheminement vers une troisième forme, encore plus large
et moins définie, adoptée dans le mémoire actuel, savoir :
« modifications à la théorie de Duhamel ». il ne restait
plus qu'un pas à faire pour arriver à la position de la ques-
tion proposée à M. Ronkar par le rapport, savoir: « étude
plus approfondie des principes mêmes de Lamé, et prise
en considération d'un certain passage de cet auteur »,
passage qui, négligé, avait causé tout le mal. Ce dernier
pas, comme on le verra tout à l'heure, est enfin franchi, du
moins en partie, dans le mémoire actuel; mais le désaveu
de fait du premier mémoire est ainsi accordé sans que
( 15 )
Tauleur veuille convenir que, dans ce premier mémoire, il
a fait erreur.
Continuons l'examen de V Avant-propos.
L'application de la formule générale du tétraèdre aux
expression du flux, ramenant le cas de Lamé à celui de
l'égalité symétrique de Duhamel, « l'un des honorables
Commissaires chargés d'examiner notre travail », dit
M. Ronkar, « émit des doutes sur la validité de l'application
de la formule du tétraèdre dans toute sa généralité,... » On
a vu plus haut (p. 9 ci-dessus) le sens dans lequel j'ai, en
effet, parlé de restrictions à apporter dans l'application de
cette formule, a Nous n'avons pu nous rallier à celte
manière de voir, et nous avons ainsi été amené à écrire la
seconde partie de notre mémoire, dans lequel nous recher-
chons la cause première du résultat auquel nous étions
parvenu d'ahord. On y verra qu'il provient en réalité d'une
incorrection des formules de Lamé, incorrection qui revient
en somme à ce que l'auteur introduit, sans s'en douter,
l'égalité symétrique...; il n'y a donc rien d'étonnant à ce
que nous l'ayons retrouvée par l'emploi de la formule du
tétraèdre. »
Ce que M. Ronkar dit qu'il n'a pu se rallier aux consi-
dérations émises par votre Commissaire sur l'application
de la formule du tétraèdre, est en réalité parfaitement
inexact; car il n'a fait dans tout ce second mémoire
qu'appliquer l'idée émise dans le rapport et définie plus
haut (p. 9) : que la formule du tétraèdre ne peut être
appliquée dans sa généralité qu'à la condition de remplacer
le coefficient de direction, propre à un sens dans lequel la
chaleur augmente, par le coefficient de direction propre au
sens diamétralement opposé; et je ne songerais certaine-
ment pas à me plaindre de ce qu'une remarque émise dans
( ii )
un rapport a pu être de quelque utilité à l'auteur d'un
mémoire, ni même à parler seulement de cela, si l'auteur
ne m'y obligeait en déclarant ainsi, tout au contraire, dans
un travail qu'il destine à la publicité, que mes observations,
les mêmes qu'il suit à la lettre, n'étaient pas fonées.
M. Ronkar déclare donc que, n'ayant pu se rallier à la
manière de voir du rapport, il a été ainsi amené à exa-
miner de plus près l'ouvrage de Lamé et à découvrir (ce
que le rapport disait tout au long) que l'origine de l'erreur
commise consiste en ce que, sans s'en douter, on a intro-
duit implicitement l'égalité symétrique de la conductibilité
dans les formules; et qu'il n'y a donc rien d'étonnant à ce
qu'il l'ait retrouvée par l'application de la formule du
tétraèdre.
Non ; il n'y a évidemment rien d'étonnant à retrouver,
au bout d'une série de formules, ce qu'on a commencé par
y mettre, et c'est précisément ce que le rapport avait
reproché à M. Ronkar. Mais ce qui étonne, c'est d'entendre
M. Ronkar, après avoir ainsi, sans s'en douter, commis la
faute dont il s'agit, annoncer comme une découverte que
Lamé, sans s'en douter, l'a commise également. Où en
sommes-nous, et à quoi l'honorable auteur prétend-il con-
traindre notre approbation si, en outre des fautes qu'il
croit découvrir chez Lamé, il rend encore Lamé respon-
sable des fautes que lui-même a commises? On admettrait
que le développement des calculs de Lamé est incomplet,
que même son analyse doit être rectifiée, tout au moins
ne pourrait-on pas lui enlever le mérite d'avoir prévu les
objections et donné lui-même tous les éléments qui peu-
vent servir à y répondre; tandis que l'honorable auteur
du mémoire actuel, après avoir réellement commis, d'Uhe
manière complète et effective, la faute qu'il reproche main-
( is)
tenant à ce géomètre, ne s'est pas même réservé le mérite
(le se rendre compte par lui-même de la cause de son
erreur, ne l'a pas même aperçue dans le livre qu'il critique,
livre qui, lu plus attentivement, la lui eût cependant
indiquée.
Il est impossible de ne pas l'aire observer que, dans ces
conditions et sous cette l'orme, l'auteur du mémoire s'est
enlevé de lui-même tout droit à voir ratifier, par ceux dont
il demande la critique, le reproche qu'il adresse à l'auteur
de la théorie de la chaleur. Et cela est d'autant moins
admissible que ce reproche n'est pas absolument fondé,
pris en lui-même; car il serait singulièrement léger, en pré-
sence des restrictions indiquées par Lamé et qui résolvent
la diffîcullé, de dire d'une manière absolue qu'il a sans
s'en douter introduit dans ses formules ce qui devait les
détruire. S'il est très vrai que l'honorable auteur du
mémoire que j'analyse s'est mépris de cette manière
absolue, pour Lamé, on peut tout au moins accorder à
cet illustre géomètre qu'il s'est douté de quelque chose.
Comme je l'ai dit plus haut, en en donnant les raisons
(p. 10), c'est le court Avant-propos du mémoire de M. Ron-
kar qu'il importait avant tout d'examiner avec soin. Le
mémoire proprement dit peut dès lors se résumer rapi-
dement. C'est l'application de deux des idées qui avaient
été indiquées dans le rapport, savoir :
1° La prise en considération de la surface de niveau
thermique;
2" La nécessité de ne considérer, pour conserver dans sa
généralité la formule du tétraèdre, que les coefficients des
directions dans lesquelles la température diminue. Alors,
comme cela avait été indiqué, on peut appliquer la for-
mule du tétraèdre.
( «6 )
Cette partie est convenablement traitée dans le mémoire.
Il y a pourtant des réserves : l'auteur devrait s'expliquer
mieux quand il conclut que la formule du tétraèdre s'ap-
plique dès lors à toute facette, que sa normale fasse un
angle obtus ou un angle aigu avec la normale à la surface
isotherme, menée dans le sens de la décroissance de tem-
pérature. Au point de vue de la réalité physique, ce serait
de nouveau une illusion, fondée sur ce qu'on oublierait en
parlant ainsi qu'on n'a fait usage que des coefficients de
direction relatifs à des directions faisant un angle aigu avec
la normale isotbermique. Ainsi, par exemple, si la surface
isotherme est le plan des | rjz |, la température diminuant
en marchant dans le sens + x, comme, pour la facette qui
regarde vers les — a-, on emploie les mêmes coefficients de
conductibilité que pour celle qui regarde vers les +- x, cela
revient à dire que la formule du tétraèdre ne concerne en
réalité, dans la théorie de Lamé, que les facettes définies
par les normales qui font au plus 90° avec les + x. Il y
aurait des observations analogues à faire quant à la géné-
ralité avec laquelle M. Ronkar écrit, en terminant, les for-
mules de l'ellipsoïde des conductibilités. Le rapport con-
tenait à cet égard des observations auxquelles il n'a pas été
répondu. Mais il est inutile, pour les conclusions du rapport
actuel, que nous l'allongions inutilement par la discussion
de celte dernière question. 11 ne nous reste qu'à résumer
tout le débat en quelques mots.
IV. 1° Dans son premier mémoire, M. Ronkar prétend
démontrer qu'il y a incompatibilité entre l'idée de l'inégale
conductibilité diamétrale et les notions habituelles de
l'échange de chaleur. Or, on lui accorderait la transfor-
mation des termes a lois élémentaires de l'échange calo-
rifique » en ceux de a notions admises pour les flux de
(17)
chaleur » que ce serait toujours une erreur, comme le
prouverait à lui seul le second mémoire, où il établit le
contraire. M. Ronkar prétend cependant maintenir ce pre-
mier mémoire qu'il présente comme la première partie
d'un mémoire total dont le mémoire actuel serait la
seconde. Cela est inadmissible, puisque, leurs résultats
étant contradictoires, il faut nécessairement que l'un des
deux soit faux.
2° L'Avant-propos du second mémoire (deuxième partie
Ju mémoire total) rend compte d'une manière tout à fait
inexacte et de la substance du premier et de la véritable
position de la question. Cet 4 mn /-propos est dès lors éga-
lement inadmissible.
5° Enfin, dans le corps du second mémoire, si M. Ronkar
fait un pas dans l'élucidation du problème, en appliquant
les idées du rapport, il y a des restrictions formelles à lui
voir faire quant au sens dans lequel il comprend de nou-
veau l'application de la formule du tétraèdre et la formule
de l'ellipsoïde des conductibilités. L'auteur doit clairement
s'expliquer là-dessus, et refondre, en la complétant et en
la séparant du reste, cette partie de son travail.
Pour ces raisons, je ne puis proposer à la Classe l'im-
pression ni de la première partie (premier mémoire), ni de
rAvant-propos,ni même celle des calculs proprement dits
du second mémoire, qui doivent être refondus et présentés
isolément, et je me vois forcé de lui demander le dépôt aux
archives des manuscrits de l'auteur. »
M. De Tilly s'étant rallié aux conclusions de M. Lagrange,
la Classe les adopte et décide l'impression au Bulletin du
rapport des commissaires.
3"' SÉRIE, TOME XXVI. 2
(18)
Sur les sphères bi tangentes à une surface du second degré;
par Cl. Servais.
nappoft (fe JV. C. Ce M*aige, pfetitief conttnisaairv*
« Considérons Téquation
fx,-a,f + (x,-«,)*-4-x|— p* — A(x,— «;f— B(Xî-a;)^=0. (t)
Si nous écrivons
2 = (X, — a,)' -♦- (Xî — a.,)' -+- x| — p',
celte équation peut s'écrire
2, = 2 -[V/Â(.r, -«;) -4- îl/B(a:j - ai)] \\/I{x^ -«,') - iI/B(xj - «;)] = 0. (ïJ)
Sous celle forme, on voit que les plans représentés
par
c, = i/Â(x, — «;) -+- iVb(x2 — «î) = 0,
C72 = V/'Â(x, — a;) — tl/B(x2 — a;) = 0,
déterminent des sections circulaires communes à la sphère
2 et à la surface s,.
Soit maintenant
2. = 7 + fV^-l=0 .... (3)
tj lî tj
l'équation de la quadrique.
( 19)
Pour identifier les équations (1) el (3), nous devons
poser
a, = AotJ,
«î = B^,
-;7
— - ^ —
-h h
±
Il résulte immédiatement de là que si ai, a^, 0 sont les
coordonnées du centre S de la sphère 2, la droite qui
joint les points de contact de 2 et ^ est la conjuguée,
par rapport à s,, de la polaire de S par rapport à la
conique focale
Si M est un point de la surface, M,, M^ les projections de
M sur îzTi, OT,, on a, en vertu de (1) et en supposant A et B
désignes contraires,
MM, . MM,
la constante étant indépendante de a,, a,.
Nous obtenons ainsi le théorème de Salmon, généra-
lisé par M. Servais.
Reprenons maintenant l'équation de z^, et supposons,
pour plus de simplicité, que cette surface soit l'ellipsoïde
représenté par
x\ x\ x\
(20 )
Nous aurons, dans ce cas, en conservant les notations
précédentes,
MS" - p' = — -^ (x, - a[f -t- —^ {x, - «;)\
Or, si par le point arj, X2, x^ de la surface 2,, nous
menons un plan parallèle à l'une des sections circulaires
passant par l'axe moyen, ce plan a pour équation
En y faisant Xj==a;, il vaut
Nous avons ainsi les coordonnées aï, a;, X3 du point où
le plan dont il vient d'être question rencontre la corde de
contact de 2, Zj.
SoitR ce point; on a
mr' = (x, — «;)- -H (X2 — a;)" -+- {X, — x,f
[ c^ (a^ ^ 62V j
6'
ï' — c
A[Ms^-fl-
D'où
(21 )
généralisation du théorème du Mac Culiagh donnée éga-
lement par M. Servais. Nous ne suivrons pas l'auteur dans
les applications qu'il a faites des théorèmes généralisés de
Salmon et de Mac Cullagh à la génération des quadriques
d'après Jacobi.
L'analyse précédente montre qu'en suivant pas à pas la
méthode connue, employée dans la recherche des foyers
des quadriques, on retrouve aisément les résultats donnés
par M. Servais.
La voie était ouverte, dans cette direction, par la géné-
ralisation du théorème de Salmon.
M. Servais a fait un élégant usage de la méthode géo-
métrique; il est ainsi parvenu, d'une manière simple, à des
théorèmes connus ou à des généralisations intéressantes de
propriétés connues. Je pense donc que sa note nouvelle
sera accueillie favorablement, et je propose à la Classe
d'en ordonner l'impression dans le Bulletin ainsi que des
deux figures qui l'accompagnent. »
iSappot't de WM. Xettherg, secoi*d conttniêsaifo.
« On peut généraliser la théorie des foyers des quadri-
ques en cherchant les sphères bitangentes à une telle
surface. Mon savant confrère, dans son rapport, indique
les calculs qui conduisent à la généralisation des théorèmes
de Mac-Cullagh et de Salmon. M. Servais expose une
méthode géométrique qui exige la connaissance préalable
des propriétés des coniques focales.
Une partie importante de la Note est consacrée au mode
de génération des quadriques que Jacobi a déduit du
théorème d'Ivory, comme étant l'analogue de la propriété
(22)
de l'ellipse ou de l'hyperbole, consistant en ce que la
somme ou la différence des rayons vecteurs de tout point
de la courbe est constante. M. Servais établit cette généra-
lion au moyen des propriétés des sphères bitangentes et
signale les modiûcations que subit le théorème de Jacobi
d'après le choix du triangle fondamental.
Je pense, comme l'honorable premier commissaire, que
la Note sur les sphères bitangentes présente un intérêt
suffisant pour paraître dans les Bulletins de l'Académie. »
La Classe adopte la proposition de ses commissaires.
Sur le fluorchlorbrommélhane ; par F. Swarts.
Happot't rfe m, IF. Spt'iitg, pÊ'etniBf cotninigaaif».
« M. F. Swarts, répétiteur à l'Université de Gand, a
entrepris l'étude de l'action d'un mélange de brome et de
trifluorure d'antimoine sur les dérivés halogènes des sub-
stances organiques. Dans une première note, insérée aux
Bulletins de l'Académie rotjale de Belgique, tome XXIV,
page 309, il a montré que le tétrachlorure de carbone fournit
un dérivé fluochloré du carbone et non un dérivé brome;
plus tard il a préparé le fluochloroforme : CHCl^p'I; sa
note figure au tome XXIV, page 459 de notre Bulletin.
Poursuivant son étude, l'auteur a soumis, à présent, le
chlorobibromméthane à l'action du même mélange en vue
de comparer l'affinité du brome avec celle du chlore pour
le carbone ou pour ranlimoine.
M. Swarts est arrivé à un composé répondant à la
formule CHCIFIBr : le fluorchlorbrommélhane.
Comme l'auteur le fait remarquer, c'esl le représentant
(25)
le plus simple des composés à carbone asymétrique; l'élude
de ses propriétés optiques promet l'observation de faits
d'autant plus intéressants que, selon la théorie générale-
ment admise aujourd'hui, la raison du pouvoir rotatoire se
trouverait dans l'asymétrie de composition des corps orga-
niques.
J'ai l'honneur de proposer à la Classe l'insertion de la
note de M. Swarts dans le BuUelin de cette séance. »
Happoft de JU, liouia Bent'y, aecotul co»tut*ig»aife,
FI
« Le fluo-chloro-brométhane CH < ci est le troisième
Br
des composés fluorés obtenus par M. F. Swarts dans le
cours de ses recherches.
Comme les précédents, le fluo-chlorure de carbone
FI FI
C < ^1 et le fluo-chlorolorme HC < qi , ce corps se fait
remarquer par une volatilité plus grande que celle de son
correspondant hydrogéné, le chloro-bromure de méthylène,
que j'ai fait connaître en 1885 (').
Différence.
H,C < ^|. Éb. 68»
FI
HC < Cl Éb. 98»
Br
— 30°
HjC — CI2 Éb Ai"
HC < [!] Éb. 1405
— 26-
HC — CI3 Éb. Gl»
G < ^1 Éb 24»
-57»
(') Comptes rendus, t Cl, p. 599.
(24)
Celle circonslance ajoute encore, selon moi, à l'inlérêt
que ce corps peul présenter sous d'autres rapports.
On voit de mieux en mieux que le remplacement de H
par FI dans la molécule du méthane, vis-à-vis des corps
halogènes, abaisse le point d'ébullition et constitue, fait
remarquable et en apparence anomal, une cause puissante
de volatilité pour la molécule totale.
Je me rallie à la conclusion du rapport de mon savant
confrère, M. W. Spring. >
La Classe décide l'impression au Bulletin de la note de
M. F. Swarts.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Revendication de priorité; par F. Folie, membre
de l'Académie.
On lit dans le discours prononcé à la séance d'ouver-
ture de la Société astronomique de France (') :
« On avait admis jusqu'ici, sur la foi des calculs d'Euler
qui n'ont jamais été contestés, que, si les latitudes terres-
tres présentaient une petite variation, elles devaient avoir
une période de 306 jours. Cette difficulté a été levée par
M. Newcomb, qui a fait remarquer que, si la théorie donne
(*) Discours de M. Tisserand, reproduit dans la Revue l'Astro-
nomie de C. Flammarion: mai 1893.
(23)
306 jours, elle suppose que la Terre est absolument rigide,
tandis qu'en fait la fluidité de la Terre et son élasticité
doivent jouer un rôle important. »
Il nous sera permis de faire remarquer que, dès 1890,
nous avons, non seulement expliqué par la fluidité inté-
rieure de la Terre la modification dans la période admise,
mais affirmé le premier que cette période de 306 jours ne
pourrait pas être vérifiée par l'observation, et indiqué
une période de 337 jours comme y répondant beaucoup
mieux.
Voici un extrait de notre note sur ce point :
« La concordance étonnante de ces résultats entre eux,
et, quant à la constante numérique, avec ceux de Peters et
de Downing, m'a inspiré une confiance assez grande dans
leur valeur, pour que j'y voie une confirmation des doutes
théoriques, que j'avais depuis longtemps, sur l'exactitude
de la période de 305 jours attribuée par les astronomes
aux variations de la latitude (*).
» Voici la raison de ces doutes :
» La période de 305 jours se tire de la valeur assignée au
rapport ^-y^; pour une Terre solide, ce rapport est
bien certainement compris entre 0,00325 et 0,00327.
j> Mais pour moi, ce n'est pas de la Terre solide qu'il
s'agit dans des mouvements qui ne sont pas à très longue
période, mais de son écorce, et, probablement, d'une partie
fictivement entraînée du noyau, suivant la théorie de
M. Ronkar.
9 J'estime donc que ce rapport *^^ ne peut être
(*) /annuaire de l'Observatoire de Bruxelles pour 1890, p. 299.
(26 )
délerminé, pour chaque cas particulier, que par l'observa-
tion.
» C'est ce que j'ai tenté de faire, et le résultat a répondu,
et au delà, à mes espérances
Nul astronome ne niera, en
présence de ces résultats, quels que soient, du reste, ses
préjugés en faveur de la période décimensuelle, que la
mienne ne réponde, avec une précision inespérée, aux
observations.
» A la période décimensuelle, il faut donc substituer ma
période de 336,7 jours moyens; en d'autres termes, à la
valeur 0,00327 du rapport -^ calculé par les astro-
nomes pour la Terre entière, il faut substituer celle de
0,00296, qui se déduit de ma période.
5 La différence est sensible, on le voit.
» J'engage vivement les adversaires de la nutalion
diurne à y réfléchir, et à lâcher d'expliquer autrement que
je Tai fait, c'est-à-dire par une hypothèse autre que la
mienne sur la constitution du globe, cette différence entre
la valeur de — ^, calculée pour une Terre solide, et
celle que j'ai tirée, sans qu'il soit possible de la contester,
de toutes les observations relatives au sujet que je viens de
traiter. »
Nous avons répété cette affirmation dans la note que
nous adressions en 1891 à la rédaction du Biillelin astro-
nomique, en réponse à une note de M, Tisserand :
4 Quant à l'impossibilité d'admettre encore l'hypothèse
de la solidité intérieure du globe, elle est bien démontrée
aujourd'hui par ce fait que, de toutes les déterminations
(le l'angle p effectuées par Peters, Nyrén, Downing et moi-
même, il résulte, pour les variations de la latitude astro-
(27 )
nomique, une période de 536,7 jours, au lieu de celle de
505 jours que les astronomes onl calculée dans l'hypothèse
de cette solidité intérieure, et qui, dans cette même hypo-
thèse, peut être considérée comme exacte à un ou deux
jours près d {*).
On a pu lire aussi dans notre Discours sur les préjugés
en aslronomie :
« Dans le cours de mes recherches sur ce sujet, je crois
être le premier qui ait rais en doute la période de 50o jours
assignée très exactement, dans l'hypothèse d'une Terre
solide, au mouvement du pôle instantané autour du pôle
géographique, et universellement admise par les astro-
nomes, malgré l'impossibilité où ils étaient de mettre
d'accord entre elles les positions trouvées pour cet axe, à
différentes époques, par Peters,qui l'a déterminé le premier,
par Nyrén et par Downing » {**).
Enfin, je suis revenu à maintes reprises sur ce sujet
important dans les notices qui font suite à V Annuaire de
VObservaloire royal de 1890 à 1892.
Il résulte de ce qui précède, non seulement que noire
explication a devancé celle de Newcomb de deux ans, mais
que, alors que tous les astronomes croyaient encore à la
période de 505 jours dans le mouvement de l'axe terres-
tre autour du pôle géographique, nous avons affirmé que
celte période devait être plus longue; parce que, persuadé
que nous sommes de l'existence de la nutation diurne, et,
par suite, de la fluidité superficielle intérieure de la Terre,
(•) Hull. de l'Acad. roy. de Belgique, t. XXIII, n» 2, 1892.
(••) Ibid., l. XXIV, n» 12, 1892.
(28)
l'axe en question n'est pas pour nous celui de la Terre
entière, mais celui de son écorce solide.
Et, pour le dire en passant, nous ne comprenons pas
bien que les astronomes qui admettent cette fluidité inté-
rieure déclarent a priori que la nutation diurne n'existe
pas.
Dans une prochaine communication, je prouverai qu'elle
existe, mais qu'elle est très faible ('/a dixième de seconde
d'arc environ), ce qui sera peut-être de nature à la faire
admettre plus aisément.
La période de la nutation eulérienne ou initiale, qu'on
supposait être de 305 jours, est encore loin d'être connue.
Après avoir pensé qu'elle était de 537 jours, à cause de
l'accord remarquable qu'ofl'raient, dans cette hypothèse, les
différentes déterminations faites par Peters, Nyrén, Dow-
ning et moi-même, j'ai trouvé qu'elle devait être plus
longue encore; MM. Chandier et Nyrén vont jusqu'à
admettre qu'elle est de 425 jours environ. Je reviendrai
prochainement sur ce point.
Mais je tiens à répéter ici ce que je disais déjà dans
V Annuaire de l'Observatoire royal pour 1892, page 267,
c'est que le second terme de la nutation initiale, dont
aucun astronome n'a jamais tenu compte parce qu'il a
B — A pour facteur, n'est probablement pas négligeable,
parce que B — A ne l'est pas pour l'écorce solide du globe.
La détermination de ce second terme sera fort mal-
aisée, parce que les constantes de la nutation initiale qui,
si on la réduit au premier terme, sont au nombre de deux,
s'élèvent à quatre si l'on ajoute le second terme, et ne peu-
vent pas se déterminer au moyen d'une. seule série d'ob-
servations.
(29)
Incidemment, il n'est peut-être pas inutile que je rap-
pelle que j'ai, le premier aussi, fait voir qu'on peut déter-
miner la nutation initiale, dégagée de toutes les erreurs de
réduction, en prenant la demi-somme des latitudes déduites
de deux passages consécutifs, ou à peu près, l'un supérieur,
l'autre inférieur, d'une circompolaire, et que j'ai appliqué
ce procédé aux observations de Peters (*).
M. Chandier vient de le faire également dans son travail
On Ihe constant of aberration (**).
Il emploie, pour exprimer ce que les astronomes appel-
lent la variation des latitudes, une formule empirique qui
renferme un terme annuel très considérable.
J'ai fait usage des mêmes observations, en en éliminant
deux qui doivent être rejetées comme absolument défec-
tueuses, et j'y ai simplement appliqué la nutation initiale,
avec une période de 398 jours.
Dans ces conditions, la somme des carrés des résidus
de Peters est 26,77;
de Chandier 18,8;
des miens 15,8.
Peut-être trouverais-je encore un meilleur résultat en
appliquant une période plus longue; j'attendrai toutefois
que j'aie déterminé celle-ci au moyen de la grande série
des observations de Poulkova, que M. Nyrén vient de
résumer dans son travail sur la hauteur du pôle de cet
observatoire.
{') Annuaire pour 1890, p. 501.
(**) AstronomicalJournal, 50 mars 1895.
(30)
Mais le résullatque je viens d'établir me confirme dans
l'opinion que ce qu'on appelle variations de latitude^ n'est
pas autre chose que le résultat de la négligence de la nuta-
tion initiale dans la réduction des observations; en d'autres
termes, qu'à la variation des latitudes astronomiques on
peut opposer avec confiance, jusqu'à présent, l'invariabilité
du pôle géographique.
Sur une photographie représentant des effets de dédouble-
ment analogues à la gémination des canaux de Mars,
obtenus par le procédé de M. Stanislas Meunier, profes-
seur au Muséum d'histoire naturelle de Paris; par
F. Terby, membre de l'Académie.
J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de mes savants
confrères une photographie que M. Stanislas Meunier a
bien voulu m'envoyer, pour l'offrir en hommage à l'Aca-
démie; on y reconnaîtra sans peine, dans leurs grandes
lignes, les principales configurations de la planète Mars,
avec un système de canaux géminés très conforme à la
réalité. L'Académie se rappellera sans doute que, dans
une de nos séances précédentes, j'ai appelé son attention
sur le procédé expérimental à l'aide duquel le savant pro-
fesseur de géologie du Muséum de Paris était parvenu à
obtenir ces effets remarquables, et qu'il venait alors de
communiquer à l'Institut de France (1). «r Je dessine,
(t) Comptes rendus de V Académie des scietines de Paris, 31 octobre
et 21 novembre t892.
( 31 )
» m'écrivait alors l'auteur, à l'aide d'un vernis noir sur
» une surface métallique polie, une série de traits et de
» taches représentant plus ou moins exactement la carte
» de Mars, et je fais tomber sur elle un rayon de soleil ou
» de toute autre source lumineuse. Je place alors à
» quelques millimètres devant la surface métallique et
ï parallèlement à elle une fine mousseline bien transpa-
» rente, tendue sur un cadre, et je vois aussitôt toutes les
» lignes et toutes les taches se dédoubler, se géminer, par
» suite de l'apparition, à côté de chacune d'elles, de son
i> ombre dessinée sur la mousseline par la lumière que le
» métal a réfléchie, d
La mousseline serait représentée, à la surface de Mars,
par une sorte de nappe brumeuse transparente, douée
d'une opalescence convenable et située à une hauteur
déterminée; cette hauteur ne nous paraît pas pouvoir être
bien considérable; il nous semble, en effet, qu'une distance
trop notable de la surface planétaire permettrait à la
lumière, diffusée par les régions brillantes, d'atteindre à
peu près également toute la superficie de cette enveloppe
nébuleuse. M. Meunier nous dit, en effet, dans une autre
lettre, que les ombres se dessinent dans l'atmosphère
nébuleuse à toutes les hauteurs, mais d'autant plus noires
qu'elles sont plus près du sol et, naturellement, d'autant
plus écartées de l'objet qui les produit qu'elles sont plus
haut.
Une objection de fait que l'on pourrait opposer à l'ex-
plication de M. Meunier est que, dans sa photographie,
toutes les taches sont dédoublées, et non seulement les
canaux ; mais d'abord le phénomène de la gémination sur
Mars ne s'est pas borné tout à fait exclusivement aux
(32)
canaux : certains lacs ont été dédoublés, et même, en 1890,
le Sinus Sabœus, l'une des taches les plus visibles de la
planète, connue anciennement sous le nom de Détroit
d'HerschellI, a été vu double par M. Schiaparelli (1).
Dans la photographie de l'auteur, le dédoublement des
grandes taches ne se manifeste d'ailleurs que par la pré-
sence, autour de celles-ci, d'une bordure de nuance plus
faible, qui pourrait avoir échappé aux observations, et
dont on trouverait peut-être des traces en dirigeant suffi-
samment l'attention sur ce point. Ce dédoublement,
dans l'expérience de M. Meunier, a pour effet aussi de
superposer souvent à une tache, vue directement sur la
plaque, l'ombre d'une région voisine, vue sur la mousse-
line; il se produit alors, en ces points, des renforcements
d'ombre, et l'on voit dans les taches noires des dégrada-
tions de teinte tout à fait analogues à celles que l'on
observe sur la planète Mars, des effets semblables à ceux
que produisent les terres submergées, dont la région de
Deucalion est le type le plus frappant.
L'un des faits les plus curieux que présente la carte de
Mars consiste dans la présence de canaux qui, traversant
des régions sombres, restent néanmoins distincts dans
celles-ci; ce fait, dans l'hypothèse que les régions sombres
et les canaux seraient dus à l'élément liquide de la sur-
face, ne peut manquer de paraître étrange. Or, nous
le voyons réalisé très simplement dans la photographie
de M. Meunier; il sufût pour le produire que l'ombre
d'une surface sombre, vue sur la mousseline, se projette
(1) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, ô" sér., t. XX, n° 7, 1890.
(53)
au-devant d'un canal observé direclemenl sur la surface
éclairée.
Nous ne voudrions poinl que l'on supposât que nous
considérons la question comme résolue, mais nous pen-
sons que la remarquable expérience de M. Stanislas Meu-
nier mérite d'attirer l'attention des aréographes, au point
de décider ceux-ci à en tenir compte le plus efficacement
possible dans leurs observations futures.
Un mot sur le Squale Pèlerin; par P.-J. Van Beneden,
membre de l'Académie.
Il y a peu d'animaux qui, dans ces derniers temps, aient
attiré l'attention comme le Squale Pèlerin (Selache
raaxima); il a la taille des petites Baleines, il a des fanons
comme elles, et leur présence est signalée sur les côtes
du Groenland et de Norvège, comme sur les côtes de nos
antipodes.
Son nom français vient des replis de la peau, qui
forment les fentes branchiales, et qu'on a comparés aux
collets superposés des pèlerins.
Il y a peu de temps, M. Cheeseman, curateur du Musée
d'Auckland (Nouvelle-Zélande), m'envoyait des dents d'un
Squale Pèlerin de 34 pieds de longueur, échoué à l'em-
bouchure de la Wade River, non loin de Devonporl, et
me priait de vouloir bien les comparer aux dents de ceux
qui vivent dans notre hémisphère, qui est censée être leur
région propre.
Nous avons fait cette comparaison; nous avons fail
3""' SÉRIE, TOME XXVI. 3
( 34 )
polir quelques dents pour comparer leur structure intime,
et nous avons trouvé le même résultat que notre savant
confrère de l'Université d'Edimbourg, Sir Turner, qui
avait reçu également des dents et des Canons d'un Squale
Pèlerin de Terre-Neuve.
Nous connaissons maintenant plusieurs exemples d'in-
dividus de grande taille de cette même espèce, qui sont
venus se perdre sur les côtes d'Australie; nous connais-
sons un certain nombre d'individus capturés dans notre
hémisphère, depuis les côtes d'Islande jusqu'au golfe de
Gascogne, les côtes du Portugal et des Élat.«-Unis d'Amé-
rique, et nous sommes en droit de dire : le Squale Pèlerin,
c'est-à-dire la Basking-Shark ou le Bone-Shark, est une
espèce cosmopolite, contrairement à l'opinion exprimée
dans les ouvrages les plus autorisés.
Et à ce sujet, nous ajouterons qu'il y a plusieurs autres
exemples d'espèces cosmopolites ou orbicoles, au moins
parmi les animaux aquatiques, et cette ubiquité est pour
nous un signe de leur archaïsme.
Quand Cuvier faisait remarquer qu'il ne trouvait pas de
diflérence entre le Cachalot, qu'il vînt du nord ou qu'il
vînt du sud, on n'était pas encore en droit de dire que
le Cachalot est une espèce orbicole, qui se capture dans
l'Atlantique comme dans le Pacifique, et qui se perd, le
mâle du moins, tantôt sur les côtes du Groenland, tantôt
dans l'Océan australien.
Aujourd'hui on peut dire que ce Cétacé comme bien
d'autres espèces de cet ordre sont orbicoles.
Le Grindewall [Globicephalus mêlas), espèce qui visite
les Féroé avec autant de régularité que les Grives et les
Bécasses visitent nos régions tempérées, habile si bien la
mer de nos antipodes, qu'un squelette, que nous avons reçu
( 38)
direclement de la Nouvelle-Zélande, est absolument sem-
blable, pour la taille comme pour les autres caractères, à
celui des Grindewall de nos côtes.
Parmi les Cétacés, nous pouvons citer encore comme
espèce orbicole, le Dauphin ordinaire, le Delphimts delphis,
que l'on a pu croire propre à la Méditerranée. Le British
Muséum a reçu un squelette de cette espèce qui n'est pas
à distinguer de celui de nos mers.
Parmi les Reptiles même, nous avons cité dernièrement
les Sphargis, qui ne sont pas cependant des nageurs par
excellence.
Nous pourrions signaler également plusieurs Squales
qui habitent tout aussi bien le pôle arctique que le pôle
antarctique.
Et parmi les Mollusques nous pourrions sans doute
citer également les Céphalopodes gigantesques dont on
annonce de temps en temps la capture.
Le Squale Pèlerin se distingue non seulement par sa
grande taille, mais également par des mœurs qui léloi-
gnenl de tous les autres Squales; au lieu de v.'vre comme
eux à toutes les profondeurs et d'être la terreur des
grands et des petits, il ne poursuit que les animaux
de petite taille, Méduses, Vers, Polypes, qu'il trouve suffi-
samment près de la surface. On ne voit jamais le Pèlerin
dans les grandes profondeurs, disent les pêcheurs; comme
rOrque, il montre sa nageoire dorsale hors de l'eau, et
on le reconnaît à dislance.
Ce Poisson est, relativement aux autres Plagiostomes,
ce que sont les Baleines à côté des Cétacés à dents. Ils ne
se nourrissent, les uns et les autres, que de Mollusques,
de Vers et de Polypes. C'est à cause de ce régime, qui leur
(36)
est commun, qu'ils ont des organes semblables à des
fanons servant de tamis pour séparer le butin.
Leur structure indique que ce sont plutôt des dents que
des fanons véritables. On pourrait leur donner le nom
de Fanoncule, pour rappeler leur usage.
Comme ils avalent souvent les plantes marines en même
temps que les Mollusques et les Vers qui les recouvrent,
on leur a attribué à tort, comme aux Morses, parmi les
Pinnigrades, le régime herbivore.
Cesfanons,connusdel'ÉvéqiiedeTrondhjem,Gunner(l),
et de Pennant (2) au siècle dernier, de Brilo Capello (3) et de
Alleman (4) dans le courant de celui-ci, étaient méconnus
par les cétologisles les plus connus (5), puis furent déflniti-
vement déterminés après les travaux de Hannover (6) sur
leur structure et la découverte de leur présence dans le
sable pliocène des environs d'Anvers (7), et en Italie, à
Orciano, Vollerra et Siena (8).
(1) TnotiDi. , Selsk. Skrift, IH, 1765.
(2) British Zooloyy, Vol. Ht, 1769.
(3) Jornal de sciencias mathernat. phys. e naturales, n» 7, \ 869.
(4) Nature, August 31, 1876.
(8) Le 23 octobre 1862, Eschricht m'écrivait :
o Eh bien! avez-vous examiné le petit échantillon de mon morceau
mystérieux ? M. Sleenstrup vient de me dire que, lui aussi, il a trouvé
une pièce semblable dans l'ancien Musée de Copenhague, et qu'en
vain il a consulté un grand nombre d'anatomistes européens là-
dessus. »
(6) Dansk, Vid. Selsk. Oversigt, 1867.
(7) Ballet. Acad. roy. Belgique, 1871.
(8) RoB. Lawlev, Resii foss. délia Selache Irovati a Ricava,
Pisa, 1879.
(57)
Sur la cause commune de la tension superficielle et de
l'évaporation des liquides; par G. Van (1er Mensbnigghe,
membre de TAcadémie.
i. On sait qu'en \erlu d'une propriété spéciale, la sur-
face d'un liquide tend à devenir aussi petite que le per-
mettent les conditions où se trouve placé ce liquide, tandis
que, par le fait de l'évaporation, des particules de la sur-
face extrême se séparent continûment de celle-ci pour se
répandre dans le milieu ambiant. Au premier abord, ces
deux effets, l'un de cohésion, l'autre de répulsion, parais-
sent tellement opposés que l'on comprend sans peine les
efforts des physiciens pour expliquer séparément les deux
genres de phénomènes. C'est là sans doute le motif pour
lequel on a tardé si longtemps à trouver la vraie cause soit
de l'une, soit de l'autre propriété pourtant bien caractéris-
tique des liquides : en les étudiant à part, on s'exposait
forcément à les attribuer à des causes tout à fait diffé-
rentes. Et cependant, au point de vue mécanique, la force
contractile paraît due à un développement d'élasticité par
traction, lequel détermine naturellement une tendance au
retrait de la couche superficielle; d'autre part, l'évapora-
tion semble provenir d'un excès d'écartement des molé-
cules, excès en vertu duquel la limite d'élasticité de trac-
tion est dépassée.
Avant de préciser davantage, je crois remplir un devoir
en faisant connaître, aussi exactement que je le puis, les
résultats déjà obtenus dans la voie tracée plus haut, afin
d'attribuer à qui de droit une part légitime dans la
(38)
recherche de la théorie unique des deux propriétés en
question.
2. En 1843 (*), Mossotti a essayé de remplacer la théorie
capillaire de Young par des notions plus claires et plus
complètes, notions tirées des principes généraux de la
constitution des liquides. Pour plus d'exactitude, je n'hé-
site pas à reproduire aussi fidèlement que possible en
français les raisonnements du physicien italien.
« Imaginons un plan à travers le liquide, et sur ce plan
» un petit prisme liquide perpendiculaire au même plan
» et d'une hauteur égale au rayon d'activité de l'attraction
» moléculaire; si le liquide n'est soumis à aucune pression
» extérieure, les molécules du prisme se trouvent à une
» distance telle que la somme des répulsions des particules
» au delà du plan sur celles du prisme respectivement plus
» voisines, soit précisément égale à la somme des attrac-
D tions des mêmes molécules du fluide au delà du plan
» sur celles du prisme respectivement plus lointaines. Il
» arrive ainsi que le petit prisme n'a aucune tendance à
» pénétrer dans le plan ni à s'en écarter, et que partout
» le liquide est en équilibre et sans pression. C'est ce qui
» est vrai pour toute partie du liquide située à une dis-
» tance de la surface plus grande que celle oîi s'étend
» l'action moléculaire. Mais si nous imaginons le plan
f> sécant conduit parallèlement à la surface fluide, sup-
» posée maintenant horizontale et indéfinie, à une profon-
» deur moindre que le rayon de l'action moléculaire, et
» que nous considérions le petit prisme élevé perpendi-
(*) Le zioin élément uri di flsica matcmatiche, l. I, p. 150; Firenze,
1843.
(39)
j> culairemenl à ce plan vers la surface libre, ce prisme
» élanl trop court, n'offrira plus un nombre sutïisanl de
» molécules lointaines pour équilibrer l'action répulsive
» (les plus voisines; il existera donc un excès de répul-
» sion de l'intérieur du liquide sur ces molécules, el
» celles-ci devront être écartées entre elles. L'écarlement
» réciproque des molécules dans le voisinage du plan sera
» d'autant plus grand que le plan est supposé conduit près
» de la surface, de sorte qu'en allant vers celte surface,
» on rencontre un décroissement rapide de densité qui
» sera réglé par la loi en vertu de laquelle la répulsion du
» fluide au-dessous du plan sur les molécules de la portion
» du prisme qui reste encore avant d'arriver à la suiface
j> même, soit toujours contre-balancée par l'action altrac-
i> live des portions plus éloignées, où la pression se main-
» tient nulle pour tout plar».
» La profondeur de la coucbe où se fait cette diminn-
» tion de densité, sera extrêmement petite, car l'action
» moléculaire ne s'étend qu'à des dislances insensibles;
» mais nous pourrons, par la pensée, la diviser en tranches
» extrêmement minces, dans chacune desquelles la den-
» site pourra être considérée comme uniforme, et où les
» molécules pourront être regardées comme éqnidislantes
» entre elles.
» Tandis que, dans le voisinage de la surface, l'équi-
)> libre des molécules dans le sens vertical exige que le
D liquide aille en diminuant rapidement de densité, l'équi-
» libre dans le sens horizontal existera encore, bien que
» les molécules soient disposées avec une densité uniforme
» dans chaque branche, parce que chaque molécule se
» trouvera toujours au milieu d'un nombre d'actions hori-
» zonlales toutes égales, provenant des molécules qui les
( 40 ) '
» conlournent. Mais l'existence de l'équilibre individuel
• de ces molécules dépendant de leur répartition, n'enlraî-
» nera pas avec elle la condition que la traction dans le sens
» horizontal des diverses parties du liquide entre elles soit
» nulle. Dans les tranches superficielles, les molécules se
» trouvant à une distance mutuelle plus grande qu'elles
» ne se trouvent quand le liquide est à l'état naturel où, à
» l'intérieur de la masse, la pression est nulle, il s'ensuit,
■ d'après les principes de l'hydrostatique, que si, par un
» point quelconque de la surface, on conduit un plan ver-
» tical, un filet de molécules perpendiculaire à ce plan,
» situé dans une des tranches susdites et le long duquel
» s'étend l'action moléculaire, sera attiré vers le plan. Il
» existera donc en chaque point, à la surface du liquide,
B une traction réciproque entre les parties, traction d'où
» naîtra comme une force contractile superficielle, force
» que Segner, Monge et Young ont bien prévue, mais dont
» il ne leur était pas facile de déterminer la cause. »
5. Telles sont les idées théoriques émises dès 1845 par
Mossotti; il me paraît incontestable qu'elles auraient fait
plus tôt leur chemin dans le monde scientifique, si elles
avaient été plus claires et plus rigoureuses; ainsi, par
exemple, la considération du petit prisme de hauteur égale
au rayon d'activité de l'attraction moléculaire, embarrasse le
lecteur, qui, ne comprenant pas bien les prémisses du rai-
sonnement, se met nalurellement en garde contre la con-
clusion. D'autre part, comn.ent admettre un écariement
moléculaire dans un sens, sans en déduire immédiatement
un autre de même degré dans les autres sens? Enfin, n'est-
il pas étonnant qu'a|)rès avoir conclu à l'existence de la
force contractile en vertu des décroissements progressifs
de densité jusqu'à la surface libre du liquide, Tauleur ne
( 41 )
dise rien en ce qui concerne la séparation possible des
particules extrêmes du liquide, c'est-à-dire l'évaporalion ?
Et pourtant la conclusion semble évidente.
4. Signalons actuellement un travail dû à un jeune
docteur de l'Université de Helsingfors, M. E. Mellberg;
voici la traduction textuelle de quelques passages de sa
thèse académique (*) :
« Représentons par la ligne AB (fig. 1) un niveau hori-
» zontal, par a une molécule, par b la sphère de répul-
» sion appartenant à a, par c la sphère d'attraction ; ainsi
» chaque molécule doit se trouver, relativement à la sur-
» lace du liquide, dans l'une des positions indiquées dans
» la figure, c'est-à-dire qu'une molécule doit ou bien se
» trouver à une distance de la surface du liquide égale ou
» supérieure au rayon de la sphère d'attraction, ou la dis-
» tance en question peut être moindre que le rayon d'at-
» traction, mais supérieure au rayon de répulsion, ou bien
» moindre que les deux rayons, ou enfin la molécule peut
» se trouver au niveau même.
■ Dans le premier cas, les répulsions et les attractions
(*) Om Ytspànningen hos làtskor, Helsingfors, 1871 j voir pp. 4 et
suivantes.
(42 )
' sont les mêmes autour des molécules, et celles-ci doivent
> être dans un état d'équilibre que la moindre force peut
- rompre, pour autant qu'il ne s'agisse pas de séparer les
• molécules du reste de la masse; car le lien qui attache la
> molécule à celles qui l'avoisinent se montre très fort.
» Si les molécules se trouvent comme dans les figures I
> et II, elles ne sont plus attirées également dans toutes les
• direclions: vers le haut manque notamment le segment
• DcE de la sphère d'attraction, et le segment FHG,qui est
» de même grandeur que DcE, exerce sur a une traction
• verticale dirigée vers le bas. I.es attractions ne sont plus
» les mêmes dans toutes les directions, mais la condition
B d'équilibre dans la direction verticale est rompue, et
» c'est celte circonstance qui est la cause des tensions
» dans les liquides.
» Si l'on imagine notamment des cônes construits sur
.) les bases des segments sphériques DcE, FGH, et ayant
» leur sommet en a, et qu'on partage le solide DFaEG qui
j) reste encore de la sphère d'attraction \,attendu que les
» secteurs DcEa, FHGa ont été séparés de la même
» sphère), en deux moitiés par un plan perpendiculaire
» au niveau, on voit facilement : i" que l'action de toutes
» les molécules situées dans le cône DaE est annulée par
» celles des molécules du cône FaG ; pour ce motif, il
» reste les attractions entre a et le segment FHG, produi-
» sanl une force verticale dirigée vers le bas; 2" ensuite,
» que les deux moitiés de la figure stéréométrique DFaEG
» donnent deux résultantes égales, horizontales et direc-
» tement opposées. La force verticale provenant du seg-
» ment FHG doit donc mettre la molécule a en mouve-
» ment et la rapprocher de H. Ainsi se forme une
» compression de la couche de molécules voisines de la
(43 )
» surl'ace, laquelle couche doit donc, pour ce motif, être
p d'une densité plus forte que le reste du liquide; de
» même, si la molécule a va de la position II à la posi-
» tion m, la densité du liquide augmente, et avec elle la
t> force avec laquelle les deux moitiés du solide DFaEG
D attirent a dans la direction horizontale. Reste à faire voir
» comment la couche superficielle en question peut en
» même temps être douée de la force contractile qu'on
» lui attribue.
» Que chaque molécule à l'intérieur de la couche con-
i> sidérée est attirée également dans la direction horizon-
» taie, c'est ce qui a déjà été dit, et celte attraction est
» l'une des causes produisant l'extension; mais voici
B encore une autre cause agissante : par les compressions
B de la couche superficielle du liquide, lesquelles ont lieu
B seulement dans le sens vertical, la distance mutuelle
» des molécules change de telle manière qu'elles arrivent
B plus loin les unes des autres dans la direction horizon-
» laie que dans la verticale, et cette circonstance anor-
B maie sollicite les molécules à se rapprocher aussi dans
» le sens horizontal; voilà une raison de la tendance à se
B contracter, tendance constatée à la surface de chaque
» liquide. Tout se passe comme si l'on chargeait un corps
j élastique, par exemple un morceau de caoutchouc, d'un
» poids bien lourd : dès qu'on abandonne à lui-même le
B corps comprimant, le morceau de caoutchouc diminue
B en longueur et en largeur, et les plus petites portions
» montrent ainsi une tendance à se mouvoir dans tel ou
t> tel plan contenu dans les dimensions ci-dessus.
» Si la molécule est plus près de la surface que le rayon
B de la sphère de répulsion, alors une partie des forces
D répulsives vers le haut est perdue, et ainsi se produit.
( 44 )
» comme il est arrivé dans ce qui précède avec les forces
» attractives, un excès de force répulsive agissant d'en
» bas, et qui devient d'autant plus grand que la particule
B est plus près du niveau ; cette répulsion varie dans des
» proportions beaucoup plus fortes que les attractions, de
» sorte que, dans la couche inférieure, citée plus haut, il
» doit résulter maintenant une densité décroissante et une
» extension.
» A la surface même, les répulsions peuvent devenir,
B ou deviennent réellement dans la plupart des cas, plus
» fortes que les attractions, et cette circonstance est la
» cause du passage de la matière à l'état gazeux.
» Il suit de ce qui précède que, dans un liquide, on
» peut distinguer trois portions consécutives :
» 1° Une portion tout à fait superflcielle oii se forme
» de la vapeur et dans laquelle, par conséquent, les répul-
» sions l'emportent sur les attractions. L'épaisseur de
» cette couche est moindre que le rayon de la sphère de
B répulsion (ou bien lui est égale), et cette épaisseur est,
B précisément pour ce motif, d'une petitesse qui s'évanouit
B en proportion de l'épaisseur de la couche suivante.
B 2" Une couche dont la profondeur est au moins égale
B à la différence entre les rayons des sphères d'attraction
» et de répulsion. Cette couche, qui possède une force de
B contraction extrêmement prononcée, a, en outre, une
» densité et une cohésion plus fortes que le restedu liquide;
B mais la densité et la cohésion diminuent aussi bien vers
B le haut, contre la couche précédente, que vers le bas,
B contre la Iroisième portion.
B 3° Après les deux couches ci -dessus, vient la masse
B principale du liquide; quand la quantité de liquide n'est
B pas trop grande, on peut, sans erreur sensible, regarder
B cette masse comme ayant partout la même densité.
( ^5 )
» Une question à laquelle on peut répondre aussitôt, est
i> celle (le savoir si des courbures ou des sinuosités appor-
» lent quelque changement dans Tinlensité de la tension,
» ou non. Sur ce point, Wiillner et Kunzek ont émis, dans
0 leurs traités de physique, des propositions conduisant à
» cette conséquence qu'une surface convexe exerce une
» tension plus grande, et une surface concave une len-
» sion plus faible. Tous les deux partent de l'hypothèse
» que cette forme courbe de la surface découpe dans la
» sphère d'attraction une portion lenticulaire enfermée
» dans deux surfaces courbes, de la même manière qu'une
» surface plane, on l'a vu plus haut, peut être regardée
» comme découpant dans la même sphère un segment
» sphérique. Cette hypothèse me paraît tout à fait inadmis-
» sible, car la sphère d'attraction a des dimensions telle-
» ment petites, que la portion du niveau tombant dans la
» sphère doit, sans erreur sensible, pouvoir être regardée
» comme plane : il faut qu'il en soit ainsi tout au moins
» avec les surfaces d'une courbure comme celles que l'on
» a ordinairement à observer. Les auteurs nommés ci-
» dessus expliquent, d'après leur hypothèse, la force
» agissant normalement contre la surface d'un fluide;
» mais l'existence d'une pareille force n'exige nullement
» l'hypothèse que la courbure exerce quelque influence
» sur la tension. »
5. L'extrait qui précède montre bien que l'auteur a
étudié en même temps l'évaporalion et la tension superfi-
cielle; mais son mode de raisonnement est-il admissible?
Se peut-il que le rayon d'activité de la répulsion soit
moindre que celui de l'attraction, alors que, dans les corps
gazeux, les forces répulsives agissent à des distances si
notables? Et puis, est-il exact de regarder la couche super-
flcielle d'un liquide comme composée de deux parties, l'une
(46)
OÙ la densité va en diminuant jusqu'à la surface, l'autre où
la densité et la cohésion sont plus fortes qu'au sein même
de la masse? Ce sont là des assertions qui, sans aucun
doute, ont empêché les physiciens de suivre l'auteur dans
la voie nouvelle qu'il s'était frayée.
Toutefois, je dois approuver pleinement les critiques
adressées par l'auteur aux physiciens, d'ailleurs fort distin-
gués, Wùllner et Kunzek; dans le grand traité de physique
du premier de ces auteurs, la tension superficielle se
trouve confondue avec la pression normale produite par
la tension. Pareille confusion doit avoir répandu et répand
encore en Allemagne de fausses idées sur les forces figura-
Irices des liquides soustraits à toute influence extérieure.
6. En 1884, M. Worthington (*)a publié un intéressant
mémoire ayant pour objet : i" de déduire de la considéra-
tion de l'équilibre intérieur des liquides <r le fait qu'à leur
» surface limite, il y a une variation rapide de densité, en
V vertu de laquelle les couches superficielles exercent soit
» une tension ou une pression sur une paroi solide qui
> les coupe transversalement; 2" de montrer nettement la
» manière dont l'énergie intrinsèque par unité de volume
t) des couches superficielles, dépasse ou non l'énergie intrin-
B sèque de l'unité de volume à l'intérieur du liquide. »
M. Worthington déclare que son travail repose essen-
tiellement sur les idées développées par Poisson dans son
chapitre sur la constitution des corps (**); il n'a sans doute
pas eu connaissance des recherches de Mossotti et de
Mellberg.
Pour prouver que les molécules d'un liquide près de la
surface sont dans la condition qui correspond physique-
(*) On Ihe surface forces in fluids (Phil. Mac, t. XVIII, p. 334).
(**) Nouvelle théorie de VacHon capillaire. Paris, 1851.
(47 )
ment à un état de tension, le physicien anglais imagine un
liquide non volatil et dont les particules, d'abord sans
attractions ni répulsions mutuelles, soient distribuées à des
distances égales entre elles, celles de la surface étant dans
un plan horizontal ; recourant alors à une méthode plus
rigoureuse que celles de Mossolli et Wellberg,il admet que
la sphère d'attraction renferme un très grand nombre de
molécules et divise, par la pensée, la couche superiicielle
d'épaisseur r (rayon d'activité) en n tranches horizontales
très minces AB, BC, CD, etc. Si F^, F2, F3, etc. désignent
respectivement les composantes verticales des attractions
de la première, de la deuxième, de la troisième, de la n"™"
couche, on a pour l'action résultante supportée par une
molécule A de la première tranche.
F, + F2 -f- F3 H- •.. -+- F„ = sF.
« Si l'équilibre doit être maintenu, A doit éprouver une
» action répulsive vers le haut et égale à SF, et chaque
» molécule de la couche extrême doit être dans le même
» cas.
» Ainsi, comme nous ne pouvons que supposer qu'à
» l'action correspond une réaction égale et opposée, la
» répulsion exercée sur la première couche vers le haut
» est égale à celle éprouvée par la deuxième couche vers
» le bas. »
La molécule B de la deuxième couche éprouve une
action résultante et dirigée vers le bas :
22F — F, = F, H- 2F2 -H 2F3 -H •• 2F„;
l'équilibre de B exige donc une action répulsive de même
intensité entre B et la troisième couche C; or cette deuxième
répulsion excède celle entre A et la deuxième couche de la
quantité
F2-+- Fî-t-Fi- -+- F„.
(48)
De même, la répulsion entre C et D excède la répulsion
entre B et C de la quantité
F3 -4- F, -+- ... •*. F',
et ainsi de suite, jusqu'à ce que la différence entre deux
répulsions consécutives soit nulle. On voit donc que, pour
maintenir l'équilibre, la réaction répulsive entre deux
couches consécutives doit augmenter avec la distance à la
surface jusqu'à une profondeur égale au rayon de l'action
moléculaire; après quoi l'augmentation s'évanouit.
« Assignons maintenant au liquide une température
» propre à maintenir partout les distances primitives; dès
B lors la réaction répulsive est trop grande pour conserver
» l'équilibre des molécules près de la surface. Abandon-
» nées à elles-mêmes, ces molécules vont se séparer les
» unes des autres, et celles de la surface s'écarteront le
» plus. En d'autres termes, la densité du liquide diminue
» quand on se rapproche extrêmement de la surface; il
» est évident qu'une condition pareille est celle d'un équi-
j) libre stable et permanent; car, par l'accroissement de la
» distance, la force répulsive due à la chaleur diminue
» plus rapidement que la force attractive due à la cohé-
D sion.
» Nous pouvons supposer ou bien que le nouvel arran-
» gement des molécules près de la surface entraîne seu-
» lement un accroissement des dislances parallèles à cette
» surface, tandis que la dislance entre deux couches adja-
» centes, mesurée normalement à la surface, demeure la
» même qu'à l'intérieur du liquide; ou bien que le nouvel
» arrangement détermine un accroissement à la fois dans
» les dislances parallèles et normales à la surface. Cette
( 49 )
» dernière supposition est plus générale et se concilie
9 naieux avec les phénomènes d'évaporalion; bien que les
» deux hypothèses nous conduisent au même résultat,
» nous ne trouverons aucune raison pour admettre que la
» pression en un point voisin de la surface d'un liquide,
» soit dans le liquide même, soit dans la vapeur contiguë,
» n'est pas égale dans toutes les directions ; c'est pourquoi
9 nous garderons devant les yeux la deuxième hypotl'.èse ;
» toutefois le lecteur retiendra que, dans la conclusion à
» laquelle nous sommes arrivé, à savoir que, dans un
» liquide non volatil exposé au vide, il doit y avoir une
» diminution de la densité quand on s'approche de la sur-
» face en partant de l'intérieur, l'autre interprétation de
» l'expression diminution de la densité est possible.
» Cela étant, si nous voulions diminuer la densité de
» l'intérieur de la masse d'un liquide en conservant
» constamment la même température, de manière à
» placer ses molécules dans les mêmes conditions qu'à
)>. 'iue profondeur donnée, mais très petite, au-dessous de
» la surface, nous pourrions le faire en exerçant une len-
» sion. Mais dire que la condition des molécules voisines
» de la surface est celle que nous produisons dans les par-
» ticules intérieures en établissant entre elles un étal de
9 tension, équivaut à dire que les couches superficielles
» sont constituées par un liquide différent du liquide inté-
» rieur par l'étal de tension où elles se trouvent; il est
» évident que la tension s'accroît quand on s'approche de
» la surface. j>
L'auteur conclut de là que si une surface liquide se con-
tracte, il y a une élévation de température et que a les
couches superficielles peuvent être regardées comme une
portion du liquide où une certaine quantité d'énergie calo-
S""* SÉRIE, TOME XXVI. 4
( 50)
rifique a élé dépensée à la séparation des molécules contre
Caction des forces de la cohésion. »
L'auleur élu(Jie ensuite le cas plus général d'un liquide
en conlacl avec une seconde substance, solide, liquide ou
gazeuse. Il termine en disant qu'il a lâché « de prouver
» directement, par la considération des propriétés élas-
» tiques et thermiques des solides, des liquides et des
» gaz, la réalité des tensions et des pressions superficielles,
» attendu que le principe de la tension superficielle, une
» fois admis et appliqué en même temps que le fait expé-
» rimenlal de l'hydrostatique d'après lequel, dans un
» liquide sollicité seulement par la pesanteur, la pression
B ou tension en chaque point est proportionnelle à sa dis-
» tance au-dessous ou au-dessus du niveau, permet de
» déduire aisément tous les phénomènes de la capillarité,
» la constance de l'angle du hord, le mouvement hori-
» zontal des corps flottants, l'équation de la surface du
» liquide et les lois qui règlent la stabilité des figures
B liquides. »
7. On le voit, le mémoire de M. Worlhington signale
nettement une relation qui existe entre la tension superfi-
cielle et l'évaporation; si les deux propriétés ne lui ont
pas paru absolument dues à une seule et même cause, c'est
que M. Worlhington a cru pouvoir admettre qu'un écarte-
ment moléculaire dans le sens normal à la surface n'eu-
iraîne pas rigoureusement un écartement dans toutes les
autres directions, et nutamment dans le sens tangentiel;
cependant un point quelconque pris à l'intérieur d'un
liquide, n'est en équilibre que s'il est sollicité par des
forces égales dans tous les sens; par conséquent, si deux
molécules sont écartées dans un sens, il faut de toute
nécessité que les molécules voisines se déplacent de
( 31 )
manière à rendre possible l'égalité de leurs actions
mutuelles dans tous les sens.
8. En 1886 f ), j'ai publié deux notes Sur l'instabilité
de t équilibre de la couche superficielle d'un liquide; j'ai
pris pour base les deux hypothèses suivantes :
1° Les choses se passent comme si les molécules étaient
soumises, d'une part, à des forces attractives qui décrois-
sent très rapidement lorsque la distance intermoléculaire
augmente; d'autre part, à des forces répulsives qui aug-
mentent ou diminuent plus rapidement que les premières;
2° A mesure que la température s'élève, les forces
répulsives deviennent de plus en plus intenses.
Au lieu de raisonner sur une masse liquide contenue
dans un vase, j'ai considéré une simple lame liquide fraî-
chement développée et homogène; de cette manière, j'ai
pu étudier non pas un filet illimité de molécules disposées
sur des normales à la surface libre (méthode toujours
employée d'après Laplace), mais une tile de molécules limitée
aux deux surfaces libres de la lame; comme je l'ai dit
alors, c'est ia seule manière de prouver que Laplace n'a
pas méconnu le principe d'égalité entre l'action et la réac-
tion, ainsi que l'ont avancé à tort plusieurs physiciens.
Je suis arrivé ainsi à conclure qu'entre les distances
mutuelles des molécules il y a des différences qui décrois-
sent à partir de la surface libre jusqu'à une profondeur où
elles atteignent leur minimum; dès lors, la force contractile
d'un liquide, bien loin de n'être qu'une fiction propre à
représenter les phénomènes (comme le croyait Laplace),
découle de la nature même des actions moléculaires;
(•) Bull, de l'Acad. roy. de Bclyiqm, t. XI, p. 541 et t. XII, p. 623.
(82 )
l'énergie polenlielle développée dans les diverses tranches
de la couche superdcielle est de même espèce que celle
d'un ressort tendu, avec la seule différence que cette éner-
gie dépend uniquement de l'intensité des forces molécu-
laires à la température du liquide, et ne varie guère quand
cette température demeure la même à l'intérieur.
Comme mon attention se portait spécialement sur la
réalité de la tension superlicielle, je n'ai pas directement
associé celle-ci au phénomène de l'évaporalion qui, je puis
le déclarer aujourd'hui, est dû pourtant à la même cause.
9. En 1886 encore, J. Stefan (*) a indiqué une relation
intéressante entre les théories de la capillarité et de l'éva-
poration, mais sans dire que ces théories se ramènent à
une seule. L'auteur s'appuie sur la théorie de Laplace
pour faire voir qu'une molécule de vapeur d'un liquide
située très près, mais en dehors de la surface libre sup-
posée plane, est sollicitée vers l'intérieur de la masse par
une force égale à celle exercée dans le même sens sur une
particule intérieure située à la même distance de la surface
plane. D'après cela, le travail nécessaire pour transporter
une particule de l'intérieur du liquide à la surface plane,
sera précisément égal à celui qu'exige le transport d'une
particule de la surface plane vers l'intérieur en dehors de
la sphère d'attraction.
L'auteur applique ensuite la théorie de Laplace au cas
d'une surface concave, et conclut que le travail nécessaire
au transport d'une particule d'une pareille surface libre est
plus grand que dans le cas d'une surface plane; ce qui s'ac-
(*) Ucber die Dezichung zwischcn dcn Tlieonen der Capillaritât und
der Verdampfuny (Sitzlngsbeiuchte de Vienne, t. XCIV).
( 53)
corde avec un résultat obtenu d'une façon tout à fait
différente par sir W. Thomson (lord Kelvin), et d'après
lequel la densité d'une vapeur saturée est moindre au-des-
sus d'une surface concave qu'au-dessus d'une surface
plane; dans le cas d'une surface convexe, la densité de la
vapeur à saturation est au contraire plus grande.
Malheureusement, la théorie de Laplace appliquée à un
point isolé m ((îg. 2) de la surface libre, conduit au même
résultat, que la surface soit
concave ou qu'elle soit con-
i ' vexe; en elfet, si le ménisque
terminal AmB est concave,
tout point a de ce ménisque
p,c 2 agira sur m avec la même
intensité que le point a' symétrique de a par rapport au
plan horizontal H?nH'; de là deux composantes mn, mn'
égales et contraires; par conséquent, le ménisque concave
agira sur m avec la même force, dans le sens vertical, que
le ménisque limité par la surface convexe A'mB' symé-
trique de AwîB.
La méthode proposée par Stefan pour établir un lien
entre la tension superficielle et l'évaporation me paraît donc
complètement en défaut.
10. Après cet historique succinct de la question, je vais
tâcher de préciser la cause unique qu'il faut assigner à
la tension superficielle et à l'évaporation des liquides.
Ce qui, d'après moi, a empêché pendant si longtemps la
découverte de cette cause unique, c'est que les mathéma-
ticiens et les physiciens ont presque toujours voulu con-
clure du degré de cohésion de la couche liquide libre à la
cohésion intérieure de la substance : c'est ce qui a déter-
miné Laplace et Gauss à supposer égale partout la densité
( 54)
du liquide considéré. Quant à Poisson, il a regardé, il est
vrai, la densité de la couche superficielle comme plus petite
que celle de la masse intérieure, mais, malgré son désir de
tenir compte des forces répulsives, il n'a pu assigner à
celles-ci leur véritable rôle. Les trois grands analystes, si
célèbres dans l'histoire de la capillarité, ont fait échapper
ainsi à leurs calculs le siège des forces figuratrices d'une
masse liquide soustraite à toute influence extérieure.
La marche que l'on a suivie est d'autant plus singulière
que,dans la nature comme dans nos expériences si variées,
c'est toujours l'état de cohésion intérieure du liquide qui
détermine l'arrangement moléculaire à la surface libre;
ainsi les eaux qui s'évaporent ont sans cesse leurs couches
libres renouvelées, et qu'est-ce qui préside au nouvel
arrangement moléculaire, si ce n'est l'ensemble des forces
moléculaires auxquelles est due la cohésion intérieure? De
même, si nous versons un liquide dans un vase, il est clair
que les particules de la surface libre s'arrangeront non
seulement d'après leurs propres actions mutuelles, mais
d'après l'intensité des forces moléculaires au sein même de
la masse.
i i . Pour se former une idée exacte de la disposition des
molécules à la surface libre, il convient conséquemment
d'étudier d'abord la cohésion à l'intérieur de la masse
liquide, et de voir ensuite si le même degré de cohésion
peut ou non exister dans la couche superficielle.
Soit donc une masse liquide contenue dans un vase de
forme quelconque et provenant de l'intérieur d'une grande
masse du même liquide : la constitution moléculaire qui,
au moment du transvasement, était partout la même, ne se
modifiera-t e'Ie pas dans la couche superficielle devenue
libre? C'est ce que nous allons examiner.
FiG. 3.
(5S)
Soit, à l'intérieur de la masse, une particule quelcon-
que 0 ((ig. 3, a), et attirée par l'ensemble des molécules com-
.^ prises dans la sphère de
rayon r (rayon d'acti-
vité); considérons en
particulier les molécules
a, b, c, rf, e, /, a', b\
c', cl', e\ f, situées sur
un diamètre quelconque
/f' ; comme la cohésion
est supposée égale par-
tout, ces molécules sont
équidistanles; puisque,
malgré les forces attrac-
tives, les particules ne sont pas en contact, il faudra donc
admettre des forces répulsives capables de réagir contre un
rapjtrochempiit plus prononcé; or si l'on supprimait, par la
pensée, les forces répulsives entre Oa et Oa', quelles sont
les forces attractives qui s'exerceraient pour annuler les
intervalles Oa et Oa'? Évidemment les forces qui tendent
à augmenter la cohésion dans le voisinage de 0, sont les
attractions de cette molécule sur a, b, c, cl, e, sur o', b', c',
d'y e', ainsi que les attractions de a siir a', b', c\ d', de 6
sur o', 6', c', de c sur a b', et enlin de d sur a' .
D'après cela, le degré de cohésion du liquide autour de
la particule Oest produit par le résultat combiné des actions
exercées par les molécules distribuées sur l'ensemble de
tous les diamètres qu'on peut imaginer dans la sphère
liquide ayant 0 pour centre. Aussi longtemps que la parti-
cule sera à une distance du niveau supérieure ou égale à
r, le nombre de ces diamètres sera évidemment le même,
ainsi que le degré de cohésion qui lui correspond. Mais si
la molécule se trouve, par exemple, en 0' (fig. 3, P), à une
( à6)
dislance du niveau moindre que r, on ne pourra mener
dans le liquide que les diamètres compris dans les portions
MON', M'O'N; les autres diamètres de la sphère ayant 0'
pour centre et r pour rayon, ne seront garnis de parti-
cules agissantes que sur une partie de leur longueur; il
est entendu d'ailleurs qu'on néglige l'action du milieu
ambiant. Par conséquent, le nombre des forces qui tendent
à augmenter la cohésion autour de 0' sera beaucoup
moindre qu'au sein de la masse; cette différence va en
s'accentuant de plus en plus à mesure que la molécule
centrale se rapproche de la tranche extrême libre; à la
surface-limite même, en 0", par exemple (fig. 3, y), les
seuls diamètres complets se trouvent dans le plan hori-
zontal du niveau, tandis que, dans toutes les autres direc-
tions passant par 0, les molécules agissantes se trouvent
distribuées sur des demi-diamètres; le degré de cohésion
qui tend à se former en 0, est donc un minimum et, en
outre, est beaucoup moindre qu'au sein même du liquide.
12. Ce raisonnement fort simple montre que la tendance
au rapprochement des molécules est bien plus grande à
l'intérieur du liquide que dans la couche superficielle;
donc la force répulsive capable de maintenir les molécules
en é(|uilibre doit être notablement plus intense au sein de
la masse que dans la couche libre; comme cette force était
supposée d'abord la même partout, il est évident que les
particules de la couche superficielle devront éprouver entre
elles des écartements d'autant plus marqués qu'elles sont
plus près de la surface-limite du niveau.
J'étais déjà parvenu au même résultat en 1886 ('), mais
par un mode de raisonnement plus long et moins frappant.
(*) Snr Vinalubililé de l'équilibre de la couche superficielle d'vn
liquide [l" partie) (Bull, de TAcad. roy. de Belgique, t. XI, p. 541),
( S7 )
13. Quel sera l'effet de récarlemenl des molécules dans
la couche superficielle? Il est clair qu'il s'y développera
dans tous les sens une force élastique de traction, d'autant
plus grande qu'on sera plus près de la surface libre; dans
le sens horizontal, celte force élastique produira dans les
tranches successives de la couche une suite de tensions
élémentaires allant en croissant depuis la base de la couche
jusqu'à la surface libre; et comme l'épaisseur totale de
l'ensemble des tranches où résident ces tensions est en
général inférieure à '"""/ao.ooo' on comprend qu'on peut
regarder la tension résultante comme appliquée à la sur-
face libre même : c'est cette tension résultante qui est
accusée dans toutes les expériences de capillarité et qu'on
mesure sous le nom de tension superficielle.
Quant à la force élastique développée dans le sens nor-
mal, et portée à son maximum à la surface libre, elle
pourra être telle que l'effet de la cohésion joint à la pres-
sion exercée par le milieu ambiant l'emporte sur la
répulsion; alors il n'y aura pas d'évaporation; mais, dans
le cas contraire, les particules de la surface libre se répan-
dront dans le milieu ambiant et seront immédiatemeKi
remplacées par d'autres particules, et ainsi de suite irrdé-
ûnimenl, si Itsconditions du phénomène ne changent pas.
il est clair, d'après cela, que l'évaporalion est plus rapide
si la pression du milieu ambiant est plus faible. On com-
prend aussi que l'élasticité développée conliniiment dans la
couche superficielle exige un travail que doit effectuer sans
cesse l'ensemble des forces intérieures du liquide; de là
une perte de chaleur toujours observée dans le phénomène
de l'évaporation.
On voit par là qu'aussitôt après qu'une portion du
liquide est devenue libre, il s'^y produit un arrangement
(58 )
moléculaire toul particulier et variant d'un instant à
l'autre pour les mêmes molécules, jusqu'à ce qu'elles se
dégagent dans le milieu ambiant; on ne peut donc ni sup-
poser une constitution uniforme partout dans une masse
liquide, ni même admettre la stabilité parfaite de l'équi-
libre des molécules dans la couche superficielle libre, si
l'on veut rechercher les forces figura trices de la masse
considérée; comme on vient de le démontrer, celles-ci
dérivent du degré de cohésion intérieure, contrairement
à ce qu'ont avancé presque tous les physiciens jusqu'à
présent.
14. Dans la démonstration précédente, nous avons
regardé la surface terminale du liquide comme plane; mais
on peut se demander si la tension et Tévaporation demeure-
ront les mêmes, quelle que soit la forme de cette surface.
Et tout d'abord si, comme cela arrive dans les expé-
riences ordinaires, la courbure de la surface peut être
regardée comme extrêmement faible à côté de celle de la
sphère d'activité de l'attraction moléculaire, toul se passera
comme si la surface était plane; il n'en serait plus de même
si les rayons de courbure principaux de la surface étaient
assez petits pour pouvoir être comparés au rayon r qui, on
le sait, est inférieiir à '"""/aoooo dans les circonstances ordi-
naires.
En effet, soit une surface concave de très forte cour-
bure ; on voit que si nous considérons un point 0
((ig. 4) dans la couche super-
ficielle, la sphère d'activité
qui s'y rapporte comprendra
un nombre de molécules bien
plus considérable que dans
le cas d'une surface plane;
Fin. 'k
(39)
on [)Ouria donc aussi tracer par le point 0 un nombre plus
grand de diamètres complets ou incomplets que si la sur-
face était plane; la différence sera d'autant plus sensible que
la courbure de la surface deviendra plus forte; il s'ensuit
que la cohésion au point 0 sera plus grande pour une
surface-limite concave que pour une surface plane, ce
point étant placé à la même dislance du niveau. Toutefois,
dans les deux cas, la cohésion va en diminuant à mesure
que le point 0 se rapproche de la surface libre. Puisque,
avec la surface concave considérée, l'excès de la cohésion
intérieure du liquide sur celle d'une tranche de la couche
superficielle est moindre que pour une surface plane, il en
résulte que la force répulsive qui règne à l'intérieur ne
pourra produire dans la couche superficielle que des
écarts intcrmoléculaires moindres, et qu'ainsi la tension
et révajioration diminueront à la fois. Notons bien que
cela ne peut avoir lieu que pour des surfaces liquides à
courbures comparables à celle de la sphère d'activité.
On se rappelle que lord Kelvin (sir William Thomson)
était déjà arrivé théoriquement à montrer celte moindre
tendance à l'évaporation d'une couche liquide fortement
concave, mais sans expliquer d'où provenait en réalité la
différence {*). Je me suis occupé, dans un travail spécial ("),
de quelques applications de la curieuse propriété des sur-
faces liquides à forte courbure concave.
15. Présentons ici une remarque : nous avons consi-
déré plus haut le cas d'une masse liquide primitivement
(*) On Ihe equilibrium of vapour al a curvcd surface of liquid
(Philos. Magaz., t. XLII, p. 448, 1871).
(*■) Sur la condensation de la vapeur dans les espaces capillaires
(Blll. de l'Acad. rov. de Belgique, 1890, l. XIX, p. 101).
60 )
de même constitution partout et limitée en partie par une
couche libre fortement concave; nous avons vu que cette
dernière devait alors nécessairement éprouver des modi-
fications graduelles dans sa densité et devenir d'autant
moins dense que l'on se rapproche plus de la tranche
libre; de là découle une tension qui, elle-même, fait naître
une pression normale d'autant plus grande que la cour-
bure de la couche concave est plus forte; or, on peut se
demander si celte pression ne modifiera pas le degré de
cohésion de la couche libre. Tout me porte à croire, con-
trairement à ce que je pensais naguère (*), que la pres-
sion normale est en général impuissante à modifier sensi-
blement soit la tension, soit la tendance à l'évaporation;
en effet, l'état de la couche superficielle résulte de la dif-
férence entre la cohésion de la couche libre et celle des
portions voisines prises dans la masse sous-jacente; or, la
pression dont il s'agit sollicite ces dernières portions
colfiime la couche libre elle-même, et, au surplus, elle est
bien faible en comparaison des forces attractives des molé-
cules; pour ce double motif, les conclusions du numéro
précédent me paraissent devoir être maintenues sans
changement.
16. Abordons enfin le cas où la surface terminale de la
masse liquide, primitivement de même constitution partout,
est convexe et offre une courbure trop faible pour que
cette surface découpe dans la sphère d'activité de l'attrac-
tion moléculaire une portion différente de celle qui est
découpée par une surface plane; dès lors les choses se
(*) Voir ma deuxième communication prtMiminaire sur le sujet
actuel (Ibid., t. XXV, p. 255).
(61 )
passent comme dans le cas du n" 11, en ce qui concerne
la tension superficielle F et la tendance à l'évaporation ;
seulement la force contractile produira actuellement une
pression normale
(s 4.)
dirigée vers l'intérieur de la masse : c'est cette pression
qui, comme la traction
\R R7
sollicitant une surface concave, a été observée dans un
très grand nombre d'expériences connues. C'est encore
cette force
d=F
\R R7
que Thomas Young a obtenue pour la première fois en
appliquant à une surface liquide convexe ou concave de
tension F et de rayons de courbure R et R', les principes
de mécanique relatifs à une lame solide de même tension
uniforme el de même courbure.
17. Mais, dira-l-on, l'application des principes de
mécanique à une simple couche liquide est-elle bien légi-
time? Les particules de celte couche ne sont-elles pas
trop mobiles pour leur permettre d'exercer le moindre
effort? La réponse à celte objection est bien simple (*); la
(') Réponse aux objections de R. P. Leraij contre la tension superfi-
cielle des liquides (Bull, de la Soc. scientif. de Bruxelles, session
d'avril 1895).
( 62)
couche superficielle d'un liquide est composée d'une suite
de tranches où les particules sont rangées non pas de la
même façon partout, comme l'ont supposé à tort Laplace
et Gauss, mais se trouvent au contraire d'autant plus dis-
tantes entre elles qu'elles sont plus près de la surface
libre; toutes choses égales d'ailleurs, cet arrangement par-
ticulaire dans une tranche dépend de la différence entre
la cohésion de la masse liquide intérieure et celle de la
tranche considérée, et doit absolument être le même
partout où la différence en question a la même valeur; de
là une résistance de chacune des tranches constitutives de
la couche superficielle, à toute cause qui tend à troubler
l'arrangement moléculaire qui lui est ai^signé; c'est une
somme de résistances de ce genre qui explique la possi-
bilité de déposer un anneau métallique en équilibre sur la
surface de Peau, et le mouvement simultané de toute la
couche liquide libre sous l'impulsion d'uneaiguille aimantée
dont la face inférieure seule est en contact avec l'eau. C'est
la même résistance totale qui fournit la réaction néces-
saire à l'action exercée au dehors ou en dedans en un point
quelconque d'une surface liquide courbe quelconque.
Conséquences diverses et vérifcalions expérimentales.
18. Voyons actuellement si les conséquences que nous
pouvons tirer de la théorie précédente sont conformes à
tous les faits observés.
a) El d'abord, si la pression exercée sur le liquide par
l'air ambiant diminue, la force élastique développée dans
toutes les tranches de la couche superficielle doit se mani-
fester de plus en plus librement, et l'évaporation devenir
plus rapide; mais alors la couche superficielle se renou-
(«3 )
vellera plus vile, el au travail effectué ainsi devra corres-
pondre un refroidissemenl,' comme ou sait, celle double
conséquence esl de loul point conforme à l'observation
directe.
Au contraire, si la pression va en augmenlani graduel-
lement, le libre jeu des forces élastiques de la couche super-
licielle est de plus en plus contrarié, l'évaporation doit
donc devenir plus lente el la tension superficielle s'affai-
blir. On connaît depuis longtemps le ralentissement de
l'évaporation dans les conditions indiquées, et, dès i88i,
M. Kundl a trouvé que, sous l'influence d'une pression
croissante du gaz ambiant, la tension superficielle diminue
notablement pour l'alcool, l'élher, le sulfure de carbone, le
chloroforme el Teau, mais que la diminution devient de
moins en moins sensible quand les pressions alleignenl
des valeurs considérables.
b) Toul globule d'air qui, par une cause quelconque, a
pénétré au sein d'un liquide, doit être limité par un
ensemble de tranches liquides dont la densité va en dimi-
nuant vers l'intérieur du globule gazeux qui contient bien-
tôt de la vapeur à saturation; indépendamment de loule
autre cause, le gaz se trouve donc soumis à la pression
due à la force contractile de la couche enveloppante; par
exemple, s'il s'agit de l'eau à la température de 15° C. et
à la pression d'une atmosphère, el d'une petite bulle d'air
ayant O^'^iOl de rayon r, cette bulle sera soumise à une
pression nouvelle ^ (F = tension superficielle de l'eau
à 15°). Seulement, d'une part, la tension développée dans
ces conditions sera d'autant plus faible que la pression
devient plus grande, el d'autre part, les molécules gazeuses
tendront d'autant plus énergiquement à se dissoudre dans
l'eau que la pression s'accroît davantage.
On comprend sans peine que la dissolution du gaz à la
(64)
surface libre du liquide doit favoriser l'évaporaiion, mais
affaiblir au contraire la force contractile, comme l'ont con-
staté depuis longtemps Desains et Quincke : il n'est donc
pas étonnant que, d'après les observations de Wroblewski,
les liquides dont le coefficient d'absorption des gaz est con-
sidérable (éther, alcool, huiles), ont une faible tension, tan-
dis que les dissolutions salines absorbant moins de gaz que
l'eau ont une force contractile supérieure à celle de ce
dernier liquide.
c) Si l'on élève la température d'un liquide, on augmente
les forces répulsives dans toute la masse; il s'ensuit que,
dans le même temps, un plus grand nombre de tranches
de la couche superficielle devront se transformer en
vapeur, non seulement à la surface libre, mais encore à
l'intérieur de la moindre bulle de gaz engagée dans le
liquide; d'autre part, comme la force élastique de traction
se développe le plus dans les tranches voisines de la sur-
face libre, plus l'évaporation sera accélérée, moins la
tension sera marquée; par conséquent, toute augmentation
de température entraîne une évaporation plus rapide et
une tension superficielle plus faible; depuis longtemps, on
le sait, l'observation directe a mis en évidence ce double
effet do l'accroissement de la température.
Puisque l'ébullition est une production rapide de vapeur
dans la masse même du liquide, elle doit être grandement
favorisée par les gaz dissous dans celui-ci, car, nous l'avons
vu, la couche liquide enveloppant chaque bulle de gaz est
un loyer de production de vapeur; c'est ce que démantrent
fort bien les expériences de M. Gernez (*), par exemple
(*) Sur l'influence de la quantité de gaz dissous dans un liquide sur
la tension superficielle (Comptes rendus de l'Acad. de Paris, 1882,
t. XIV, p. 284).
( 65 )
celle où 1 millimèlre cube d'air a pu enlrelenir pendant
vingl-qualre heures le dégagement de vapeur el produire
plus de 500,000 bulles de 5 millimèires de diamètre.
Au contraire, si l'on a eu soin de bien débarrasser de la
couche gazeuse adhérente les parois intérieures du vase, et
de purger d'air le liquide introduit, l'ébullilion doit être
rendue beaucoup plus difficile, puisque nulle part ailleurs
qu'à la surface libre même, la cohésion n'est déjà partiel-
lement vaincue. C'est ce qui est prouvé à l'évidence par les
observations de Deluc et surtout par les expériences clas-
siques de noire savant confrère M. Donny. De son côté, le
physicien suisse Dufour a constaté le retard de l'ébullition
de l'eau en suspension dans un mélange d'essence de
girofle ei d'huile de lin; il a démontré, en outre, que les
corps solides introduits dans le liquide ne favorisent l'ébul-
lition qu'en raison de la quantité de gaz condensé à leur
surface; débarrassés de la couche d'air adhérente par une
immersion assez prolongée, ils deviennent tous inactifs.
d) Si l'on chaufle graduellement un liquide dans un vase
fermé el ne contenant que de la vapeur du même liquide,
il doit s'établir, d'après la théorie que je propose, une lutte
entre la tendance de plus en plus marquée du liquide à se
transformer en vapeur et la tension croissante de la vapeur
déjà formée; d'autre part, la cohésion intérieure du liquide
diminue par degrés, tandis que la densité de la vapeur va
en augmentant. Il résulte de là que la force contractile de
la couche de séparation doit aller en diminuant et même
s'annuler si la densité peut devenir la même au-dessus et
au-dessous de cette même couche. Cette diminution gra-
duelle de la force contractile a été constatée en réalité par
plusieurs observateurs; ils ont vu s'abaisser de plus en plus
le ménisque liquide concave, jusqu'à sa disparition com-
S"" SÉRIE, TOME XXVI. 5
( 66 )
plèle. Ce phénomène a-l-il toujours lieu à la même tempé-
rature, quel que soit le rapport initial des volumes du
liquide et de la vapeur? Ou bien encore,à une température
déterminée, ne correspond -il qu'une seule vapeur saturée
ayant toujours la même densité? La théorie que je propose
exige que si les dernières particules d'un liquide, d'une
part, et de sa vapeur ensuite, diffèrent uniquement par
leur degré de condensation, la disparition du ménisque ait
toujours lieu à la même température, et que, de plus, à
une température donnée ne puissent correspondre une
infinité de vapeurs saturées ayant des densités différentes.
Or, les observations de notre confrère M. De Heen, d'une
part (*), et de M. G. Zambiasi, d'autre part (**), répondent à
ces deux questions dans un sens tel qu'il paraît impossible
d'attribuer la même constitution physique aux particules
de vapeur et aux molécules liquides. Ma théorie apporte
donc un nouvel argument en faveur des idées de M. De
Heen sur la constitution des liquides et des vapeurs.
e) Si réellement la couche superficielle d'un liquide est
formée, à la température ordinaire, de tranches dont la den-
sité va en décroissant vers l'extérieur, ce décroissement de
densité sera bien plus prononcé encore dès qu'on exposera
la couche liquide libre à une puissante source de chaleur;
lors donc qu'on laisse tomber une masse liquide sur une
(*) Sur un état de la matière caractérisé par l'indépendance de la
pression et du volume spécifique (Bull, de l'Acad. roy. de Belgique,
t. XXIV, p. 267, 1892).
(* *) Sid punto critico e sui fcnomcni che la accompagnono ( Atti dell a
R. Ace. DEi LiNCEi, t. I, pp. 423-431, 1892). — // punto critico c il
fenomeno di sparizione del menisco, no riscaldamento d'un Itquido a
volume costanlc (Ibid., t. II, p. 21, 1893).
( 67)
surface métallique incandescente, les particules liquides
les plus voisines du solide seront tellement écartées entre
elles que l'adhésion entre les deux corps en présence
deviendra impossible, à cause de la distance trop grande
qui sépare le solide des molécules liquides; à mesure que
les tranches les plus échauffées seront réduites en vapeur
et dissipées dans l'air ambiant, de nouvelles tranches rem-
placeront les précédentes, et réduites au même décroisse-
ment de densité, joueront absolument le même rôle, c'est-
à-dire empêcheront aussi le contact du solide et du liquide;
seulement, ce n'est qu'au prix d'une certaine quantité de
chaleur du liquide que pourra se produire l'écarlement
moléculaire progressif dans les tranches de chaque couche
superficielle devenue libre : voilà pourquoi la température
du liquide devra constamment être inférieure à son point
d'ébullition pour la pression à laquelle on opère. Enfin,
puisqu'il ne peut y avoir contact entre le solide et le liquide,
celui-ci alfectera la forme d'une sphère si la masse est suf-
fisamment petite, ou d'un sphéroïde plus ou moins aplati
dans une masse assez grande. Le renouvellement des diffé-
rentes couches où réside la tension superficielle ne pouvant
s'opérer avec une régularité parfaite autour de la droite qui
passerait par le centre de la petite masse liquide, norma-
lement à la surface incandescente, la force contractile
devra varier sans cesse autour de celte normale, ce qui
provoquera des mouvements brusques de rotation et de
translation de la masse liquide.
Toutes les conséquences que je viens d'énumérer sont
littéralement vérifiées dans les nombreuses expériences
faites par Leidenfrost d'abord, puis spécialement par Bou-
liguy; on le voit, l'étal sphéroïdal, que cet habile observa-
teur croyait être un état particulier de la matière, s'ex-
( «8)
plique avec la plus grande facilité ; la théorie que je défends
rend également compte de la curieuse expérience suivante,
due à l'observateur anglais Perkins : si Ton munit un
générateur à vapeur d'un robinet placé au-dessous du
niveau de l'eau, le liquide ne s'écoule pas quand les parois
du générateur sont portées à une très haute température,
bien que la pression intérieure soit considérable; mais
l'eau jaillit avec impétuosité dès que la température devient
moins élevée.
f) La démonstration donnée plus haut pour établir un
lien direct entre l'évaporation et la force contractile s'ap-
plique évidemment aux corps solides comme aux liquides :
il s'ensuit que si un solide est assez facilement déformable,
il pourra manifester une véritable évaporalion à la surface
libre, comme on l'a observé avec le camphre, la glace et
l'arsenic.
19. Après avoir énuméré une longue série de consé-
quences entièrement conformes aux faits constatés par de
nombreux observateurs et avoir montré clairement, selon
moi, l'identité de la cause de la force contractile et de l'éva-
poration des liquides, je vais, pour terminer le présent
travail, décrire quelques expériences fort inattendues et
éiroilement liées au même sujet.
Voici le raisonnement qui m'a servi de point de départ :
soit un liquide A susceptible de s'évaporer spontanément
dans un milieu tel que l'air; imaginons un autre liquide B
moins dense que A et ne s'évaporant pas sensiblement;
si réellement les particules de A ne se répandent dans
l'air qu'après avoir traversé des tranches dont la densité
devient de plus en plus faible, n'y aurait-il pas possibilité,
d'après cela, d'observer l'évaporation du liquide A à travers
une couche plus ou moins épaisse du liquide B?
(09)
En conséquence, j'ai opéré de la manière suivante :
toul d'abord, j'ai choisi l'huile d'olive comme B; elle est
plus légère que l'eau, et, de plus, elle ne s'évapore pas
sensiblement, car, après quatre jours d'exposition à l'air
libre, l'huile d'olive, versée dans une capsule de 8 centi-
mètres de diamètre, n'a pas accusé une perte de poids
appréciable.
D'après cela, j'ai pris pour liquide A l'eau distillée, et
pour liquide B l'huile d'olive; au-dessus d'une quantité
arbitraire d'eau distillée contenue dans une capsule ordi-
naire, j'ai versé avec précaution une mince couche d'huile
d'olive de 2 millimètres environ d'épaisseur, et j'ai placé
la capsule ainsi préparée sur l'un des plateaux d'une balance
sensible au milligramme. Après avoir taré, je n'avais plus
qu'à vérifier ensuite de temps en temps si l'équilibre se
maintenait exactement; or j'ai constaté que le plateau
portant la capsule perdait graduellement de son poids, et
que, au bout de huit jours, la perte était d'environ
80 milligrammes.
L'effet observé était-il bien dû à i'évaporation à travers
la mince couche d'huile, ou bien le liquide inférieur
trouvait-il passage dans la couche de contact du verre et
de l'huile? Pour me mettre à l'abri de cette objection, j'ai
opéré avec de l'eau distillée recouverte successivement de
couches de \0, 15, 20, 50, 120 millimètres d'épaisseur, et
j'ai constaté que toujours il y avait une perte de poids
très sensible au bout de quelques jours; sans doute,
lorsque la couche d'huile était plus épaisse, I'évaporation
de l'eau était plus lente, mais elle était incontestable.
Je me suis fait une autre objection contre ces résultats
assez bizarres au premier abord : la vapeur d'eau ne
traversait-elle pas la matière même du verre? Pour écarter
encore cette difficulté, je me suis servi de capsules dont
(70 )
le verre présentait une épaisseur 1res différenle de l'une
d'elles à une autre; toujours les pertes de poids observées
ont été du nûême ordre, non seulement avec l'huile d'olive,
mais encore avec l'huile de colza, d'œillette, de lin; mal-
heureusement, avec toutes ces huiles, leur surface de
contact avec l'eau distillée perd toute netteté au bout de
quelques jours, à cause de la formation d'une sorte de
membrane solide qui doit nécessairement nuire à 1 evapo-
ration régulière de l'eau sous-jacente.
C'est ce qui m'a conduit à me servir d'oléine, dont un
échantillon incolore et probablement très pur m'a été
fourni par mon collègue M. le professeur Swarts; ce
liquide avait le triple avantage d'être incolore, de ne pas
s'évaporer spontanément et de ne donner lieu à aucune
Impureté lors de son contact avec l'eau distillée, même
après quatre mois d'expériences continues.
Voici le dispositif auquel je me suis arrêté et qui m'a
offert le plus de garanties : dans un bocal dont la partie
cylindrique avait 8 centimètres environ de diamètre et
20 de hauteur (fig, 5), j'ai versé une couche d'eau distil-
lée d'environ 14 millimètres
d'épaisseur, et au-dessus
une couche d'oléine pure de
10 millimètres; à la face
inférieure du bouchon à
l'émeri du bocal était fixé,
à l'aide de cire à cacheter,
un lien en caoutchouc des-
tiné à porter un petit bocal
ayant environ 4 centimètres de diamètre intérieur, 8 de
hauteur, et à moitié rempli de chlorure de calcium bien
sec.
Cela étant, on pèse les deux bocaux munis de leurs
(71 )
bouchons, el l'on noie les poids respeclil's; ensuite on
débouche de pari el d'autre, on attache le petit bocal au
lien en caoutchouc lixé an bouchon du grand bocal, on
introduit le petit bocal ouvert dans le grand, el l'on ferme
avec soin celui-ci; i! esl même très bon de lier au-dessus
du bouchon et du goulol une membrane quelconque
imperméable à l'air, atin d'empêcher toute communication
de l'air intérieur avec l'atmosphère. Il va sans dire que le
lond du petit bocal ne peut toucher nulle pari l'oléine.
Dès ce moment, l'expérience esl préparée, el l'on n'a plus
qu'à abandonner l'appareil à lui-même, dans un endroit
où la température ne varie que de quelques degrés pendant
un temps considérable.
Dans une de mes expériences, le poids initial du grand
bocal était de 896^',830, et celui du pelil bocal fermé,
102«',907. Quinze jours après, ces poids étaient respective-
ment 896s^5l2 el 103^S262; la perle de poids du gros fla-
con (385 milligrammes) dépasse le gain du pelil flacon (355)
de 30 milligrammes; je n'ai pu, faute de temps à consacrer
à ces expériences de longue durée, préciser la raison de
cet écart; toutefois le résultat accuse d'une manière
formelle l'évaporalion de l'eau à travers l'oléine.
On objectera sans doule que les phénomènes décrits
plus haut sont de simples faits de diffusion ; mais quelle
est la cause théorique de la difl"usion? Le mot, sans
l'origine de la propriété invoquée, n'explique rien. C'est
pourquoi, jusqu'à preuve du contraire, je regarde les faits
signalés comme de simples effets de la différence entre les
forces répulsives agissant respectivement dans les deux
couches-limites en regard.
Prochainement, j'espère pouvoir décrire d'autres expé-
riences sur le même sujet.
( 72)
Sur r acclimatation de deux espèces de Tétras en Belgique;
par le baron Edm. de Selys Longchamps, membre de
l'Académie.
On a reconnu depuis longtemps l'ulililé qu'il y a de
reboiser dans l'Ardenne et la Campine les landes el les
bruyères impropres à la culture ou à l'établissement de
prairies.
Beaucoup a été tenté, mais il reste encore énormément
à faire, malgré l'intérêt évident qui s'attache à la réalisa-
lion de cette œuvre, au point de vue des avantages qui en
résulteraient pour la fortune publique, que ce soient l'État,
la commune ou les particuliers qui en prodtent, et aussi
pour l'amélioration du régime des eaux, en empêchant
leur écoulement subit, cause de graves inondations après
les orages et lors de la fonte des neiges. On conserverait
ainsi, en ce qui concerne l'Ardenne, une réserve d'eau
qui alimenterait les sources aux époques de grande séche-
resse.
Le Gouvernement n'a cessé d'ailleurs de prêcher d'exem-
ple en procédant à des plantations sur les bie^is domaniaux
el en prenant des mesures pour engager les communes à
en faire autant sur les leurs.
Les essences de futaies les plus appropriées aux ter-
rains incultes dont je viens de parler ont été générale-
ment reconnues être le Pin sylvestre, le Sapin epicea el le
Hêtre.
Aujourd'hui, le travail de reconstitution des forêts dans
les Hautes Fagnes et les bruyères de l'Ardenne semble
assez avancé pour qu'il y ait lieu de chercher à y acclima-
(73)
1er des animaux utiles qui augmenteraient encore les
avantages du reboisement.
Pour le moment, je ne connais que deux espèces de
gibier à plumes dont l'introduction ait fait ses preuves dans
des contrées analogues à l'Ardenne par le climat, la végé-
tation, et ces espèces sont d'autant plus recommandables
qu'elles ont une valeur alimentaire et marchande sérieuse.
Il s'agit de la Grouse des lies britanniques et du Grand
Tétras ou Coq de bois. Je m'occuperai successivement de
ces deux Oiseaux.
I.
La Grouse ou Tétras d'Ecosse.
Synonymie : Lagopus albus (L. pars), race : Scoticus Latham.
Vulgairement : Lagopède ou Perdrix blanche des saules.
Le type de l'espèce habite la Scandinavie, la Russie et
le nord de l'Asie et de l'Amérique. Son plumage dans ces
contrées devient tout 6/anc en hiver.
Mais dans les Iles britanniques, le Lagopède blanc est
remplacé par une race distincte qui ne prend pas la livrée
blanche d'hiver (i).
(1) L'influence du climat se fait sentir d'une façon analogue sur
plusieurs autres animaux : citons, par exemple, le Lièvre blanc de
Scandinavie et des Alpes d'Europe [Lcpus variabilis Pallas), qui ne
devient pas blanc m hiver en Irlande, où on l'a décrit comme espèce
distincte sous le nom de Lcpus hibernicus Yarrel, et notre petite
Belette {Musiela vulgaris ErxI.) qui, en Laponie, pendant l'hiver,
prend un pelage aussi blanc que celui de notre Hermine. C'est alors
Musiela nivalis, Linné.
( 74)
Les Anglais nomment Red Grouse ce gibier célèbre par
les grandes chasses auxquelles il donne lieu, en Ecosse
surtout.
Pendant une excursion que je fis dans les Highlands
d'Ecosse, il y a près de cinquante ans (1845), je fus frappé
de la grande ressemblance de celte contrée avec nos Haules-
Fagnes, et je conseillai à des sportmens de Spa de cher-
cher à acclimater les Grouses; mais personne ne tenta
l'expérience.
Cependant, vingt ans après, un de mes compatriotes
liégeois, M. Edmond Nagelmackers-Orban, eut la même
idée et essaya de la réaliser dès 1866. Après sa mort, je
priai un de ses proches parents, M. Ernest Nagelmackers,
sénateur, de rassembler des renseignements sur celte
tentative d'acclimatation, pensant qu'il y avail intérêt
et grande utilité à en faire connaître la marche et les
suites.
il a bien voulu satisfaire à ma requête en me transmet-
tant une note détaillée, trouvée dans les papiers de feu
M. Nagelmackers-Orban, et qui répond tout à fait à ce
que je désirais savoir.
C'est ce document que je suis heureux de pouvoir
transcrire ici en entier; il est intitulé:
« Acdimalalion des Grouses dans les bruyères de l'Ar-
denne belge.
r> Dès 1866, M. Edmond Nagelmackers-Orban a essayé
d'implanter les Grouses dans les bruyères des environs de
Houffalize, en faisant venir d'Ecosse des œufs, qu'il fit
couver par des poules, à sa propriété de la Cédrogne,
située dans les communes des Tailles et de Mont-le-Ban.
» Ce premier essai ne réussit pas; aucun œuf ne vint à
( 75 )
éclosion. Il le recommença l'année suivante, en apportant
à l'achat et an transport des œnl's le pins de soin et de
rapidité possibles. Celte fois, il fit couver une moitié des
œuls encore à la Cédrogne et l'autre moitié à Liège, chez
son IVére, M. Jules Nagelmackers-de Brouckere, par de
petites poules faisanes; mais ce second essai ne fut pas
plus heureux que le premier.
» Ayant eu l'occasion, durant l'étéde 1869, de se trouver
indirectement en relations avec le duc de Hamilton, qui
possède aux embouchures de la Clyde de grandes pro-
priétés et l'une des plus belles chasses de Grouses de
l'Ecosse, le duc eut la gracieuseté de faire offrir à
M. Nagelmackers de lui envoyer au printemps quelques
couples de ce précieux gibier, ce que naturellement
M Nagelmackers accepta avec empressement.
» Et, en effet, il reçut au mois d'avril suivant un télé-
gramme lui annonçant que non seulement les Grouses
allaient partir, mais que le chef-garde du duc (M. Halidayj
les apporterait lui-même à Liège, alin qu'elles arrivas-
sent en bon état.
» Peu de jours après, descendait du train express
M. Haliday dans son pittoresque costume de garde écos-
sais, apportant dans deux paniers, divisés chacun en six
cases paiiaitemenl disposées, douze couples de superbes
Grouses.
» Onze couples étaient en parlait étal; du douzième, le
mâle était mort, et sa femelle, foit malade, périt le lende-
main avant d'arriver à la Cédrogne.
» Après avoir passé la nuit à Liège et avoir soigné ses
Oiseaux qu'il nourrissait principalement avec de la salade
fraîche, M. Haliday les accompagna et les lâcha lui-même
( 76 )
avec M. Nagelmackers, dans les bois et bruyères de la
Céd rogne.
» Tous prirent leur vol avec vigueur et se répandirent
à peu de distance.
» C'était une magnifique réussite d'un royal cadeau, car
ces douze couples étaient un don du duc de Harnilton, qui,
grand amateur de sports de tous genres, mettait la plus
généreuse et la plus exquise amabilité à aider à l'acclima-
tation sur le continent de ce gibier si cher aux Écos-
sais.
» M. Haliday fut frappé des conditions excellentes que
présentent nos bois et nos bruyères des Tailles, de Monl-
le-Ban, de Bihain et des hauts plateaux ardennais pour
l'acclimatation des Grouses; il assure qu'elles peuvent y
vivre et y multiplier aussi bien qu'en Ecosse, mais à con-
dition de les y préserver des Renards, des Fouines, des
Belettes, des Éperviers et... des braconniers, ce qui, mal-
heureusement, est chose difficile dans notre pays.
» Aussi, et quoiqu'il y ait eu chaque année, — depuis
1871, — de fort belles couvées, ayant jusqu'à huit et dix
jeunes Grouses, le nombre n'en a-l-il guère augmenté.
Bêtes et gens leur font une chasse trop rude.
j> Mais cet essai prouve évidemment que le problème
de l'acclimatation des Grouses est résolu, et que si les pro-
priétaires de chasses étendues en Ardenne s'entendaient
entre eux et apportaient les soins nécessaires à la répres-
sion du braconnage et à la destruction des animaux nui-
sibles, les Grouses se multiplieraient beaucoup plus que les
Perdreaux sur nos hauts plateaux, car elles y trouveraient
en abondance leur nourriture favorite, la myrtille rouge
(airelle), et résisteraient mieux à la neige et au froid.
( 77 )
» Note supplémentaire : Hélas! en 1891, plus une
Grouse ne reste. On prétend cependant qu'on en a encore
tiré, mais nous n'en avons pas de preuves. »
Tous ceux qui s'occupent d'économie rurale se joindront
à moi pour honorer la mémoire de M. Nagelmackers-Orban
qui, en fait, a résolu par sa persistance le problème de
l'acclimatation des Grouses en Ardenne, puisqu'il a prouvé
qu'elles peuvent parfaitement y vivre et s'y multiplier; car
en admettant que ces Oiseaux aient réellement disparu,
après s'y être reproduits pendant vingt ans, il est constant
que cela ne tient ni au climat, ni au manque de nourri-
ture appropriée, mais bien aux mordants que l'on ne pour-
chasse pas suffisamment, et plus encore, ajouterai-je avec
tristesse, au braconnage et à l'imprévoyance de certains
chasseurs qui ont tué, on peut le dire, la poule aux œufs
d'or, n'ayant pas eu le courage de ménager pendant quel-
ques années un gibier précieux, dont ils eussent été les
premiers à bénéficier bientôt, s'ils l'avaient respecté aux
débuts de son acclimatation.
Singulière coïncidence : Vers la même époque (1870),
M. le baron Oscar Dickson introduisait des Grouses dans le
district de Gôteborg (Suède méridionale) et elles s'y sont
parfaitement acclimatées.
Il ne faut donc pas se rebuter chez nous. C'est à recom-
mencer; mais la grande difficulté, c'est d'obtenir en Ecosse
un concours aussi efficace et aussi digne d'éloges que celui
que M. Nagelmackers a rencontré en l'honorable duc
de Hamilton, pour cette louable tentative d'acclimatation
en Ardenne.
( 78)
II.
Le Grand Coq de bois.
Tetrao urogallus L.
Appelé aussi : Grand Tétras ou Auerhan.
En 1828, le D' Richard Courtois (1), éuumérant les
Oiseaux sauvages de la province de F.iége, y comprend
(n° 125) « le Telrao urogallus, le Grand Coq de bruyère,
en wallon Coq di brouwi : rare, au pied des Fanges vers
Jalhay, etc. »
Il y a là une erreur en ce qui concerne le nom wallon,
qui aurait dû être cité de préférence pour le n" 124, Tetrao
tetrix, le Coq de bruyère à queue fourchue, qui habite
régulièrement ces contrées.
En 1 851 , dans mon Catalogue des oiseaux des environs de
Liège (2), je citais aussi {'urogallus en disant : a très rare,
se trouve quelquefois dans certaines bruyères des environs
de Spa, notamment à Jalhay ». Mais ce n'était pas le
résultat d'une constatation authentique; je parlais d'après
des chasseurs et le témoignage de Courtois.
En 1842 (onze ans après), publiant la Faune belge, cata-
logue raisonné de nos Vertébrés, je n'en savais pas davan-
tage et j'en étais réduit à dire, d'après différents chas-
seurs, que Yurogailus vit en petit nombre dans la forêt de
Hertogenwald et dans celle de Samrée, et qu'il paraît qu'il
y est sédentaire,
(1) Recherches statistiques sur la province de Liège, tome II,
p. 125.
(2) Inséré dans le Dictionnaire géographique de la province de
Liège de Pliilippe Vander Maelen. Bruxelles, 1851.
(79)
En 1875 parut, dans l'ouvrage Patria belgica (1), l'ar-
licle sur les Oiseaux indigènes, dont j'avais été chargé par
M. Van Benimel, directeur de celte publication. Après
avoir signalé la localisation du Tetrao tetrix (Petit Coq de
bruyère) dans les bruyères et les Fagnes de la Haule-
Ardenne, le long de la frontière allemande, j'ajoutais :
« Quant au Grand Coq de bois {Tetrao urogallus), dont la
taille égale presque celle d'un Dindon, on dit qu'il habitait
autrefois la forêt d'Hertogenvvald; mais nous en doutons
un peu, attendu qu'il ne s'écarte guère des bois de sapins
dont l'introduction est relativement récente en Belgique,
il se trouve cependant dans l'Eifel, à une dizaine de lieues
de notre frontière, et l'on assure que des individus isolés
ont été observés de temps en temps entre Jalhay et
Eupen. »
Avant 1873, il y a à signaler encore le grand ouvrage
iconographique de M. Ch.-F. Dubois père, intitulé : Planches
coloriées des Oiseaux de la Belgique et de leurs œufs^ dans
lequel VUrogallus esl bien figuré (pi. 151 et 151").
En ce qui concerne l'habitat, le texte se borne à dire :
« On l'a vu aussi dans la forêt de Herlogenvvald et même
jusque dans les environs de Jalhay, dans la province de
Liège. »
En 1876, M. Alph. Dubois fils, conservateur du Musée
d'histoire naturelle de l'État, commença par la série des
Oiseaux la publication de sa Faune illustrée des Vertébrés
de la Belgique. Cette partie a été terminée récemment
(1892). Elle comprend également la figure de V Urogallus
(1) Patria belgica. Bruxelles (Bruylanl- Christophe, éditeur),
I>p. 255 à 279 de la première partie, Belgique physique.
( 80 ;
{pi. 172 et 172"). Dans le lexie, l'auteur (l. II, p. 37), en
ce qui regarde la présence de l'espèce en Belgique, dit :
« Cet Oiseau a complètement disparu de la Belgique. Il
vivait encore, il y a une quarantaine d'années, dans la
partie de la Belgique voisine de la frontière prussienne,
mais l'espèce semble complètement éteinte dans notre
pays. De loin en loin, paraît-il, on en prend encore un
individu venant de la frontière allemande. » Puis il cite
ce que j'en ai dit dans la Faune belge en 1842. M. Dubois
remarque « combien il serait désirable que les chasseurs
de la Belgique s'entendissent pour réintroduire ce bel
Oiseau dans les forêts de l'Ardenne, où il se multiplierait
facilement si on le ménageait pendant quelques années. »
Les motifs qui m'ont porté à enregistrer le Grand Coq
de bois parmi nos Oiseaux sont l'indication donnée par
Courtois, les renseignements que m'a fournis anciennement
M Dechesnes, conservateur des forêts à Liège, et ceux de
plusieurs grands propriétaires vervictois; mais il faut faire
cette réserve qu'aucun d'eux n'avait constaté lui-même
l'existence de YVrogallus. J'en suis arrivé à penser que si
l'Oiseau a habile autrefois l'Hertogenwald, ce que nous
ignorons(l), il est certain qu'il n'y existe plus, mais qu'il y
a lieu de croire qu'il s'y égare très accidenlellement de
loin en loin, provenant probablement de l'Eifel.
(t) Feu M. [..ouis-François Thomassin, fonctionnaire supérieur de
la préfecture du département de l'Ourthe, a laissé un Mémoire sta-
tistique du déparlement de l'Ourthe, travail général très étendu, com-
mencé en 1806, et dont le conseil provincial a ordonné la publica-
tion en 1879, d'après le manuscrit. Thomassin, qui donne, pages 176
et 179, une liste des Oiseaux, et notamment de ceux que l'on consi-
dère comme gibier, y fait figurer le Coq de bruyère et la Gelinotte,
mais non le Grand Coq de bois.
(81 )
J'ai cru nécessaire, comme on vient de le voir, de signa-
ler le peu qui a été publié depuis soixante-dix ans sur la
question de VUrogalliis en Belgique.
Il devait être commun chez nous et en France dans les
temps préhistoriques, car on en trouve assez fréquemment
les restes parmi les ossements des cavernes de l'âge du
Renne, notamment dans celles des bords de la Lesse,
touillées par notre honorable confrère, M. Edouard Dupont.
Ces restes, débris de cuisine, sont mélangés avec ceux des
autres Tétras: T. tetrix, T. bonasia et T. albus. Quant à
ce dernier, il ne serait pas possible de dire si c'était le
Lagopède blanc des saules, refoulé aujourd'hui vers le
nord, ou bien sa race Scoticus (Grouse), puisque les deux
formes ne diffèrent que par la couleur du plumage d'hiver.
Je pense qu'une importation du Grand Coq de bois réus-
sirait dans nos Ardennes, comme a réussi, en principe,
celle de la Grouse, essayée par i\I. Nagelmackers. Ce qui
a été réalisé en Ecosse avec un plein succès est bien fait
pour encourager à faire une tentative semblable.
Je présente, à l'appui de cette opinion, le résumé de ce
que je trouve relaté dans le grand ouvrage de Yarrell,
History of BrilisfiBirds, quatrième édition, dont le troi-
sième volume a été revu par M. Howard Saunders (1882-
1884). Des renseignements analogues sur le Grand Coq
sont fournis dans le Diclionary ofBirds, par le professeur
Alfred Newton, dont la première partie vient de paraître
(1893), à l'article Capercally, nom original du grand Uro-
galius en Ecosse, où il était commun. Devenu très rare en
1651, on croit que c'est vers 1769 qu'il disparut complè-
tement par suite de la destruction des forêts de pins, faite
dans le but d'arriver à l'extermination des Loups.
3"" SÉRIE, TOME XXVI. 6
( 82)
En Irlande, il y avait encore quelques Urogallus dans
le comté de Tipperary, vers 1760, selon Pennant.
La destruction des Loups en Ecosse, par tous les moyens
possibles, a eu en grande partie pour objectif, j'en suis
persuadé, la protection des troupeaux de moulons qui,
cette exécution accomplie, s'y sont développés de plus en
plus en toute sécurité; mais les moutons, à leur tour, par
un pâturage abusif, ont détruit toute végétation arbores-
cente et transformé en même temps en landes incultes les
flancs des montagnes. En Ardenne, le pâturage banal a été
également et est encore aujourd'hui le plus grand obstacle
au succès du reboisement.
En Angleterre, le Coq de bois était commun dans la
période préhistorique et mentionné encore dans le moyen
âge, vers l'an 1500.
La réacclimatation en Ecosse fut tentée plusieurs fois
par lord Fife, dès 1827 et 1829, mais sans succès.
Enfin, en 1838, lord Breadalbane réussit à réintroduire
les Capercaillie en important des couples provenant de
Norwège; et aujourd'hui l'espèce est parfaitement réin-
stallée et s'est largement répandue dans les cantons où elle
trouve une situation et une nourriture appropriées à ses
mœurs.
Je suis persuadé que si l'on prenait les mesures de pro-
tection nécessaires, nous obtiendrions le même succès
dans les forêts de l'Ardenne, maintenant que les bois de
Conifères s'y étendent.
Le Grand Coq préfère comme nourriture les bourgeons
du Pin sylvestre à ceux du Sapin epicea, dont il se con-
tente cependant au besoin. Il mange également les faînes
du Hêtre et les chatons des Bouleaux et autres graines
analogues.
Pendant la belle saison, ses préférences sont pour les
(83)
fruits des Airelles, surtout ceux de la Myrtille rouge {Vac-
cinium vitis-idea), $,'\ comvawwe dans la Haute-Ardenne.
En Suède, on conserve souvent le Coq de bois en cap-
tivité.
Il habite une grande partie de l'Europe septentrionale
et moyenne.
Dans les contrées où existe en même temps notre Coq
de bruyère à queue fourchue {fetrao tetrix), ces deux
espèces produisent assez souvent des hybrides qui, dit-on,
sont parfois féconds entre eux ou même avec les deux
espèces dont ils proviennent. Ces hybrides, nommés
Rakelhan, ont été d'abord considérés comme espèce dis-
tincte sous le nom de Tetrao médius, Meyer.
Le Coq de bruyère à queue fourchue habitant réguliè-
rement nos Ardennes, la possibilité d'hybridation est une
circonstance qui favoriserait la réussite de l'acclimatation
que je préconise.
Sur le « pain du ciel » provenant du Diarbékir ;
par L. Errera, professeur à l'Université de Bruxelles,
correspondant de la Classe des sciences.
Dans sa dernière séance, l'Académie a reçu de M. le
Ministre de l'intérieur et de l'Instruction publique, des
échantillons d'une substance, ainsi que la dépêche sui-
vante :
Bruxelles, le 26 mai t893.
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Mon Déparlement a reçu, par l'intermédiaire du consul de Bel-
gique à Alcp, réchantillon ci-joint d'une substance alimentaire que
les Kurdes de la Mésopotamie désignent sous le nom de « pain du
ciel ».
(84)
Dans les premiers jours du mois de mai 1890, une violente
tempête s'est déchaînée sur le vilayet de Diarbékir, ravageant, sur
certains points, les champs, déracinant les arbres et portant sur son
passage la désolation, sauf pourtant dans la région du Djcbel-el-
OoflFet, dans la plaine qui l'entoure, où il tomba une grêle abondante
qui, en se fondant, laissa à découvert une couche épaisse de la
substance dont il s'agit.
II résulte d'informations prises à Diarbékir et à Mardin, que cette
matière n'existe ni dans le vilayet en question, ni dans son voisi-
nage, et qu'un tourbillon doit l'avoir charriée d'une région lointaine.
D'aucuns prétendent que c'est plutôt une matière végétale, que les
pluies torrentielles ont mise à découvert.
Quoi qu'il en soit, la matière en question, pétrie avec un tiers de
son poids de farine, fut trouvée mangeable, et elle entre aujourd'hui
pour une part notable dans l'alimentation des habitants de cette
province.
Bien que les phénomènes du genre de celui relaté par notre agent
consulaire ne soient pas d'une extrême rareté, notamment dans les
contrées s'étendant au sud-est de l'Asie-Mineure, il m'a paru utile
de le signaler à l'attention de l'Académie royale de Belgique.
Agréez, etc.
Le Ministre
(Signé) J. DE BURLET.
Comme il est facile de s'en assurer par l'examen micro-
scopique, celle substance n'est autre que le Lichen connu
sous le nom de Lecanora esculenta Eversm. (1). Trouvé
d'abord par Pallas dans les montagnes arides, calcaires et
gypseuses du désert de Tarlarie, rencontré en abondance
par Ledebour et par Eversmann dans les steppes des
Kirghizes, près de la partie méridionale du fleuve Jaïk, au
pied des collines gypseuses qui entourent les lacs salés, ce
(1) Eversmann, Nova Acta Ac. Nat. Cur'ws., XV, I!, 1851, p. 356.
(85)
Lichen a éié rapporté également par le voyageur Parrol,
(Je la Perse, où il passe pour être tombé du ciel. Au total,
il est commun dans l'Asie moyenne (1), et s'observe aussi
en Palestine et en Algérie (2). Dans certaines parties de
l'Asie, le Lecanora esculenta couvre le sol en si grande
abondance qu'il y forme, d'après Parrol, une couche de 15
à 20 centimètres d'épaisseur.
Les spécimens du Diarbékir, envoyés par notre consul à
Alep, concordent avec la description et la figure qu'Evers-
mann a données. Ils constituent des masses irrégulières,
cérébril'ormes, dures, de 2 à 12 millimètres de diamètre, à
surface brun clair, parfois un peu grisâtre, et marquée d'un
assez grand nombre de petites dépressions puncliformes.
Sur une cassure fraîche, tout le tissu interne apparaît blanc
de craie.
La plupart des exemplaires présentent, sur l'une de
leurs faces, une cassure, tantôt récente, tantôt cicatrisée.
Il faut en conclure, sans doute, que le Lichen est fixé au
début de son développement, mais qu'il peut continuer à
vivre et à croître après avoir été arraché par la tempête.
On reconnaît au microscope une structure caractérisée
de Lichen hétéromère : tissu fongique avec nids de cellules
d'Algues (3).
Comme d'habitude, on peut distinguer, de dehors en
dedans à partir de la surface, une couche corticale et une
couche médullaire. Dans la couche médullaire, les hyphes
(I) Ledebour, in Fr. Goebel, toc. cit. infra.
{"2) Hue, Lichen, exotic, Nouv. Arch. du Muséum, 3' série, t. III,
1891, p. 74.
(5) Cf. la figure de I>ink, Bot. Zdt., 1849, n» 41 (sous le nom de
Chlorangium Jussnfii).
(86 )
sont ramifiées, lâchement enchevêtrées, souvent sinueuses,
à paroi fort épaissie, à lumière très réduite. Elles empri-
sonnent entre elles une certaine quantité d'air; mais leur
aspect blanc crayeux est dû surtout à de petits cristaux
irréguliers, dont elles sont absolument recouvertes. Les
réactions microchimiques ne laissent pas de doute sur la
nature de ces cristaux : c'est de l'oxalate de calcium.
D'après le dosage que vient de faire M. Clautriau, assistant
à l'Institut botanique, et que l'on trouvera plus loin,
l'oxalate représente près de 58 "/o de la substance sèche
de notre Lichen. Gôbel, de Dorpat, en indiquait même près
de 66 "/o dans les exemplaires de Perse qu'il a analysés.
Vers la périphérie, immédiatement en dessous de la
surface brune, les extrémités jeunes des hyphes consti-
tuent un liséré étroit (couche corticale), plus transparent
plus dense, privé d'air, hyalin dans les préparations micro
scopiques, ne présentant presque pas d'oxalale. C^ liséré
est plus marqué lorsque le Lichen se dispose à fructifler
quelques-uns de nos échantillons portent, en effet, de
jeunes apothécies.
Quant aux spermogonies, elles existent en grand nombre
sur presque tous les exemplaires : leur orifice correspond
toujours à l'une des dépressions puncliformes dont il a été
question tout à l'heure. Chaque spermogonie contient une
énorme quantité de spermaties aciculaires, comme Nylan-
der {1} l'a déjà recormu, et contrairement à des obser-
vations plus anciennes. I>es spermaties mesurent de
14 à 18 p. de long sur 1 p., à peine, de large.
L'Algue qui concourt à la formation de ce Lichen est
(l) iNvLA.NDEH, Flora, 1838, p. 500.
(87 )
une espèce 1res commune : le Prolococcus viridis Ag. (1).
A la hase de la couche corticale et immédiatement an-
dessous d'elle, elle constitue de nomhreux amas verts, hien
délimités, enveloppés par les fdaments fongiques.
En appuyant avec force sur la lamelle de la préparation, une
grande partie de Toxalate de calcium se détache des hyphes : il leur
est certainement extérieur. Les cristaux d'oxalate sont biréfringents,
insolubles dans l'eau, la potasse, l'acide acétique, solubles dans
l'acide clilorhydrique. L'acide sulfurique les transforme en une masse
considérable d'aiguilles de gypse.
Après dissolution de la gangue d'oxalate, les hyphes persistent,
mais en perdant de leur réfringence.
Le tissu fongique du Lichen ne se colore qu'en jaune pâle, par
l'iodure de potassium iodé, sauf les apothécies qui deviennent bleu
intense (réaction de l'isolichénine)", et les spermogonies qui prennent
une nuance brun orangé, due probablement à des traces de glyco-
gène. Je n'ai pu constater de réaction nette de glycogène dans le
contenu des jeunes asques.
L'iodure de potassium iodé fait ajiparaître au centre des cellules
de l'Algue un noyau bien délimité, et donne à tout leur contenu une
nuance jaune brun, un peu dorée. Dans leur masse chlorophyllienne
périphérique, de tout petits granules paraissent se colorer en noir:
c'est sans doute une minime quantité d'amidon.
Par le chlorure de zinc iodé, les membranes des hyphes prennent
à peine une teinte jaunâtre, même après avoir été débarrassées de
leur oxalate au moyen de l'acide clilorhydrique concentré, tandis que
celles des cellules de l'Algue deviennent d'un bleu violet foncé. Grâce
à celte réaction, on remarque dans la couche médullaire, en dessous
des nids d'Algues, les restes plus ou moins ratatinés de membranes
qui leur sont en tout semblables : ces restes proviennent évidem-
(i) DoRKET, Rcch. sur les (jonidies des Lichens, Ami. Se. nat., Bol.,
5""sér., t. XVil, 1875, p. 69.
( 88)
ment d'individus morts et en voie de désorganisation, abandonnés
en chemin par les colonies de Protococcus, à mesure que le bord du
Lichen s'accroissait et offrait seul aux Algues qui s'y multiplient des
conditions convenables d'éclairage.
A en juger d'après leur aspect désorganisé et corrodé, les cellules
d'Algues qui meurent dans les régions profondes, faute de lumière,
sont digérées ensuite par les hyphes environnantes : au mutualisme
ordinaire du Lichen s'ajouterait ici une sorte de saprophytisme des
hyphes tirant parti des Algues mortes. Il semble qu'un phénomène
analogue doive exister assez généralement chez les Lichens hétéro-
mères à thalle épais et opaque. Suivant mon attente, je l'ai retrouvé,
en effet — quoique moins accusé, — chez le Psoroma lentigerum,
dont le thalle, comme celui du Lecanora esculenta, est rendu opaque
par des quantités formidables d'oxalate de chaux.
La mortalité des Algues de la profondeur, telle qu'elle s'observe
chez notre Lecanora, est, on le voit, toute dififérente de la destruc-
tion des portions externes de l'écorce et des Algues qu'elles renfer-
ment, décrite jadis par Schwendener pour beaucoup de Lichens
foliacés et crustacés (1).
Si une certaine dose de saprophytisme se manifeste chez le
Lecanora esculenta et le Psoroma lentigerum, rappelons que chez
quelques autres Lichens {Arnoldia minutula, Physma chalazanum)
le mutualisme se complique, au contraire, d'après Bornet (2), de
parasitisme proprement dit, les hyphes pénétrant dans certaines
cellules vivantes de l'Algue, et amenant leur hypertrophie, puis leur
mort.
L'abondance extrême d'oxalate de chaux dans le Leca-
nora esculenta permet d'alfirmer que ce Lichen se déve-
loppe en des endroits où existent des roches calcareuses.
On a pu voir, en effet, que Pallas aussi bien qu'Eversmann
(1) ScH\vKNDE^ER, Ucb. Bau und Wachslhum des Fleclitcnlhallus
[Naturforsch Ges. Zurich, 27 Fcbr, 1860), p. 14.
(2) Bornet, lue. cit., p. 90.
( 89 )
parlent des terrains gypseux auprès desquels on le trouve.
Dans les parties du désert de Syrie et de Mésopotamie
qu'il a visitées, M. Diener, de Vienne, a également vu la
surface du sol consister en gros débris de calcaire com-
pact (1).
Le Lecanora esculenla peut être broyé sous la dent,
mais il n'a aucun goût. A part les traces d'amidon qui
existent dans les cellules de l'Algue, et les traces douteuses
de glycogène des spermogonies, il est formé surtout de
membranes cellulaires épaisses, ainsi que d'oxalate de
calcium.
L'analyse de 2 grammes environ de notre Lichen du Diarbékir a
conduit M. Clautriau aux nombres suivants :
Le Lichen pulvérisé et séché à l'étuve pendant quatre jours à HO»
a perdu :
Eau -4,88 o/o
La matière sèche renferme :
Substances facilement solubles dans l'eau tiède (sucres
réduisant Fchiing, mucilages, etc.) 15,997 «/o
Lichénine (insoluble dans l'eau tiède) 8,00 »/»
Cellulose de Champignons 2,50 "jo
Substances précipitées par l'iodure double de Hg et de K
(mat. albuminoïdes, etc., pesées à l'état de combi-
naison mercurique) 3,70 "/o
Oxalatc de calcium 57,93 "/o
Autres sels de calcium (phosphate, carbonate, etc.,
pesés à l'élat d'oxalate) 3,23 »/,
Cendres insolubles dans HCl 2,84 »/.
(1) Communication privée, que je dois à l'obligeance de M. Dollo,
du iMusée d'histoire naturelle de Bruxelles.
(90)
Fr. Gôbel, de Dorpat, avait obtenu, pour des spécimens de Perse,
les résultats que voici (1) :
100 parties de Lecanora eseulenta (matière sèche) contiennent:
1,73 Résine molle, jaune verdâtre, de saveur acre, soluble dans
l'élher, renfermant de la chlorophylle.
1,75 Résine molle sans odeur ni saveur, soluble dans Talcool.
1,00 Substance amère soluble dans l'alcool et dans l'eau.
2,50 Inuline(2).
23,00 Mucilage.
3,25 Membranes de Lichen.
65,91 Oxalate de chaux.
99,16
On voit que la valeur nutritive de ce Lichen, pour
l'homme, doit être minime. Malgré cela, il est employé à
l'alimentation en temps de disette — surtout après avoir
été mélangé, il est vrai, avec une certaine quantité de
farine. De Candolle (3) rapporte, du reste, que lors de la
disette de 1816 à 1817, on faisait dans les environs de
Genève du « pain de Lichen », mais il ne précise pas l'es-
pèce dont on se servait.
Le Lecanora esculenla, ce « pain du ciel », ne peut
manquer de faire songer à la légende sacrée. Il a été
regardé, en effet, comme la manne des Hébreux.
On sait que d'autres substances sont également dési-
gnées sous le nom de manne, notamment des exsudats
(1) Gôbel, Chem. Untersuchungen einer in Persien herabgeregneten
Substanz, der Parmelta eseulenta, Schweigger's Journal fur Chem.
und Physik, 1830, III, 4, p. 399.
(2) ?? (L. E.)
(3j A. DE CANDotr-K, Inirod. ètiuh liol., Bruxelles, 1837, p. 354.
{ 91 )
sucrés qui proviennent de différents arbres. Celle du frêne
est d'un usage courant en pharmacie; celle qui porte le
nom de manne du Sinaï découle du Tamarix mannifera,
sous l'influence de la piqûre d'un insecte, le Coccus manni-
parus.
Pour autant qu'il soit possible de fonder une détermi-
nation botanique sur les textes peu précis de la Bible, il
semble que deux sorles de manne, le Lichen et l'exsudat,
soient confondues dans l'Écriture. Avec O'Rorke et Plan-
chon (1), je pense que la description de VExode (ch. XVI)
convient bien à l'exsudat du Tamarix, tandis que le passage
des Nombres (ch. XI) se rapporte plutôt à notre Lichen.
Institut botanique. Université de Bruxelles,
1" juillet i893.
Sur les sphères bitangentes à une surface du second degré ;
par Cl. Servais, professeur à l'Université de Gand.
Soit S un point d'un plan de symétrie d'une surface du
second degré, s sa polaire par rapport à la conique focale
située dans ce plan; «i la droite conjugée de s par rapport
à la quadrique. Les perpendiculaires abaissées des points
de la droite Sf sur les plans polaires respectifs, passeront
par le point S; ce point est donc le centre d'une sphère
réelle ou imaginaire, ayant avec la quadrique un double
(1) Voy. iii GuiBOURT et Planchon, Hist. nat. des drogues simples,
1869, t. II, p. 580.
( 92 )
conlaci sur la droite s^ (*). Si la droite sj est parallèle à
l'axe par lequel passent deux sections circulaires réelles,
la sphère (S) et la surface ont en commun deux systèmes
polaires, situés dans les plans menés par s^ , parallèlement
aux plans des sections circulaires. Dans le cas contraire,
les plans des systèmes polaires communs sont imaginaires.
On distingue donc deux classes de sphères bilangentes à
une surface du second degré. Les propriétés dont nous
allons nous occuper généralisent les théorèmes de Mac
Cullagh et de Salmon, concernant les deux classes de
foyers d'une quadriqiie. La généralisation du théorème de
Mac Cullagh est particulièrement intéressante; elle con-
duit aisément au mode de génération des surfaces du
second degré donné par Jacobi (*'), et à d'autres modes
similaires où l'on peut faire intervenir, comme sommets
du premier triangle fondamental, des points quelconques
d'un plan de symétrie, non perpendiculaire aux sections
circulaires.
i. Généralisation du théorème de Mac Cullagh. Soit
S un point quelconque d'un pian de symétrie, non perpen-
diculaire aux plans des sections circulaires réelles, s la
polaire de ce point par rapport à la conique focale, «i
la droite conjuguée de s. Le plan jx d'une section circu-
' (*) R étant un point de s,, son plan polaire coupe SR en un point
S, qui sera le conjugué de R par rapport à la sphère (S), sur le dia-
mètre SR; le carré du rayon de cette sphère sera
/2 = SR . SS,.
(••) Journal de Crelle, t. XII, p. 139; t. LXXIII, pp. 188 et 209.
(93)
laire (jx) coupe «i en un point R, dont le plan polaire par
rapport à la quadrique est perpendiculaire à la droite SR
en un point Sj; si Ton pose
/^ = SR.SS„
/'^ sera le carré du rayon de la sphère de centre S, ayant un
double contact avec la quadrique sur la droite s^. La
polaire du point R par rapport à (i*) étant perpendiculaire
à la droite SR, cette dernière rencontre la perpendiculaire
élevée sur le plan \i., par le centre de la section. Le point
d'intersection C sera le centre d'une sphère (C) passant
par {\j.), et si M est un point de ([j.), on a
MC' = es, . CR,
car le plan polaire du point R est le même pour la
quadrique et la sphère (C). Le théorème de Stewart donne
MC*. SR -4- W\ es = MS". CR -4- CR . es . SR.
Remplaçons MC^ par sa valeur et divisons par CR, nous
aurons
2 es _2
CSa.SR-t-MR — = MS -t-CS.SR,
CR
ou
Mais
par conséquent
M s' - ss» . SR es
MR^ CR
r = SR . SS^,
MS' — l'_ es
MR^ ~Cr'
es
Le rapport ^ est indépendant de la position de la
(94 )
section (fx), car si le plan de cette section se déplace paral-
lèlement à lui-même, les points analogues à C sont situés
sur une parallèle à la droite s,. Représentons par C^ la
trace de celte parallèle sur le plan de symétrie considéré;
par Si celle de s^; les points S, Sj, C, sont les pôles de la
droite s, par rapport aux coniques focale et principale et
par rapport à leurs foyers communs; donc le rapport ^^
ou son égal ^ est indépendant du point S. On peut donc
énoncer le théorème suivant :
FlG. 4,
Un point S d\in plan de symétrie, non perpendiculaire
aux plans des sections circulaires d'une surface du second
degré, est le centre d'une sphère de rayon l ayant un double
contact avec la quadrique. Si s^ est la corde des contacts,
M un point de la surface, R le point d'intersection de la
droite s^ avec une section circulaire passant par M, on a
MS"
MR
(95)
cette constante est indépendante de la position du point S
dans le plan de symétrie considéré.
2. Mode de génération de Jagobi. Soient dans un plan
de symétrie, non perpendiculaire aux plans des sections
circulaires, les centres Si, Sg, S5 de trois sphères bilan-
genles réelles, dont nous représenterons les rayons par /^,
Iz, k, on a
MS*— /|=aMÏÏ3;
R^, R2, R3 étant des points analogues à R.
Le plan mené par le point M parallèlement à une section
circulaire, coupe les trois droites s^, «2, s^ suivant un
triangle de grandeur et de forme invariables RjRoRs-
Construisons dans un plan fixe une ligure M'RiRâRs sem-
blable à la figure MR1R2R3, le rapport de similitude étant
t^ (*), on aura
m'r; = i/I.mr,, m'r; = i/â. MR., m'r^^i/â.mr,,
par conséquent
Msî = /f -^ ârïïf,
Ms! = /! -t- Fr!,
MsJ = /| + wrI
Élevons sur le plan fixe aux points R',, R2, Rj des per-
(*) Cette construction est due à Townsend. Cambridge and Dublin
math. Joum., t. IH, p. 154.
(96)
pendiculaires R'Ri', RaRâ', R^Rj respectivement égales à /,,
/g, /j; nous aurons
Ms, = m'r;, ms2 = m'Rj, ms3 = m'R3,
par conséquent :
Étant donnés deux triangles S1S2S3 et R^RîRj, on déter-
mine deux points M et M' tels que
MS, == M'R;, MSj = M'Rj, MS3 = M'Ri';
si le point M' décrit un plan, le point M décrit une sur-
face du second degré.
3. Le théorème d'Ivory sur les points correspondants
de deux quadriques homofocales, est la base de la démon-
stration de Jacobi {'). Supposons, pour fixer les idées, que
la surface soit un ellipsoïde; et soient A, B, C trois points
pris à l'intérieur de l'ellipse focale, Ai, Bi,C( leurs corres-
pondants sur la surface. Si P est un point quelconque de
la surface, Q son correspondant sur le plan de symétrie
ABC, on a, d'après le théorème d'Ivory,
AP = A,Q, BP = B,Q, CP = CjQ.
Notre démonstration donne l'interprétation géométri-
que des perpendiculaires abaissées des points A|, B^, Cj
sur le plan ABC décrit par le point Q. Ces perpendicu-
laires sont les rayons des sphères, ayant pour centres les
points A, B, C et ayant un double contact avec la surface.
Soient A2, B2, Cg les correspondants des points A, B, C
sur un ellipsoïde homofocal; les perpendiculaires abaissées
C) Journal de Crelle, l. LXXlll, p. 188.
( 97 )
(les points A,, B,, Ca sur le plan ABC seront les rayons des
sphères ayant ponr centres A, B, C, et ayant un double
contact avec cet ellipsoïde; mais A, et A2 sont deux points
correspondants sur les ellipsoïdes hamofocaux, donc les
ordonnées de deux points correspondants sur deux ellip-
soïdes homofocaiix, parallèles au petit axe, sont les rayons
de deux sp/ières concentriques, ayant chacune un double
contact avec l'une des surfaces.
4. Supposons que S3 soit le centre d'une sphère bilan-
genle imaginaire, et représentons son rayon par /3I/ — 1,
nous aurons
Msf-
i] = amrÎ,
Ml-
/!= aM*,
MSj -*-
il = xm{l;
on, en faisant
usage d'une
ligure m'r;r;r;
semblable
à
MRiRiRs,
m'r; h- l\,
M'R, ^ II,
m'r; — Il
Élevons sur le plan fixe des perpendiculaires RiRi', RlRs
respectivement égales à /, et l^, et décrivons du point R3
une sphère avec l^ pour rayon; soit M'Ts une tangente
menée du point W à cette sphère, on aura
Ms, == m'r;, MS2 = m'r;, ms^ = mt,.
Donc :
Étant donnés deux triangles 8,85583, RÏRâ'Rî «^ "»*« sphère
3°* SÉRIE TOME XXVI. 7
( 98 )
ayant pour centre le sommet R3, on détermine deux points
M et M' j tels que les distances MS^, MSj, 1MS3 soient respecti-
vement égales aux distances M'R,' M'Râ, et à la tangente
menée du point M' à la sphère (Rj). Si le point M' décrit
un plan [x passant par te point Rj, le point M décrit une
surface du second degré.
Les développemenis qui précèdent donnent l'inlerpréla-
lion géométrique des perpendiculaires al)aissées des points
R'i'el R2 sur le plan [x, et du rayon de la sphère (Rj).
On arrive à deux autres modes de génération, en suppo-
sant que deux ou trois points S|, 83, S3 sont les centres de
sphères bilangentes imaginaires.
Énonçons le second :
Étant donnés un triangle Si, Sg, S3 et trois sphères dont
les centres sont R',, Rj, R3, on fait correspondre à chaque
point M' du plan R'iR^Rj, un point M tel que les distances
MSj, MS2, MS3 soient respectivement égales aux tangentes
menées du point M aux sphères (Rî), (Rj), (R's). Le point M
décrit une surface du second degré.
5. Théorème sur les coniques. Un point S d'un axe de
symétrie est le centre d'un cercle de rayon l ayant un
double contact avec la conique; si s^ est la corde des con-
tacts, M un point de la courbe, M, la projection du point M
sur la droite Sj, on a
Cette constante est indépendante de la position du point
S, sur l'axe de symétrie considéré.
(99)
On déduit ce théorème de la propriété n" 1, en suppo-
sant le point S sur l'axe de symétrie 6, par lequel passent
les sections circulaires, et en ne considérant que les
points M situés sur la seconde conique principale ayant b
pour axe.
Ce tliéorème conduit à des modes de générations pour
les coniques, analogues à ceux que l'on a vus pour les
surfaces du second degré.
6. Généralisation du théorème de Salmon (*). Soit S
un point du plan de symétrie perpendiculaire aux plans
des sections circulaires, R le rayon de la sphère ayant pour
centre le point S et ayant un double contact avec la qua-
drique. Si M est un point de la surface, M^ et M2 ses pro-
jections sur les plans des sections circulaires (or) et (cr,),
communes à la sphère (S) et à la surface, on a
MS^ — R-
MM, . 31M.,
Cette constante est indépendante de la position du point
S, dans le plan de symétrie considéré.
Soient C, C, , €3 les centres des sections circulaires (a-),
(<j,), ((Ta), (0-2) étant la section menée par le point M parallè-
lement à (o-j); Si et Ri le centre et le rayon de la
(*) M. Salmon a fait connailre cette généralisation {Traité de géo-
métrie analytique, p. 185), mais nous ignorons si le savant géomètre
anglais a montré que la constante est indépendante de la position du
point S.
( 100)
sphère (Si), déterminée par les sections (<r) et ((Tj). Si R' esl
le rayon de (c), on a
R',
RÎ=S,C -t-R'.
Un plan mené par le point S, perpendiculairement à la
droite SC, coupe la sphère (Sj) suivant un cercle dont le
rayon R2 est donné par les égalités
r^-(r'
Rî — SS,
R] -t- SSj) = R^ -I- S,C' — se' — SSJ.
Soit M3 la projection du point M sur le plan de ce
cercle, on a
Isî = WS' -♦- Ss' — 2SS, . MMs,
MS = MS, — SS, -t- 2SS, . MM3 = R| -+- SSS, . MM,
= 2MM, . SS, — 2M.M5 . SS, H- R- -+- sic' — se' — Ss'.
( 101 )
Or
M3M, = se,
donc
MS'— R- = 2MM, SS,.
Soit D le point où la droite C,S rencontre la trace du
plan de la section (0-2), on a
MM2 = C,D,
par conséquent
MS'— R'_ SSi
Représentons par a l'angle C^CsD que la trace d'une
section circulaire fait avec le diamètre conjugué, par (3 celui
de deux sections circulaires non parallèles, on a
C,D = C,C2Sina . = — -,
SS, CCS a
donc
2 SS. -2
C,D sin(3tga
Celte quantité est constante et indépendante du point S.
7. Théorème sur les coniques. Un cercle de centre S
et une conique ont totijours un système de cordes com-
munes réelles. Si R est le rayon de ce cercle ^ M, et Mj les
projections d'un point M de la conique sur les cordes
communes, on a
MS'— R*
Cette constante ne dépend que de la direction des cordes.
( 102)
On déduit ce ihéorème du précédent, en coupant la
quadrique par un plan parallèle au plan de symétrie, où
se trouve le point S. Si M est un point de la section,
Soit S' la projection de S sur ce plan,
MS — R' = MS' — (r^ — SS'j = MS' — R',
R' étant le rayon de la section faite par le plan dans la
sphère (S).
Sur le flnorchlorbromméthane ; par Frédéric Swarls,
répétiteur à l'Université de Gand.
J'ai l'honneur de soumettre à l'appréciation de l'Aca-
démie la suite de mes recherches concernant l'action du
mélange de brome et de trifluorure d'antimoine sur les
dérivés halogènes des substances organiques.
Mes travaux antérieurs ont montré que, dans les pro-
duits de substitution chlorés, on parvient, par l'action de
ce mélange, à remplacer un atome de chlore par du fluor.
Il était probable, a priori, que les dérivés bromes se com-
porteraient d'une manière analogue. J'ai fait plusieurs
expériences dans ce sens, notamment sur l'éthane tétra-
bromé symétrique CHBra — CHBrj; mais cette partie de
mon travail n'est pas encore achevée. J'ai pu néanmoins
constater que le brome se laisse substituer comme le
chlore.
( 103 )
Je me suis demandé, au cours de ces recherches, corrt-
menl se comporlerait un dérivé chlorobromé, car il étail
intéressant de savoir lequel des deux éléments, chlore ou
brome, céderait sa place au fluor. En effet, si rafïinilé du
chlore pour le carbone est supérieure à celle du brome, il
en est de même des affinités de ces halogènes pour l'anti-
moine.
La substance qui semblait devoir se prêter le mieux à ce
genre de recherches eût été le composé CCIaBrj. Mais ce
corps n'est guère connu jusqu'ici ; c'est à peine si Paterno (')
l'a entrevu. J'ai essayé, mais en vain, de l'obtenir en
chauffant dans un appareil à reflux du chlorure de méthy-
lène, soit avec du brome pur, soit en y ajoutant des adju-
vants tels que les chlorures ou bromures de fer, d'alumi-
nium, d'antimoine ou d'iode.
J'ai opéré ensuite en tubes scellés à 130° en présence
du chlorure ferrique. Après quatre cents heures de chauffe
le brome avait presque complètement disparu.
Le produit de cette réaction, soumis à la distillation
fractionnée, n'a donné aucun corps à point d'ébullition con-
stant. Ce qui passait à 128" avait une densité de vapeur
de 8,45 et contenait 67,40 °/o de brome.
Le composé CCUBr^ aurait une densité de vapeur théo-
rique de 8,S2, et une teneur en brome de 65,8 "/c Mais le
rendement était si faible que j'ai renoncé pour le moment
à poursuivre l'élude d'un composé si pénible à préparer.
Dans quelques-uns de mes tubes scellés j'avais intro-
duit une quantité de brome en rapport avec l'obtention du
dichlorbromméthane CHCijBr. Ce composé est connu, il
(*) Gazzetta chimiea italiana. Anno I, p. 593.
( 104 )
bout à 91°, mais je ne suis pas parvenu à l'isoler; par
contre, j'ai obtenu du chlorure de méthylène inaltéré et le
produit CCl2Br2(?) mentionné plus haut, ce qui confirme
les indications de V. Meyer (') concernant l'action du
brome ou du chlore sur les composés chlorés ou bro-
mes (**).
J'ai porté alors mes investigations sur le chlordibrom-
méthane, CCIBrgH que Jarobsen et Neumeister ont pré-
paré en partant de l'acélal monochloré ('**).
J'ai introduit le chlordibrommélhane avec la quantité
nécessaire de brome et de fluorure d'antimoine dans un
ballon de verre muni d'un bon réfrigérant ascendant et
j'ai chauffé le mélange pendant douze heures à 60". La
réaction est assez vive et Ton voit un liquide très volatil
se condenser dans le réfrigérant. Après refroidissement le
ballon contenait d'abondantes aiguilles cristallines de bro-
mure d'antimoine, baignées d'un liquide que j'ai séparé par
décantation et lavé au sultile de soude pour le débarrasser
du brome, en évitant toute élévation de température. Je
l'ai desséché ensuite sur du chlorure de calcium, et, après
(*) Joum. furprakt. Chcm. (2), XLVI, t61, cl Ber. 25, .5504.
(") L'action du brome sur le chlorure de méthylène est beaucoup
plus complexe qu'on ne serait lente de le croire à première vue, et
mériterait une étude plus complète. J'ai notamment pu reconnaître,
parmi les nombreux produits de la réaction, la présence d'une nota-
ble proportion de CCI^.
("") D'après Lieben [j4nn., t. CXLV) l'acétal monochloré s'obtient
en décomposant l'éther bichloré dissymétrique par l'élhylate de
sodium et en enlevant par l'eau le chlorure de sodium formé. J'ai
obtenu un rendement bien plus satisfaisant en épuisant le mélange
par l'éther ordinaire, que j'éliminais ensuite par distillation.
( i05 ;
plusieurs reclificalions successives, j'ai obtenu un corps
dislillant à 58».
La substance bouillant à 58° est un liquide incolore,
très mobile, doué d'une odeur ciiloroforinique agréable. Il
ne se solidifie pas à — 65°. Sa densité est de 1,9058 à 16".
La lumière solaire l'altère et le jaunit légèrement, beau-
coup moins cependant que le chlordibromméthane. Il n'at-
taque pas le verre à la température ordinaire, mais le cor-
rode fortement an rouge. L'acide nitrique est sans action
sur lui, la potasse aqueuse, en solution concentrée, le
détruit en le transformant en sels haloïdes.
J'ai pris la densité de vapeur de ce corps par le procédé
de Hofmann. Voici les résultats obtenus :
POIDS
VOLUME
HAUTEUR
de
TEMPÉRATURE.
de la vapeur
barométrique
DENSITÉ.
la substance.
en c. c.
réduite à 0«.
0,0696
100»
46,i
240°"»,1
.H,04
0,0696
d7,o»
4-1,2
202
5,23
0,1023
iOO
54,2
297
Moyen
5,087
NE : 5,ii
Cette densité conduit à un poids moléculaire de 147,5,
ce qui est exactement le poids moléculaire d'un corps dont
la formule serait CClBrFlH.
L'analyse a confirmé ces prévisions. Les dosages ont été
effectués par les procédés indiqués dans mes précédents
mémoires. En voici les résultats :
ls',5095 de substance ont donné 0,4525 CO2 corres-
pondant à 0,1175 C, soit 7,80 °U et 08%1155 H2O corres-
pondant à 0,0126 H, soit 0,85 '/o.
( 106)
ls',61249 de substance ont donné 0,4306 de CaFl, cor-
respondant à 0,2i032 FI, soit 12,93 »/„.
1«%6249 de substance ont donné 2^^0525 de AgBr, soit
0,8737 Br ou 53,76 "/o, et 1,5385 AgCI correspondant
à 0,38229 Cl, soit 23,55%.
Les quantités trouvées et calculées pour CCIBrFIH sont
donc respectivement de
Trouvé. Calculé.
C= 7,80
8,16
H= 0,83
0,68
FI = 12,95
12,88
Cl = 23,55
23,92
Br = 55,76
54,20
Le nouveau composé a donc bien pour formule
CHCIBrFI. Il résulte du dibromchlorméthane par la sub-
stitution du fluor au brome, ce qui est confirmé d'ailleurs
par la formation exclusive de bromure d'antimoine. C'est
donc l'affinité prépondérante du fluor pour le carbone qui
a déterminé le sens de la réaction; le fluor élimine l'élé-
ment pour lequel le carbone a le moins d'affinité.
Le fluorchlorbromméthane, car tel est le nom qu'il con-
vient de donner à la nouvelle substance, est le représen-
tant le plus simple des composés à carbone asymétrique.
Je n'ai pu faire jusqu'ici l'élude de ses propriétés opti-
ques, attendu que je ne possède pas encore une quantité
de matière suffisante pour ce genre de recherches.
Remarquons, en terminant, que la présence du brome
diminue sensiblement la stabilité de cette combinaison; le
fluochloroforme résiste à la lumière et à la potasse aqueuse
le fluorchlorbromméthane est attaqué par ces deux agents.
( ^07)
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 3 juillet 1893.
M. Ch. Loomans, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alph. Wauters, P. Wiliems, S. Bor-
mans, Ch. Piot, Ch. Potvin, J. Stecher, T.-J. Lamy, G.
Tiberghien, Alex. Henné, Gust. Fréclérix, le comte Goblet
d'Alviella, F. Vander Haeghen, J. Vuyisteke, E. Banning,
A. Giron, le baron J. de Chestret de Haneffe, membres;
Alph. Rivier, associé; Paul Fredericq, Mesdach de ter Kiele
et Paul Thomas, correspondants.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Agriculture, de l'Industrie et des
Travaux publics accuse réception du rapport du jury qui
a jugé les travaux soumis pour la cinquième période du
concours pour le prix fondé par le docteur Guinard.
Il exprime, en même temps, à MM. Bormans, Briart,
Dewalqup, Lamy et Rivier, membres du jury, ses plus vifs
remerciements pour la conscience et le talent dont ils ont
fait preuve dans l'accomplissement de la lourde tâche qui
leur était imposée.
( 108)
M. F. -A. Robyns, lauréat de ce concours, remercie pour
la haule récompense accordée à son OEuvre des sociétés
scolaires de tempérance.
— MM. Heinricli Brunner, Frédéric de Marleos, Edw.
Burnelt Tylor el Ern. Lavisse, élus associés, remercient
pour leurs diplômes.
— Hommages d'ouvrages :
1° La revision de la Constitution, discours par W. Frère-
Or ban ;
2* L'évolution du mariage, par le marquis de Nadaillac,
associé ;
3° Le grand Frédéric avant Vavènement, par Ernest
Lavisse, associé ;
4° La langue flamande en France depuis les temps les
plus reculés Jusqu'à nos jours, par Louis De Backer;
5° Notes sur l'Erythrée, par le capitaine L. Haneuse;
6" Bibliographie de l'histoire de Belgique, par Henri
Pirenne (présenté par M. P. Fredericq, avec une note qui
ligure ci-après). — Remerciements.
— Travail manuscrit à l'examen :
Drie onuilgegeven werken van J.-B. Houwaerl; door
F. Van Veerdeghem en 0. Van den Daele. — Commis-
saires : MM. Slecher et SIeeckx.
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
J'ai l'honneur de présenter à la Classe, au nom de
l'auteur, un livre qui sera accueilli avec reconnaissance par
tous ceux qui se consacrent à l'histoire nationale.
( 109)
La Bibliographie de V histoire de Belgique (1), par
M. Henri Pirenne, professeur à l'Université de Gand, est
un catalogue nnélhodique el chronologique des sources et
des ouvrages principaux relatifs à l'histoire des Pays-Bas
jusqu'en 1598 et à l'histoire de Belgique jusqu'en 1830.
L'auteur a fait pour l'histoire de notre pays ce que
Dahlmann et Waitz (2) ont fait pour l'Allemagne, et plus
récemment M. Monod (5) pour la France.
On peut affirmer qu'il a rempli sa tâche aussi conscien-
cieusement que ceux qu'il a pris pour modèles. Aussi son
livre sera-t-il bientôt le vade-mecum des historiens belges
en même temps qu'un guide indispensable pour tous ceux
qui, à l'étranger, étudient l'histoire de notre pays.
Paul Fredericq.
CONCOURS.
En vertu d'une décision de la Classe des lettres, votée
en séance du 12 octobre 1892, ses programmes de con-
cours seront publiés dorénavant en français el en flamand.
(i) Gand, Engeicke; xvi-23i pages.
(2) F. C. Dahlmanm's QueUenkunde der deutschen Geschichle.Quel-
len und Bearbeitungen der deutschen Geschichte neu zusammen-
gestellt von G. Waitz. 3« édition. Gœttingue, 4883.
(5) G. Monod, Bibliographie de l'histoire de France. Paris, 1888.
( iiO )
PROGRAMME DE CONCOURS POUR L'ANNÉE 1894.
Première question.
Apprécier d'une façon critique et scientifique l'influence
exercée par la littérature française sur les poètes néerlandais
des XI II" et XI V^ siècles.
Deuxième question.
On demande une étude sur l'évolution du roman français
au XIX" siècle.
Troisième question.
Étudier, au point de vue historique et au point de vue
dogmatique, la nature et les effets des traités de garantie,
et spécialement des traités qui ont pour objet la garantie,
par un ou plusieurs États, du territoire, de l'indépendance,
de la neutralité d'un autre État.
Quatrième question.
Montrer comment l'Espagne, par sa diplomatie et par ses
armées, a combattu la politique de la France aux Pays-
Bas, de 1635 à 4100.
Cinquième question.
On demande l'histoire du Panthéon de Rome.
Les concurrenls feront ressortir les motifs qui ont
engagé les empereurs à donner à cet édifice un caractère
différent de sa destination primitive. Ils tiendront aussi
compte des vicissitudes que ce temple a subies jusqu'à nos
jours, tant au point de vue théogonique qu'au point de
vue archéologique.
(m )
Sixième questio;>'.
Faire lliistoire et la statistique des caisses d'épargne en
Belgique. Exposer leurs diverses opérations et les résultats
obtenus, surtout au point de vue de la classe ouvrière.
f.a valeur des médailles d'or présentées comme prix sera
(le mille francs pour la troisième et la sixième question,
et de six cents francs pour chacune des quatre autres
questions.
Les mémoires devront être écrits lisiblement et pourront
être rédigés en français, en flamand ou en latin. Ils devront
être adressés, francs de port, avant le i" février 1894,
à M. le secrétaire perpétuel, au palais des Académies,
à Bruxelles.
PROGRAMME DE CONCOURS POUR L'ANNÉE 1895.
Première question.
Quelle a été en Flandre, avant l'avènement de la maison
de Bourgogne, l'influence politique des grandes villes, et
de quelle manière s'est-elle exercée?
Deuxième question.
Flaire l'histoire de la littérature française en Belgique, de
1815 à 4850.
Troisième question.
On demande une étude critique sur les Vies de saints de
l'époque carlovingienne (depuis Pépin le Bref jusqu'à la
fin du X* siècle).
L'auteur ne s'alléchera qu'aux Vies présentant un inté-
rêt historique.
( 112)
Quatrième question.
On demande une élude sur les divers si/slèmes péniten-
tiaires modernes considérés au point de vue de la théorie
pénale et des résultats obtenus.
Cinquième question.
Histoire du Bouddhisme du Nord, spécialement au
Népaul. Utilité des sources sanscrites pour l'étude du
Bouddhisme.
Sixième question.
Faire une édition critique des fragments des ouvrages
en prose de Varron cités textuellement ou avec le nom de
l'auteur par les écrivains anciens.
Septième question.
Faire l'histoire de Cassistance publique dans les cam-
pagnes en Belgique.
La valeur des médailles d'or présentées comme prix sera
de huit cents francs pour chacune des cinq premières
questions; elle sera de six cents francs pour la sixième et
pour la septième.
Les mémoires devront être écrits lisiblement et pour-
ront être rédigés en français, en flamand ou en latin. Ils
devront être adressés, francs de port, avant le i" février
1895, à M. le secrétaire perpétuel, au palais des Académies,
à Bruxelles.
( n-'î )
CONDITIONS RÉGLEMENTAIRES COMMUNES A CES DEUX CONCOURS.
L'Académie exige la plus grande exacliiiide dans les cita-
lions; elle demande, à cet effet, que les auteurs indiquent
les éditions et les pages des livres qu'ils citent.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage;
ils y inscriront seulement une devise, qu'ils reproduiront
dans un billet cacheté renfermant leur nom et leur adresse.
Faute par eux de satisfaire à celte formalité, le prix ne
pourra leur être accordé.
Les ouvrages remis après le terme prescrit, ou ceux
dont les auteurs se feront connaître, de quelque manière
que ce soit, seront exclus du concours.
L'Académie croit devoir rappeler aux concurrents que
dès que les mémoires ont été soumis à son jugement, ils
sont et restent déposés dans ses archives. Toutefois, les
auteurs peuvent en faire prendre des copies, à leurs frais,
en s'adressanl, à cet effet, au secrétaire perpétuel.
PRIX PERPÉTUELS.
PRIX DE STASSART POUR UNE QUESTION d'hISTOIRE NATIONALE.
(Sixième période : 1889-1894.)
La Classe des lettres offre, pour la sixième période de
ce concours, un prix de trois mille francs à l'auteur du
meilleur travail, rédigé en français, en flamand ou en latin,
en réponse à la question suivante :
Faire Vhisloire du Conseil privé aux Pays-Bas, à par-
tir de son origine jusqu'en i794; examiner les attributions
de ce corps, ses prérogatives et sa compétence en matière
politique, d'administration et de justice.
5""* SÉRIE, TOME XXVI. 8
( ii4 )
Le délai pour la remise des manuscrits expirera le
31 janvier 1894 inclusivemenl.
Les concurrents devront se conformer aux conditions
réglementaires ci-dessus des concours de la Classe.
PRIX DE STASSART POUR UNE NOTICE SUR UN BELGE
CÉLÈBRE.
(Septième période : 1887-1892.)
La Classe des lettres ajourne jusqu'au 31 janvier 1894
inclusivement la clôture de cette septième période, pour
laquelle elle offre un prix de mille francs à l'auteur de la
meilleure notice, écrite en français, en flamand ou en latin,
consacrée à la vie et aux travaux de Lambert Lombard,
peintre et architecte à Liège (1506-1566).
Les concurrents devront se conformer aux conditions
réglementaires ci-dessus des concours de la Classe.
PRIX DE SAlNT-GENOIS POUR UNE QUESTION d'hISTOIRE
OU DE LITTÉRATURE EN LANGUE FLAMANDE.
(Troisième période : 1888-1897.)
La Classe des lettres offre, pour la troisième période de
ce concours, un prix de tnille francs à l'auteur du meilleur
travail, rédigé en flamand, en réponse à la question sui-
vante :
Caractériser l'influence exercée par la Pléiade française
sur les poètes néerlandais du XVP et du XVII^ siècle.
Le délai pour la remise des manuscrits expirera le
31 janvier 1897 inclusivement.
Les concurrents devront se conformer aux conditions
réglementaires ci-dessus des concours de la Classe.
( ^^^ )
PRIX JOSEPH GANTRELLE
FONDÉ POUR LA PHILOLOGIE CLASSIQUE.
(Première période : 1891-189-2.)
La Classe des lettres remet au concours pour celle
première période, prolongée jusqu'au 31 décembre 1894
(inclusivement), le sujet suivant :
Faire une étude critique sur les rapports publics et privés
qui ont existé entre les Romains et les Juifs jusqu'à la
prise de Jérusalem par Titus.
(Deuxième période: 1893-1894.)
La Classe des lettres propose le sujet suivant pour cette
période :
Faire une édition critique et exégétique des biographies
de Jules César, d'Auguste et de l'ibère, par Suétone.
Un prix de deux mille sept cent cinquante francs est
attribué à la solution de chacune de ces questions.
Les mémoires envoyés devront être rédigés en français,
en flamand ou en latin.
Le délai pour la remise des manuscrits expirera le
31 décembre 1894 inclusivement. Ils devront être adressés,
francs de port, à M. le secrétaire perpétuel de l'Académie,
au palais des Académies, à Bruxelles.
Les concurrents devront se conformer aux conditions
réglementaires ci-dessus des concours de la Classe.
Ne seront admis à concourir que des auteurs belges;
les membres ou correspondants de l'Académie sont exclus
du concours.
Sont aussi exclus du concours les ouvrages destinés à
( H6 )
l'enseignement proprement dit, à l'exception des éditions
de textes dites savantes, et des grammaires ou disserta-
tions grammaticales ayant pour objet de faire progresser
la science.
PRIX CASTIAU.
(Cinquième période : 1893-1895.)
I.a Classe rappelle que la cinquième période de ce con-
cours sera close le 31 décembre 1895 inclusivement.
Le prix, d'une valeur de mille francs, sera décerné à
l'auteur du meilleur travail :
Sur les moyens d'améliorer la condilion morale, intellec-
tuelle et physique des classes laborieuses et des classes
pauvres.
Tout ce qui concerne ce concours devra être adressé à
M. le secrétaire perpétuel de l'Académie, au palais des
Académies, à Bruxelles, avant le 1" janvier 1896.
Ne seront admis à concourir que les écrivains belges.
Seront seuls examinés les ouvrages soumis directement
par les auteurs. Ces ouvrages pourront être rédigés en
français ou en flamand. Les manuscrits seront reçus
comme les imprimés. S'ils sont anonymes, ils porteront
une devise qui sera répétée sur un billet cacheté, contenant
le nom et le domicile de l'auteur.
Si l'ouvrage couronné est inédit, il devra être publié
dans l'année; dans ce cas, le prix ne sera délivré au
lauréat qu'après la publication de son travail.
Les manuscrits deviennent la propriété de l'Académie;
toutefois les auteurs peuvent en faire prendre copie, à
leurs frais.
( H7î
PRIX ANTON BERGMANN.
(Seconde période : 1887-1897.)
Le prix pour celle périorleesi réservé à la meilleure liis-
loire, écrile en néerlandais, d'une ville ou d'une commune
apparlenanl à la province de Braôaw/ (l'arrondissemenl de
Nivelles excepté), et comptanl au moins cinq mille hahi-
tanls.
Le prix à décerner est de trois mille francs.
Le délai pour la remise des travaux expirera le
51 janvier 1897 inclusivement.
Selon les dispositions de la fondatrice, M™* Bergmann,
les livres imprimés sonl admis à ce concours an même
litre que les manuscrits; ceux-ci pourront être ou signés
ou anonymes. Dans ce dernier cas, l'auteur devra joindre
à son travail un billet cacheté renfermant son nom et son
domicile. L'emploi d'un pseudonyme exclut l'auteur du
concours.
D'après les termes généraux employés dans l'acte de
donation, les œuvres historiques seront comprises dans les
avantages de la fondation du prix, qu'elles aient pour
auteurs des étrangers ou des Belges, pourvu qu'elles soient
écrites en flamand et éditées en Belgique ou dans les
Pavs-Bas.
PRIX TEIRLINCK POUR UNE QUESTION DE LITTÉRATURE
FLAMANDE.
(Quatrième période : 1892-1896.)
Un prix de mille francs sera accordé au meilleur ouvrage
en réponse à la question suivante :
Faire l'histoire de la prose flamande avant l'influence
(H8)
bourguignonne, c'est-à-dire jusqu'à l'époque de la réunion
de nos provinces sous Philippe de Bourgogne, vers iâ50.
Le délai pour la remise des manuscrits, qui peuvent
êlre rédigés en français, en flamand ou en latin, expirera
le 51 janvier 1896 inclusivement.
Les concurrents devront se conformer aux conditions
réglementaires ci-dessus des concours de la Classe.
PRIX JOSEPH DE KEYN.
Septième concours. (Deuxième période : 1892-1893.)
Enseignement moyen et art industriel.
La Classe des lettres rappelle que la deuxième période
du septième concours annuel pour les prix Joseph De
Keyn sera close le 51 décembre 1895 inclusivement.
Cette période, consacrée à l'enseignement du second
degré, comprend les ouvrages d'instruction ou d'éducation
moyenne, y compris l'art industriel.
Une somme de trois mille francs pourra être répartie
entre les ouvrages couronnés.
Tout ce qui a rapport à ce concours doit être adressé,
avant le l" janvier 1894, à M. le secrétaire perpétuel de
l'Académie, au palais des Académies, à Bruxelles.
Peuvent prendre part au concours : les œuvres inédiles,
aussi bien que les ouvrages de classe ou de lecture qui
aurontétépubliésdul"janvier 1892au51 décembre 1895.
Ne seront admis que des écrivains belges et des
ouvrages conçus dans un esprit exclusivement laïque et
étrangers aux matières religieuses. Les ouvrages pourront
être écrits en français ou en flamand, imprimés ou manu-
scrits. Les imprimés seront admis, quel que soit le pays où
ils auront paru. Les manuscrits pourront êlre envoyés
(H9)
signés ou anonymes; dans ce dernier cas, ils devronl être
accompagnés d'un pli cacheté conlenanl le nom de l'au-
leur el son domicile. Les manusciils demeurenl la pro-
priété de l'Académie, mais les auteurs peuvent en faire
prendre copie, à leurs frais. Tout manuscrit qui sera cou-
ronné devra être imprimé pendant l'année courante, et le
prix ne sera délivré à l'auteur qu'après la publication de
son ouvrage.
La Classe des lettres jugera le concours sur le rapport
d'un jury de sept membres, élu par elle dans sa séance du
mois de janvier 1894.
PROGRAMMA DER PRIJSKAMPEN
VOOR HET JAAR 1894
Eerstk prijsvraag.
a Op crilische en welenschappelijke wijze den invloed
bepalen door de Fraiische lellerkunde op de Nederlandsche
dichlers der XIII' en X/P eeiiwen uitgeoefend. »
TWEEDE PRIJSVRAAG.
« Men vraagt eene studic over de vervormingen van
den Franschen roman in de XIX' eeiiw. »
Derde prijsvraag.
« Vit een hhlorUch en nit een dogmalisch slandpunt
den aard en de iiitwerksels onderzoeken van de waarborgs-
verdragen, en inzonderheid. van de verdragen waardoor
een of meer Slaten^hel grondgebîed, de onaf/iankelijkheid,
de onzijdigheid van eenenlanderen Slaat waarborgen. »
( ^20 )
ViERDE PRIJSVRAAG.
« Aantoonen hoe Spanje door zijne diplomatie en door
zij'ne légers Frankrijk's staalkunde in de Nederlanden
van i635 lot 4100 heeft beslreden^ »
VlJFDE PRIJSVRAAG.
a Men vraagt de geschiedenis van liel Panthéon te
Rome. ■
De mededingers zullen de redenen doen uitschijnen,
die de keizers bewogen hebben om aan dit gebouvv een
karakler te geven, verschillende van zijne eerste beslem-
ming. Zij zullen ook de wisseivalligheden van dezen
tempel schetsen toi op onzen lijd, zoowel op godsdienstig
als op oudheidkundiggebied.
ZeSDE PRIJSVRAAG.
« De geschiedenis schrijven en de slatistiek opmaken der
spaarkassen in België. Hare verschillende verrichlingen
en de verkregen uitslagen, vooral met hetoog op de belan-
gen van den werkenden stand, uiteenzetlen. »
De waarde der als prijs uilgeloofde gouden eerepenin-
gen zal van duizmd frank zijn voor de derde en zesde,
en van zes honderd voor elke der vier overige prijsvragen.
De ingezonden verhandelingen moeten leesbaar geschre-
ven zijn en niogen in bel Fransch, het Nederlandsch of het
Latijn opgesleld zijn. Voor 1'" Februari 1894- moeten zij
aan den heer Bestendigen Secrelaris, in het Paleis der
Academiën te Brussel, vraehtvrij gezonden vvorden.
( i21 )
PROGRAMMA DER PRUSKAMPEN
VOOR HET JAAR 1895.
Eerste prijsvraag.
« Welke ivas in Vlaanderen, vôôr liet optreden van het
Bourgondisch vorstenhuis, de staatkundige invloed der
groote steden en op welke wijze liet die invloed zich
gelden ? »
TWEEDE PRIJSVRAAG.
a De geschiedenis der Fransche lelleren in België van
4S15tot 4830 scfietsen. »
Derde prijsvraag.
« Men vraagl eene crilische sliidie over de Vitae der
heiligen uit het karolingisch lijdvak {van Pepijn den
Korte tôt het einde der A'* eenw). »
De sclirijver zal alleen de Vitae, die een hislorisch
belang opleveren, le hehandelen hebben.
ViERDE prijsvraag.
« Men vraagt eene studie over de versckillende gevange-
nisstelsels uit den nieuweren tijd, in het licht der straf-
rechtelijke théorie en der verkregen uitslagen beschouwd. »
VlJFDE prijsvraag.
« Geschiedenis van het Noorder-Boedhisme, voorname-
lijk in Nepaid. Belang der sanskrietische bronnen voor
de studie van het Boedhisme. »
( 122)
Zesdr prijsvraag.
« Eene critische uitgave bezorgen van al de fragmenten
van Varro's prozaschriften, ivelke wcordelijk of met enkele
vermelding van zijnen naam bij de schrijvers der oudheid
aangehaald worden. »
Zevende prijsvraag.
« De geschiedenis sc/ietsen van de openbare armenver-
zorging op het plalte land in België. »
De waarde der als prijs nilgeloofde gouden eerepen-
ningen zal van achl honderd frank voor elke der vijf eersle
prijsvragen zijn, en van zes lionderd voor de zesde en de
zevende.
Deingezonden veriiandelingen moeten leesbaar geschre-
ven en mogen in bel Fransch, het Nederlandsch of het
Latijn opgesleld zijn. Vôôr 1"" Februari 1895 moeten zij
aan den heer Beslendigen Secrelaris, in het Paleis der
Academiën le Brussel, vrachtvrij gezonden worden.
Reglementsbepalingen die voor de twee bovengemelde
PRIJSKAMPEN GEMEEN ZIJN.
De Académie, eischt de grootsle nauwkeurigheid in de
cilalen. Te dien einde verlangt zij van de schrijvers, dat zij
de uilgaven en de bladzijden der door hen aangehaalde
werken zullen aanduiden.
Op hun werk mogen de schrijvers hunnen naam niet
vermelden; alleen zullen zij er eene kenspreuk plaatsen,
die moel herhaaid worden op een verzegelden brief, beval-
tende hunnen naam en hun adres. Indien zij aan dezen
eisch le korl komen, kan geen prijs hun worden toege-
wezen.
( 123 )
Werken, die na den gestelden dalum inkomen of waar-
van de schrijver, op welke manier ook, zich heel't lalen
kennen, zullen uit den piijskamp geslolen worden.
De Académie herinnert aan de mededingers, dat de ver-
handelingen in haar archief beruslen en blijven moelen
van bel oogenblik af dal zij aan baar oordeel werden
onderworpen. Nochlans kunnen de schrijvers, op bunne
eigene koslen, afschriften van bunne ingezondene werken
lalen maken; daartoe moelen zij zicb lot den Beslendigen
Secrelaris wenden.
BESTENDIGE PRIJSKAMPEN.
Prijs de Stassart vogr eene prijsvkaag over
vaderlandsche geschiedenis.
(Zesde tijdvak : 1889-1894.)
De Klas der Letleren looft, voor bel zesde tijdvak van
dezen prijskamp, eenen prijs van drie duizend frank uit
aan den scbrijver van bel besle werk, gescbreven in het
Franscb, bel Nederlandscb of bel Latijn, als antwoord op
de volgende prijsvraag :
« De geschiedenis schrijven van den geheimen Raad in
de Nederlanden, van zijne inrichting af tôt in 11 9â,
bevattende een onderzoek over zijnen werkkring, zijne
vnorrerhlen en zijne bevoegdheid in zake van staatkunde,
bestuitr en gerecht. »
Véôr 51*" Januari 1894 is de lermijn loi bel inzenden
der verbandelingen versireken.
De mededingers zullen de bovenstaande reglemenls-
bepalingen voor de prijskampeo der Klas moelen in acbt
nemen.
( \U )
Prijs de Stassart voor eene verhandeling over eenen
BEROEMDEN BeLG.
(Zevende tijdvak : 1887-1892.)
De Klas der Letteren verschuift toi 31"" Januari 1894
(dezen dag inbegrepen) de sluiting van dit zevende
lijdvak en loofl eenen prijs van duizend frank uit voor
den schrijver der beste verhandeling, geschreven in bel
Fransch, bel Nederlandsch of bel Lalijn, en gewijd aan
bel leven en de werken van Lambert Lombard, kunsl-
scbilder en bouwmeester le Luik (1 506-1 S66).
De mededingers zuHen de bovenslaande reglemenls-
bepalingen voor de prijskampen der Klas moelen in acbl
nemen.
Prijs de Saint -Génois voor eene Nederlandsche ver-
handeling OVER GESGHIEDENIS OF LETTERKIINDE.
(Derde tijdvak : 1888-1897.)
De Klas der Letleren lool'l, voor bel derde tijdvak van
dezen prijskamp, eenen prijs van duizend frank uit voor
den scbrijver van bel beste werk, gescbreven in bel
Nederlandscb, als antwoord op de volgende prijsvraag :
« Den invloed bepalen door de Fransche Pléiade op de
Nederlandsche dichlers der AT/* en XVll" eenwen uit-
geoefend. »
Vôor 51*" Janiiari 1897 is de termijn lot bel inzenden
der verbandelingen verstreken.
De mededingers zullen de bovenslaande reglemenls-
bepalingen voor de prijskampen der Klas moelen in acbl
nemen.
( 125 )
Prus Joseph Gantrelle gestight tôt aanmoediging
der klassieke philologie.
(Eerste tijdvak : 1891-1«92.)
De Klas der Lelteren verlengl dit eerste tijdvak lot
51*° December 1894 en schrijft opnieuw de volgende
prijsvraag uit :
« Eene critische studie maken over de openbare en
bijzondere betrekkingen, die bestaan hebben tusschen de
Romeinen en de Joden tôt aan de inneming van Jeruzalem
door Titus. »
(Tweede tijdvak : 1895-1894)
De Klas der Letteren schrijft voor dit tijdvak de vol-
gende prijsvraag uit :
« Eene critische en exegetische uitgave bezorgen van
Siietonius' levens van Juliiis Caesar, Augustus en Tibe-
rius. »
Een prijs van Iwee duizend zevenhonderd vijftig frank
wordt voor elke dezer prijsvragen uilgeloofd.
De ingezonden verhandelingen moeten in hel Fransch,
het Nederlandsch of hel Latijn opgesteld zijn.
Vôdr 51"" December 1894 is de teraiijn toi het inzenden
der verhandelingen verslreken. Zij moeten vrachtvrij aan
den heer Beslendigen Secretaris, in het Paieis der Aca-
demiën le Brussel, gezonden worden.
De mededingers zullen de bovenslaande reglements-
bepalingen voor de prijskampen der Klas in acht nemen.
( i26 )
Slechls Belgische schrijvers mogen mededingen voor
den prijs. De titulaire en briefwisselende leden der Aca-
démie blijven builen den prijskamp geslolen.
Builen den prijskamp zijn ook geslolen : de werken
beslemd voor bel eigenlijk onderwijs, ter uilzonderiog
der zoogezegde wetenschappelijke tekstuilgaven en der
spraakieeren of spraakkundige verbandelingen, die voor
doel hebben de wetenschap vooruil le breogen.
Prijs Castiau.
(Vijfde lijdvak : 1893-1893.)
De Klas der Lelteren berinnert er aan, dat bel vijlde
lijdvak van dezen prijskamp op 31^'"'" December 1895
geslolen wordl.
De prijs ter waarde van duizend frank zal toegekend
worden aan den scbrijver van de beste verhandeling :
a Over de middelen tôt verbetering der zedelijke^ verstan-
delijke en lichamelijke gesteldheid der werkende en der
behoeftige standen. »
Ailes, wat dezen prijskamp belreft, vôôr 1*" Januaril896
in te zenden aan den heer Bestendigen Secrelaris, in bel
Paleis der Academiën le Brussel.
Slecbls de Belgiscbe scbrijvers worden lot dezen
prijskamp loegelalen. Geene andere werken znllen
onderzocbt worden dan degeiie, die recblstreeks door
hiinne scbrijvers aan bel oordeel der Académie worden
onderworpen. Deze werken mogen in bet Franscb of het
Nederlandscb opgesteld zijn. Handscbriflen zoowel als
( 127 )
dnikwerken vvorden loegelaten. Vermelden zij den naam
des scbrijvers niel, dan moelen zij eene kenspreuk dragen,
die op eenen verzegelden brief, bevallende zijnen naam
en zijne woonplaals, zal herbaaid slaan.
Is bel bekroond weik nog onuilgegeven, dan zal bel
binnen bel jaar der bekroning in druk moelen verscbijnen;
in dil geval zal de bekroonde den prijs slecbls na de
uitgave van zijn werk onlvangen.
De bandscbriflen worden bel eigendom der Académie;
nocblans mogen de scbrijvers er op bunne eigene koslen
afscbriflen van lalen vervaardigen.
Prijs Anton Bergmann.
(Tweede lijdvak : 1887-1897.)
Binnen dil lijdvak is de prijs voorbehouden aan de
besle in bel Nederlandscb gescbrevene gescbiedenis van
eene s lad of gemeenle beboorende lot de provincie Bra-
bant (uilgezonderd bel arrondissement Nijvel) en lellende
ten imn&le vijf duizend inwoners.
De uilgeloofde prijs is van drie duizend frank.
Vôôr 31'" Jannari 1897 is de lermijn loi bel inzenden
der werken verslreken.
Naar luid van de voorwaarden door de slicblsler Mevr.
Bergmann gesleld, worden de drukwerken op gelijken
voel als de bandscbriflen loegelalen; deze laalsle mogen
den naam des scbrijvers vermelden of verzwijgen. In dit
laalsle geval moet de scbrijver bij zijn bandscbrift eenen
verzegelden brief voegen, bevallende zijnen naam en
zijne woonplaals. Door bet aannemen van een pseudoniem
slnil de scbrijver zicbzelven iiit.
( 128 )
Ten gevolge der niet beperkende bewoordingen in de
schenkiijgsaklegebruikl, worden de hislorische gewroch-
len lolden prijskamp loegelalen, onverschillig of zij door
Belgen of vreemdelingen geschreven zijn, op voorwaarde
dat zij in het Nederiandsch opgesteld en in België of in
Nederland uilgegeven zijn.
Prus Teirlinck voor eene prijsvraag over
Nederlandsghe letterkunde.
(Viei-detijdvak; 1892-1896.)
Een prijs van duizend frank zal loegekend worden aan
het besle anlwoord op de volgende prijsvraag :
« De geschiedenis schrijven van het Nederland ch proza
vôôr den Bourgondischen invloed, d. i. tôt aan de veree-
niging onzer gewesten onder Philips van Bourgondië,
omstreeks 1430. »
Vôôr 31*"Januari 1896 is de lermijn verslreken lot bel
inzenden der verhandelingen, die in het Fransch, bel
Nederiandsch of het Latijn mogen opgesteld zijn.
De mededingers moeten de bovenstaande reglements-
bepalingen voor de prijskampen der Kias in acht nemen.
Prijs Joseph De Keyn.
Zevende prijskamp (Tweede lijdvak : 1892-1895).
Middelbaar onderwijs en nijverheidskunst.
De Klas der Letteren herinnert er aan, dat het tweede
tijdvak van den zevenden jaariijkschen prijskamp Joseph
De Keyn op 31'" December 1895 zal gesloten worden.
( J29 )
Gewijd aan hel onderwijs van rien Iweedeii graad,
omval (lit lijdvak de werkon over middelbaar onderwijs
olopvoeding, de nijverheidskutisi erin begrepen.
Eene sorn van drie duizend frank kan onder de
hekroonde vverken verdeeld worden.
Ailes, wai dezen prijskamp belrefi, rnoel voôr 1"" Ja-
nuari 1894- aan den béer Beslendigen Secrelaris, in b^t
Paleis der Academiën te Brussel, gezonden worden.
Mogen aan den prijskamp deelnemen : de onuilgege-
vene vverken, evenals de sebool- en leesboeken, die van
I*" Januari 1892 tôt 31'" December 1893 verscbenen zijn.
Alleen Belgische scbrijvers en werken, die in eenen
uilsluilend wereldlijken geesl builen aile godsdienslige
begrippen zijn opgeval, zullen loegelaten worden.
De handscbriflen ol" drukwerken mogen in liet Fransch
of bet Nederlandscb opgesteld zijn. De drukwerken
worden loegelaten zonder aanzien van bel land, waarin zij
bel liebt zagen. De handscbrillen mogen den naam des
scbrijvers vermelden of verzwijgen; in dit laasle geval
zullen zij vergezcld zijn van eenen verzegelden brief,
bevallende naam en woonpiaats des scbrijvers. De band-
scbrillen blijven Iiet eigendom der Académie; nocblans
kunnen de scbrijvers er op hunne eigene koslen al'scbrif-
ten van laten maken. leder bekroond bandschrift moet
binnen het loopend jaar in druk verscbijnen; siecbts na
de uilgave van zijn werk zal de bekroonde zijnen prijs
kunnen ontvangen.
De Klas der Lelteren zal over dezen prijskamp uit-
spraak doen na kennisneming van het versiag eener jury
van zeven leden, door haar gekozen in bare Januarizitting
van 1894.
3""* SÉRIE, TOME XXVI. 9
( 130)
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Nouvelle note à propos des dépouilles mortelles du célèbre
Antoine Arnauld; par Alphonse Waulers, membre de
l'Académie.
Depuis la publication de ce que j'ai écrit, à propos de
la sépulture du célèbre Antoine Arnauld, dans les Bulle-
tins de l'Académie royale de Belgique (1), le père Kieckens,
de la Compagnie de Jésus, a publié dans la revue intitu-
lée : les Précis historiques, des observations auxquelles je
dois répondre. « Une note inédite, dit-il, émanée d'un
j> écrivain belge du XVlll* siècle, nous permet d'affirmer
ï qu'à l'heure présente, les restes d'Arnauld sont mêlés à
» tous ceux qu'on a mis au jour lors de la destruction de
(1) 5« série, t. XXV, n" 3, 1895.
Signalons ici, comme une nouvelle preuve de la facilité avec
laquelle les erreurs historiques se répètent et se perpétuent, que,
dans le Dictionnaire de Bouillet (p. iJ9 de l'édition de 1843), il est
encore question de la mort d'Arnauld à Liège, dans les bras du père
Quesnel. Cette opinion peut s'appuyer de l'épitaphe publiée à
l'époque même et dont j'ai publié les dernières lignes; mais elle est
démentie, entre autres, par le Journal de Brossetle, et depuis long-
temps elle est généralement abandonnée.
( 131 )
» la vieille église Sainle-Catherine, et qu'ils reposent au
» cimetière d'Evere. »
Celte note inédile, le père Kieckens l'emprunte à un
manuscrit de Van Gestel, annoté par Foppens et actuelle-
ment conservé dans la bibliothèque des Bollandisles. Il y
est question du curé Van de Nesse qui, selon Foppens, fut
enseveli dans le chœur de SainleCalherine, « dans le
» même tombeau oij jadis avait été déposé le fameux doc-
» leur des jansénistes, Antoine Arnauld ». Voici comment
il s'exprime, d'après le père Kieckens : a Gulielmus Van
» de Nesse, Briixellensis, S. T. L., non aliler quam deser-
« vitor fuit, tam ad S. Catharinam quam in Motembecke.
» Famosus per multa dissidia quœ ex causa Jansenismi
» adversus archiepiscopum Humberlum a Prccipiano cau-
» savit. Decessit.... sepullus in choro ad S. Catharinam
B eodem in tumulo, ubi olim sepullus fuerat a(nno)...
» famosus jansenistarum doctor Antonius Arnaldus,cnjus
B cor et aliqua inleslina ad ubbaliam Portas Regii juxta
B Parisios transtulit Ernestus Ruthdans, D. Gudilœ cano-
» nicus.s On remarquera que ce texte est fort incomplet ;
l'auteur semble ignorer la date de la mort de Van de Nesse
et celle du décès d'Arnauld. Ces dates, si généralement
connues, de i716 et de 1694, sont remplacées par des
points dans le passage cité ci-dessus. Foppens n'avait donc,
au moment où il écrivait, aucune donnée positive sous les
yeux.
Pour prouver le peu d'exactitude de l'assertion de Fop-
pens, il suffit de remarquer que le curé Van de Nesse fut
enseveli dans la partie antérieure du chœur, non à part
ou parmi les desservants de l'église, mais dans la tombe
de sa famille paternelle, sur laquelle on lisait l'inscription
( 132 )
suivante, déjà publiée par Le Roy dans le Théâtre sacré
du duché de Brabant, lome I", p. 259 :
D. 0. M.
SEPULTURA FAMILIAE MARTINI DE VAN
DEN NESSE RECEPTORIS URBIS BRUXELLAE ET
ANNAE VAN DER ELST , CONJUGUM, OBIIT
ILLE 14 DECEMBRIS 1696, ILLA 20 OCTOBRIS
1705
R. D. GULIELMUS DE VAN DEN
NESSE S. T. L. ET HUJUS PAROCHIAE PER
32 ANNOS PASTOR. OBIIT PASTOR 25 (1) FEB.
1716, ALIIQUE LIBERI POSUERUNT
R. I. P.
Celte épitaphe existait encore en 1880, lorsque, à la
demande de l'Administration communale de Bruxelles,
alors que l'ancienne église Sainle-Calherine n'était pas
remplie par les décors du théâtre de la Monnaie, je copiai
les inscriptions que j'y trouvai; seulement, dans ma copie,
les mots Obiit pastoral feb. 4746 terminent cette inscrip-
tion, tandis que, dans Le Roy, ils sont intercalés entre les
mots : 52 annos pastor et ceux : aliique liberi posuerunt.
Remarquons aussi la particule nobiliaire de, qui précède
deux fois le nom patronymique de la famille. Pourquoi
(1) Il faut lire le 27 février. Voir plus loin, p. 134.
Cette épitaphe a été remaniée ; dans la même phrase où l'on dit
qu'elle fut placée par Guillaume et d'autres enfants de Martin Van
de Nesse; on ajoute que Guillaume fut pendant trente-deux années
curé de la paroisse. Elle est donc postérieure à la mort de celui-ci.
( <33)
celle addition? Je l'ignore complètement. Les Van de Nesse
ne figurent pas dans l'ancien Nobiliaire des Pays-Bas.
Martin Van de Nesse était un membre des Nations, par
conséquent un bourgeois plébéien, et c'est à ce titre qu'il
figure dans la lisle des magistrats de Bruxelles en qualité
de conseiller {raedsman) en 1678 et de receveur {receptor,
rentmeester) en 1682, 1683 et 1684. Quant au curé, nous
avons vu un grand nombre de pièces émanées de lui, et
jamais il n'y prend la particule.
il est incontestable qu'il a été inbumé à côlé de son
père : la mention de la date de son décès suffît pour le
prouver. Mais il y a mieux. Dans le manuscrit 1559 de la
collection Goelhals que j'ai déjà cité, il est positivement
compris parmi les personnes qui étaient déposées dans un
caveau de famille silué dans le hoogfie clioor, le grand
cbœur de l'église, mais biiyten den timyn, hors du sanc-
tuaire, et, en seconde ligne : Ce caveau contenait en 1710,
date d'un travail effectué par Van de Nesse lui-même, les
cercueils suivants : 0 10. Serck Martini Van de Nesse et
Anne Van der Elst — '1105. Voor de familie Nicolai
Van de Nesse (1). — Gregoris Platteborse et Jacquemyne
Van de Nesse, item. Puis vient, dans le manuscrit, d'une
encre plus noire, cette addition ': Jacobus Leyniers, sone
Urbanus, 16 meert il 1 1 — de eerw. heere GuiW de Van
de Nesse, pastor,2t7 feb. 17 16. — Maria-Theresiœ De Brye,
vrouwe Nicolai Van de Nesse, 25' jtiny 47 46. C'est-à-dire :
(1) Nicolas Van de Nesse fut conseiller de la ville en 1704, 1705
et 1706, et receveur du canal de Bruxelles à Willebroeck pendant
les années 1707-1711.
( i3i )
« 1710. Cercueil de Martin Van de Nesse et d'Anne Van der
Elsi^ _ nOo. Pour la famille de Nicolas Van de Nesse —
de Grégoire Plalteborse et de Jacquemine Van de Nesse.
— Item de Jacques Leyniers, iils d'Urbain, 16 mars 1711
— le très révérend sieur Guillaume de Van de Nesse, curé,
le 27 février 1716. — Marie-Thérèse de Brye, femme de
Nicolas Van de Nesse, 25 juin 1716. »
Le caveau du chœur de l'ancienne église Sainte-Cathe-
rine, où l'on a retrouvé les restes de deux ecclésiastiques,
n'a donc pas contenu le corps de Van de Nesse. Si celui-ci
avait été enseveli dans l'ancien caveau des Steenhout, ce ne
serait pas avec ses parents qu'il aurait été inhumé, ce qui
serait contre toutes les vraisemblances. Notre contradic-
teur suppose qu'en 1710, ce curé n'aurait pas dit toute la
vérité en parlant de ce que contenait le caveau des Steen-
hout. Nous lui laissons l'honneur de cette supposition toute
gratuite. Ce caveau a-l-il contenu celui d'Arnauld? Je
persiste à pencher pour la négative, car, si l'on admettait
l'authenticité de la déclaration publié vers 1780et attribuée
à Van de Nesse, on devrait admettre que le cercueil de
plomb qui aurait contenu les restes d'Arnauld aurait été
volé. Or, si le caveau en question avait été violé, les auteurs
de ce sacrilège n'auraient pas respecté les restes des deux
ecclésiastiques que l'on y a trouvés, ou les auraient jetés ou
abandonnés en désordre, au moins ceux contenus dans le
cercueil qu'ils venaient de profaner.
Les assertions de Foppens ne cadrent donc pas avec les
faits. Comment d'ailleurs un écrivain, ennemi acharné des
jansénistes, aurait-il mieux connu la vérité que ceux-ci
mêmes, pour qui (ou pour la majorité de qui) le lieu de
sépulture d'Arnauld était resté un mystère, ainsi que nous
( 133 )
l'avons prouvé dans noire précédenle lecture? Foppens
témoigne d'ailleurs de sa partialité lorsqu'il écrit que Van
de Nesse ne lut que desservant [non aliter quam deservilor
fuil), tant à Sainte-Catherine qu'à iMolenheek. C'est une
erreur et une erreur voulue; il est facile d'en donner
la preuve. Van de Nesse était bien en réalité curé de la
paroisse; mais après son retour de l'exil, en 1706, il eut,
avec l'archevêque de Malines, Thomas de Précipiano, de
longs et nouveaux démêlés. L'archevêque le déclara sus-
pendu de ses fonctions. Cette pénalité lui ayant été appli-
quée sans citation, sans informations, sans intervention du
promoteur, Van de Nesse recourut à l'autorité du prince,
et le conseil de Brabant, par un arrêté du 27 octobre 1707,
le maintint en possession de sa cure. L'archevêque voulut
passer outre, et, bien que désapprouvé par le conseil d'État
et par les États du duché, s'adressa au Saint-Siège, qui
déclara que les magistrats avaient encouru les sentences
comminées contre ceux qui violaient les immunités ecclé-
siastiques. Loin de se soumettre, le conseil de Brabanl
protesta contre de pareils agissements par une consulte
datée du 10 juin 1708 (1).
Néanmoins, on persista à ne plus traiter Van de Nesse
que de desservant, de deservilor, on lui suscita mille diffi-
cultés, et enfin, lorsqu'il expira, on prétendit qu'il était
frappé d'excommunication, on trouva mauvais qu'on lui
( 1 ) Voir ce débat résumé par notre collègue de l'Acadcmie, M. Giron,
dans le Droit public de la Belgique, p. 69. Bruxelles, Manceaux, 1884,
in-8». Il en est également question dans VHisloire de Bruxelles, par
M3I. Henné et Wauters, t. M, p. 174.
( 156)
eût donné la sépulture dans l'église. M. Proosl, archiviste-
adjoint pensionné aux archives de l'Étal, auquel on doit
un travail spécial très intéressant sur les vexations subies
par Guillaume Van de Nesse (1), n'ayant pas dit un mot de
cet incident ignoré, je crois utile d'en fournir la preuve,
d'après les pièces du temps que nous possédons à l'hôtel de
ville et qui proviennent des papiers mêmes de Van de
Nesse. Ajoutons que, quelques années après, la persécution
sévit furieuse contre les jansénistes, dont un grand nombre
et, en premier lieu, le célèbre juriste Van Espen, se virent
forcés de quitter le pays. Alors triompha Foppens, alors
aussi apparaissent les premières mentions de l'amitié
intime d'Arnauld et de Van de Nesse, dont il n'est pas
question dans les temps antérieurs.
Lorsque la nouvelle de la mort de Van de Nesse par-
vint à Malines, le vicaire général Van Susleren, qui venait
d'être nommé évêque de Bruges, s'empressa d'écrire, à la
date du 28 février 1716, au doyen de S'^-Gudule, de
Maeyere, la lettre suivante : R" ad'" Domine : Fama hic
vagatur qiiod I)"'" Guilielmus de Van den Nesse, desser-
vitor ad S. Calharinam, morte m obier il, et non scimiis
qunenam penitentiae signa dederit quo ad excommunica-
lionem et notam suam contumaciam. Qttare ex consilio
Capilali metropoUlani R''"" ad'" Dominationi vestrae signi-
ficandum duximus, nefunus absqite speciali nostra licencia
sepeliat el sepeliri permiflat (C'est-à dire : « Le bruit court
(1) Guillaume Van de Nesse, curé de Sainte-Catherine à Bruxelles.
Gaiid, I86i, in-8« (extrait du Messager des sciences historiques de
Belgique).
( 137 )
» ici que le sieur Guillaume de Van den Nesse, desservant
» de l'église Sainte-Catherine, est mort, et nous ne savons
r> quel signe de repentir il a donné à propos de son
B excommunication et de sa rébellion notoire. C'est
» pourquoi, de l'avis du Chapitre métropolitain, nous
» avons décidé de défendre à votre Domination de l'ense-
D velir ou de permettre de l'ensevelir sans notre permission
» spéciale (1). »
Celle dépêche si comminatoire produisit un singulier
effet à Bruxelles, où Van de Nesse était aimé et estimé
de la majorité de ses paroissiens. On peut en juger par les
deux pièces dont nous joignons ci-après le texte flamand
et dont voici l'analyse :
1" Nous soussignés déclarons el attestons qu'après que,
le 16 février 1716, lorsque feu le Révérend sieur Guillaume
de Van de Nesse, curé de Saint-Jean à Molenbeek el de
Sainte-Calherine, eut reçu les derniers sacrements, de
lemps en temps, parce que son confesseur ne pouvait,
empêché qu'il était par d'autres affaires, rester constam-
ment auprès de lui, nous l'avons engagé à faire des actes
de foi el lui avons lu l'acte de foi à différentes reprises
après lesquelles il a exprimé ses intentions. On lui à lu les
différentes prières de l'église, auxquelles il a répondu de
cœur, el est mort en bon pasteur el en vrai confesseur de
l'Église, etc. Fait le 27 février, vers midi, à la demande
des meilleurs amis du prénommé (2).
(Il Copie du temps aux Arcfiii^ea communales de liriixelles, Farde
Van de Nesse.
(2) Voir An.nkxe 1.
( iôS )
2° Suil une déclaration, en claie du 2 mars, rédigée à la
demande des plus proches parents de feu le curé Van de
Nesse, attestant qu'on a vu celui-ci, depuis son retour
d'Aix-la-Chapelle, en l'année 170G, célébrer la messe de
temps en temps publiquement et au su de tout le monde,
et principalement le dimanche et les jours de fêles, et
qu'en outre il a chanté avec son clergé les matines, les
vêpres, les compiles, les services funèbres, les anni-
versaires ; qu'il a assisté aux processions les jours de
Rogations et de Pâques, pour aller chercher les saintes
huiles, etc. (i)
Peu satisfait de ce qu'il apprenait, le vicaire général
Van Susteren écrivit en ces termes, le 2 mars, aux sieurs
Vercauwen, Verschueren, Nakates et autres membres du
clergé de Sainte-Catherine : Cum intelligamus consanfjui-
neos domini Guilelmi de Van de Nesse, deservitoris ad
S. Calherinam, non oblenla a me licentia funus ejus velle
publiée sepelire, Reverenliis vestris ex consilio capitidi
melropolilani Sancii Romoldi significandum duximus, hoc
ex consilio Iwjus capiluli fuisse inhibilum et ileralo
inhiberi, sub pœna censiiraruni aut alia arbilraria. Inté-
rim pennanemits, W' D"' R. V. DD., humillimus servus.
C'est-à-dire : « Ayant appris que les parents du sieur
» Guillaume de Van den Nesse, desservant de Sainle-
» Catherine, sans en avoir obtenu de nous la permission,
» veulent l'enterrer publiquement, nous avons jugé con-
» venable de signifier à vos Révérences, de l'avis du cha-
» pilre métropolitain de Sainl-Rombaud, que cela a été
(i) Voir An>exe 2.
( 139 )
» interdit de l'avis du chapitre, et est de nouveau défendu
» sous peine des censures ou autre peine arbitraire. Entre
» temps nous restons de vos Révérences le serviteur très
» humble. »
Le lendemain, il reçut la déclaration dont on trouvera
ci-après le texte et dont voici une traduction : «Je soussigné
» déclare que, le 16 février de l'année 17 16, à la demande
» (comme me le disait vers 7 heures du soir le Révérend
B S' Vcrschueren, vice -curé de Sainte-Catherine), à la
» demande, dis-je, du Révérend sieur De Meyer, doyen de l'il-
» lustre église collégiale des SS. Michel et Gudule, en ce
» moment indisposé, j'ai administré à 8 heures du
j> soir les saints sacrements de l'Eucharistie et de
B l'Extrême-Onction au Révérend sieur Guillaume de Van
T> den Nesse, desservant infirme de Sainte-Catherine à
r> Bruxelles, qui a reçu ces sacrements dévotement et
B avec respect. Mais aussi je déclare que je ne me rappe-
B lais plus rien de la sentence d'excommunication portée
B contre lui, ni de sa rébellion, de laquelle, si je m'en
B étais souvenu, je l'aurais averti en vertu de mon office,
B et s'il ne m'avait pas satisfait et donné des signes de
» repentir sur sa rébellion, je lui aurais refusé les der-
B niers sacrements. Donné à Bruxelles, le 3 mars 1716 p.
Et était signé : J.-H. Schmerlingh, prêtre, chanoine et
vice-doyen de SS. Michel et Gudule (1). »
En présence de cette déclaration formelle, il était difTi-
ciie de refuser les honneurs de la sépulture au curé
Van de Nesse, pour lequel on célébra un service à Sainle-
(i) Voir Annexe
( 140 )
Caiherine, le \ 0 mars (1 ). Noire dossier d'ailleurs se termine
là el nous n'en savons pas davantage. Ce que nous venons
dédire suffit pour apprécier les sentiments que l'on nourris-
sait à Malines, à l'égard de l'ancien pasteur janséniste.
Avant de terminer, disons que les archives de la ville
de Bruxelles possèdent un exemplaire du catalogue de la
bibliothèque de Yan de Nesse, qui fut vendue à la cure le
i 1 mai et les jours suivants. Ce catalogue avait été imprimé
chez Emmanuel De Grieck, imprimeur des États de Bra-
bant, qui demeurait rue Sainte-Catherine, à la Lampe
d'or (2).
(1) Voici, comme preuve de ce que j'avance, un extrait tiré
du registre des décès de l'ancienne paroisse de Sainte-Catherine :
« 27 februarius 17-16^ dilto is geslorven dm Erw. heere pastoor Guil-
» lielmus de Van de Nesse, pastoor van S'-Jans toi Moletibeke en
» S. Cnth'^. binnen Drussel, endc bchoorelyck begravcn door het capittel
« van S. Gudila op den 10 Mecrt t'savonts gesoncken dm dienste
» wegens het sterfflniys is gcschiet den... ditto, misse gesoiigen D. Ver-
•' schueren een, den heere pasfoor van Molenbeeck een, D. Nacafes eeti,
« dienen Auwericx, en Pilois offer 88. vigilie gesongen by versoeck van
« het sterffhuijs, cantores gedient de dry missen by versoeck, silvere
» cruys ornamenlen, baercleedt, eygen aerde, fabrijck, 26 groote
« yeluyten, 8 geluyten toi Molenbeeck, behangen van den autaer by
» versoeck van het sterffhuys, voor de kerck S9-8,
« 50 missen met de baer » .
(2) Catalogus librorum abnodum Revercndi et Eruditissimi Domini
Guillelmi de Van de Nesse, S. T. L., quondam pastoris S'-Joannis in
Molenheca et S'"-Catharinœ BruxcUis, quorum auctio habebitur in
domo pastorali ; Die 11 May et sequentibus diebus Anni 1716. Bru-
xellis. Apud Emanuelem De Grieck, typographum liev. ac NobiUum
statuum Brabant. In Platca S. Catharinœ sub Aurea lampade.
MDCCXVl. in-S» de 16 pages.
( Hl )
Il esl permis de supposer qu'il n'entra, dans ce
moment difficile, dans l'esprit de personne de recher-
cher où était enseveli Arnauld. On s'empressa de déposer
les restes de Van de Nesse à côté de ceux de ses parents,
et très certainement on ne se soucia pas de provoquer
inutilement la colère de l'archevêché. Que sont deve-
nues les dépouilles mortelles du célèbre curé? On ne
saurait le dire, car la tombe de sa famille a été déplacée
et se trouvait, en 1880, dans la nef de droite de l'église, et
non plus à l'endroit où le caveau existait primitivement.
Le sol, plusieurs fois remanié à la suite de travaux effec-
tués au pavage, n'offrait partout qu'un amas de sable, de
plâtras et de débris de tout genre.
La conclusion rigoureuse à tirer de ce qui précède
est donc, je le répèle, que Van de Nesse a été enseveli
avec ses parents et non, comme le prétend Foppens, à côté
d'Arnauld, et que les restes que l'on a pris pour les débris
de leurs corps n'avaient pas cette origine.
ANNEXES.
L
Wy oogergeschreven vcrclaeren ende attesteren dat wy
behouderlyck naer den 16 February 1716, alswanneer dat
wylen den eerw. heer pastoor van Sint-Jans lot Molenbeeck
ende Sinle-Cathlynen, Guilielmus de Van de Nesse, syne leeste
HH. Sacramenten ontfangen heeft, van tyt lot tyt (om dies-
wille synen bichtvader om syne andere affairen niet gedurich
( d42 )
en koste by hem syn in syne continuerende betrouwtheden),
by bem syn gegaen ende bem voorgchouwen en verweckt tôt
acte van geloove ende bet geloove van artikel tôt artikel in
verscbeyde ende interraittende poisen bebben voorgebouwen
en voorgelesen, over de welcke by syn geloove verweckt
ende vernieuwt beeft oin dat Godt, die de eeuwige waerbyt,
die veropenbaert beeft ende voorgebouwen worden van onse
naoeder de H. Kercke. Insgeiyck is oock voorgelesen op de
voorgenoerade manière den Vader ons van vrage tôt vrage.
Voorders bebben wy bem voorgebouwen en voorgelesen den
Ave Maria, verscbeyde andere lectie, soo vuyt de Psalmen
als andere boecken van de Schrifiure vuytdruckende de
offeninge van de voorgaende deughden van geloof, bope ende
liefde, penitenlie en van aile andere Christelycke deughden.
Daerenboven aïs bem voorgelesen syn die artikelen van geloove :
Credo in Spiritum Sancium, imam Sanclam Catholicam et
Apostoiicam Ecclesiain, beeft bertelyck gesydt : u Jae, dat
» geloove ickj ende daer in wiJie en wilde levcn en ster-
» ven. » In welcke gestcltenisse by is gebleven ende synen
geesl gegevcn aïs eenen goeden priester. Actum ten versoeke
van de naeste vrienden van den bovengenoemden overlede-
nen pastoir en waeracbtig kint van de H. Kercke, op den
"27 february 1716, outrent den raiddagh.
Minute du temps, chargée de ratures.
II.
Wy ondergescrcven verclaeren ende attesleren, ten ver-
soeke van de naeste bloetverwanten van wylen den eerw.
beere Guilielmus de Van den Nesse, pastoir van S" Catherine
tôt Bruessel en van Sint Jans tôt Molenbeke, waerachtigh te
wesen ende gesien te bebben dat wylen den sclven beere
Pastoir tsederl synen wedercorasle van Aken in den jaere
( 143 }
scvenlhien honderd sesse, van lydt tôt tydt publiekelyck en
ten aensien van ieder cen tôt syne leste sicckte toe, heeft
misse gelesen ende besondeilyck op de sondaghen ende hey-
ligdaghcn, mitsgacders dan hy oock van tydt tôt tydt met syn
clergie gesonghcn heeft de Mcttenen, Vesperen, Completen,
Diensten van Lycken, Jaergetyden, ende met hun in de pro-
cessie heeft gegaen op de Cruysdaeghen ende Paeschdaegen
ora deu Heylighen Olie te haclen, bereydt synde ail het selven
onder soleranelen eedt.des aensocht oft noodigh synde, te affîr-
meren. Actum tôt Brussel den tweeden meerdt d716.
Copie du temps.
III.
Ego infrascriptus declaro et fidem facio quod 16 feb. anni
1716 rogatus (ut mihi referebat circa septiraam vesperlinam
reverendus dominus Verscbueren, viccpastcr Sanctae Calha-
rinse), a r**" adnudum domino De Meyer, docano insignis colle-
gialœ ecclesiae divorum Michaelis et Gudiiœ, tune temporis
indisposito, administraverim horâ octavâ vespertinà Sanctum
Sacramcnlura Eucharistiœ et Saeramentum Extremae Unctionis
rcvcrendo domino Guieleimo De Van den Nesse, infirme
ileservitori Sanctse Calherinœ Bruxellis, qui ea dévote et
jevcrenter susccpit. Sed etiam declaro corara Deo quod do
cxcommunicatione in ipsum lata ex conturaacia ejus nihil mihi
incident, cujus si recordatus fuissem, certo monuissem ipsun
secundum olficium meura super excommunicalionem et contu-
niaciam, et si mihi non satisfecisset et pœnitentiae signa super
ea conturaacia non dedisset, sacramenla extrema ei recusas-
sem, etc. Datum Bruxellis, tertia martii 1716, et crat signa-
tum : J. H. Schmerlingh, prestiter, canonicus et vicedecanus
SS. Michaelis et Gudulae.
Copie du temps.
( 144 )
Les Grèves en Amérique. — Leurs causes et leurs résultats
les plus récents; par Ch. De Quéker, secréiaire de la
Bourse du Travail de Bruxelles.
Pour juger de l'influence que peuvent avoir les grèves
sur la situation de la classe ouvrière aussi bien que sur
celle de l'industrie, il est nécessaire d'examiner leurs effets
dans un pays où ces grèves sont oflîciellement notées, avec
une exactitude et une régularité que nos administrations
feraient bien d'imiter.
Le Department of Labor de TEtat de New-Vork, sous
l'intelligente direction de M. Charles F, Peck, a mis, il est
vrai, plusieurs années pour établir cette excellente méthode
d'investigation sur les causes et les effets des grèves, que
l'on a souvent admirée, mais si les travaux ont été très
laborieux, l'œuvre a été couronnée d'un succès complet, et
il serait difficile de produire des données aussi précises et
aussi détaillées que celles qui sont consignées dans les
travaux du Bureau des statistiques d'Albany (N.-Y), sur
une question aussi complexe que celle des relations entre
le capital et le travail.
Les investigations du Bureau ont porté sur les conflits et
les grèves dans presque toutes les grandes industries de
l'Etat de New-York pendant l'année 1890, y compris la
grande grève des chemins de fer. On ne considère pas, en"
Amérique, la grève comme étant un simple désaccord, à
propos de salaires trop peu élevés ou d'une durée de
travail trop longue, entre quelques individus isolés; on
( <« )
prend plutôt la question dans son ensemble en considérant
toutes les conditions de l'existence et du bien-être du sala-
rié d'un côté, de l'employeur de l'autre. La grève, y dit-on,
est le sacrifice d'un bien positif et immédiat, fait en vue
d'étendre ce bien dans l'avenir. C'est une affirmation de la
liberté de l'ouvrier, car sous aucun régime despotique l'ou-
vrier n'a joui du droit de grève, et il faut rendre cette
justice à l'école de Manchester, aujourd'hui tant décriée,
qu'elle n'a jamais, du moins en théorie, nié ce droit.
Pendant l'année 1890, la grève a éclaté pour l'Étal de
INew-York dans 6,258 établissements. On sait qu'en Amé-
rique les établissements industriels ainsi que les Trades-
Unions sont obligés, sous peine d'amende, de fournir au
Bureau des statistiques les renseignements qui leur sont
demandés. Peu d'établissements et d'unions ont failli à ce
devoir, de sorte que les frais d'instruction sur place con-
cernant les causes et les eff'eis des grèves n'ont pas été très
élevés pour le trésor de l'État.
C'est dans l'industrie du bâtiment qu'il y a eu, comme
toujours, le plus de conflits. Les Trades-Unions de ces
industries sont étroitement fédérées; leur action est toujours
générale et efficace. Ces unions ne tolèrent pas les grèves
partielles, capricieuses ou non-motivées. Elles rejettent de
leur sein les travailleurs qui se mettent en grève sans auto-
risation préalable. Leur discipline est très sévère. C'est
grâce à celte action disciplinée que les ouvriers du bâtiment
sont aujourd'hui, pour les avantages matériels, à la tète des
travailleurs américains.
En ces dernières années, la lutte a porté surtout sur la
question de la journée de huit heures. Les charpentiers
et menuisiers avaient été désignés pour commencer et
3""* SÉRIE, TOME XXVI. 10
( 146 )
soutenir la grève. Au bout de quelques jours, ils gagnèrent
à leur cause les patrons de New-York et de Brooklyn.
Par la suite, la journée de huit heures fut conquise dans
presque toutes les autres villes pour l'industrie du bâtiment,
et celle de neuf heures pour beaucoup d'autres industries.
La grande grève du New York-Central avait pour motif
l'exclusion d'un certain nombre d'employés unionistes (1)
par cette compagnie de chemin de fer.
Dans beaucoup de cas les unions ont déclaré des grèves
terminées dès le lendemain du jour où le caprice de
quelques individus les avait déclarées. Ces grèves n'ont
donc eu aucun succès.
Sur les 6,258 grèves, 5,435 ont été aplanies par un
accord intervenu entre les industriels et les organisations
ouvrières, 296 par un accord direct entre les patrons et
les ouvriers en grève, 6 par un arbitrage étranger aux
parties en conflit, 4-64 ont été abandonnées par les ouvriers
sur l'injonction des Trades-Unions, i\ ont fini on ne sait
commeni, et pour les 48 restantes, le Bureau n'a pu
recueillir de renseignements.
La question des salaires n'a joué qu'un rôle secondaire
dans les grèves de 1890. L'ouvrier américain, et en par-
ticulier celui de l'Étal de New-York, gagne d'ailleurs un
salaire proportionnellement plus élevé que celui d'aucun
ouvrier au monde. Cela résulte évidemment de la grande
prospérité du pays, mais il est hors de doute que cette
situation est due en outre à l'étroite solidarité, à la mutua-
(1) La Compagnie du New-York-Central a toujours nié que cette
exclusion des unionist mm ait été systématique, et les grévistes ont
dû finir par admettre ses raisons.
( i^7 )
lilé qui y régnent dans la classe laborieuse. Les ouvriers les
moins unis pour la défense de leurs intérêts, comme les
ouvriers du vêlement, par exemple, y reçoivent aussi les
salaires les moins élevés.
Pour les 6,258 établissements en grève, on a constaté
une augmentation des salaires dans 1,902, une diminution
dans 463, et des salaires sans variations dans 5,764 cas.
Pour 129 établissements, les renseignements manquent.
Ce sont les professions du bâtiment qui ont profité le plus
des augmentations de salaires, et cela malgré le grand
nombre de non unionist men venant des autres Etats amé-
ricains ou de l'Europe. Les ouvriers du vêtement ont eu
aussi une bonne part dans les augmentations des salaires,
quoique leur gain soit encore bien inférieur à celui de
leurs camarades des autres métiers.
11 y avait longtemps que les grèves n'avaient plus eu
pour cause les heures de travail. Il y a quelques années une
grande agitation avait eu lieu en faveur de la journée de
travail des femmes et des enfants. A la suite de cette agita-
tion, l'État a pris en mains la cause de ces personnes
protégées, et la plupart des abus ont disparu grâce à l'action
des inspecteurs de l'industrie. Les femmes et les enfants ne
travaillent plus guère que 8 heures par jour, mais TÉlat
avait cru ne pas devoir intervenir pour l'ouvrier adulte.
Celui-là n'avait qu'à se protéger lui-même (1). Il Ta fait
(1) Le Statut des États-Unis fixe à huit heures le maximum de la
journée de travail, mais cette disposiu'on est absolument lettre morte,
car la loi ajoute : « à moins de stipulation contraire entre les con-
tractants », et les tribunaux considèrent comme stipulation contraire
de la part de l'ouvrier, le fait d'avoir travaillé dans une fabrique
où la journée normale légale est dépassée.
( 148 )
par les grèves de 1890. Ce sont surtout les ouvriers qui ne
travaillent actuellement que pendant 10 ou 9 heures par
jour, qui ont vu leur journée réduite à 8 heures. Un certain
nombre d'ouvriers non organisés ont voulu suivre ce mou-
vement, mais en général ils n'ont pas réussi. Ils travaillent
encore pendant 15 et 16 heures par jour, comme avant la
grève. Il n'y a d'ailleurs pas de milieu : les statistiques
officielles démontrent que tous les ouvriers fortement orga-
nisés ne travaillent plus que pendant 8 et 9 heures, tandis
que ceux qui n'ont aucune espèce d'organisation travaillent
de 15 à 20 heures. Les journées moyennes de 11, 12 et
15 heures sont rares. Ces chiffres nous semblent assez
éloquents.
Sur les 6,258 grèves qui nous occupent, 16 avaient eu
pour résultats une augmentation d'heures, 2,087 une
diminution d'heures, 4,155 n'avaient apporté aucun chan-
gement au point de vue des heures du travail. Pour quatre
industries, employant ensemble 1,184 ouvriers, la réduction
des heures de travail avait procuré de la besogne à 55
nouveaux ouvriers, ce qui fait une augmentation d'environ
4,6 7o des ouvriers employés. On n'avait pu obtenir ce
renseignement pour toutes les autres grèves. Ce serait
cependant là un point très intéressant à éclaircir, car beau-
coup de partisans de la journée de huit heures prétendent
que ce système suffira pour employer tous les bras innoc-
cupés. Cette affirmation paraît au moins exagéiée et con-
traire aux résultats de l'expérience.
Les grèves de sympathie, c'est-à-dire celles entreprises
pour soutenir les revendications des ouvriers d'une indus-
trie autre que celle à laquelle appartiennent les grévistes,
n'ont pas été rares. Le résultat de ces grèves est générale-
ment sensible (il y en a' eu 752). L'employeur, tout en
( 149 )
éprouvant un certain dommage, a la satisfaction de con-
stater que ses ouvriers n'ont aucun grief à faire valoir chez
lui, et il déploie souvent une grande énergie pour obliger
leux des patrons de son syndicat, chez qui la grève a
éclaté, d'arriver à une entente. Il y avait eu en tout 8,534
grévistes de sympathie en 1890; H4 d'entre eux avaient
perdu leur travail à la suite de ces actes de solidarité. La
somme des salaires perdus par tous ces ouvriers s'élevait à
250,393 dollars, et celle des pertes subies par les patrons à
25,076 dollars. De ces 732 grèves de sympathie, €44 avaient
amené le résultat désiré par les grévistes, 80 n'avaient pas
réussi et 8 étaient douteuses, quant au résultat ; 625 avaient
été aplanies par un accord conclu avec les Unions,
27 par un accord direct avec les grévistes et 80 avaient
été abandonnées par ordre des chefs du mouvement
ouvrier.
Avant de se mettre en grève, les Unions américaines
ont l'habitude de calculer ce qu'elles ont à perdre et ce
qu'elles ont à gagner. Elles examinent whether the game
is worth playing, nous dirions : si le jeu vaut la chandelle.
D'après leurs renseignements, fournis au Bureau des stati-
stiques, pour 2,521 établissements, comptant 57,442 gré-
vistes, il y a eu une perte de salaires de 1,389,164 dollars.
Les plus pauvres, les moins unis, les plus mal payés et
aussi les plus turbulents d'entre les grévistes, les tailleurs
notamment, avaient perdu en salaires 415,571 dollars, et
les cigariers 445,978 dollars.
Don 'l slrike when business is dull ! (ne faites pas la
grève quand le travail bat d'une aile) est une devise en
honneur dans toutes les Trades-Unions. Ceux qui n'en
tiennent pas suffisamment compte, payent leur étourderie
de la perle de leur travail, souvent avant que la grève
( ISO)
soit terminée. On estime à o,049 le nombre de grévistes qui
ont ainsi perdu leur travail, sur un total de 93,894, soit
environ 5.4 7„. De ces 5,049 salariés non replacés, la grève
des chemins de fer en fournil 1,916 dont le replacement
semble avoir été beaucoup plus difficile que celui des
autres ouvriers.
Outre les pertes considérables en salaires dont nous
venons de parler, les Trades-Unions, au nombre de 61,
avaient sacrifié une somme de 131,518 dollars, dont
17,170 pour les Unions des tailleurs. Le Conimissaire du
travail est d'avis qu'une grande partie de cette somme doit
leur avoir été fournie par des personnes qui n'appar-
tiennent pas à la classe ouvrière.
D'un autre côté, 42,097 ouvriers ont réussi à obtenir
une augmentation de salaires qui se chiffre par un total
annuel de 3,1 22,883 dollars. Le total des dépenses, tant en
pertes de salaires qu'en sacrifices faits par les ouvriers et
par les Unions, étant de 1,520,082 dollars, il y aurait donc,
somme toute, un bénéfice annuel pour les ouvriers de
1,602,201 dollars; mais il est évident que ce bénéfice,
résultant des efforts de la généralité des 95,894 grévistes,
ne profitera en réalité qu'aux 42,097 privilégiés d'entre
eux. Il est vrai que la plupart des autres n'ont pas
demandé d'augmentation de salaires.
Le bénéfice annuel moyen de chacun des grévistes
victorieux a donc été d'environ 38 y, dollars par an. Si
l'on prend la somme des salaires qu'obtiendront ces 42,970
ouvriers privilégiés, ils recevront en réalité chacun une
augmentation moyenne annihile de 74 '/e dollars.
Il est arrivé assez souvent que les ouvriers ont refusé
de remplir leurs engagements conlractutls, notamment
lorsqu'ils avaient été engagés à des salaires très bas et que
(Ibl )
tout à coup ils ont constaté une augmcntaiinn de salnirrs
sur le marché du travail. Les ouvriers n'avaient évidem-
ment pas raison, au point de vue du droit, dans ces cas. Mais
comme leur contrat est une affaire purement civile, Pindus-
triel se trouve désarmé vis-à-vis de ses ouvriers. Les tribu-
naux condamneront bien les grévistes à payer des dom-
mages au patron, mais comme ces ouvriers sont insolvables,
le patron n'y gagne rien. La justice ne peut pas ramener
les ouvriers de force à leur atelier : ce sérail les condamner
aux travaux forcés, peine non prévue pour rupture d'un
contrat civil.
Le Département du travail a reçu, quant aux perles
subies, les renseignements de 597 établissements; 412 de
ceux-ci disent avoir perdu ensemble 263,868 dollars,
somme relativement peu importante, et 179 patrons répon-
dent plus exactement « qu'on industriel ne peut pas perdre
ce qu'il n'a jamais eu », et que, par conséquent, il leur est
impossible d'évaluer ce que les grèves leur ont empêché
de gagner.
Il n'est pas rare de constater qu'à la suite d'une grève
une industrie se déplace. La concurrence, l'application de
procédés nouveaux font en ces circonstances tout ce qui
est possible pour atteindre ce but. Un déplacement plus ou
moins considérable de leur industrie a été constaté par
611 maisons, mais elles nom pu indiquer si ce qu'elles
ont perdu est allé aux employeurs de leur localité ou bien
à ceux d'autres places. Par contre, 1,468 patrons ont
répondu que leur industrie ne s'est pas déplacée pour la
plus petite partie. De ce chef, les premières firmes estiment
leurs pertes à 204,638 dollars, mais 285 d'entre elles
avouent ne pas pouvoir estimer exactement leurs pertes.
Ce n'est pas sans satisfaction que les autorités améri-
( 1S2 )
caines conslalenl que les pertes causées, par les dégâts aux
immeubles, aux marchandises ou aux macliines, en temps
de grève, ont été fort peu considérables en 1890. Antérieu-
rement, l'État subissait de grands dommages par suite
d'une série d'attentats coupables dont il était obligé de
payer les frais. Mais les grévistes américains paraissent
faire leur éducation... gréviste. Pour les 6,438 grèves, il
n'y a que 42 patrons qui signalent des dommages de ce
genre; la plupart d'entre eux se plaignent de ce que les
ouvriers ont abandonné un ouvrage non terminé, ou ont
refusé de faire mouvoir les machines destinées à prévenir
les dégâts aux marchandises. C'est là, on le remarquera,
tout autre chose que la destruction violente de machines
ou de marchandises.
Les dommages causés par les refus en question ne se
chiffrent qu'à 11,422 dollars, auxquels il faut ajouter
1,865 dollars de pertes, signalées par 13 firmes par suite
« du manque d'expérience de leurs nouveaux ouvriers ».
Par suite des grèves, le travail a dû, en outre, être
suspendu pour quelques jours dans 1,689 établissements,
la plupart de ceux-ci manquant de matières premières pour
pouvoir continuer à travailler.
Sur les 6,2S8 établissements où la grève a éclaté, 125
ont signalé le mouvement comme agité, 2,141 comme
pacifique, et les autres ont répondu que le mouvement
n'était « ni dangereux ni pacifique », réponse qui demande
peu de réflexion. Il est étonnant que, sur un total de
93,844 grévistes, la police n'ait dû opérer que 257 arresta-
tions pour contraventions à la loi ou à l'ordre public.
Ces arrestations ont le plus souvent pour cause ks cris, le
refus de circuler, et dans certains cas les coups et blessures.
Les tailleurs se sont particulièrement distingués par leurs
( i?«3 )
violences, probablement, dit un journal de New- York (1)
« à cause de la température surchauffée dans laquelle ils
travaillent! ■
Les femmes ont généralement suivi les hommes en
grève, là où Ton emploie des ouvriers des deux sexes.
C'est surtout dans les fabriques de cigares et de lingeries
qu'il y a eu beaucoup de grévistes féminins. Ce ne sont pas
elles qui crient le moins fort; le chef de la police de l'Etal
de New- York affirme que les i 0,961 femmes qui ont fait
la grève « ont fait plus de bruit que les grévistes masculins,
huit fois plus nombreux ». Aucun des comtés de l'Etat de
New- York ne peut se flatter d'avoir vu passer Tannée 1890
sans grèves, mais c'est surtout le comté de New- York qui
en a eu le plus, notamment 4,960; d'autres comtés n'ont
eu qu'une seule grève, mais il ne faut pas oublier que
parmi ces comtés, il y en a deux qui ne comptent qu'wn seul
établissement industriel !
De tout ce qui précède, on peut résumer la situation et
les résultais des grèves de l'État de New- York pendant
Tannée 1890, par les données générales suivantes :
Il y a eu 6,258 grèves dans 170 industries différentes.
De ces grèves S,o66 ont réussi pour les ouvriers, 465
n'ont pas réussi, la réussite de 169 était très compromise
et 58 n'étaient pas terminées à la fin de Tannée.
11 y a eu en tout 93,894 grévistes; 5,049 de ceux-ci ont
perdu leur travail à la suite des grèves.
Les pertes totales en salaires se sont élevées à 1 million
389,164 dollars.
Les dépenses en secours aux grévistes, etc., se sont
élevées à 131,518 dollars.
(l) The !Vew- York Sun.
(184 )
On estime que les ouvriers qui ont obtenu gain de
cause ont gagné une augmentation annuelle de salaires
de 3 millions 122,883 dollars.
Les pertes subies par lès industriels ont été de
481,524 dollars.
Conclusions.
Nous pensons que ces chiffres sont de nature à faire
réfléchir les adversaires de toute intervention des pouvoirs
publics pour pacifier les rapports entre le capital et le
travail. Ces non-interventionnistes sont d'avis que l'ouvrier
est parfaitement à même de se protéger lui-même contre
les exigences des industriels, et les résultats des grèves
américaines semblent donner raison à cette théorie.
Mais il s'agit de savoir s'il faut pousser l'ouvrier à se
proléger lui-même de la façon anglaise ou américaine, et s'il
faut lui faire envisager la grève comme l'unique issue à une
situation dont il se plaint.
L'ancienne école économique qui se qualifie bien à tort de
«libérale», celle qui, comme s'efforce de le démontrer M. le
professeur Th. Ziegler, de Strasbourg, dans son ouvrage :
Die soziale Frage (1), a donné naissance au socialisme,
cette école l'affirme. Mais nous avons la conviction que ses
derniers représentants autorisés en notre pays ne parlent
ainsi que parce que l'ouvrier belge ne « se protège » pas
encore comme son camarade de race anglo-saxonne. Le
jour où il le ferait, notre école du laisser- faire absolu pour-
rait bien être soudainement frappée de mutité.
(1) Die soziale Frage eitic sittiche Frage von Dr. Th. Ziegler de
Strasbourg. — StuUgart, Gôschen'sclie V'erlagshandelung, 1891.
( I5S )
S'il n'y avait dans le pays que des ouvriers et des
industriels, on pourrait, avec moins d'inconvénients, les
laisser aux prises et s'abstenir de toute intervention. Il est
à remarquer que quatre-vingt-dix-neuf pour cent des
industriels sont non-interventionnistes, et que, parmi les
ouvriers, ceux qui réclament l'intervention de la loi,
quoique fort nombreux, sont loin de former la majorité,
les autres étant d'avis qu'ils sont « assez forts » pour faire
leurs affaires eux-mêmes.
Ces non- interventionnistes sont évidemment, en cer-
taines circonstances, plus dangereux pour l'ordre public
que ceux qui réclament l'appui de la loi, et c'est pourquoi
tous ceux qui ne sont ni industriels ni ouvriers et qui, par
conséquent, n'ont rien à gagner mais tout à perdre à voir
les non-interventionnistes aux prises en de fréquentes
grèves, se joignent si volontiers aux hommes d'étude qui
adjurent les parlements de diminuer, par de multiples et
bonnes lois sociales, ces conflits si pénibles. Les grèves,
quoi qu'on en dise, ne sont pas à la hauteur de notre civi-
lisation qui se réclame de l'égalité et de la fraternité, et qui
ne donnerait ainsi comme seule arme à deux grandes
classes, pour la défense de ce qu'ils considèrent être leurs
droits, que la perspective de s'affamer les uns les autres.
Il a d'ailleurs été démontré maintes fois que dans les
pays qui possèdent le plus de ces lois sur la police du
travail, les grèves sont proportionnellement les moins fré-
quentes et que, au point de vue du bien-être acquis, les
ouvriers ont obtenu tout autant, si pas plus, dans ces pays
que dans ceux du laisser-faire où Ton attend tout de la
force brutale des deux antagonistes en présence.
( m )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 6 juillet 4895.
M. Ad. Samuel, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J.^Stallaert, vice-directeur; C.-A.
Fraikin, F.-A. Gevaerl, Godfr. Guffens, Jos. Schadde,
J. Demannez, G. De Groot, G. Biot, H. Hjmans, H. Beyaerl,
Al. Markelbach, J. Robie, G. Huberli, A. Hennebicq, Éd.
Van Even, membres; Alfr. Cluysenaar et Alb De Vriendt,
correspondants.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de Plnstruction publique
transmet le premier rapport de M. Égide Rombaux, prix
de Rome pour la sculpture en 1891, sur ses travaux pen-
dant l'année 1892. — Renvoi à la section de sculpture.
CAISSE CENTRALE DES ARTISTES.
M. Hymans, secrétaire du Comité directeur de la Caisse
centrale des artistes, fait savoir que M. Henri Van Cutsem
vient de faire don à la Caisse d'une somme de mille francs.
— La Classe vole des remerciements à M. Van Cutsem
pour cette nouvelle libéralité.
(i57)
CONCOURS.
En vertu d'une décision de la Classe des beaux-arts,
votée en séance du 2 juin 1892, ses programmes de con-
cours seront publiés dorénavant en français et en flamand.
PROGRAMME DE CONCOURS POUR L'ANNÉE 1894.
PARTIE lilTTÉRAIRE.
Première question.
Faire Vhhtoire de la céramique au point de vue de l'art,
dans nos provinces, depuis le XV* siècle jusqu'à la fin du
XVIIP siècle.
Deuxième question.
Quelle influence ont exercée en France, du XI V' au
XVI' siècle, les sculpteurs nés dans les provinces belgiques
et dans la principauté de Liège? Citez tes œuvres nées de
cette influence et les maîtres qui la caractérisent.
Les mots « provinces belgiques » sont pris ici dans
Tacceplion qu'ils avaient au XVI* siècle.
Troisième question.
Déterminer, en les précisant par des croquis, les carac-
tères de l'architecture flamande du XVI' siècle. Indiquer
les principaux édifices dans lesquels ces caractères se ren-
contrent. Donner l'analyse de ces édifices.
(188)
La valeur des médailles d'or, présentées comme prix
sera de huit cents francs pour la première question, et de
mille francs pour les deuxième et troisième.
Les mémoires envoyés en réponse à ces questions
doivent être lisiblement écrits et peuvent être rédigés en
français, en flamand ou en latin, ils devront être adressés,
francs de port, avant le 1"juin 1894, à M. le chevalier
Edmond Marchai, secrétaire perpétuel, au palais des
Académies.
Les auteurs ne mettront point leur nom à leur ouvrage;
ils n'y inscriront qu'une devise, qu'ils reproduiront sur
un pli cacheté renfermant leur nom et leur adresse
(il est défendu de faire usage d'un pseudonyme); faute, par
eux, de satisfaire à ces formalités, le prix ne pourra leur
être accordé.
Les ouvrages remis après le temps prescrit ou ceux dont
les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce
soit, seront exclus du concours.
L'Académie demande la plus grande exactitude dans les
citations : elle exige, à cet efl'et, que les concurrents indi-
quent les éditions et les pages des ouvrages qui seront
mentionnés dans les travaux présentés à son jugement.
Les planches manuscrites, seules, seront admises.
L'Académie se réserve le droit de publier les travaux
couronnés.
Elle croit devoir rappeler aux concurrents que les
manuscrits des mémoires soumis à son jugement restent
déposés dans ses archives comme étant devenus sa pro-
priété. Toutefois, les auteurs peuvent en faire prendre
copie à leurs frais, en s'adressant, à cet effet, au secrétaire
perpétuel.
( lîi9)
ART APPLIQUÉ.
Musique.
On demande un quatuor pour instruments à archet.
Prix : Mille francs.
(Ce concours est. exclusivement limité entre les compo-
siteurs belges ou naturalisés.)
Architecture.
On demande les plans d'un Musée destiné exclusivement
aux œuvres de sculpture.
L'édifice ne comportera qu'un seul étage, élevé sur un
soubassement. Le terrain réservé à la construction présen-
tera une superficie de 4,000 mètres carrés, y compris
les cours et jardins.
L'édifice comprendra :
1° Des salles d'exposition pour les œuvres assyriennes,
égyptiennes, grecques, romaines et modernes, qui, toutes,
seront disposées par ordre chronologique; — 2" Des anti-
chambres et cabinets à l'usage des conservateurs du Musée;
— 3° Une loge de concierge; — -4" Un vestiaire; — 5" Le
soubassement renfermera, outre l'habitation du concierge,
des ateliers pour la restauration el le moulage des œuvres
de sculpture.
Les concurrents soumettront : 1° Le plan principal de
l'édifice; — 2° La façade principale el la façade latérale;
— 5" La coupe transversale el la coupe longitudinale (ces
( i60 )
plans seront dressés à l'échelle de 1 cenlinièlre par mètre);
— et 4" le plan général, dressé à Téchelle de 2 millimètres,
comprendra la distribution du soubassement.
Prix : Mille francs.
(Ce concours est, aussi, exclusivement limité entre les
architectes belges ou naturalisés.)
Le délai pour la remise des partitions ou des plans
expirera avant le 1*' octobre 1894.
L'Académie n'accepte que des travaux complètement
terminés : les partitions devront être lisiblement écrites;
les différents plans des projets d'architecture devront être
collés sur toile et placés sur châssis. Les partitions ainsi
que les plans porteront chacun une devise ou une marque
distinctive qui sera reproduite sur un pli cacheté renfer-
mant le nom et l'adresse de l'auteur (il est défendu de faire
usage d'un pseudonyme).
Faute, par les auteurs, de satisfaire à ces formalités, le
prix ne pourra leur être accordé.
Le manuscrit de la partition couronnée reste la pro-
priété de l'Académie. L'auteur peut en faire prendre copie
à ses frais. L'auteur des plans couronnés pour le sujet
d'architecture est tenu de donner une reproduction photo-
graphique de son œuvre, pour être conservée dans les
archives de l'Académie.
Les travaux rerais après le terme prescrit, ou ceux dont
les auteurs se feront connaître, de quelque manière que ce
soit, seront exclus du concours.
( i61 )
PROGRAMMA DER PRIJSKAMPEN VOOR
HET JAAR 1894.
liETTERftiUIVDICl CiEDEEI^TE.
EERSTE PRIJSVRAAG,
Schrijf de geschiedenis der pottebakkerswaren, als
kunslwerken beschouwd, in onze provinciën^ van de XV'
lot het einde der XVIII^ eeuw.
TWEEDE PRIJSVRAAG.
Welken invloed oefenden in Frankrijk, van de XIV''
lot de XVI^ eeuw, de beeldhouwers, geboren in de Belgische
provinciën en in het prinsdom Luik? Haal de werken aan,
onfstaan onder dien invloed, en de nieesters, die er het
kenmerk van dragen.
De woorden « Belgische provinciën » inoelen hier ver-
slaan worden in den zin, dien zij hadden in de XVI° eeuw.
DERDE PRIJSVRAAG.
Bepaal de kenteekens der Vlaamsche bouwkunst in de
XVI' eeuw, en doe ze nader kennen door geschetsle teeke^
ningen. Duid de voornaamste gebouwen aan, waarin men
die kenteekens aantrefl. Geef eene ontleding dezer gebou-
wen.
De waarde der gouden eerepenningen, die als prijs
dezer vragen worden uilgeloofd, bedraagl achthonderd
frank voor de eerste, en duizend frank voor de tweede en
voor de derde.
De verhandelingen, als anlwoord op deze prijsvragen
ingezonden, moelen duidelijk geschreven en mogen in hel
Fransch, in het Nederlandsch of in het Latijn opgesleld
3""* SÉRIE, TOME XXVI. H
( i62 )
worden. Zij moelen uilerlijk \66r l'^'Juni 1894 vrachtvrij
aan den heer ridder Edmond Marchai, beslendigen Secre-
laris, in hel paleis der Academiën, le Brussel, toegestuurd
worden.
De schrijvers zullen hunnen naam niel op hun werk
zellen; zij zullen er alleen eene kenspreiik op vermelden,
die zij zullen herhalen in eenen verzegelden brief, hunnen
naam en hun adres aanduidende. (Hel is verboden eenen
schijnnaam le bezigen.)
Indien zij dit voorschrifl niel in acht nemen, kan de
prijs hun niel loegekend worden.
De werken, die na den bepaaiden termijn besleld zijn,
en diegene, wier schrijvers zich zullen doen kennen,
op welke wijze bel ook zij, zullen buiten den prijskamp
gesloten worden.
De Académie verlangl de grootsle nauwkeurigheid in de
aanhalingen : zij eischl le dien einde, dal de mededingers
de uitgaven en de bladzijden aanduiden der boeken, welke
vermeld worden in de verbandelingen, aan hare beoordee-
ling onderworpen.
De met de hand geleekende plalen zullen alleen loege-
lalen worden.
De Académie behoudt zich bel rechl voor de bekroonde
werken uil le geven.
Zij achl bel nullig aan de mededingers le herinneren,
dal de bandschriflen der verbandelingen, aan hare beoor-
deeling onderworpen, haar eigendom worden en in haar
archief blijven beruslen.
De schrijvers mogen er echler afschrifl iaten van nemen
op hunne koslen, rails zich le dien einde lot den beslen-
digen Secretaris lewenden.
( 163 )
TOJECtEPASTE KIJIVST.
Muziek.
Men vraagt een quatuor voor slrijkspeelluigen.
Prijs : duizend frank.
(Deze prijskamp wordt uitsiiiilend voor Belgische of
genaturaliseerde toonzellers uitgescbreven.)
Bouwkunst.
Men vraagt de plannen van een Muséum uitsluitend
voor beeld/iouwwerken bestemd.
Het gebouw zal onlworpen zijn met eene enkele verdie-
piQg,gedragendoor eene lageonderverdieping.De beschik-
bare bouwgrond zal eene oppervlakle van 4000 vierkanle
melers beslaan, de open plaatsen en de luinen er in
begrepen.
Het gebouw zal inhouden : 1° Tenloonslellingzalen voor
Assyrische, Egypliscbe, Grieksche, Romeinsche en nieu-
were beeldhouwwerken, die allen volgens lijdsorde zullen
gerangschikt zijn; — 2" Voorkamers en kabinetten len
dienste der besluurders van het Muséum; — 3" Eene
porliersioge; — ^^ Eene kleederkamer; — 5" De onder-
verdieping zal, bebalve de porliersvvoning, werkhuizen
voor het herstellen en het afgieten van beeldhouwwerken
bevatien.
De mededingers zullen de volgende plannen onderwer-
pen : 1° Het algemeen plan van het gebouw; — 2° Den
voorgevel en den zijgevel; — 3° De doorsnede op de lengle
( iU )
en op de breedte (deze plannen zullen op de schaal van
één centimeler per meter geteekend worden).
Hel algemeen plan, geteekend op de schaal van Iwee
millimeters per mêler, zal de verdeeling der onderver-
dieping bevatten.
Prijs : duizend frank.
(Deze prijskamp wordt ook uitsiuitend voor Belgische
of genaluraliseerde bouwmeesters uilgeschreven.)
De parlituren en plannen moelen vdôr 1*" Oclober 1894
ingezonden worden.
De Académie aanvaardl geene andere dan geheel vol-
tooide werken :de parlituren moelen duidelyk geschreven
zijn; de verschillende plannen der bouwkundige onlwer-
pen moelen op doek geplakl en in raam geval zijn. De
parliluren evenals de plannen zullen elk eene kenspreuk
of een kenmerk dragen, die de vervaardiger zal herhalen
in eenen verzegelden brief zijnen naam en zijn adres
vermeldende.
Het is verboden eenen schijnnaam le bezigen.
Aan het werk van den mededinger, die deze voorschriflen
niel in achl neemt, kan de prijs niel toegekend worden.
Hel handschrifl der bekroonde parliluur blijfl hel eigen-
dom der Académie. De vervaardiger kan er een afschrift
lalen van nemen op zijne koslen. De niaker der bekroonde
plannen in den prijskamp van bouwkunst is verplichl
eene pholographische afbeelding van zijn werk le geven
om in hel archief der Académie bewaard te blijven.
De werken, die na den bepaaiden termijn ingezonden
zijn, en diegene, wier vervaardigers zich zullen doen ken-
nen, op welke wijze hel ook zij, zullen buiten den prijs-
kamp geslolen worden.
( 165
OUVRAGES PRESENTES.
Bumbeke {Cfi. Van). Contributions à l'Insloirc de la consti-
tution de l'œuf; II. Élimination d'éléments nucléaires dans
l'œuf ovarien de Scorpaena Scrof'a L. Bruxelles, i 895 ; exi r. in-8°
(46 p., 2 pL).
Briart {A.). Excursion en Angleterre, en Ecosse et dans le
pays de Galles, du 27 juin au 10 juillet 1892. Liège, 1893;
in-8° (220 p.).
Delbœuf [J .). Zwei Falle, in denen die chirurgische Diagnosc
mil Hiilfe der Hypnose gestellt wurde, Berlin, 1895; exlr. ia-8°
(8 p.).
Frère-Orban {W.). La revision de la Constitution, discours
d'après les Annules parlementaires C^ù el 24 mars 1895). Liège,
1895; in.8''(62 p.).
Lancuster {A.). La sécheresse du printemps de 1895.
Bruxelles, 1895; in^" (14 p.).
Terby [F.]. Études sur l'aspect physique de la planète
Jupiter, troisième partie: observations faites à Louvain, pen-
dant l'opposition de 1887, h l'équatorial de 8 pouces de Grubb,
et première comparaison des résultats avec ceux de M. Stanley
Williams Bruxelles, 1893; exlr. in-4'' (85 p., 4 pi.)
Verhoogen (J.). Recherches sur la diffusion dans l'orga-
nisme de certaines substances toxiques ou médicamenteuses
injectées dans le sang circulant. Bruxelles, 1895; in-8° (29 p.).
ffaneuse [L). Notes sur l'Erythrée. Bruxelles, 1895; in-8''
(60 p.).
( i66 )
Pirenne (Henri). Bibliographie de l'histoire de Belgique.
Catalogue méthodique et chronologique des sources et des
ouvrages principaux relatifs à l'histoire de tous les Pays-Bas
jusqu'en 1598, et à l'histoire de Belgique jusqu'en 1850. Gand,
1893; in-8°(230 p.).
Lyon (Clément). La vie, les œuvres et les funérailles de
Théodore Bernicr. Charleroi, 1893; in-4° (7 p.).
Gand. Nederlandsch Muséum, vierde recks, S""* jaargang,
I en II. 1892-95; 2 vol. in-8°.
Hasselt Sociélé « les Mélophiles ». Bulletin, vingt-neuvième
volume. 1895; in-8''.
MoNS. Caisse de prévoyance des ouvriers mmewr*. Rapport
annuel de 1892. Gr. in-8».
Allemagne et Autriche-Hongrie.
Berlin. Gesellschaft Nalurforschender Freunde. Sitzungs-
Berichte, 1892. In-8».
Berlin. Mefeorologisches Institut. Ergebnisse der Nieder-
schlags-Beobachtungen, 1891-93. In-4*'.
Cracovie. Académie des sciences. Comptes rendus des
séances : a. Philologie, tomes II et III; h. Mathématiques,
tome IV. — Acia rectoralia, tome I, fasc. 1. — Biblioteka
Pisarsow Polskich, n" 24. — Dictionnaire de la langue pomé-
ranienne (S. Ramuli). — Contributions relatives à l'anthro-
pologie, tome XVI, 1892-93.
Iglau. Karpathen-Verein. Jahrbuch, 1893. In-8°.
Leipzig. Verein fur Erdkunde. Mitteilungen, 1892. In-8".
Metz. Académie. Mémoires, 1888-89. 1893; in-8°.
Stuttgart. Verein fur vaterlàndische Naturkunde. Jahres-
hefte, 49. Jahrgang, 1893. In-8».
(167)
Amérique.
Vogel (£".). The atomic weights are, under atmospheric
pressure, not idenlical with the spécifie gravities. 1892;
extr. in-8» (12 p.).
Guatemala. Oficina de cstadistica. Demarcacion politica de
la Republica de Guatemala, 1895; vol in-8°.
France.
De Backer (Louis). La langue flamande en France depuis les
temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Paris, 1895; in -8°
(200 p.).
Lavisse (Ernest). Le Grand Frédéric avant l'avènement.
Paris, 1895; vol. in-8° (575 p.).
Nadaillac (Le marquis de). L'évolution du mariage. Paris,
1895; extr. in-8» (58 p.).
Hamy (E.-T.). Les derniers jours du jardin du Roi et
la fondation du Muséum d'histoire naturelle. Paris, 1895;
extr. in-i" (162 p.).
Marseille. Société scientifique industrielle. Bulletin, 1892.
ln-8<'.
Pays divers.
^awe//î (^"'oni'o). Délia trisezione dell' angoloovverol'appli-
cazione de! teorema : L'angolo al centro di un cerchio è il
doppio deir angolo alla circonferenza, purchè i lati dell' uno
e deir altro poggino sul medesimo arco. Rome, 1893; gr. in-8"
(15 p., 3 pi.).
( 168 )
Madras. Observatory. Hourly raeteorological observations
1856-Gl. i895; vol. in-4°.
Madrid. Observatorio. Resumen de las observacioncs meteo-
rolôgicas, 1890. 1893; in-8«.
Van der Waals [J.-D.). Tbermodynamische théorie der
capillaritcit in de onderstelling van continue dichlheidsveran-
dering. Amsterdam, 1893; gr. in-8" (56 p.).
Amsterdam Kon. Akademie van Wetenschappen. \er\iande-
lingen : afdeeling natuurkundc, 1* sectic, dcel I; 2''' sectie,
dcel I en II. -- Afdeeling lellerkunde, deel 1, n" 1 en 2. —
Zitlingsverslagen : natuurkundc, 1892-93. — Verslagen en
mededeelingen : lellerkunde, deel IX. Jaarboek, 1892. —
Prijsvers : quatuor carmina latina, 1892-93. 8 vol. in-8".
Briquet {John). Sur quelques points de l'analomie des Cruci-
fères et des Dicotylées en général. Genève, 1892; exlr. in-S"
(25 p., 2 pL),
— Les méthodes stalistisques applicables aux recherches de
florislique. Genève, 1895; extr. in 8° (27 p., 1 pi.).
Helsingfors. Velenskaps-Socieleten. Bidrag, 51. Haflet. Of-
versigt, 1891-92. 2 vol. in-8°.
S'-Pétersbourg. Comité géologique. Carte géologique de la
Russie d'Europe, 1892. 1895; 6 feuilles in-plano et br. in-8".
Athènes. Société littéraire « le Parnasse ». AoyoSoç-ia twv
xara to x^ exo; yevopevtov, 1891-92. 1895; vol. in-8» (218 p.).
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1895. — No 8.
CLASSE DES SCIEUGES.
Séance du 5 août 1895.
M. Ch.Van Bambeke, directeur, président de l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : l\hM. Mourlon, vice-directeur; P.-J, Van
Beneden, le baron Edm. de Selys Longchamps, Gluge,
G. Dewalque, E. Candèze, A. Brialmont, Éd. Van Beneden,
F. Folie, Alpli. Briart, F. Plateau, G. Van der Mensbrugghe,
Louis Henry, P. Mansion, J. Delbœuf, P. De Heen, C. Le
Paige, F. Terby, J. Deruyls, membres; E. Catalan, Ch. de
la Vallée Poussin, associés; Léon Fredericq et L. Errera,
correspondants.
MM. De Tilly et Ch. Lagrange s'excusent, par écrit, de
ne pouvoir assister à la séance.
5°" SÉRIE, TOME XXVI. 12
( i70)
CORRKSPONDANCK.
M. le directeur annonce la perle que la Classe vient de
faire par la mort de M. Henri Maus, doyen d'ancienneté
de la section des sciences mathématiques et physiques,
décédé à Ixelles, le 11 juillet dernier.
Il remercie M. Brialmont d'avoir hien voulu être l'organe
de l'Académie aux funérailles; le discours qui a été pro-
noncé à cette occasion sera imprimé au Bulletin.
La Classe accepte l'offre de M. Brialraont de rédiger,
pour VAnnuaire, la notice biographique du défunt.
Une leître de condoléance sera adressée à la famille.
— M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire de l'ouvrage : Éléments (Venquèle sur le rôle
de la femme dans l'industrie, les œuvres, les arts et les
sciences en Belgique. — Remerciements.
— M. le Ministre de la Guerre envoie un exemplaire du
Plan de Bruxelles au 5000% en quatre feuilles. — Remer-
ciements.
— Hommages d'ouvrages :
1» Théorie mécanique de la chaleur ; par R. Clausius,
tome II, 2' édition, refondue et complétée, traduite sur la
troisième édition de l'original allemand, par F. Folie et
E. Ronkar;
2° Le sillon médian au raphé gastrulaire du triton
alpestre (Triton alpestris, Laur.); par Ch. Van Bambeke;
(171)
5° Recherches sur le développement de l'épiphyse; par
P. Francolle (thèse d'agrégation);
4° Carte géologique de la Russie d'Europe au 520 000%
avec note explicative, éditée par le Comité géologique de
Saint-Pétersbourg;
6° Notice et croquis sur la transformation de la Mon-
tagne de la Cour; par Pierre Pregaldino;
6° La vallée du Rocq : le régime hydraulique; par
C.-J. Tackels;
7° Vocabulaire de noms wallons d'animaux; Z" édition,
par Joseph Defrecheux.
— Remerciements.
— La Société hollandaise des sciences, à Harlem,
adresse le programme de ses concours pour les années
4894 et 1895.
— Les travaux manuscrits suivants sont envoyés à
l'examen :
i" Note sur l'œil pinéal, la paraphyse de Selenka et les
plexus choroïdes du troisième ventricule ; par P. Francolte.
— Commissaires : MM. Éd. Van Beneden etCh. Van Bam-
beke ;
2" Sur quelques produits indéfinis; par J. Beaupain,
ingénieur au Corps des mines. — Commissaires : MM. Cata-
lan, Mansion et Le Paige;
3° Phénomène optique nouveau que l'on doit observer
si l'e'ther ne participe pas au mouvement de la Terre;
par A. Jouvenau. [Nouvelle rédaction d'un travail pré-
senté dans la séance du 3 juin dernier.) — Commissaires :
MM. Lagrange et Folie;
4" A. Avant-supplément du projet de prise d'eaux pota-
( i72 )
ble et industrielle pour différentes villes de Belgique;
D. Projet de ports de mer belges; par C.-H. Delaey. —
Commissaire : M. J. De Tilly.
CO^XOURS ANNUEL, 1893.
SCIEIVCES BIATHÉ11IA,TIQIJES KT PBTSIQVES*
Deuxième question.
Apporter une contribution importante à Vétude des
correspondances que l'on peut établir entre les éléments
géométriques fondamentaux.
Un mémoire a été reçu. Devise : Et si fateor ab eo quod
est absolute minimun ad ed quod minimo proximun non
ubique tutam esse collectionem. (Kepler, stereomelria ;
Archimed, suppiera. Thèse XXV). — Commissaires : MM. Le
Paige, Deruyts et Neuberg.
Troisième question.
Poser les équations du mouvement de rotation de Vécorce
solide du globe, en tenant compte des actions extérieures,
du frottement de Vécorce sur la partie fluide du noyau et
des réactions intérieures.
Indiquer le mode d'intégration qui pourrait être appli-
qué à ces équations.
Un mémoire a été reçu. Devise : Les phénomènes de la
précession des équinoxes et de la nutation de Caxe du
monde sont exactement les mêmes que si la mer formait
( 173)
une masse solide avec le sphéroïde qu'elle recouvre. (La
Plage, Mécanique céleste, t. If, p. 339.) — Commissaires ":
MM. Folie, Lagrange el De Tilly.
SCIENCES IVATUREE,E.ES.
Troisième question.
On demande de nouvelles recherches morphologiques pou-
vant éclairer la phylogénie d'un des grands embranche-
ments des invertébrés.
Un mémoire a élé reçu. Devise : Toujours tout droit.
— Commissaires : MM. Éd. Van Beneden, Plateau et Van
Bambeke.
Discours prononcé aux funérailles de Henri Maus, membre
de la Classe des sciences, par le général Brialraont,
membre de l'Académie.
Messieurs,
L'Académie royale de Belgique me charge de rendre en
son nom un dernier hommage à l'illustre ingénieur que la
Belgique vient de perdre.
Henri Maus est connu par de nombreux travaux qui
font honneur au pays, et particulièrement à l'Académie,
dont il a fait partie depuis 1846, et au corps des ponts
et chaussées, qui a eu le bonheur de l'avoir pour chef
pendant de longues années. C'était un mathématicien
distingué et un ingénieur accompli, qui avait des connais-
sances étendues en géologie, en minéralogie et en hydro-
logie.
( 174)
Il surveillait l'exécution de divers travaux puhlics dans
le Luxembourg et la province de Liège, quand, en 1845,
le Gouvernement piémontais, voulant construire ses
premiers chemins de fer, demanda à la Belgique des
ingénieurs expérimentés. Henri Maus, qui n'avait alors
que 36 ans, fut désigné par noire Gouvernement. Les
travaux qu'il avait dirigés sur la ligne de Liège à la fron-
tière allemande, et spécialement son invention de la
machine fixe destinée à la traction des trains sur le plan
incliné d'Ans, avaient attiré sur lui l'attention du monde
savant.
Il partit pour l'Italie en 1846. On le chargea de la
construction du chemin de fer de Turin à Gênes, avec
traversée des Apennins, il resta en Italie jusqu'en 1855.
C'est pendant ce séjour qu'il conçut l'idée de la traversée
des Alpes par le mont Cenis — idée grandiose, qui, à
cette époque, parut irréalisable. Pour la rendre pratique,
Maus inventa une machine perforatrice qui permit de
mettre à exécution son projet, nécessitant la construction,
dans le roc, d'un tunnel de 1^ kilomètres de longueur.
L'essai de cette machine fut fait en 1846, avec un plein
succès, à l'usine du Val d'Oc, près de Turin. Quand le roi
Charles-Albert visita la perforatrice en février 1847, il en
fut si émerveillé qu'il nomma sur-le-champ Maus comman-
deur de l'ordre des saints Maurice-el-Lazare. Dès lors la
réputation du jeune ingénieur belge s'étendit rapidement
dans toute l'Italie. C'est le tracé proposé par lui qui fut
admis et exécuté, dans la suite, par les ingénieurs italiens.
En récompense des services qu'il venait de rendre, le
roi conféra à Maus le titre d'inspecteur honoraire dans le
corps royal du génie civil.
MM. d'Hoffschmidt et Brabant portèrent ce fait à la
(178)
connaissance de la Chambre des représenlanls — comme
très honorable pour le pays — dans la séance du 19 avril
1847. Dès la fin de l'année précédente l'Académie royale
de Belgique avait nommé Mans membre correspondant.
De retour en Belgique, notre compatriote reçut un grade
élevé dans le corps des ponts et chaussées, et alla s'établir
à Mons. A partir de ce moment, il produisit de nombreux
mémoires et rapports sur des questions intéressant les tra-
vaux publics, sur les machines industrielles, les matériaux
et les procédés de construction. On peut citer comme très
remarquable le rapport qu'il fil en 1865 comme président-
rapporteur de la commission chargée de faire les projets
des travaux d'assainissement de la Senne et de la ville
de Bruxelles. Cette ville eut recours à l'expérience de
Maus et à ses connaissances en hydrologie pour créer une
distribution d'eau potable.
Voulant reconnaître les précieux services qu'il lui avait
rendus, l'administration communale de Bruxelles décida
que le nom de Henri Maus serait donné à l'une des nou-
velles rues longeant la Bourse.
Maus a produit, il y a environ quinze ans, un projet de
rectification de l'Escaut en aval d'Anvers, auquel j'ai colla-
boré pour les travaux de défense à créer en remplacement
des forts actuels, qui eussent été supprimés. Ce projet était
trop vaste pour qu'on l'adoptât. Ne tenant aucun compte
des nécessités de l'avenir, on donne, en général, chez nous,
la préférence aux demi-solutions, dont s'accommode le
présent.
^Mans avait soumis à un examen scientifique les bases
adoptées pour les caisses des veuves des départements
ministériels. Ces bases étaient défectueuses. Il indiqua,
dans un mémoire écrit en 1858, les nouvelles bases qu'il
(176)
convenait d'adopter pour arriver à de bons résultats.
L'expérience a justifié ses calculs, qui étaient du reste en
plusieurs points conformes à ceux que le général Liagre
avait produits dans un mémoire de 1853 sur l'organisation
des caisses de veuves.
En sa qualité de directeur général des ponts et chaus-
sées, JVIaus eut à traiter de nombreuses et importantes
questions concernant le régime de nos cours d'eau, l'amé-
lioration et l'agrandissement du port d'Anvers. Les mé-
moires qu'il rédigea sur ces questions ont une grande
valeur et seront conservés comme des documents pré-
cieux.
Ses connaissances variées et sa haute situation le firent
désigner fréquemment pour présider des commissions spé-
ciales et des jurys d'expositions.
Il fut également nommé membre de la très importante
Commission internationale du mètre, où il se trouva en
relation avec les chimistes et les physiciens les plus dis-
tingués de l'Europe, parmi lesquels brilla particulièrement
son intime ami, notre illustre chimiste, Jean Slas.
L'homme qui a joué un rôle si important dans le
domaine des travaux publics et de la science, était affable
et bon, d'une grande simplicité de vie et de manières, d'un
commerce agréable et sûr, d'un esprit large et tolérant.
Chez lui la fermeté du caractère et la rigidité du devoir
s'alliaient à une extrême bienveillance et à une rare
modestie.
Travailleur infatigable et consciencieux, il a consacré
tout son temps, toute son intelligence, toutes ses facultés
aux devoirs professionnels, à la famille et à la science.
Sa perte a causé de vifs et unanimes regrets, parce qu'il
avait su, dans sa longue et féconde carrière, gagner l'es-
(177)
lime et l'affection de tous ceux qui furent en rapport avec
lui : ses chefs, ses subordonnés, ses confrères, les savants
(lu pays et de l'étranger.
Il est mort avec la sérénité du sage, satisfait d'avoir
pu faire un noble et utile emploi des dons qu'il tenait
de la nature, et des facultés qu'avait développées en lui un
labeur incessant stimulé par l'amour du bien public.
Quand un homme de celle valeur succombe sous le
poids des années, les larmes des amis et même celles des
parents ne doivent pas couler longtemps, car il est réservé
à peu d'hommes d'avoir une destinée aussi enviable, il a
vécu heureux au milieu des siens, honoré dans sa profes-
sion, admiré pour ses travaux, estimé pour ses qualités
personnelles, et en possession, jusqu'au dernier moment,
de sa vive intelligence et de son excellent cœur.
Cher confrère, l'Académie royale de Belgique offre à ta
mémoire l'expression vive et sincère de ses regrets et de
son admiration. Dors en paix; ta lâche est accomplie !
RAPPORTS.
Sur une méthode simple pour mesurer le retard des miné-
raux en lames minces; par G. Cesàro, chargé du cours
de minéralogie à l'Université de Liège.
Happort de IH. delà Vallée P'ouaaii* , pr-eutief cumntiaaaii'e .
a Ce nouveau travail de M. Cesàro a pour but d'expo-
ser une méthode pratique etcxpéditive pour la mesure du
retard existant entre des rayons polarisés dans des plans,
différents quand ils traversent des minéraux cristallins
taillés en lames minces.
( 178 )
La grandeur du relard, loules les autres circonstances
étant sensiblement égales, dépend de la différence des
indices de réfraction, c'est-à-dire de la biréfringence du
minéral employé; et la connaissance de cette biréfrin-
gence fournit un diagnostic précieux pour la détermina-
tion de l'espèce minérale, notamment dans les recherches
microscopiques. Les minéralogistes et les lithologistes de
France et d'Allemagne ont donc préconisé très souvent la
recherche de la biréfringence depuis une dizaine d'années,
et l'on a imaginé des appareils plus ou moins complexes
à ajouter au microscope polarisant pour atteindre ce
résultat
La biréfringence se calcule sur l'épaisseur de la plaque
minérale soumise à l'expérience, et d'après la position
qu'occupe dans l'échelle chromatique de Newton la teinte
offerte par celte plaque vue entre les niçois. Or, un œil
doit être très exercé aux couleurs pour apprécier le retard
avec une approximation suffisante par l'inspection de la
couleur de polarisation.
Dans la méthode proposée par iM. Cesàro, cette diffi-
culté est évitée, parce que l'auteur s'adresse aux violets
des divers ordres, nommés par les Français teintes sen-
sibleSf lesquels, comme l'on sait, passent au bleu ou au
rouge par un léger écart, et qui procurent, en conséquence,
des points de repère faciles à saisir même pour un œil
très peu exercé.
Après avoir rappelé les phénomènes optiques invoqués
dans la mesure de la biréfringence, l'auteur propose de
réaliser des violets sensibles ou des teintes sombres très
voisines et bien reconnaissables, en superposant le quartz
parallèle taillé en biseau ou quartz compensateur à la
plaque cristalline dont on cherche la biréfringence. II est
( 179)
clair que la leinle obtenue dépend à la fois de la plaque
cristalline et du quartz en biseau. A l'effet d'obtenir avec
exactitude la part de retard attribuable à ce dernier,
M. Cesàro adapte au tube du microscope une vis micro-
métrique dont récrou mobile vient buter contre l'extré-
mité d'un biseau de quartz et permet d'en mesurer la
position à un vingtième de millimètre près. A chaque divi-
sion de la vis micromélrique correspond une certaine
position et, par conséquent, une certaine épaisseur de
quartz taillé en biseau et un certain relard du rayon
extraordinaire par rapport au rayon ordinaire, retard cal-
culé une fois pour toutes.
Quand donc la superposition du quartz à un cristal
taillé parallèlement au plan de ses axes optiques amène
un violet déterminé de l'échelle chromatique, la part du
relard qui revient au quartz peut être déterminée par
l'inspection de la vis micrométrique, et l'on connaît par là
même celle qui revient au cristal. Pour appliquer la for-
mule 7 = X, dans laquelle R est le retard dû au cristal,
e son épaisseur et X la biréfringence, il ne reste qu'à
mesurer l'épaisseur du cristal, soit par le procédé de la
double mire, soit aulremenl.
M. Cesàro applique ce mode à la mesure de la biréfrin-
gence d'une série de minéraux se présentant en cristaux
minces, en aiguilles, ou en lames de clivage, parallèles à
un axe optique ou à deux axes d'élasticité.
L'opération peut s'exécuter rapidement, et elle donne
néanmoins des résultais assez précis pour caractériser une
espèce, à en juger d'après les expériences consignées
dans le mémoire de M. Cesàro. L'auteur étudie successi-
vement la calamine, la barytine, l'émeraude, la microsom-
mile, le quartz, la milarite, la heulandite, le gypse, la
carpholile, etc.
( 180)
Ce qui est le plus intéressant au point de vue lilholo-
gique, c'est que l'auteur a obtenu de bons résultats, non
seulement avec des cristaux isolés, niais avec ceux qui
sont enchâssés dans les plaques minces extraites des mica-
schistes et des trachytes. Il a pu ainsi mesurer la biré-
fringence du mica blanc, de l'orthose, du péridot, de
l'augite, du quartz, avec une approximation suffisante.
L'emploi du quartz parallèle dans la recherche de la
biréfringence, tel qu'il est proposé par M. Cesàro, nous
paraît offrir des avantages sérieux. L'auteur a fait précéder
l'exposé de sa méthode et des résultats numériques qu'elle
lui a fournis, par des détails connus sur la marche de la
lumière dans les substances biréfringentes. Mais ces
détails, exprimés avec netteté et concision, nous paraissent
à leur place, parce qu'ils facilitent l'intelligence des consi-
dérations qui suivent. Nous proposons donc volontiers à
l'Académie la publication du mémoire de M. Cesàro, avec
la figure qui l'accompagne, ainsi que des remerciements à
l'auteur. »
M. A.-F. Renard, second commissaire, se rallie à cette
proposition, qui est adoptée par la Classe.
Sur la nutrition des Échinodermes;
par Marcellin Chapeaux, docteur en sciences naturelles.
tttippoB'l de n. Éd. Van Benedettf pt'anier co»nn*i»aait'ef.
« M. Chapeaux a fait, au laboratoire de zoologie de
Roscoff, une série d'observations intéressantes, dont il
rend compte dans une note qu'il vient d'adresser à l'Aca-
démie.
L'auteur rappelé que les glandes radiales des Astéries
( 181 )
peuvent être rapprochées, au point de vue fonctionnel,
(lu pancréas des vertébrés, que leur sécrétion transforme
l'amidon en glucose, la fibrine en peptone, et émulsionne
les graisses, que la réaction de la solution fermentifère
préparée par trituration des glandes, suivant les procédés
connus, est alcaline; enfin, que les parois de l'œsophage et
de l'estomac sécrètent des ferments qui transforment la
fibrine et l'amidon. Il annonce ensuite — et c'est là le
point saillant de sa communication — que les amibocyles
de la cavité cœlomique jouent un rôle capital dans la
continuation de la digestion et aussi de l'excrétion des
résidus de la nutrition. Il apporte à l'appui de cette opinion
une série d'observations intéressantes.
A en croire M. Chapeaux, les gouttelettes des huiles
émulsionnées par les glandes radiales traverseraient l'épi-
ihélium et tomberaient, sans avoir été modifiées chimi-
quement, dans la cavité du corps. Le dédoublement et la
dissolution des graisses se feraient sans cette cavité. Les
gouttelettes seraient avalées par les amibccytes et leur
dédoublement s'opérerait dans l'intérieur de ces phago-
cytes, sous l'influence d'un ferment acide.
Par contre, les éléments phagocytaires de la cavité
générale, pas plus que le liquide qui les tient en suspen-
sion, n'exercent aucune action sur les peptones. On ne
trouve ni fibrine ni peptones dans la cavité cœlomique des
Astéries, que l'on a nourries avec de la fibrine. Il est
probable, dit l'auteur, que l'épithélium des glandes radiales
transforme les peptones en une albumine soluble qui passe
dans le sang. Mais cette albumine serait saisie par les
an)ibocytes et transportée par eux dans les divers points
de l'économie. Là, les mêmes éléments se chargeraient des
résidus de la nutrition et iraient ensuite déverser ces
( 182 )
derniers soit dans la cavité générale, soit à l'extérieur, en
passant à travers les parois digestives, les branchies der-
miques ou la plaque madréporique.
Les faits sur lesquels l'auteur appuie ses conclusions ne
sont peut-être pas en nombre suffisant; ils ne sont peut-
être pas non plus entièrement démonstratifs. Je considère
néanmoins la communication de M. Chapeaux comme
étant digne d'intérêt, et je propose à la Classe d'en décider
l'impression dans le Bulletin de la séance. »
M. F. Plateau, second commissaire, se rallie à cette
proposition, qui est adoptée par la Classe.
Notes sur les groupes d'éléments neutres communs à deux
évolutions quelconques; par François Deruyts.
Êtappovt de HM. C\ EjC Paige.
« J'ai l'honneur de proposer ù la Classe l'impression
dans le Bulletin de la séance de la courte note de
M. Fr. Deruyts.
L'auteur y établit quelques théorèmes intéressants sur
l'existence de groupes d'éléments neutres communs à
deux involutions quelconques. Il se propose de consacrer
à ce sujet un travail plus étendu. Celui-ci ne renferme
que quelques-uns des résultats auxquels il est parvenu
et qui me paraissent susceptibles d'applications impor-
tantes. »
La Classe décide l'impression au Bulletin de la note de
M. François Deruyts.
( ^83)
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Détermination de la constante de l'aberration, de la paral-
laxe de la polaire, de la vitesse du système solaire, et
des constantes de la nutation diurne, au moyen des
observations de latitude de Gyldén et de Peters à Poul-
kova; par F. Folie, membre de l'Académie.
Lorsque Bradiey, au milieu du siècle dernier, décou-
vrit la nutalion annuelle, les astronomes eurent tout
d'abord tant de peine à l'admettre, malgré les preuves
nombreuses qu'il en avait données, qu'un de ses amis,
astronome lui-même, la contesta pendant dix ans; tant
une vérité nouvelle, lorsqu'elle n'est pas l'expression d'un
simple fait matériel que chacun est à même de vérifier,
s'impose difficilement à l'intelligence humaine.
Il est vrai, d'une part, que Bradiey ne pouvait pas
bien établir la théorie de la nutation, quoique Newton eût
déjà soupçonné l'existence de ce mouvement, et que
Rômer crût l'avoir constaté dans ses observations; d'autre
part, que nul astronome contemporain n'était en mesure
d'observer, comme lui, avec assez de précision pour
vérifier sa découverte.
L'époque actuelle est bien moins ingrate pour les cher-
cheurs; la théorie est beaucoup plus développée et plus
universellement connue; les observations ont atteint un
tel degré d'exactitude que l'astronome peut affirmer
( i84 )
aujourd'hui que ses déterminations ne sont guère erronées
de plus du dixième de seconde d'arc.
Aussi, lorsque j'eus établi en i884 la théorie de la
nutation diurne, tout persuadé que j'étais que son coeffi-
cient devait être assez faible, je ne tardai pas à acquérir
la conviction que je n'attendrais pas, comme Bradiey,
pendant dix ans, que ma découverte, bien inférieure
cependant à la sienne en importance numérique comme
en mérite, fût universellement reconnue par les astro-
nomes.
Après que j'eus affirmé (*), en ces termes très expli-
cites, l'existence de la nutation diurne, un savant autorisé
me fit l'honneur de discuter publiquement les preuves
que j'en avais données : sa conclusion fut : « je crois
» pouvoir affirmer que l'existence de la nutation diurne
» n'est en rien démontrée jusqu'à présent » (").
J'ai répondu à sa critique {***), et n'y reviens que sur
un seul point, que je n'avais pas eu le loisir de traiter
alors : si l'on applique correctement la nutation diurne
seule à toutes les différences entre les M ou les déclinai-
sons consécutives d'une même étoile, tirées de la Zone
polaire d'Argelander, on trouve
Constante.
Longitude du premier méridien.
Par les 41 . . . .
. 0"6
9H0'^ E. de Poulkova.
Par les déclinaisons
. 0"4
HMb" —
(*) Annuaire de l'Observatoire royal pour 1890.
(") Astronom. Nachr., n" 2975. Lehmann-Filhès : Bemerkimgcn
ûber die tàgliche Nutation.
(**•) Astronom. Nachr., n"' 2985 et 2988.
( 183 )
La seule délermination crilicable, entre toutes celles
que j'avais faites, établit donc encore, malgré le très petit
nombre des équations de condition (25 seulement),
l'existence de la nutation diurne.
J'ai tenu à rectifier ce point, et pour ma satisfaction
personnelle, et pour la mémoire du savant illustre qui
m'a initié le premier à l'astronomie pratique.
Que les astronomes qui nient la nutation diurne veuil-
lent bien expliquer par quel merveilleux hasard toutes les
déterminations que j'en fais, au moyen des observations
les plus précises, concourent à donner très approximati-
tivemenl 10 heures pour la longitude orientale du pre-
mier méridien par rapport à Pouikova!
La critique, qui a porté chez la grande majorité des
astronomes, cl plus encore chez ceux qui n'entendent rien
à la question, n'a nullement ébranlé ma coiiliance.
Mais, en présence de l'incrédulité presque générale, je
me s'jis proposé de ne plus présenter aux astronomes que
des preuves devant lesquelles ils dussent se rendre.
Quoique j'aie déduit les valeurs très concordantes ci-
dessous des M de la polaire observées par F. W. Struve
à Dorpat, et de celles de o Petite Ourse et 51 Céphée
observées par Wagner à Pouikova :
Observations.
Constante.
Longitude orientale du premier méi
de Struve
0"0i
dO^-ùO™ E. de Pouikova,
de Wagner
0"04
10» E. de Pouikova,
je m'abstiendrai de résumer ici ces calculs, qui seront
publiés ultérieurement, pour m'attacher exclusivement
aux séries des latitudes de Pouikova, observées par
Gyldén et par Peters, et dont j'ai éliminé la nutation
3"* SÉRIE, TOME XXVI. 1.^
( 186 )
initiale en prenant les différences entre deux latitudes
déduites de deux passages conséculifs, ou à peu près, l'un
supérieur, l'autre inférieur.
L'application de mes théories aux observations très
précises de Gyidén a pu être discutée d'une façon à peu
près complète, et m'a conduit à des résultats qui paraî-
tront certainement probants aux astronomes, si, après les
avoir examinés, ils ne se bornent pas à dire : « mon siège
est fait ».
L'un de ces résultats, absolument neuf, est la déter-
mination de la vitesse et de la direction du système
solaire. Détermination obtenue pour la première fois par
un calcul direct, et qui a donné, pour 1'^ de l'Apex, un
angle de 277°, concordant parfaitement avec les meil-
leures déterminations déduites des mouvements propres
des étoiles.
La vitesse que nous avons trouvée est deux fois plus
grande que celle que Vogel (*) a déduite des vitesses
propres que le spectroscope lui a fournies pour un certain
nombre d'étoiles, mais elle est la même que celle que
d'autres astronomes ont déduite des mêmes obervalions
de Vogel (**).
Un autre résultat, excellent critérium également, est
l'obtention d'une parallaxe positive de 0",0o pour la
Polaire.
Un troisième enfin, qui rétablit l'harmonie entre la
vitesse bien connue de la lumière et la parallaxe du soleil,
est la correction négative de — 0",037 trouvée pour la
constante de l'aberration.
(■) Astronom. Nachr., n» 3150.
(*■) Monthly Notices, vol. LUI, pp. 275-276.
( 187 )
Ces déterminations préalables ont été jugées nécessaires,
afin de pouvoir déterminer la nutalion diurne indépen-
damment des erreurs de réduction dont les observations
pouvaient être affectées.
Car, à raison de sa petitesse (0",04 à 0",06), la nutation
diurne, dont la recherche constituait mon principal objec-
tif, ne peut être bien déterminée, au moyen d'observa-
tions méridiennes, que si ces observations sont très
précises et très correctement réduites.
La nutalion diurne dépendant, en effet, des mêmes
arguments que la nutation bradiéenne, il en résulte
plusieurs conséquences qui compliquent singulièrement
la détermination de ses constantes.
On sait que tous les coefficients de Peters ont été
calculés dans l'hypothèse d'une Terre solide, hypothèse
incompatible avec l'existence de la nutation diurne.
Si cette dernière existe, c'est-à-dire si la Terre est
fluide en dessous du noyau, il est certain, comme l'avait
déjà pressenti W. Thomson, et comme M. Ronkar l'a
démontré, que les coefficients des termes à courte période
ne seront pas les mêmes que si la Terre était solide.
Parmi ces termes figurent ceux qui dépendent de la
double longitude du Soleil, les seuls dont je m'occuperai.
Mais une seconde raison encore vient infirmer les
valeurs attribuées par Peters à ses coefficients.
Ils se tirent tous de celle qu'il a déduite, pour le
rapport — ^ , de sa constante de la nutation.
Or, puisque la nutation diurne renferme des termes
dépendants du nœud, il est bien probable que la négli-
gence de ces termes n'a pas été sans influence sur la
détermination de la constante de la nutation.
Indépendamment donc des deux constantes de la nuta-
( 188 )
lion diurne, si l'on veut les déterminer tout à fait exacte-
ment, on doit introduire, dans les formules de réduction,
la correction de la constante de Peters et celle, au moins,
des termes qui dépendent de la double longitude du
Soleil.
Je laisserai de côlé la correction éventuelle des autres
termes; pour ceux qui dépendent de la simple longitude
du Soleil, elle serait probablement insignifiante à raison
de leur faiblesse même; et quant à celle des termes
lunaires, elle entraînerait à de trop grandes complications;
puis, l'influence de ces termes disparaît dans une longue
série d'observations.
On voit donc que, si l'on voulait tenir compte de toutes
les réductions et corrections que nous avons mention-
nées, on aurait à effectuer la résolution, par les moindres
carrés, d'un système d'équations de condition à neuf
inconnues :
1° et 2° Direction de la vitesse systématique et con-
stante de l'aberration systématique;
3" Parallaxe de l'étoile;
4° et 5° Constantes de la nutation diurne;
6" Correction de la constante de l'aberration;
7° Correction de la constante de la nutation;
8° Correciion de la constante des termes qui dépendent
de la double longitude du Soleil.
9° Correction de la déclinaison moyenne adoptée.
La résolution d'un tel système ne nous a paru ni pra-
tique, ni utile; et nous avons préféré scinder le problème.
Éliminant d'abord, entre des couples convenablement
choisis d'équations de condition, les termes de la parallaxe
et de l'aberration systématique, dont les coefficients sont
presque identiques, nous avons effectué une première
( 189)
tiélerminalion provisoire des constantes de la nuiatioii
diurne.
Introduisant ces valeurs dans les équations de condi-
tion primitives, et laissant de côté les corrections des
termes du nœud et de la double longitude du Soleil,
nous avons déterminé les constantes de l'aberration
systématique, la parallaxe de la polaire et la correction de
la constante de l'aberration annuelle :
Constante réduite, de l'aberration systé-
matique h' = 39"
Parallaxe s: == 0"0546
Correction de la constante de laberralion . =r — 0"0372
Correction de la déclinaison moyenne
adoptée iv ^= — 0"05
L'introduction de ces valeurs dans les 86 équations de
condition nous a fourni un système qui ne renfermait
plus que cinq inconnues : les deux constantes de la nuta-
tion diurne et les corrections de celles des termes du
nœud, de la double longitude du Soleil, et de la déclinai-
son moyenne adoptée.
Les nouveaux résidus ainsi obtenus sont représentés
par «2- La somme de leurs carrés est
1 ni = 4.47,
tandis que nous avions trouvé
V })] = 0.86,
après avoir réduit les résidus, déduits du Mémoire de
Nyrén, des termes du second ordre de la nulalion et de
l'aberration annuelles, et
ln^ = 5.66
( 190)
en employant les résidus déduits directement du Mémoire
de Nyrén.
Nous avons obtenu, par la résolution du nouveau
système d'équations :
Coefficient de la nutalion diurne v = 0",0665;
Longitude du premier méridien L==i2"E de Pouikova;
Coefficient de correction (1 -i- f) des termes de la
double longitude du Soleil : f= — 0,08;
Correction de la déclinaison adoptée : -4- 0",028.
Correction de la constante de Peiers : -+- 0",003.
Les nouveaux résidus trouvés par la substitution de ces
valeurs dans les équations de condition sont représentés
par ns, et l'on a
1 til = 4.82
Il semble donc que l'existence et la grandeur de la
nutation diurne sont bien nettement démontrées au moyen
de lexcellente série d'observations de Gykién.
Quoique d'autres déterminations que nous avons faites
de ses constantes concordent bien avec ces derniers
résultats, nous avons tenu à les confirmer en extrayant,
des 86 équations de condition, trois séries de 60 chacune,
les 60 premières, les 60 du milieu et les 60 dernières.
Ces trois séries ont donné :
1»
2»
30
y = 0".02
0.02
0.07
L = H'>
15"
43.5"
Nous n'avons pas calculé ici la correction de la constante
de Peters, la période sur laquelle s'étend chaque série
n'étant pas assez longue, ni celle des termes en 20.
( 191 )
J'ai appliqué la même méthode aux observalions de
Peters traitées par Chandler, qui en avait déduit une
correction de -+- 0".065 pour la constante de l'aberra-
tion.
Comme les séries qu'il avait groupées ne m'ont fourni
que 42 équations de condition, j'ai supposé connues la
longitude du premier méridien (10" K de Poulkova), l'^R de
l'Apex du mouvement systématique (280"), la parallaxe
de la polaire (0".05); et j'ai calculé, d'après ces observa-
lions, la correction de la constante de l'aberration, le
coefiîcienl de la nutation annuelle et la constante réduite
de l'aberration systématique.
Pour la première de ces inconnues, j'ai trouvé
-hO".0()093;
Pour la seconde, 4- 0".255;
Pour la troisième, -+- 9".
Celte dernière valeur est beaucoup moins forte que
celle que j'ai déduite des observations bien plus précises
de Nyrén; la seconde, beaucoup trop forte.
Les résultats qui précèdent sont probants.
Ils constituent, avec mes travaux inédits, mentionnés
ci-dessus, sur les observations de Slruve et de AVagner,
le terme de mes recherches dans cette direction.
On a vu de quelles difficultés celles-ci sont hérissées;
difficultés matérielles surtout.
Or, je ne dispose pas de calculateurs pour m'aider dans
ces travaux, et je ne puis effectuer par moi-même les
milliers de multiplications et d'additions qu'ils exigent.
Jusqu'à présent, j'ai pu être aidé puissamment par le
zèle dévoué, acharné dirais-je volontiers, de quelques-uns
de mes astronomes, qui, malgré le discrédit dans lequel
tout le monde, autour d'eux, jetait mes théories, ont
( 192 )
continué à les suivre et à me seconder avec une entière
confiance.
Aujourd'hui, je ne le puis ni ne le veux plus. Mon siège
aussi, à moi, est fait, et je ne le recommencerai pas.
Demain, ou un peu plus tard, quelque astronome de
poids, et il suffira d'un seul, étudiant avec soin mes
travaux, trouvera son chemin de Damas, et proclamera la
vérité, qui éclatera alors à tous les yeux.
Une bonne part de mérite en reviendra à mes dévoués
collaborateurs, et tout particulièrement à M. Nieslen et
à M. BijI; je les remercie cordialement de leur con-
cours, et leur en conserverai une reconnaissance inalté-
rable.
Peut être des astronomes, ébranlés mais non convain-
cus encore par ces derniers résultats, voudront- ils les
vérifier par d'antres séries d'observations. Pour pouvoir en
tirer des conclusions un peu certaines, ces observations
doivent avoir une précision à peu près égale à celle des
dernières observations dont nous avons fait usage, celles
de F. W. Slruve, de Wagner et de Gyidén, et il serait
très avantageux qu'elles ne s'étendissent que sur une
période d'un an environ, tout en étant suffisamment
nombreuses.
Pour moi, il est une seule recherche que je désirerais
ardemment pouvoir faire, aussi bien quant à la nulation
diurne que quant à la nutation initiale, qui sont enche-
vêtrées l'une dans l'autre : c'est l'observation, à quelques
heures d'intervalle, d'étoiles très voisines du pôle. Ces
observations, dont j'ai fait l'essai à Cointe, où elles sont
possibles grâce à l'ouverture de la lunette méridienne
(7 pouces), sont absolument indépendantes, non seulement
des erreurs de réduction, mais encore des erreurs instru-
( i93 )
mentales, si l'on observe les différences de hauteur et
d'azimulh de deux étoiles.
Malheureusement, elles sont impossibles à Uccie avec
les instruments actuels, et il faudra attendre, pour pouvoir
les y faire, que l'Observatoire soit muni d'une lunette fixe
d'une ouverture suflisante.
Afin de mettre les astronomes à même de vérifier nos
calculs, ou de les appliquer à d'autres séries, nous consi-
gnerons ici les formules dont nous avons fait usage dans
la réduction de la demi-différence des latitudes obtenues
par un passage supérieur et un passage inférieur \-y^j
à peu près consécutifs.
Je supposerai celte demi-différence corrigée des termes
du second ordre de l'aberration et de la nutation, et la
désignerai, ainsi corrigée, par n; cette correction est, pour
la réduction au lieu apparent, égale à
sm 2^(4 a)-.
4
Le terme qui dépend de la correction x de la constante
de l'aberration sera désigné par ax; celui qui provient de
la combinaison de l'aberration annuelle avec l'aberration
systématique par .
cy = — kk' tg(?sin (A' — a) | cos e cos a cos O -4- sin a sin O { >
k étant la constante de l'aberration annuelle, k' la con-
stante réduite de l'aberration systématique.
Si Ton veut déterminer A', au lieu de le prendre égal
à 280% on aura deux inconnues au lieu de y.
( 19M
Le terme de la parallaxe sera désigné par bw.
Ceux de la nutation diurne par
^ elTi étant le coefficient v de la nutation diurne multiplié
respectivement par le sinus et le cosinus de (2L h- a), et
L la longitude orientale du premier méridien par rapport
au lieu de l'observation.
On pourra se borner à prendre, en longitudes vraies:
2i = — i. 155 — 0.154 cosQ -t- 0.36 cos 2©
-+- 0 82 cos 2C: + 0.14 cos (2(C— Q) -+- 0.13 cos (C— r').
2g = — O.llSsinQ -t- 0.159 sin20
H- 0.89 sin 2C -+- 0.18 sin (2C— Q)-
Cela posé, l'équation de condition est, abstraction faite
de la correction des termes en Q et en 2© :
ax -\- cy -\- brz — 2,§ -<- v^^^ -»- m? -+- w = 0,
équation dans laquelle w représente la correction de la
déclinaison moyenne adoptée.
Recherche correcte de la Constante de l'aberration par des
observations dans le premier vertical; par F. Folie,
membre de l'Académie.
Un lait m'a toujours frappé d'étonnement depuis quel-
ques années : c'est, d'une part, la valeur très forte que l'on
trouve généralement pour la constante de l'aberration par
les observations dans le premier vertical; d'autre part, la
discordance énorme entre les résultats fournis à un même
( 198)
astronome, par ses observations sur deux étoiles diffé-
rentes; je citerai o Cass. et u Grande-Ourse, let oDrag.,qui
ont donné à Nyréu, les premières 20,66, les autres 20.2 à
peu près.
Chandier, en appliquant à ces observations sa formule
empirique des variations de la latitude, a considérablement
réduit ces écarts; mais il trouve une constante très forte :
20,55 par les premières étoiles; 20,53 par les deux
autres (*).
Mes recherches sur les deux nutations à courte période
m'ont empêché jusqu'aujourd'hui d'approfondir ce sujet.
Maintenant qu'elles sont terminées, et qu'elles m'ont
donné chaque fois des corrections négatives pour la
constante de l'aberration, soit par des séries d'^R, soit par
des séries de déclinaisons, je me suis décidé à rechercher
la raison de ces anomalies, et je l'ai trouvée dans la
manière incomplète dont les observations sont traitées.
Afln d'abréger l'exposition, je les supposerai faites
exactement dans le premier vertical.
On sait que les astronomes réduisent habituellement
ces observations au moyen de la formule
Il sin /f -+- u cos /« -t- ax M- 6î/ -4- 2 -H n = 0,
dont les termes seront délinis ci-dessous.
Cette formule n'est pas suffisamment correcte, comme
on va le voir.
Dans le premier vertical, la hauteur du pôle se calcule
par tg cp = tg 8 cos -r^.
(*) A stronomical Journal, n* 297.
(196)
La déclinaison apparente o, calculée par les astronomes,
doit être augmentée :
1° Des termes périodiques de l'aberration systématique;
2" De ceux de la nulation initiale (*);
3" De ceux de la nutalion diurne.
Nous représenterons par AB l'ensemble de ces correc-
tions, et par Aa les corrections correspondantes en AR.
La hauteur du pôle correcte sera donc donnée par
tg * = tg ((? -t- Ar;) COS (if — Aa),
puisque
i) = t — a;
d'où
A tg * = tg »î> — tgy = IgS sin >jAa -t- sec^(î COS j^a^.
Les astronomes ont toujours omis de tenir compte du
premier de ces termes ; on ne peut plus le faire si l'on a
égard à la nutalion diurne, à moins que sin i] ne soit très
petit, ce qui n'a généralement pas lieu.
Si l'équation précédente se rapporte au passage W, pour
le passage E, on aura à changer ri en — ri ; affectant des
indices 2 et i respectivement ces deux passages et
prenant la moyenne, on aura
Aa2 — A«i A(?2 -4- A(?i
(1) . . Atg* = tg(Jsini} i-sec*acos)j •
Nous avons à calculer A a^ — A a,, qui sera nul en ce
(*) Ceux-ci sont identiques aux termes u sin it-^-v cos U employés
par les astronomes sous le nom de variation de latitude.
( 197)
qui concerne la parallaxe, l'aberralion et l'aberration sys-
tématique.
L'expression de la niilalion initiale et de la natation
diurne en M est
cot â\a. = r sin (/t -f- [5 -t- )f)
— V j 2, cos (L' -t- 2ij) -+- ^2 sin (L' -t- 2ij) j .
Nous n'écrivons que le premier terme de la nutation
initiale; le second a une forme analogue, et l'on verra
qu'il n'est négligé qu'en apparence.
V est la constante de la nutation diurne.
L' = 2 L H- a, L étant la longitude orientale du
premier méridien par rapport au lieu d'observation.
Les expressions numériques des fonctions H, et S2 sont,
en longitudes vraies,
2, = — 1.155 — 0.154 cosQ -4- 0.56 cos 2 © -f- 0.82 cos S^
-+- 0. 1 4 cos (2C — Q) — O.i 5 cos {5C — r')-
22 = — 0.18 sin Q -4- 0.59 sin 20 -+- 0.888 sin 2^
-f- 0.18 sin (2C—Q).
De l'équation précédente on tire, en se rappelant que
i COt^ (Aaa — Aa,) = r sin i^ COS {it -*- p)
-t- V sin 2 if (2| sin L' — 2» cos L').
En déclinaison, on a, pour la nutation initiale et la
nutation diurne:
Ar; = — r cos(/« -f- j3 4- )})— V j 2i sin (L' -+- 2;?) — 22COS (L' ■\- 2)^) j ;
( 198)
d'où, comme ci-dessus,
2
— ycos>fCOs(<«-+-(3) — vcos2>f(2,sinL' — z^cosL').
Quant à la parallaxe, en l'appelant Us en déclinaison, il
suffira d'écrire
De même S5 pour les termes périodiques de l'aberration
systématique. L'expression en est
83==: — kk' tg(J sia (A' — a) (cos f cos a cos O -4- sin a sinQ) ;
k est la constante de l'aberration annuelle; A;' la constante
réduite de l'aberration systématique; A' VaK de l'Apex.
Substituant dans l'équation 1), on aura :
ûtg* = {tg^(î sin^if — sec^(5'cos^i;)r cos [it ■+■ p)
-t- sec^^ cos ij (rij -+- Ss)
— V (2, sin L' — Sa cos L') (tg^cî sin 1/ sin ii^ -t- sec^ S cos jf cos 2ij).
Le dernier terme, celui de la nutalion diurne, est, pour
une étoile déterminée, une constante que nous désignerons
par — N^.
Quant à In niilation initiale, on tiendra compte de son
second terme en la mettant sous la forme u s\nit-hv cos it;
nous appellerons b le coefficient de la parallaxe, ot la valeur
de celle-ci; a le coefficient de l'aberration, x la correction
de la constante de Slruve; alors, en introduisant une
inconnue s pour tenir compte de la correction de la décli-
naison moyenne adoptée, on aura :
N5 — Se^ scc'(î cos ij 4- Atg4'=i/ sin it-i-v cos it -t- CT^secMcos^
-♦- xa secV cos >/ -t- z.
( 199 )
Soit <p la lalilude aslronomiqiie déduite des observations
et cp — ^ = n, d'où
sin(.j, — f)
cos * COS f
qu'on peut écrire
Alg<l. = — n sec^(î).
Faisant
Nj — S^ sec-(î cos ij — n sec^'P = »„
6 sec' (? cos jj = bi,a sec' J cos ij = Oj,
on aura enfin :
u sin d ■+■ V cos /< -f- n6, -h xa, -t- ;3 = n,.
Telle est l'équation de réduction correcte des observa-
lions de passage au premier vertical.
Si l'on y fait abstraction de la nutation diurne et de
l'aberration systématique, qu'aucun astronome n'a encore
introduites dans ses calculs, cette équation concordera avec
la leur; alors elle devient, si l'on pose z' =z cos^ 8 :
îi sin tt -\- V cos it -\- zub -^ xa -i- z' -*• il == Oj
c'est là l'équation dont les astronomes font usage, comme
il est dit au commencement de celte note, tandis que
lequalion correcte (mais incomplète à cause de la négli-
gence des termes périodiques très faibles de l'aberration
systématique) serait, en posant <ï> = S, ce qui est sans
grande conséquence pour les étoiles observées, voisines
du zénith :
u sin it -^ V cos <t -*- ra6 -+- a:a -t- *' -H n -+-
V (— 2, sin L' -<- ^2 cos L') (cos >? — cos' â sin t^ sin 2)^) = 0.
( 200 )
Recherches sur les dérivés mono-carbonés; par
Louis Henry, membre de l'Académie.
V. — Sur les dérivés ammoniacaux de l'aldéhyde
méthylique {*).
Au cours de mes recherches sur les dérivés mono-car-
bonés, j'ai été amené à reprendre l'étude de l'action des
bases ammoniacales sur l'aldéhyde méthylique.
(*) Cette notice n'a que la valeur d'une communication prélimi-
naire.
J'étais en possession des résultats que j'y ai consignés lorsque
parut, à la fin de juillet, dans le Bulletin de la Société chimique de
Paris {''), un mémoire de M. A. Trillat intitulé : « Sur la fixation du
» groupement = Cllj dans certains dérivés amidés »,
On y lit ces lignes : « En faisant agir la formaldéliyde sur les solu-
» lions aqueuses non acidulées des aminés primaires et secondaires
« de la série grasse et aromatique, j'ai obtenu une série de composés
» qui peuvent être représentés par les formules générales
(l) RAz=CH2
» pour les aminés primaires et
(2) R'Az>CH,
» lorsqu'on opère avec les aminés secondaires. Tous ces composés se
» présentent sous la forme de poudre amorphe ou de cristaux plus ou
» moins bien définis et dont le point de fusion n'est généralement pas très
» net. «
En présence de ce travail, je ne pouvais pas attendre plus longtemps
pour faire connaître les faits que j'avais constatés de mon côté.
On pourra juger combien mes déterminations, en ce qui concerne
les composés de la série grasse, concordent peu avec celles qu'annonce
le chimiste français.
Je m'autorise du caractère provisoire de cette notice pour ne pas
faire l'historique de la question qui en est l'objet.
(1) Numéro 14, daté du 20 juillet, reçu le 27.
( 201 )
L'aldéhyde méthylique en solution aqueuse (*) réagit
avec une grande intensité sur les dérivés amidés HjN - X
et imidés HN - X2 de l'ammoniaque, selon les équations
H^C = 0 -t- H,NX = H^C = NX -I- HjO
H^C = 0 -4- 2FINX2 = H,C < "^ + H,0.
Je ne m'occuperai ici que des dérivés de la série alipha-
lique.
On trouve le type de ces réactions dans la mono- et la
rfi-méthylamine.
Série A. — Dérivés rnéthyléniques mono-azotés
On introduit par petites portions la solution de la
méthylamine (**) dans la solution aqueuse de l'aldéhyde
méthylique, en quantité équimoléculaires. Les liquides se
dissolvent l'un dans l'autre avec un échauffement considé-
rable : aussi faut-il refroidir.
La potasse caustique solide sépare le produit sous forme
d'une couche surnageante. Le même alcali sert à le des-
sécher. Le rendement est intégral {'").
C) De 40 »/o (Mercklin et Lôsekann).
(**) A 55<>/o, produit de Kahlbaum.
(*"*) Voici le détail d'une opération : '/j molécule d'aldéhyde for-
mique,soit 15 grammeset '/, molécule de méthylamine, soit 16 gram-
mes, Tune et l'autre en solution aqueuse, ont été mélangées. Disso-
lution et échauffement considérable. La potasse caustique solide
sépare le produit du liquide sous forme de couche huileuse surna-
geante; j'en recueille 5!2 grammes; c'est juste '/s molécule du produit
H,C = N - CH5 -♦- H,0 ; la KOH solide en morceaux, en sépare
rapidement de l'eau et ramène le poids du produit brut obtenu à
20 grammes, soit '/a molécule HjC = N - CH3.
S""* SÉRIE, TOME XXVI. 14
( 202 )
La mélhyle-mélhylène-amine H2C = N-CH3, ainsi obte-
nue, conslilue un liquide mobile, incolore, d'une faible
odeur de marée, aisément soluble dans l'eau, d'une den-
sité égale à 0,9215 à IS"? et bouillant sans décomposition
à 166°, sous la pression de 758 millimètres.
Ce corps se congèle dans le mélange de neige carbonique
et d'étber et fond à - 27°.
Sa densité de vapeur (*) a été trouvée égale à 1,56; la
densité calculée est 1,49.
La méthyle-raélhylénamine H2C = N - CH3 se combine
avec l'eau, l'alcool mélhylique et l'ammoniaque, en s'écbauf-
fant d'une manière fort appréciable. Ces combinaisons sont
épbémères et ne résistent pas à la distillation.
La KOH solide sépare l'hydrate H2C = i\ - CH3, 11,0
de sa dissolution dans l'eau; celui-ci perd à la longue son
eau au contact du même alcali en fragments.
L'éthyle-amine en solution aqueuse (*') se comporte de
la même manière.
L'édiyle-méllujlène-amine H2C=N-C2Hs est en tous
points analogue au composé méthylique, mais elle se dis-
sout moins aisément dans l'eau.
Sa densité à 18"7 est égale à 0,8923. Elle bout à 207°-
208° et se fond après congélation de - 45° à - 50°.
La propyle -aminé normale C H3- C H2 - C H2 (N H,),
comme telle, réagit aussi très vivement sur l'aldéhyde for-
mique aqueuse. Le produit formé, étant insoluble, vient
surnager; on le dessèche sur la potasse caustique solide.
(*) Dans la vapeur de l'aniline; impossible dans la vapeur d'eau
à 100».
(") De 53 "/» (KalUbaum).
( 505 )
La propijle-mét/njlcne -aminé H2C = N-C3H7, aussi
liquide, bout à 248" sous la pression de 757 millimétrés.
Sa densilé à 18''7 est égale à 0,8800; à — 75» elle est pois-
seuse, mais ne se congèle pas.
Sa densité de vapeur a été trouvée égale à 2,56; la den-
sité calculée est de 2.46.
N X
Série B. — Dérivés métlujléniques di-azotés HoC < i^'v".
La dimélhyle-amine en solution aqueuse (*) réagit éner-
giquement sur l'aldéhyde mélhylique; on en prend deux
molécules pour une d'aldéhyde.
Il est nécessaire de ne l'introduire dans celle-ci que par
petites portions; réchauffement considérable qui se pro-
duit rend le refroidissement nécessaire; les deux liquides
se mélangent; en y introduisant de la potasse caustique
solide, on détermine la séparation de l'aminé nouvelle
formée sous forme de liquide surnageant.
Le rendement est intégral. La KOH solide permet de
dessécher le produit.
La lélra-méthijle-méllnjlène-diamine H2C < vSni \
constitue un liquide incolore, très mobile, d'une odeur très
forte, piquante, ra|ipelant tout à la fois celle de l'ammo-
niaque et de l'aldéhyde mélhylique, soluble dans l'eau,
d'une densité égale à 0,7491 à 18°7 et bouillant vers 80°,
elle ne se congèle pas dans la neige carbonique arrosée
d'élher.
Sa densité de vapeur a été trouvée égale à 3,48: la
densité calculée est de 5,52.
La di-éihyle-amine, comme telle, se combine vivement
(*) De 35 o/o (Kahlbaum).
( 204 )
aussi à l'aldéhyde mélhylique aqueuse. Le produit sur-
nage; la KOH le sépare totalement. On le dessèche à l'aide
de ce même alcali.
N (C H 'i
La tétra - éthyle - méthylène - diamine HaC < ^ (qu^'
constitue un liquide incolore, faiblement odorant, inso-
luble ou très peu soluble dans l'eau; d'une densité égale à
0,8105 à iS"?, bouillant à 168". Densité de vapeur
trouvée, 5,32; calculée 5,45.
La dipropyle-amine normale (CjHyja NH se comporte
comme la di-éthylamine ('). Le produit HoC< ,yr )^'^u ^
bout en se décomposant à la fin vers 225°-2o0". Sa den-
sité à 18° est égale à 0,8014.
Je signalerai en dernier lieu la réaction si nette et si
aisée ào. la pipéridine, C5H10- NH.
La pipéridine se combine intensément avec la formaldé-
hyde aqueuse. Le produit surnage. On le dessèche sur de la
KOH solide.
C'est un liquide incolore, quelque peu épais, d'une odeur
fade, d'une densité égale à 0,9148 à 18''7, insoluble dans
Teau, cristallisant par le froid en petites aiguilles, fondant
à-2°r).
La méthylène-diamylène-diamine normale H2C <nÏc^H*"
bout fixe à 237"-2o8°, sous la pression de 759 milli-
mètres.
(*) La réaction de la di-éthylamine et de la dipropylamine sur
l'aldéhyde formique est moins nette que celle de la diraéthylamine. Je
m'occuperai dans une communication ultérieure des produits acces-
soires.
(") La pipéridine elle-même se congèle par le froid en aiguilles
fusibles à - H».
( 205 )
Toutes ces combinaisons, comme on le voit, présentent
les mêmes allures; toutes sont, comme l'ammoniaque elle-
même, insolubles dans les solutions fortement alcalines et,
de même que les amides — C < ^„ et les nilriles - C = N,
elles s'hydratent sous l'action des acides, en régénérant
l'aldéhyde formique et les bases ammoniacales primitives.
Je ferai remarquer en passant la différence notable que
l'on observe, quant à la volatilité et la densité, entre les
composés mono-azotés de la série A et les composés
bi-azotés de la série B.
Série A. H2C = N - C^H^^^,
Ébiillition. Densité.
H,C-N-CHs 166» 0,9213
HjC = N - C2H5 208° 0,8923
HjC = N - C3H7 248° 0,8800
Série B. H^C = fN(C„H,„+,)2>
Ébullilion. Densité.
II^C = [N(CH3),]2 85° 0,7491
II2C = I N(C2H5)2]2 \ 68» 0,81 05
H,C = [N(C3H,);]8 225° —
La comparaison de ces dérivés méthyléniqites HC = avec
les dérivés carboniques correspondants OC = donne lieu à
de curieux rapprochements.
a) Dérivés mono-azotés > C - Az - CH3,
H^C = Az - CH3 Éb. 1 66° OC = Az - CH3 Éb. iSHS.
Différence- 120°.
Le remplacement de Ha par 0 dans le méthylène,
abaisse le point d'ébullilion d'environ i20°.
( 206 )
C'est un nouvel el remarquable exemple du fait général
que j'ai signalé à diverses reprises, de l'induence volatili-
sante qu'exerce sur les molécules carbonées l'accumulation
des radicaux négatifs, et notamment de 0 et de Az, en un
point de celles-ci.
6) Dérivés bi-azoïés > C < ^^^'.
H,C < ^,l\ru"\' Éb 85-^ OC < f'SpUt Éb. 177°
^ Az(Cn3)2 Az(Lll3)2
Différence •+- 90°.
Il est assez étrange que dans ces composés la modifica-
tion déterminée dans la volatilité par la substitution de 0
à Ha dans le groupement = CH2 soit d'un ordre inverse
de celle que l'on constate dans les dérivés mono-azotés.
Il en est ainsi dans les dérivés correspondants oxygénés
H,C<OCH.Éb.«- OC<0!;||=Éb.i)0..
Différence -♦- 48°.
Avant de terminer, je ne crois pas inutile de m'arrêter
un instant à l'action de l'ammoniaque elle-même sur l'al-
déhyde mélhylique en solution aqueuse.
On sait combien celte action est vive, rapide et éner-
gique.
L'introduction de la KOH solide dans le mélange
refroidi des solutions aqueuses, détermine la précipitation,
sous forme d'une poudre blanche, de la méthylène-amine
(HgQsN^. Les réactions que j'ai indiquées plus haut per-
mettent de suivre pas à pas la formation de ce composé;
j'admets que le produit immédiat de l'action de NH3 sur
l'aldéhyde est la méthylène-amine H^C = NH. Celle-ci,
( 207 )
renfermant encore de l'hydrogène ammoniacal, réagit à
son tour sur l'aldéhyde formique
H,C < OH -^ HN = CH, - "^^ *^ N = CH, ^ ^"^"
à la façon des aminés secondaires HN(CH3)2, etc.
Toutes les réactions que je viens de relater sommaire-
ment s'exécutent facilement et avec rapidité : à ce douhie
litre, elles constituent de véritables expériences de leçon,
du genre le plus classique (*).
(*) Loiivain le 8 août. Je viens de recevoir les n"' 15 et 16 du
Bulletin de In Société ctn'mique de Paris.
J'y lis CCS lignes :
0 Séance du mercredi 12 juillet 1895. M. Trillat décrit les nou-
1- veaux composés qu'il a obtenus en faisant agir l'aldéhyde formique
t> sur les aminés primaires et secondaires. Avec l'ammoniaque, en
» opérant da'is certaines conditions, on obtient un autre composé que
» celui qui est décrit par les auteurs sous le nom d'hexa-mélhylen-
» aminc. il doit répondre à la formule flAz = CH,. De même, avec
» la mélhylamine et l'éthylamine, on obtient des corps cristallisés
» qui ont probablement la constitulionCH5Az = CH,et Cj[J5Az = CH,.
« Dans la série aromatique, la benzidine, la naphlylaminc donnent
» des combinaisons analogues.
» Avec les aminés secondaires, M. Trillat obtient des combinaisons
» cristallines qui, d'après lui, doivent avoir la conslilulion
J'ignore les conditions dans lesquelles a pu opérer M. Trillat pour
arriver à des résultats aussi différents des miens.
( 208
Sur une méthode simple pour mesurer le retard des miné-
raux en lames minces; par G. Cesàro, chargé du cours
de minéralogie à TUniversilé de Liège.
Il s'agit d'une méthode rapide, n'encombrant pas le
microscope par ties appareils spéciaux, et suffisamment
précise pour les recherches pélrographiques; nous l'avons
aussi employée pour la détermination rapide de la biré-
fringence de certains minéraux qui se présentent en cris-
taux très minces, en aiguilles, ou qui peuvent fournir de
bonnes lames de clivage. L'emploi du comparateur de
M. Michel-Lévy exige chez l'opérateur une perception nette
des couleurs de polarisation; la méthode que nous allons
exposer n'exige que la perception des violets sensibles,
teintes que tout le monde saisit. Avant de l'exposer, nous
allons rappeler le principe de la recherche et indiquer les
unilés adoptées.
Betard. Biréfringence. — Lorsqu'un rayon monochro-
matique, polarisé reclilignement, tombe normalement sur
une lame cristalline à faces parallèles, il se décompose à
l'intérieur de celle-ci en deux rayons vibrant suivant les
axes de l'ellipse que la lame coupe dans l'ellipsoïde inverse,
axes ayant pour grandeur les inverses des vitesses de pro-
pagation de ces rayons. La différence entre les temps em-
ployés par les deux ondes à traverser la lame est le retard,
qui a donc pour expression :
R = e|- — -
( 209 )
si e est l'épaisseur de la lame, r et r' les vitesses de propa-
gation dont il s'agit. Si le faisceau émergant est reçu dans
un nicol dont le plan de symétrie est perpendiculaire à la
vibration incidente, à la sortie de cet analyseur, le faisceau
aura pour intensité:
I = a sin- !2asm-jr — , (i)
en désignant par a^ l'intensité du faisceau incident, par a
l'angle que la vibration incidente fait avec un des axes de
l'ellipse de section, par a la longueur d'ondulation de la
lumière monochromatique employée; on déduit de celle
formule les différents cas d'extinction, en faisant varier a,
e et- — ^. La différence entre les indices principaux -
et j, est appelée biréfringence de la lame (*), de sorte que le
retard égale Vépaisseur multipliée par la biréfringence :
R = eX.
Le retard est un temps; ordinairement on l'exprime en
espace : si e et s' sont les épaisseurs des lames d'air que les
ondes traverseraient respectivement dans les temps qu'elles
ont employé à traverser la lame cristalline, la vitesse de
propagation dans l'air étant 1, on a :
e , e
r r'
et
R = t—s.
(*) La biréfringence est maxima, pour un uniaxe, dans une section
parallèle à l'axe optique; pour un biaxc, dans une lame parallèle au
plan des axes optiques; c'est cette biréfringence maxima qui est la
biréfringence proprement dite ou la biréfringence de la substance
considérée.
( 210 )
Nous supposerons Vépaisseur des lames cristallines ex-
primée en centièmes de millimètre, la biréfringence en mil-
lièmes; de la sorte le retard sera exprimé en cent-millièmes
de millimètre. Ainsi, dans le quarlz, dont les indices prin-
cipaux sont : ^= 1,553 el ^ = 1,544, la biréfringence
d'une lame parallèle à l'axe est 9 millièmes; si la lame a
5 centièmes de millimètre d'épaisseur, elle donnera un
retard de 45 cent-millièmes de millimètre.
Comme les indices varient avec la couleur de la lumière
employée, la biréfringence se rapporte à une couleur déter-
minée.
Lumière blanche. Teinte de polarisation. — Si l'on
emploie la lumière blancbe, non seulement, comme il vient
d'être dit, - — p varie pour chaque couleur, mais a aussi
peut varier sensiblement; si l'on fait abstraction de cette
dernière variation et que l'on applique la formule (1) aux
différents faisceaux simples qui composent le faisceau inci-
dent, on obtient :
1 R
I = a* sin*2ay -sin V— .
formule dans laquelle ^ est la fraction de lumière de lon-
gueur d'ondulation 1 qui entre dans la composition de la
lumière blanche; on voit que la lumière émergeant de
l'analyseur ne sera plus blanche, car les différentes lu-
mières simples n'y entrent plus dans le rapport : ,^ = ^ : etc.
La lame prendra donc une certaine coloration, qui restera
la même pendant sa rotation autour de l'axe du micros-
cope; mais l'éclairement variera avec a et sera maximum
lorsque les axes de l'ellipse de section coïncident avec
les bissectrices des angles formés par les sections des
( 2H )
niçois {*). La leinle de polarisation dépend du retard :
lorsque celui-ci augmente de 0 à 65,1, la teinte monte
du noir au rouge; un retard variant de So,l à H0,1
donne encore des teintes se suivant dans l'ordre d'énon-
ciation habituelle de la gamme chromatique : violet,
indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge : ces teintes sont
dites du deuxième ordre; celles comprises entre 55,1 et
110,1 sont du premier; on a de même des teintes ana-
logues du troisième el du quatrième ordre. L'échelle chro-
matique de Newton (voir Mallard. Crisl., t. Il, p. 165) (**)
donne la succession de ces teintes correspondant à des
retards diiïéranl entre eux de quantités variables depuis
0,6 jusquà 11,6 : un œil très sensible aux couleurs peut
donc, à l'inspection de la teinte de polarisation, et en se
servant de l'échelle chromatique, apprécier approximati-
vement le relard. On appelle teintes sensibles des teintes
qu'une légère variation de retard fait changer notablement.
Entre les niçois croisés, les deux violets sensibles sont :
V, = 57,5
el
r,= 112,8;
entre les niçois parallèles, il y a trois violets sensibles :
V3 = 28,1, r4 = 86,6, i;,= 137,6.
(*) Entre les niçois parallèles la teinte est complémentaire; l'inten-
sité de réclairement sera donné par
/ < R
I = a* 1 — sin '2a 2 - sin *T -
l ni
(**) Pour adopter nos unités, dans cette échelle il faut diviser tous
les retards par 10.
( 212 )
L'œil le moins sensible aux couleurs saisit neltemenl ces
violets; la moindre diminution de relard les fait descendre
au rouge.
Méthode pour la mesure des retards. — Après avoir
placé une des directions d'extinction à 45° des sections des
niçois croisés, on superposera à la lame un biseau de
quartz parallèle avec son axe à 45° de la section du pola-
riseur; on fera varier l'épaisseur du biseau de manière à
obtenir un violet sensible, v^ par exemple; à ce moment le
relard résultant est de 57,5 et, comme le retard de la
lame s'ajoute algébriquement à celui du quarlz, et que ce
dernier relard est connu par la lecture faite à la vis micro-
métrique qui fixe la position du biseau, on pourra en dé-
duire le retard de la lame.
La même expérience donne le signe de la direction d'ex-
tinction que l'on examine, c'est-à-dire détermine quel est
le grand et quel est le petit axe de l'ellipse de section (ordi-
nairement on donne au grand axe le signe -4-, au petit axe
le signe — ); car si, pour amener le violet sensible, il faut
une plus grande épaisseur de quartz lorsque le biseau est
superposé à la lame que lorsqu'il est seul, c'est que les
relards se retranchent et que, par conséquent, les ellipses
sont croisées; l'axe du quarlz étant positif, ils s'ensuit que
l'axe de l'ellipse de la lame dirigé suivant l'axe du quartz
est négatif.
Sur une même plage on peut faire quelquefois jusqu'à
dix observations, en opérant soit par soustraction, soit par
addition et en plaçant les niçois tantôt croisés, tantôt para-
lèles. Entre les niçois croisés, on observera les violets V] et
v^; entre les niçois parallèles, les violets Vg, v^ et v^.
Au point de vue de la précision, les meilleures teintes
( 2i3 )
sont Ug et v^; voici pourquoi : Tous ces violets sont pro-
bablement confondus par certains observateurs avec les
teintes sombres qui correspondent à l'exlinclion du jaune
moyen de longueur d'onde 65,1; entre les niçois croisés ces
extinctions correspondent à X ^ 55,1 et 2X = H0,2;
entre les niçois parallèles à
5a oa
27,55, — = 82,05, —=157,75;
' ' 2 2
on voit que ces teintes sont très voisines des violets cités
ci-dessus; mais, tandis que vi et v^ diffèrent des teintes
sombres correspondantes de plus de 2 unités, v^ et
v^ s'identifient à peu près avec elles; les yeux peu sensi-
bles aux couleurs les percevront nettement par le minimum
d'intensité qu'elles offrent relativement aux couleurs voi-
sines. Les meilleures observations se font, lorsque la chose
est possible, entre niçois parallèles et par l'obtention du
violet v^.
Par cette méthode, on peut arriver à mesurer les biré-
fringences de bien de substances sans les tailler : de petits
cristaux de calamine aplatis suivant g\ de fines lames p de
barytine, ont pu donner de bons résultats quoique trop
épaisses pour donner des teintes de polarisation : le biseau
de quartz, en opérant par soustraction, peut amener la
teinte v^ ou V2.
Pour ne pas avoir, lors de chaque mesure, à adapter un
appareil spécial au microscope, nous avons fait fixer défi-
nitivement à son tube une vis micrométrique, dont l'écrou
mobile vient simplement buter contre l'extrémité du biseau
de quartz; une division rectiligne indique des millimètres,
la graduation de la tète de la vis donne des vingtièmes de
(2)4)
millimèlre. On inlroduil le biseau par A, son arête étant
en B, et Ton cherche la position où l'un obtient un des
violets sensibles; puis, en tenant lixe le biseau en A et tout
en continuant à examiner la lame, on avance l'écrou jus-
qu'à ce que l'on ressente qu'il y a eu contact.
iv
i,„ri
Le retard élant obtenu, pour avoir la biréfringence il
faut mesurer l'épaisseur; dans les exemples qui suivent
cette mesure a été faite soit en mettant successivement
au point la face supérieure de la lame, puis la face du
porte-objet sur laquelle elle repose, soit par le moyen
suivant : Nous avons adapté à un microscope une platine
mobile dans son plan, parallèlement à un des (ils du réti-
cule, par une vis micromélrique, dont la division accuse
0,2 centièmes de millimètre; on place sur la lame porte-
objet un petit parallélipipède rectangle en verre, à l'une'des
faces verticales duquel on a fait adhérer, en l'humectant
légèrement, la lamelle, de manière qu'elle dépasse légère-
ment vers le haut; on observe ainsi la lamelle sur sa
tranche et en faisant coïncider, à l'aide de la vis, successi-
vement les deux bords de la tranche avec un fil du réticule,
on obtient l'épaisseur.
Enfin, pour les lames minces de roches, déjà fixées au
porte-objet, on peut choisir entre difl'érentes pisges d'un
minéral bien connu, de quartz par exemple, une plage dont
(213)
la leinle esl la plus haute, et vérifier, en lumière conver-
gente, si elle est sensiblement parallèle ô l'axe optique. En
mesurant son retard et en le divisant par 9, on aura l'é-
paisseur de la lame mince.
EXPÉIUENCES.
Les essais qui suivent ont été faits avec un biseau de
quartz non approprié à l'instrument; nul doute qu'en per-
fectionnant un peu l'appareil on n'arrive à de bien meil-
leurs résultats; dans certains essais, comme vérification,
nous avons mesuré, en lumière ronge, les extinctions cor-
respondant à 0)v, Xet 2X entre les niçois croisés et à | ou -g-
entre les niçois parallèles; mais ces extinctions sont bien
moins aisées à observer que les violets.
Graduation de l'instrument. — Si n esl le nombre lu sur
l'échelle portée par l'écrou, R, le retard correspondant du
biseau de quartz, on a évidemment
R, = A — Bn,
en désignant par A le retard correspondant à n = 0 et par
B la quantité dont ce retard diminue pour n = i.
Pour déterminer A et B, il suffit de chercher les valeurs
de n qui donnent deux violets sensibles et, de préférence,
«3 et fy; comme ces violets sont inaccessibles pour le
biseau seul dans notre instrument, nous avons mesuré les
valeurs correspondant à v^ et v,; nous avons obtenu:
n-, = 12,9, ??2 = 2,5; on a donc, pour déterminer A et B,
les deux équations
r, = A — Bh,
Ta = A — Bnj,
(216)
Comme les leinles prises pour u, el Vz pourraient bien
n'être que les teintes sombres correspondant aux extinc-
tions du jaune moyen, il vaut mieux opérer comme il suit :
la quantité r^ — r^ est à peu près la même, que l'on ait
affaire aux violets 57,5 et 112,8 ou aux teintes sombres
correspondantes : 55,1 et 110,2; on peut donc tirer des
équations ci-dessus
Pour avoir A, nous avons déterminé la valeur de n qui
donne l'extinction entre les niçois croisés, en tamisant la
lumière par un verre coloré en rouge par l'oxyde cuivreux,
extinction qui a lieu au moment où le relard est 62,8; nous
avons obtenu : w = 12 et A = 126,61 ; la formule qui
donne, pour chaque valeur de n, le retard fourni par le
biseau de quartz est donc
R, = 126,61 — 5,32n.
On en tire r, = 57,98 et r^ = 113,31 ; on voit que les
teintes observées sont très approximativement les violets
sensibles. Le violet v^, était aussi accessible et corres-
pondait à ?ï4 = 7,6, ce qui donne r^ = 86,1 ; quant à v^ et
ujj, pour les raisons indiquées plus haut, nous avons pris
les chiffres théoriques : r^= 28,1 et r^ = 137,6.
Exemples de minéraux.
Calamine. — Petit cristal très aplati suivant gf'. Son
épaisseur, mesurée par les deux mises à point, est de
11,52, par la mesure de la tranche, de 11,2. La teinte,
( 217 )
à peine discernable, est d'ordre 1res élevé. On a obtenu,
par souslraclion,
n
R,
R-R,
R
Vi
8,4
81,92
113,51
195,25
Vi
3,55
108,78
86,1
194,88,
L'axe - est dirigé suivant la verticale, et l'on a, pour la
biréfringence de la lame,
1 1_ 195,05
c~6 11,56 ~
Barytine. — Petit cristal très aplati suivant p. Teinte
très haute du troisième ordre. Épaisseur 15 et 13,4. On a
obtenu par soustraction :
n R, R — R^
R
7,5 87,77 57,98
12,8 58,51 86,10
145,75
144,61
c h
Êmeraude. — Petit prisme hexagonal très allongé sui-
vant l'axe, teinté en jaune du premier ordre. On a obtenu,
par souslraclion,
H
R,
R,-R
R
t\ 3,9
105,86
57,98
47,88
V, 9,6
75,54
28,10
47,44
e =
= 10,5
X = 4,6.
5"
" SÉRI1£, TOME
XXVI.
15
( 218 )
Microsommite. — Petits prismes hexagonaux. Positif.
On a obtenu, par soustraction
1" cristal.
2"* cristal.
n R, R — R, R
Oa (rouge) 5,9 95,22 0 95,22
U5 11,5 06,49 28,10 94,59
e= 12,69 X = 7,5
V, 11,5 65,43 57,98 123,41
u, 6,2 93,65 28,10 121,73
e= 15,98 X = 7,7.
Quartz. — Cristaux très minces appuyés sur une face e^.
Le premier cristal ne montre pas de teinte entre les niçois
croisés; entre les niçois parallèles on peut, par soustrac-
tion, le faire descendre à v^\ son épaisseur était de 50,08:
R,
R — R,
R
1" cristal.
\v.
2 115,97
X = 8,4
157,6
253,57
2'' cristal.
10,1 72,88
4,9 100,54
113,31
86,10
186,19
186,64
<
j-= 21,62 X =
= 8,6.
Milariie. — Les extinctions ne sont qu'approximatives;
on sait que cette substance est pseudo-hexagonale. Exces-
sivement peu biréfringente; des cristaux relativement très
( 219 )
épais donnent des teintes de polarisation naesurables par
soustraction et par addition :
n
R,
R,q^R
R
i f • 9,5
77,13
57,98
19,2
Soustraction. ( Vj 15,1
46,28
28,10
18,2
(f* 4
103,53
86,10
19,2
Addition. \ ^
94,69
115,31
18,6
65,45
86,10
20,7
e = o8,5
X = 0,.5.
Heidandite. — Lame de clivage g^ très épaisse :
1 1
e = 49,35 R = 68 X=- =1,4.
b a
Gypse. — Lames de clivage gf*. La première montre une
teinte très haute, du quatrième ordre; la seconde, plus
épaisse, n'est pas colorée. On a opéré par soustraction :
1" lame.
R,
R-R,
R
V2
14 52,13
113,31
165,44
Ul
3,5 107,99
57,98
165,97
l'i
9,1 78,20
86,10
164,50
e = 18,8 X =
= 8,8
^2
5,8 93,75
115,31
209,06
Vs
10,5 70,75
137,60
208,55
e = 23,5 X =
8,9.
2"''' lame.
Lorsqu'une lame présente des plages à couleurs bien
tranchées, on peut mesurer la différence de retard des
( 220 )
plages en les amenant successivement à un même violet
sensible; en mesurant ensuite la différence de niveau, en
les mettant successivement au point, on peut calculer la
biréfringence. Dans une lame de gypse on a observé deux
plages dont la différence de niveau était 2,8; entre les
niçois parallèles, elles donnaient le violet v^ l'une pour
n' = 11;3, l'autre pour n" = 7,1. La différence de retard
est
R = 5,32 («' — n") = 22,34;
d'où
X = 8.
Carpliolite (Meuville). — Aiguilles s'éteignant sensible-
ment suivant leur longueur, dont la direction a le signe -4-,
Polychroïque; conformément à la loi de Babinet, la plus
forte absorption a lieu lorsque la vibration est dirigée sui-
vant la longueur; on obtient alors une teinte grise assez
sombre; lorsque la vibration est transversale, on obtient
du jaune clair. Dans la première aiguille on a opéré par
soustraction; on a pu obtenir, entre les niçois parallèles,
les deux uj symétriquement placés par rapport à la posi-
tion de compensation,
l*""" cristal.
2"^ cristal.
n
R.
R
i)i 10,5
70,75
70,75
V, 15,5
44,15, R — R,= 28,10
72,25
V3 5,1
99,48, R, — R= 28,10
71,58
e = C,M X = 11,7
i'. 4,7
101,61, R, — R= 57,98
45,63
V3 10,1
72,88 » 28,10
44,78
v.,{AL)\\
08,09, R,^-+-R= 115,51
45,22
e = 5,
JG X=11,8.
( 221
)
Mica quart i
d'onde (*)
71
R,
r,tR
R
— l'i
10,1
72,88
57,98
14,90
— Vz
15,7
43,09
28,10
14,£9
— Vi
4,7
101,61
86,10
15,51
H- V^
13,9
42,02
57,98
15,96
■+- Vi
5,6
96,82
113,31
16,49
-t- Vi
10,2
72,55
86,10
15,75.
Quartz teinte sensible
n
R.
R-R,
R
— r,
13,7
55,73
57,98
111,71
— V,
8,2
82,99
28,10
111,09.
Pour de plus grands retards nous nous sommes servi
d'un biseau de quartz de plus grand angle (**). Les violets
y étaient inaccessibles dans notre appareil et, pour le
graduer, nous avons amené les violets v^ et ^4 en sous-
'^C) Le signe indique si le résultat a été obtenu par addition ou
par soustraction.
(**) Dans le premier biseau, pour un millimètre de longueur,
S 32
l'épaisseur varie de — centièmes de millimètre; de sorte que, si a
est l'angle du biseau, on a
3,32
tga = = 0,0059 et a = 0-20'.
900 '
Pour le second biseau, on a de même
7,92
tga = = 0,0088, X = O03O'.
^ 900 '
( 222 )
Irayanl 111, 4 aux relards du biseau à l'aide du quartz
sensible mesuré ci-dessus. On a obtenu
iii = 15,4 (Rç > r = 1 1 1,4) correspondant à n = 57,98
«4= 9,85 y » ri = 86,10
Si R,^ = A— Bw est le retard du biseau, pour déterminer
A et B on a les deux équations :
A — Bn, — r == T)
A — BaJj — r = Vi.
On en tire :
= 7,9-2, A = 275,51 ,
Il — 'h
R. = 275,51 -7,92w.
Voici un exemple où le retard montait jusqu'à 357 et
dans lequel on a réussi à amener, par soustraction, les
violets V2 et v^, en se servant de ce second biseau de
quartz.
Barytine. — Lame p. Épaisseur 37,6.
n R, R — R, R
«2 5,9 244,62 115,51 557,95
V, 7,2 218,49 137,60 556,09
X = 9,5.
(
223 )
Pyromorp/iite. —
Négatif, e =
14,57. On
a opéré par
soustraction:
n
R.
R-H,
R
1" biseau. <^ t^
( fi
7,5
80,71
113,31
200,02
15
57,45
157,()0
195,05
2,2
114,91
86,10
201,01
2<* biseau. ] Ox
9,3
X
201,85
= 15,7.
0
201,85
Voici quelques exemples de retards mesurés dans des
lames minces de roches.
Micaschiste.
Quartz. — Plage à teinte très basse montrant, en
lumière convergente, la croix noire dont le centre se meut
sur le bord du champ, lorsque la lame tourne autour de
l'axe du microscope :
n
«,
R,-R
R
Soustraction,
11,15
5,9
67,29
93,22
57,98
86,10
9
9
n
R,
R, + R
R
Addition . .
14,7
9,7
48,41
73,01
37,98
86,10
9i
11.
Quartz. — Plage jaune, pai
lallèle à
l'axe (*),
n
R,
R,-R
R
Soustraction.
5,3
11
98,41
68,09
57,98
28,10
40i
40
(*) Une telle lame, en lumière convergente, ne présente pas de
lignes incolores; mais lorsque, après l'avoir amenée à la position
d'extinction, on la fait tourner autour de l'axe du microscope, la
Addition
( 224 )
n R, R,-+-R R
( V. 9,6 75,54 113,31 38
f Vi 14,7 48,41 86,10 57^.
Mica blanc. — Teinte 1res haute, que l'on arrive à peine
à compenser par la plus grande épaisseur du biseau. En
opérant par soustraction, on a obtenu :
w R, R — R, R
v, 7,1 88,84 57,98 146,82
Vi 12,4 60,64 86,10 146,74
«3 1,5 118,63 28,10 146,75.
Trachyte.
Orthose. — Plage blanchâtre entre les niçois croisés. En
lumière convergente on voit que c'est sensiblement g»' :
n
R,
R, — R
R
l ^'
9
78,73
57,i.8
21
Soustraction.
8
14,2
84,05
51,07
62,80
28,10
21
23
1 Vt
3,5
107,99
86,10
22
lumière n'envahit pas uniformément le champ (a étant constant en
tous les points, mais R variant d'un point à un autre, form. (1),
p. 209). L'éclaircissement se produit plus lentement suivant la
direction de l'axe optique. Le phénomène ressemble beaucoup à celui
que l'on observe lorsque dans une lame biaxe normale à la bissec-
trice, après avoir formé la croix, on la défait par la rotation de la
platine. On peut, par ce moyen, non seulement reconnaître une plage
de quartz parallèle à l'axe, mais en outre y déterminer la direction
de l'axe optique.
( 225 )
n
R,
R,-+-R
R
v->
5,15
99,21
113,31
14
A
\ù
46,81
62,80
16
2a
3,4
I08,5i>
1 25,G0
17
Vi
10,5
70,75
8G,10
15,
Addition
Péridol. — Plage de teinte très foncée voisine d'un violet
sensible :
« R, R,— R R
u, 0,5 123,95 57,98 66
^5 6,2 93,65 28,10 65^
- 5,8 95,75 31,40 64^
Soustraction.
n
R„ R„ H- R
Addition. . i u, 13,7 55,73 113,51 59i.
Péridot. — Plage jaune montrant en lumière conver-
gente le pôle d'un axe optique peu excentrique :
n
R,
R,-R
R
A
5,9
95,22
62,80
32i
1 ""'
12,6
59,58
28,10
3U
Soustraction.
"
1,4
119,16
86,10
33
\\
12,1
62,24
31,40
31
n
R,
R,-+-R
R
[v.
8,2
82,99
113,31
30 i
Ux
6,1
94,16
125,60
3H
Addition . .
< Vi
13,5
54,79
86,10
3U
3A
2
11,5
65,43
94,20
29.
( 226
)
\ugile. — Plage ja
une :
n
R,
B,-R
R
Vi
8
84,05
57,98
26
A
6,6
91,50
62,80
28i
Soustraction. (
12,9
2,2
57,98
114,91
28,10
86,10
30
29
X
~2
12,8
58,51
31,40
27
n
R,
R„+R
R
«2
7,7
85,65
113,51
27i
2x
5,5
97,55
125,60
28
Addition . . \ Vi
12,9
57,98
86,10
28
ÙX
10,8
(i9,15
94,20
25.
Observation.
On peut éviter de se servir de la valeur de A et n'em-
ployer que celle de B, de la manière suivante :
Si r est le retard correspondant à une certaine teinte, si
n est le nombre de divisions qu'il a fallu pour amener celte
teinte par soustraction, n' celui qu'il a fallu pour la pro-
duire par addition, on a, R étant le retard cherché,
d'où
R„ — R = r, r; -h R == r,
R = 1 (R^ — R,;) = i R(/i' — n).
11 suffit donc (ïamener la même leinte par soustraction
et par addition; la différence des nombres lus à la vis
micromélrique, multipliée par un nombre constant, don-
( 227 )
nera le relard. Ce nombre conslanl se déterminera soil
comme il a été dii page 21G, par l'oblenlion de deux violets
sensibles, soil en expérimentant sur une lame de retard
connu. Avec le premier biseau dont nous nous sommes
servi, on a
R = 2,C6(n' — m).
Ainsi, dans le cristal de Milarile traité page 219, on a
obtenu le violet v,,, par soustraction pour w ^ 4-, par addi-
tion pour h' = 1 1 ,5 ; on en déduit : R = 20.
Sur la niilrition des Ëchinodermes ; par Marcellin Cha-
peaux, docteur en sciences naturelles.
Les phénomènes généraux de la digestion des Échine-
dermes ont été étudiés par L. Fredericq, GrilTilhs et par-
ticulièrement |)ar Frenzel ; mais l'étude des phénomènes
intimes de la nutrition n'a encore fait, je pense, l'objet
d'aucune recherche spéciale.
On sait que la digestion des Ëchinodermes est une
véritable digestion pancréatique.
En ce qui concerne les Astéries, que j'ai surtout étudiées,
les glandes digeslives radiales agissent sur l'amidon cru
ou cuit pour le transformer en glucose; elles dissolvent
rapidement la fibrine en peptone; elles émulsionnenl for-
tement l'huile d'olive et d'autres substances grasses.
La solution fermentifère provenant de la trituration des
glandes et i)réparée à l'aide de procédés connus, présente
une réaction alcaline très nette. Son action sur les ali-
ments est nulle quand elle est acidulée par 2 : 1000 d'acide
chlorhydrique.
La cavité digestive (œsophage, estomac) sécrète dans
( 228 )
l'épaisseur de ses parois des ferments qui transforment la
fibrine et l'amidon.
L'activité chimique des ferments s'exerce avec une
égale intensité dans des limites très étendues de tempéra-
ture (de 3" à plus de 30").
Les résultats qui viennent d'être résumés ont leur
importance, mais ils n'éclairent en quelque sorte que les
débuts d'une fonction.
La fibrine est peptonisée, l'amidon transformé en glu-
cose, l'huile émulsionnée. Mais l'animal n'absorbe point la
peptone telle quelle, ni la glucose, ni l'émulsion grasse.
L'acte digestif continue, de nouvelles transformations
s'opèrentet des organes particuliers jouent un rôle impor-
tant dans ces modifications ultimes.
Les glandes radiales des Astéries sécrètent un liquide
fermentifère qui agit en dehors d'elles : c'est une digestion
à distance, extracellulaire. Ce fait s'applique à la digestion
de la fibrine et de l'amidon. Mais nous verrons que la
dissolution des graisses et les modifications ultérieures
de la peptone et de la glucose sont des processus intracel-
lulaires.
Les gouttelettes graisseuses de l'émulsion s'introduisent
à l'intérieur des glandes, pénètrent dans leur é|)ithélium,
le traversent et finissent par gagner la cavité générale du
corps.
Les coupes d'épithélium glandulaire d'Astéries ayant
reçu de l'huile d'olive par la voie œsophagienne, montrent
les cellules gorgées de gouttelettes.
11 n'y a pas que l'huile qui passe à travers l'épilhélium
digestif : on donne en proie à une Aslerias glacialis un
flocon de fibrine imbibée de carmin. Douze heures après
la digestion, on retrouve une quantité de grains rouges
( 229 )
dans l'épaisseur des parois des glandes radiales el aussi
dans la cavité générale.
La graisse émulsionnée passe dans la cavité cœlomique
sans subir la moindre action chimique pendant son trajet
à travers les parois glandulaires. Jamais, en effet, je n'ai
observé la dissolution des matières grasses par les solu-
tions fermentifères.
La dissolution s'opère dans la cavité générale : là, ces
matières se dédoublent, comme le montre bien le change-
ment de réaction qui se manifeste.
Si l'on injecte dans la cavité un mélange d'huile émul-
sionnée el de carmin, on n'y retrouve plus de gouttelettes
au bout d'un certain temps, tandis que très longtemps
après on y observe encore des granules colorés.
Quel est, dans la cavité cœlomique, l'agent qui modifie
les matières grasses ? Le liquide de celle cavité est iden-
tique au sang des vaisseaux; il renferme en suspension
des corpuscules que l'on a désignés avec raison sous le nom
d'aniibocyles. Dans le liquide cœlomique filtré de façon
qu'il n'y resle qu'une quantité négligeable d'aniibocyles,
on introduit de l'huile émulsionnée : celle-ci ne subit pas
de transformation chimique, le liquide conservant le même
degré d'alcalinité.
On extrait une grande quantité de liquide de la cavité
générale de plusieurs grandes Asten'as glacialis. On le
laisse reposer; un dépôt blanchâtre assez considérable se
produit bienlôt : c'est un plasmode formé par les corpus-
cules sanguins. Ce plasmode agil chimiquement sur l'huile
émulsionnée. En effet, une réaction acide très nelte ne
tarde pas à se manifester. Un autre plasmode, témoin, cou-
serve sa réaction alcaline.
L'examen microscopique du liquide cavilaire d'une
( 230 j
Astérie ayant reçu une injection d'huile émulsionnée
montre que les amibocytes s'emparent des gouttelettes
grasses. J'ai même pu compter jusque six de celles-ci
dans un seul corpuscule.
Les amibocytes placés dans des condilons favorables
sont susceptibles de vivre pendant plds de (juinze heures.
On peut donc suivre leur action sur les globules graisseux.
Ceux-ci se dissolvent dans leur masse plasmique. Je citerai
seulement ici le cas d'un amibocyte qui avait ingéré deux
gouttelettes huileuses. Environ quatre heures après l'inges-
tion, le volume de ces dernières commençait à se réduire
visiblement, et neuf heures plus tard elles avaient disparu.
Les corpuscules sanguins des Astéries exercent donc
leur propriété phagocylaire sur les substances grasses.
J'iiicline à croire que celle digeslion de l'huile se pro-
duit sous l'influence d'un ferment acide. J'ai observé à
l'intérieur des phagocytes un virage au rouge très marqué
de grains bleus de tournesol. Le changement de coloration
s'efl"eclue en moins de quatre heures.
Celte sécrélion acide intracellulaire est sans aucun doute
un processus normal. Je l'ai observé un grand nombre de
fois; après l'ingestion, au moment où les grains de tour-
nesol sont déjà rougis, les changements de forme des
amibocytes .«ont encore nombreux et rapides; j'ai même
pu en voir qui, à ce stade, englobaient encore des goutte-
lettes graisseuses.
Le corpnscule sanguin n'exerce aucune action sur la
peptone. Si l'on fait agir le licpiide de la cavité générale
sur la peplone, celle-ci se retrouve intacte au bout de
quinze heures. De même la peplone injectée dans la cavité
n'est pas moditiée après un temps relativement très long
(treize heures). Enfin, deux Astéries qui venaient de digérer,
l'une un flocon de librine de 20 grammes et l'autre un
( 231 )
Echinus sphœra, ne présenlaienl nulle trace de flbrine
dans leur cavité cœlomique.
Il y a donc de très sérieuses raisons d'admettre que l'épi-
thélium glandulaire n'a pas son rôle borné à une sécrétion
préparant les premiers matériaux destinés à se transformer
ultérieurement, mais qu'il modifie dans son épaisseur
même la peplone produite et en fait une albumine spé-
ciale, soluble, qui passe dans le sang.
Les corpuscules sanguins s'emparent, du moins en
partie, de cette albumine et la transportent dans la pro-
fondeur des tissus. Là les amiboeyles remplissent une autre
fonction; d'agents nourriciers qu'ils étaient d'abord, ils
deviennent des agents actifs de l'excrétion; ils se cbargent
des déchets de l'organisme et vont les déverser soit dans
le liquide de la cavité générale, soit au dehors même du
corps.
Les injections de carmin d'indigo sont particulièrement
utiles pour l'étude de cette question. Elles bont d'ailleurs
un excellent moyen de démonstration de la diapédèse géné-
rale qui se manifeste chez les Astéries. Elles permettent,
par exemple, d'observer très facilement la pénétration des
amiboeyles jusque dans l'épithélium des glatides digestives
et même leur sortie.
Les corpuscules sanguins passent aussi à travers les
lubules dorsaux (branchies dermiques). On peut voir à la
surface de ces organes de petits amas bleus dont l'examen
microscopique dévoile des plasmodes d'amibocytes bourrés
de carmin d'indigo. Cette observation avait déjà été faite
par Herbert Durham, qui la rappelle dans son mémoire
sur les cellules migratrices des Échinodermes. [Quarterhj
Journal of. Micr. Se, déc. 1891.)
Des amibocytes sortent aussi par la plaque madrépo-
( 252 )
rique. J'ai cherché vainement leur sortie à travers les
pieds anobulacraires.
En général, les corpuscules qui s'échappent du corps
sont les uns plus ou moins désagrégés, d'autres, semblant
intacts, renferment un grand nombre de granulations très
réfringentes (granules alburninogènes de Cuénot?); enfin
la grande partie possèdent de fines granulations jaune
verdâtre, ainsi que de petits cristaux. Quant à l'existence
de glandes spéciales d'excrétion chez les Astéries, elle
n'est pas démontrée encore.
J'espère pouvoir compléter les résultats rapportés dans
cette note à la suite de nouvelles recherches que je compte
entreprendre cet été au laboratoire de Roscoff, où les
premières ont déjà été faites.
Note sur les groupes iV éléments neutres communs à deux
involutions quelconques ; par François Deruyls, répéti-
teur à l'Université de Liège.
Deux involutions l'!' et I3' contiennent, en général,
chacune une infinité de ternes neutres : nous nous pro-
posons de rechercher le nombre des couples neutres que
ces deux involutions ont en commun (*).
A un élément Aj il correspond dans l^' des groupes
formant une 1^'*~ dont les ( "\7") couples neutres donnent
lieu à 2 ("*^") éléments A',; à chacun de ces éléments Aï il
correspond dans l"^ une \l-~ fournissant par ses ("-^ J
(*) Afin d'abréger, nous supposerons toujours que les supports
des involutions considérées coïncident; do plus, nous entendrons par
éléments neutres, les éléments neutres de première espèce.
( 233 )
couples neutres 2 ("*7 ) éléments Aa*, si un élément Ag
coïncidait avec Aj, le couple (AgA') serait un des couples
cherchés. La correspondance qui existe entre les élé-
ments A, et As est évidemment symétrique; à un élément
d'une série il correspond 4 ("'^"J ("*7 ) éléments de
l'autre série, le nombre des coïncidences est 8f"*~^)("Y'^ji
et si nous remarquons que chacun des couples cherchés
absorbe deux coïncidences, nous pourrons énoncer le théo-
rème suivant :
Théorème I. Deux involutions I3* et \^^ ont des couples
neutres communs en nombre,
n, — 2\ fn^ — 2
Exemple. Deux involutions I3 ont quatre couples neutres
communs; celte propriété peut se démontrer directement
si l'on observe que les couples cherchés sont les couples
communs à deux involutions 1^.
Théorème II. Deux involutions l"*, 1°* ont des ternes
neutres communs en nombre,
{"'^T^l
En effet, à un élément A^ il correspond dans l'J' une
involulion I^'" ; à chacun des ("V ) couples neutres (BjBa)
de cette involution il correspond dans 1^* une Ig*"" dont
les ("'~^) couples neutres donnent lieu à 2 ("Y^) élé-
il correspond donc
éléments A^. A un élément A, il correspond
-3\
3"* SÉRIE, TOME XXYI. 16
■( 234 )
dans Ç une Ç~'^ qui a, en commun avec IgS 4-["*^^) ("^^^j
couples neutres (BiBg); chacun de ces couples entre dans
un terne neutre de I3S et si A, est l'élément formant
avec (8,82) ce terne neutre, nous voyons qu'à un élé-
ment Ag il correspond 4|"*^^]j"^~^j éléments A^; le
nombre des coïncidences (A^Aa) est (4 + ^jf"*^"]]"*^ ),ce
qui démontre le théorème énoncé, puisque chaque groupe
cherché absorbe trois coïncidences.
Exemple. Deux involutions I3 et I^ ont deux ternes
d'éléments neutres communs; en effet, les groupes d'élé-
ments neutres de ces involutions forment deux involu-
tions f^ et ij qui ont en commun deux ternes d'éléments.
Théorème III. Deux involutions 1^* et ij^ ont en commun
5\ fn^ — 3
2 / V 2
Quaternes neutres.
«j— 1
En effet, à un élément Ai il correspond dans l"* une I3
qui a, en commun avec J^'S 2 ("»~^) ["'~^) ternes
neutres (B1B2B3); en appelant Ag l'élément qui complète
le quaterne neutre de 1^* dont (B1B2B3) fait partie, nous
voyons qu'à un élément A, il correspond 2 ["'^ ) ("^^ ]
éléments A2; la correspondance entre A^ et Aj est symé-
trique, donc le nombre des coïncidences est 4-["'^ J["*^ )'
puisque chaque groupe cherché absorbe quatre coïnci-
dences, le théorème est démontré.
Exemple. Deux involutions 1^ ont en commun un qua-
terne neutre; en effet, les quaternes neutres de deux invo-
lutions f. forment deux l^ qui ont en commun un groupe.
( 235 )
Théorème IV. kj — 4 éléments arbitraires du support
commun à deux involutions l"' et if- ki < k, entrent
dans ("'"2'^ )(°'~2"^ ) 9^oi(P^s de ka éléments neutres
de l°-, chacun de ces groupes contenant un groupe de k^
éléments neutres de 1^' dont k^ — 4 éléments sont parmi
ceux qui sont choisis arbitrairement.
La démonslration de ce théorème est immédiate, si l'on
observe qu'à k^ —4 éléments il correspond dans iJJ' et l"-
deux involutions l^'^-^»-^-* et \'lrZ^; de plus, k\ — k,
autres éléments arbitraires peuvent s'associer (d'après le
théorème III) à ("'-|'-^'j(""--^'^-^^) quaternes neutres
de l"*~ *'^^ de façon à former autant de groupes de
A"2 — A-, -4- 4 éléments neutres de r/'-~f*"*'t.
Cas particulier, k — 4 éléments arbitraires du support
de deux involutions ij*, l|;^ entrent dans ("'~2"^^)(°^~^"*'^)
groupes de k éléments neutres communs aux deux invo-
lutions.
Exemple. Si l'on suppose n^ = nç^=^n; k^ = k2=n — I,
on arrive à ce résultat, facile à démontrer directement.
Les groupes de n — i éléments neutres communs à
deux involutioîis \^ . forment une involution I°~!,
Il— 1 n— o
Dans un prochain travail plus développé, nous étudie-
rons d'une manière complète les propriétés des éléments
neutres communs à un nombre quelconque d'involutions.
ERRATUM.
_ Une correction faussement appliquée à l'imprimerie, après le bon à tirer de
l'auteur, a dénaturé le sens de l'avant-dernier paragraphe de la lecture de JW Del-
bœuf (Bull, de VAcad. roy. de Belgique, 3e sér.,'t, XXV, n» 6, p. 693, 1893;. Au
heu de : « Or, comme je crois l'avoir démontré, du moment qu'il -y aura un
observateur, il s'apercevra du changement; et, s'il s'en aperçoit... », iï faut lire :
« et s'il s'en apercevra... i ' ,
( 236 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 7 août i895.
M. Ch. Loomans, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. le chevalier Edm. Marghal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alph. Wauters, Ém. de Borchgrave,
A. Wagener, P.Willenis, S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin,
T.-J. Lamy, Al. Henné, le comte Goblet d'Alviella, F. Van-
der Haeghen, Ad. Prins, J. Vnylsteke, Ém. Banning,
membres; Paul Fredericq, correspondant.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique
envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un exemplaire
des ouvrages suivants :
i" La population, les causes de ses progrès et les obstacles
qui en arrêtent l'essor; par Edouard Van der Smissen;
2° Les bons parents : Consolatrix — le bonheur des
autres — la cité mercantile; par Hubert Krains;
3* Glossaire toponymique de la ville de Braine-le-Comte ;
par C. Dtijardin et Croquet;
Â" Inventaire analytique et chronologique des archives
de la ville de Saint-Trond, tome V, 1" livraison; par
Fr. Straven;
5° Woordenboek der nederlandsche taal; deel V, S**" afle-
vering;
6° Loquela, 1881-1890;
(237 )
7° Bibliotheca Belgica, llvr. 105 à 109; par Ferd. Vander
Haeghen.
— Remerciements.
— M. le Ministre des Affaires Étrangères envoie un
exemplaire de l'ouvrage : Documents relatifs à la répression
de la traite des esclaves, 1892. — Remerciements.
— M. de Harlez présente un travail manuscrit, intitulé :
La religion, les cérémonies impériales de la Chine moderne
bien différentes du culte populaire, d'après le cérémonial
officiel. — Commissaires : MM. Le Roy, Wiliems et le
comte Goblel d'Alviella.
— Le Comité organisateur pour la célébration, à Berlin,
du cinquantième anniversaire de doctorat du professeur
Théodore Mommsen, adresse une liste de souscription pour
la fondation d'un prix qui porterait le nom du jubilaire.
— Hommages d'ouvrages :
1" Le style de Kong-Fou-Tze. Kong-tze a-t-il interpolé
le Shu-king et composé le Tchun-tsin? par le chevalier
Ch. de Harlez;
2" A. Un ancien vitrail de l'église de Blaton ; B. De
quelques coiffures militaires; par Gaétan Hecq;
5" Défense de notre lettre à nos coreligionnaires sur la
valeur rationnelle des expressions : sensibilité, sentiment
d'existence, immatérialité ; par Jules Puisage;
4° Un père de l'Eglise, drame en prose; par Roger de
Goeij ;
5" A. Grammatica délia lingua ebraïca; B. Grammatica
délia lingua latina, i" parte; C. Radici sanscrite; D. Les
deux systèmes de linguistique ; E. Saggi glottologici; par
Francesco Scerbo (présentés par M. le chevalier Ch. de
Harlez, avec la note qui figure ci-après).
— Remerciements.
( 238 )
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
J'ai l'honneur de présenter à la Classe des lettres divers
opuscules de natures différentes. Le premier, de philologie
critique, a résolu, dit-on, des questions importantes pour
les antiquités chinoises; il a du moins cherché à intro-
duire un peu de méthode critique dans une matière trop
livrée à l'empirisme.
Les autres, dus à la plume d'un savant professeur de
Florence, M. Scerbo, commencent une série d'études lin-
guistiques démontrant péremptoirement, contre les néo-
linguistes, que l'école historique et objective, loin d'être
arriérée et au-dessous du niveau scienlifique, en ce qui
concerne le système de reconstitution des langues, division
des mots) et le reste, est, au contraire, celle qui a pour elle
la vérité et la vitalité. (Cf. la Préface de la seconde édition
de ma Grammaire sanscrite, dont, par parenthèse, une
troisième édition est demandée à Paris.)
Il peut justement s'appuyer sur ce fait que l'école sans-
crito-avestique, après avoir tant combattu la méthode de
Spiegel et la mienne, a dû (inalement y revenir, et est
allée même au delà (i).
Ces études de M- Scerbo, conduites avec courtoisie,
rendront un service signalé, en maintenant intacts les
droits de la science à la liberté vis-à-vis de la vogue et au
doute méthodique. C. de Harlez.
(1) On peut voir aujourd'hui son illustre chef, le D' Roth lui-
même, étudier le pehlevi dans ses vieux jours, et M. Geldner épris de
cette tradition que nous défendions uniquement en ce qu'elle a de
bon et d'utile pour l'interprétation des textes.
( 239 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 3 août 1895.
M. Ad. Samuel, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. Stallaert, vice-directeur; Éd. Félis,
Jos. Schadde, Th. Radoux, J. Demannez, G. De Groot,
Gustave Biot, Henri Hymans, Max. Rooses, A. Hennebicq,
Éd. Van Even, membres; comte J. de Lalaing, Alfred
Cluysenaar et Albert De Vriendt, correspondants.
En ouvrant la séance, M. Samuel fait part à ses collègues
de l'événement douloureux qui vient de frapper M. Gevaert.
Son tils Paul, ingénieur en chef du chemin de fer de
Beyrouth, à Damas, est décédé subitement en cette der-
nière ville, le 29 juillet.
Il est persuadé, dit-il, que la Classe tout entière s'asso-
cie à cette affliction sans nom, et il propose qu'une lettre
de condoléance soit adressée à M. Gevaert. — Approuvé.
M. Samuel cède ensuite le fauteuil de la présidence à
M. Stallaert, vice-directeur.
( 240 )
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique
transmet une copie du procès- verbal de la séance du
jury qui a jugé le grand concours d'architecture de 1893.
Le grand prix a été décerné à M. Vereecken, Emile,
d'Anvers, élève de l'Académie royale des beaux-arts de la
même ville. Un second prix a été donné, à l'unanimité, à
M. Mertens, François, de Borgerhout, élève de l'Académie
royale des beaux-arts d'Anvers. Une mention honorable a
été accordée en partage à M. Lambot, Emile, élève de
l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles, et à M. De
Vooght, Louis, d'Anvers, élève de l'Académie royale des
beaux-arts d'Anvers.
Le jury a cru de son devoir d'appeler d'une façon toute
spéciale l'attention du Gouvernement sur l'auteur du projet
classé deuxième et qui eût obtenu le premier prix en par-
tage si celui-ci pouvait être partagé : ce projet a obtenu le
second prix à l'unanimité des voix.
— M. E. Rombaux, prix de Rome pour la sculpture en
1891, soumet son premier envoi réglementaire. — Renvoi,
pour appréciation, à la section de sculpture.
M. Verhelle, prix de Rome pour l'architecture en 1890,
soumet le premier rapport semestriel sur ses voyages
d'étude à l'étranger, ainsi que son premier envoi régle-
mentaire. — Renvoi, pour appréciation, à la section
(l'architecture.
< 241 )
OUVRAGES PRÉSENTÉS
Bamheke {Ch. Van), Le sillon médian ou Raphé gaslrulaire
du Triton alpestre (Triton alpestris, Laur.). Rruxelles, 1893;
extr. in-8° (18 p., i pi.).
Harlez {Le chev. de). Le style de Kong-Fou-Tze. Kong-tze
a-t-il interpolé le Shu-king et composé le Tchun-tsin. Leyde,
4893; extr. in-8» (55 p.).
Vander Haeghen {Ferd.). Bibliolheca Belgica, livraisons
105-109. Gand; in-12».
FrancoUe (P.). Recherches sur le développement de l'épi-^
physe. Thèse d'agrégation. Liège, 1888; in-8» (74 p., 4 pi.).
Clausius [R.). Théorie mécanique de la chaleur, 2* édition,
traduite sur la troisième édition de l'original allemand, par
F. Folie et E. Ronkar, tome II : théorie mécanique de l'élec-
tricité. Mons, 1893; vol. in-8''.
Vati der Smissen (Edouard). La Population, les causes de
ses progrès et les obstacles qui en arrêtent l'essor. Bruxelles,
1893; vol. in-8°.
Hecq (Gaétan). De quelques coiffures militaires. Bruxelles,
1895; extr. in-S» (4 p.).
— Un ancien vitrail de l'église de Blalon. Bruxelles, 4893;
extr. in-8' (2 p.).
Puisage (Jules). Défense de notre lettre à nos coreligion-
naires sur la valeur rationnelle des expressions : sensibilité,
sentiment d'existence, immatérialité. Bruxelles, 4893; in-S"
(87 p.).
Pregaldino (Pierre). Notice et croquis sur la transforma-
tion de la Montagne de la Cour, à Bruxelles. 4893; in-folio
(2 p. et 4 pi.).
Tackels [C.-J.). La vallée du Bocq. Le régime hydraulique
( 242 )
dans les masses calcaires. Les eaux de source de Spontin.
Anvers, 1893; in-S" (58 p.)-
Defrecheux {Joseph). Vocabulaire de noms wallons d'ani-
maux avec leurs équivalents latins, français et flamands. Liège;
[1893] in-S" (175 p.).
Krains [Hubert). Les bons parents : Consolatrix — • le bon-
heur des autres — la cité mercantile. Bruxelles, 1891 ; in-12».
Dujardin (C.) et Croquet (J.-B.). Glossaire toponymique de
la ville de Braine-le-Conite. Braine-le-Comte, 1893; in-8»
(144 p., 2 pi.)
Straven (Fr.). Inventaire analytique et chronologique des
archives de la ville de Saint-Trond, tome V, 1" livraison
Saint-Trond, 1895; in-8°.
Beets ( D' A.). Woordcnboek der Nederlandsche taal, deel V,
5"»* aflevering. Gand, 1893; in-S».
Massalski {IV. Wareg). De l'identité de la matière. Une
hypothèse. Louvain, 1877; in-8° (9 p.).
Goeij {Roger de). Un père de l'église, drame en prose.
Bruxelles, 1893; in -8» (28 p.).
Loquela, 1881-1890. Roulers; pet. in-4°.
Comité, des Dames belges pour l'Exposition universelle de
Chicago. Éléments d'enquête sur le rôle de la femme dans
l'industrie, les œuvres, les arts et les sciences en Belgique.
Bruxelles, 1893; vol. in-8» (426 p.).
Ministère des Affaires étrangères. Documents relatifs à la
répression de la traite des esclaves, 1892. Bruxelles, 1893;
gr, in-4°.
Anvers. Bulletin des archives ^ tome XIX, 1" livraison.
1893; in-8''.
Anvers. Académie royale des beaux-arts. Rapport annuel
(1892-1893). In-8\
Bruxelles. Institut cartographique militaire. Plan de
Bruxelles à l'échelle du 5,000*, en quatre feuilles. 1893;
in-t
( 243 )
Hdy. Cercle des sciences et beaux-arts. Annales, tome IX,
3« livraison. Bulletin, 1893, n" 1. 1893; 2 cah. in-8».
Liège. Société de salubrité publique et d'hygiène. Bulletin
et Mémoires, tome i", 1893; in-8°.
Allemagne et Autricbb-Hongrie.
Badiberg. Naturforschende Gesellschaft. XVI. Bericlit, 1 893.
In-S"».
Berlin. Kôn. geologische Landesanstall und Bergakademie .
Jahrbuch fur 1891. 1893; gr. in-8''.
Bonn. Naturhistorischer Verein. Verhandlungen, 50. Jahr-
gang. 1893; in-8°.
GoTTiNGUE. Gesellschaft der Wissenschaften. Weber's
Werke. Band V. Berlin, 1893; vol. in-8«.
Gratz. Naturwissenschafllicher Verein. Mittheilungen,
1890. In-8o.
KôNiGSBERG. Physikalische Gesellschaft. Schriften, 1892.
In-4°.
Vienne. Zoolog.-botanische Gesellschaft. Verhandlungen,
1893. In-S".
Vienne. Kôn. Académie der Wissenschaften. Sitzungsbe-
richle philos. -histor. Classe, Band : 127 und 128. — Sitzungs-
berichte math.-naturw. Classe, 1892 : Abthlg I, N» 7-10;
Abthlg. lia, N» 6-10; Abthlg. llb, N° 6-10; Abthlg. III,
N" 6-10; Regisler, n' XIII. — Denkschriften, philos. -histor.
Classe, Band 57. — Denkschriften, math.-naturw. Classe,
Band 59.
France.
Pontifici raaximo Leoni XIII. Anno sacerdotii L. In-4°
(18 p.).
Gonse (Louis). Le portrait de Dom Guéranger, par M. Gail-
lard. Paris, 1878; iii-4° (4 p.)
( 244 )
Chamard {François). L'hypogée des Dunes à Poitiers.
Réponse à M. Tabbé Duchesne. Paris, 1885; in-S" (23 p.).
Bibliographie des bénédictins de la Congrégation de France.
Solesmes, 1889; in-8» (263 p.).
Bonnafy. Le Tokelau et son parasite. Paris, 4893; in-S»
(47 p.).
Italie.
Scerbo {Francesco). Grammatica délia lingua ebraica. Flo-
rence, 1888; in-8<'(160p.).
— Grammatica délia lingua latina per uso délie scuole,
parte prima. Florence, 1891 ; in-8° (124 p.).
— Radici sanscrite. Florence, 1892; in-8» (85 p.).
— Saggi glottologici. Florence, 1891; in-8° (60 p.).
— Les deux systèmes de linguistique. Louvain, 1893; in-8"
(12 p.).
Pays divers.
Rahn (7.-/Î.). L'église abbatiale de Payerne. Traduit de l'al-
lemand par William Cart. Lausanne, 1895; in-4'' (30 p., pi.).
Harleh. Société des sciences. OEuvres de Christiaan Huygens,
tome V. La Haye, 1893; vol. in-4°.
Utrecht. Historisch genootschap. Werken, n° 59. Bijdragen,
deel XIV. La Haye, 1893 ; 2 vol. in-8».
Utrecht. Gastlmis voor ooglijders. 34''** verslag, 1895;
in -8°.
Helsingfors. Société de géographie de Finlande. Fennia, 8.
1893; in-8°.
TiFLis. Observatorium. Beobachtungen, 1886-87, und 1891 .
BULLETIN
DR
L'AGADKMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRKS ET DES BKAIX-ARTS DE BELGIQUE.
1895. — rS«« 9-10.
CLASSE DES SCIËUGES.
Séance du là octobre 1895.
M. Ch.Van Bambeke, directeur, président de l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Mourlon, vice-directeur; P.-J. Van
Beneden, le baron Edm. de Selys Longchamps, E. Can-
dèze, A. Brialmont, Éd. Dupont, C. Malaise, F. Folie,
Alpli. Briart, F. Plateau, Fr. Crépin, J. De Tilly, G. Van
der Mensbrugghe, W. Spring, Louis Henry, P. Mansion,
J. Delbœuf, P. De Heen, C. Le Paige, Ch. Lagrange,
F. Terby, J. Deruyts, membres; E. Catalan, Ch. de la
Vallée Poussin, associés; L. Errera et J. Neuberg, corres-
pondants.
5*"* SÉRIE, TOME XXVI. 17
( 246 )
CORRESPONDANCE.
M. le Minisire de l'Agriculture, de l'Industrie et des
Travaux publics envoie, pour la bibliothèque de l'Aca-
démie :
i" Dix exemplaires du rapport du jury qui a jugé la
cinquième période du concours pour le prix fondé par
le D*^ Guinard (extrait du Moniteur du 21 septembre 1893);
2" Un exemplaire du tome VIII des Travaux et mémoires
du Bureau international des poids et mesures. — Remer-
ciements.
— M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire des ouvrages suivants :
\ " Contribution à l'élude du pouvoir bactéricide du sang;
par A. Bastin;
2" Contribution à l'étude de f appareil de relation des
hydroméduses; par Marcelin Chapeaux;
5" Étude sur la virulence des streptocoques ; par H. de
Marbaix;
(Présentés au concours pour la collation des bourses de
voyage.)
4" Trois ans de séjour à la clinique ophtalmologique
à Vienne; par Edg. Renard;
5° Flora Batava, livraisons 301 et 502.
— Remerciements.
— Hommages d'ouvrages :
1° a) Des prépositions en grec ; b) Deux cas de diagnostic
chirurgical posé au moyen de C hypnose; par J. Delbœuf;
( 247 )
2° Résultats des campagnes scientifiques faites par le
prince Albert /" de Monaco; fascicules 5 et 6.
3° Chaud fontaine thermal; par Jules Félix;
4° Recherches sur la composition de l" atmosphère y
seconde parlie; par Pelermann el Gral'tiau;
5" Recherches sur le bacille d'Eberth - Gaffky ; par
L. Remy et E. Sugg ;
6° Les principes de la physique du globe, tomes I-III;
par le lieutenant-colonel A. Doneux ;
7° Mémoires sur f intégration des équations différen-
tielles; par Ch.-J. (le la Vallée Poussin;
8° a) Nature et division mitosique des globules blancs
des mammifères; b) La signification des cellules épithéliales
de Vépididyme; par 0. Van der Slricht.
— Remercienaents.
— Le travail de M, Ch. Lagasse {Sur le choix du
meilleur système d'alimentation d'eau pour une grande
agglomération), compris erronémenl dans la séance du
i" juillet dernier parmi les ouvrages reçus pour le con-
cours Ch. Lemaire, sera déposé dans la bibliothèque de
l'Académie, à laquelle il était destiné par l'auteur.
— La Classe accepte le dépôt dans les archives de
l'Académie de deux billets cachetés déposés, le premier
par M. Albert Berge, docteur en sciences; le second [Pro-
cédé de désagrégation chimique des pyrites, etc.), par
M. Michel Body, ingénieur.
— La Société industrielle d'Amiens adresse le pro-
gramme des questions qu'elle a mises au concours pour
l'année 1893-1894.
( 248 )
— Les travaux manuscrits sont renvoyés à l'examen :
V Contribution à la faune des diptères fossiles de
Cambre tertiaire (premier fascicule) ; par Fernand xMeunier.
— Commissaires : MM. Dupont et Candèze;
2° Sur un cas de germination parasitaire chez les gra-
minées; par M. Lucien Donny, docteur en médecine. —
Commissaires : MM. Crépin et Errera;
3" S tas' Atomic Weiglit déterminations; par E. Vogel,
de Alamenda, Californie U. S. A. — Commissaires :
MM. Spring et Henry;
4° Action de la chaleur sur la dypnone; par Maurice
Delacre. — Commissaires : MM. Henry et Spring;
5° Sur C ordre de substitution de l'hydrogène par le
chlore dans l'oxyde de méthyle et le méthylal; par A. De
Sonay, assistant au laboratoire de chimie générale de
l'Université de Louvain. — Commissaires : MM. Henry et
Spring;
6° Sur les groupes d'éléments neutres communs à un
nombre quelconque d'involutions ; par François Deruyts,
répétiteur à l'Université de Liège. — Commissaires :
MM. Le Paige et Neuberg.
RAPPORTS.
Sur l'avis exprimé par M. De Tilly, la Classe décide le
dépôt aux archives des deux projets de M. H. Delaey, rela-
tifs aux eaux potable et industrielle et aux ports de mer
belges.
( 249 )
Sur quelques produits indéfinis; par J. Beaiipain.
Kappot'l rfo :7g. Catalan, |>fe»ti>i- Coitunitsaiftf.
l.
« Au commencement de son inléressante Nole,rAuleur
dit : « M. C. critique^ à tort, la formule (159) ; puis, après
l'avoir rappelée, M. Beaupain ajoute : a elle contient une
erreur de calcul ou une faute de typographie... cette formule
doit être remplacée par la suivante ». Dans ma lettre à
M. Hermite, du 7 août 1892 (*), je n'ai guère dit autre
chose.
II.
La formule (159), corrigée par M. Beaupain et par moi,
est devenue
B {p, p) = 1 1 ^ ^ '- — ( 7"') r)
"''^ p. r-' n^^^ (-2A -f- p - é) (2a h- p) ^ ^ ^
En voulant appliquer, au cas de p = i, cette formule
rectifiée, j'ai commis une faute de calcul. De là résulte que
la relation (7*"), que je croyais inexacte, ne l'est pas.
III.
Après avoir écrit ainsi sa formule (2),
(4) B{p,p)
p. 2''
(*) Recherches sur quelques produits indéfinis et sur la constante G,
p. 24.
(**) Lettre à M. Hermite, p. 25.
('**) Cette formule (4) semble contenir des surcharges. Je ne suis
donc pas sur de l'avoir copiée exactement.
( 2S0 )
M. Beaupain ajoute :
« Or, la série
(5) ç = mod.(p^-p)2
4a^ mod
p-\
i^)(-|)]
» est convergente, quel que soit le module de p; donc le
» produit indéfini (4) es^ absolument convergent. Ainsi,
» ce produit indéfini est une fonction uniforme... n'ayant
» des discontinuités qu'en des points isolés. »
Comment un produit absolument convergent (*) peut-il
avoir des discontinuités?
Si /) = 1, l'égalité (5) devient
.=0,2-
4x^ mod
(-f.
Cette série, dont tous les ternies sont nuls, est-elle
convergente, dans le sens habituel du mot? Je l'ignore; et,
revenant au produit «ôso/Mmenf convergent (excepté quand
il est divergent), je songe à la question que j'adressais,
naguère, à M. Hermite : A-l-on, en Analyse, mis le cœur
à droite, comme faisait Sganarelle (**) ?
IV.
A la page 2 de la Note, M. Beaupain fait la remarque
suivante :
« Pour la série (S), il serait banal d'ajouter que la
(*) Sous-cntcndu, sans doule : quelle que soit la valeur atlribue'e
à la variable.
('*) Intégrales culérienncs ou ellipliqucs, p. 20.
(231 )
valeur de cette série est infinie, quand on attribue à p ?r«e
valeur entière négative. »
Contrairement à l'opinion exprimée par mon ancien
excellent élève, je pense qu'il n'est pas banal de dire :
Telle série, habituellement convergente, devient diver-
gente pour certaines valeurs de la variable.
V.
Dans les pages 2 et 5, M. B. s'attache à faire voir que
plusieurs formules, démontrées dans mes Mémoires de
Saint-Pétersbourg et de Bruxelles, sont des conséquences
d'une célèbre égalité, due à Gauss. Accordé (*).
VF.
A la fin de sa Note, M. B. démontre la formule
oo;
puis il dit :
M. C. a trouvé :
2* = lim — '- /j = 00.
LB(2» -f- 1, re -4- « -h I)J
Donc, probablement, l'un de nous deux s'est trompé, à
moins que nous nous soyons trompés l'un et l'autre. On
me permettra, je l'espère, de ne pas chercher la solution
de ce problème, que je renvoie à mes jeunes et savants
Confrères
(*) J'ai un peu connu, il y a cinquante ans, le philosophe Jacotot.
avait pris, pour devise : Tout est dans tout.
( 252 )
VU.
Conclusions.
La Note de M. Beaupain me semble, comme les travaux
précédents de ce jeune Géomètre, très digne d'être publiée
dans les Mémoires in-4°, après revision par l'Auteur. »
Spa, i7 août 1895.
Bappot't de M. f». JUansion, tieujciètne cotHtnigsait'e .
« Les numéros 1-2 de la note de M. Beaupain se rap-
portent à une formule de son mémoire antérieur, où
M. Catalan avait signalé une petite erreur; les numéros
3 à 7 (numérotés 2 à 6 par inadvertance) contiennent la
démonstration de diverses formules relatives aux eulé-
riennes, les unes probablement nouvelles, les autres dues
à M. Catalan.
Sur la première partie de la note soumise à notre
examen, nous partageons l'avis du premier rapporteur.
Puisque l'erreur dans la formule relative à B(p, p) existe
réellement, comme le reconnaît M. Beaupain, il est clair
que M. Catalan n'a pas eu tort de la signaler. Le produit
infini qui représente B (p, p) ne subsiste pas pourp nul
ou entier négatif; il en est de même de la série correspon-
dante pour p entier négatif. M. Catalan a donc raison de
demander que les dix dernières lignes du numéro 2 soient
remplacées par un énoncé plus précis et moins long. Il
sutTirait de dire, par exemple : S est convergente quel que
soit p, sauf s'il est entier négatifs donc le produit indé-
fini est absolument convergent, sauf pour p nul ou entier
négatif.
( 253 )
Dans les numéros suivants, M. Beaupain s'appuie sur
les propriétés de la série hypergéomélrique pour établir
de nombreuses formules relatives aux eulériennes. Nous
n'avons pu vérifier toutes ces formules, dont on peut aug-
menter indéfiniment le nombre, depuis que Gauss a donné
l'expression de gamma en produit infini et fait connaître
les relations qui existent entre celte fonction et la série
hypergéométrique. Mais nous avons soumis à une vérifica-
cation directe la dernière formule de M. Beaupain, parce
que nous la trouvons l'une des plus intéressantes et que
M. Catalan semble la croire incompatible avec un des
résultats trouvés par lui. En réalité, les deux formules
peuvent se déduire l'une de l'autre.
M. Beaupain a trouvé
2^=lim ^ !- L_. . (1)
On en tire, pour a = — [3, la formule de M. Catalan :
. ,. B(2n -+- S -4- 1, n -t- 1)
2^ = lim^ ^ '-■ ... (2)
«=xB(2n+ 1, w H- p-t- 1) ^ ^
La formule (2j peut s'écrire successivement
^, ,. r(2n-t-(3-4-l)r(»-+-l)
2'" = liin
»=oor(2«-i-l)r(n-H|3-t-l)
_ (2w+p)('2n-f-j3-1).. (n-t-p-i-l)r(H-t-|3-i-l)r(n-t-l)
"=« 2/i(2n— J)...(/n-1)r(M-t-1)r(w-4-p + l)
«=» \ 2«/ \ 2/i-l/ \ n-^\l
Si l'on pose
\ « -t- 1/ \ « -+- 2/ \
( 254 )
on trouve, d'après la formule log (1 -4- z) = z — Xz^,
où mod X<Ci,
Pour n = 00 , on a
1 1
ce qui démontre la formule de M. Catalan.
Pour démontrer celle de M. Beaupain, il suffit de
prouver que lim Q„ = 1, si Q, est le quotient des seconds
membres des formules (1) et (2). Au moyen de la relation
rar6
B(a, 6)
r(a -t- b}
on trouve immédiatement
Q„ =
r (2/î -t- a -4- ^ -+- 1) r(2/t -^ i)
r(2« -^ a -*- 'ip -i- i) r(2/j -t- [3 -t- 1)
r(2w +-a -+-(3 -t- i)r[3 r(2/i-t- d)rî3
B(2w -t- [3 -+- 1, p)
B(2« -+-a -H SpH- t, (3)
La formule de Gauss, qui sert à exprimer gamma en
produit infini, peut s'écrire sous la forme
rp=^\\m(]''\i(p,q) (3)
( :255* )
pour 7 = 00 , Par soile, de l'identité
2nH-[3H-l , ^
Vin -t- a -t- 2(3 -+- I,
B(2n-H(3-t-i,^)(2n-f-p-t-l)^_ B{2n-4-«-f-2p-t-l,p) (2w + a-t-2S-t-r
on lire, pour n infini,
l.limQ„= 1:1.
La formule de M. Beaupain est donc exacte, comme
celle de M. Catalan, et peut s'en déduire par le secours de
la formule (3).
Nous proposons à la Classe de voter l'impression du
travail de M. Beaupain dans les Mémoires in-4" de l'Aca-
démie, après que l'auteur aura fait droit aux légères
observations des commissaires touchant deux passages du
commencement de cette intéressante note. »
M. Le Paige, troisième commissaire, se rallie aux con-
clusions des rapports de ses savants confrères.
Ces conclusions sont adoptées par la Classe.
Action du zinc-éthyle sur le benzile;
par Maurice Delacre.
Rapiioft de m. liOtUs MMent-y, preutief cointniaaaife.
a Le zinc-éthyle est un agent d'hydrogénation d'une
grande délicatesse, qui, grâce à sa neutralité, réussit là où
d'autres se montrent impuissants.
On sait quelle action il exerce sur les aldéhydes et les
acétones.
( 256 )
Dans le cours des recherches qu'il poursuit patiemment
depuis plusieurs années, M. Delacre l'a employé à diverses
reprises avec un plein succès.
Dans sa présente notice, il fait connaître un nouvel
exemple de réduction d'oxyde réalisée à l'aide de cet agent :
c'est la transformation du henzile de Laurent en 6m-
zoïne.
Le benzile, que Laurent a découvert en 1855, n'est,
au fond, que le radical benzoyie lui-même, à l'état
d'isolement
CgH, — CO — CO-QH,,
c'est-à-dire une diacétone. Sous l'action du zinc-éthyle, il
se transforme aisément, en s'hydrogénant, en benzoïne,
laquelle est à la fois alcool et acétone
CfiHs — CH(OH) - CO — CoUj.
Ce qui ajoute à l'intérêt de cette réduction, c'est qu'elle
ne se réalise que sur un seul des deux chaînons acétone,
CO, voisins.
L'analyse du produit de la réaction, les propriétés de
celui-ci, celles de ses dérivés acétique et benzoïque, ne
laissent aucun doute sur la nature et l'identification de la
benzoïne qui se forme dans ces circonstances.
J'ai l'honneur de proposer à l'Académie d'insérer la
notice de M. Delacre dans ses Bulletins.
Avant de terminer, je ne puis m'empêcher de faire
remarquer combien la nomenclature des composés car-
bonés est, en certains de ses points, défectueuse et prête
à des obscurités et des confusions.
Le benzile de Laurent, écrit avec un /, est un diacé-
tone; le benzyle écrit avec un y représente au contraire
( 257 )
le radical phényl-mélhyle CgHs — CH, de l'alcool corres-
pondant à l'acide benzoïque.
Des dénominations de celte sorte doivent évidemment
être écartées, du moins de la langue parlée.
En ce qui concerne l'onomastique des composés carbo-
nés, nous sommes dans une situation analogue, sous
plusieurs rapports, à celle où se trouvaient les chimistes
du milieu du siècle dernier vis-à-vis des combinaisons de
la chimie minérale.
Les efforts de Lavoisier et de ses collaborateurs ont
réussi à doter la science d'un système de noms qui n'a pas
peu contribué, par sa clarté, aux progrès de cette branche
importante des sciences physiques, et qui n'est pas encore
à remplacer,
La tâche à accomplir aujourd'hui est singulièrement
plus diflicile; le nombre immense des composés carbonés,
la complication habituelle de leur molécule, la fréquence
du fait de l'isomérie, rendent fort malaisée la confection de
noms simples et euphoniques.
Il est à espérer que la sagacité pénétrante et éclairée des
chimistes parviendra à résoudre ce problème ardu; le
mérite et la gloire seront en proportion de la grandeur de
la difficulté vaincue. »
M. Spring, second commissaire, se rallie dit-il, avec
empressement, aux conclusions de son éminent confrère.
La Classe décide l'impression au Bulletin du travail de
M. Delacre.
(258 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. E. Catalan donne lecture d'un travail portant pour
titre : Remarques sur la théorie des nombres et sur tes
fractions continues. La Classe en décide l'impression dans
le recueil des Mémoires in-4° (tome LU).
M. De Tilly donne lecture de la suite et (in de son tra-
vail intitulé : Essais de géométrie analytique générale. La
Classe en décide l'impression dans le recueil des Mémoires
in-8° (tome XLVII).
Sur une propriété des fonctions invariantes ;
par Jacques Deruyls, membre de l'Académie.
Soit en général cp(e, e'), une fonction invariante relative
à deux groupes d'éléments (e) (e'), comprenant des séries
distinctes de n variables et de coetficients de formes algé-
briques. Nous établirons que si une somme ^^{ee') est
exprimable au moyen de fonctions invariantes J(e) et
de M — p fonctions q{e), on peut écrire ^ =2i ? (^)- 9"i^')-
Comme application de cette propriété, nous signalerons
le théorème suivant : le nombre de paramètres nécessaires
pour exprimer la transformée d'une fonction entière après
une substitution linéaire, est au moins égal à n, s'il est
supérieur à l'unité.
1. Nous désignerons par (x4), {x2) ..., des séries de n
variables, et par f f ... des formes algébriques relatives
à x\, x% ... Dans ce système, les covariants primaires y^
s'écrivent symboliquement
5: = 0nrrj'(± a\,,a%^ ... ai;.f-"--* (± ali»^^ ... a'/ij^ (^)
( 239 )
0 élanl une opération polaire relative aux coefficients
symboliques et aux coefficients des formes a\^, a% ... an/,
les fonctions y comprennent du reste les invariants
I = 0j(±al,a22... a»,,)'^».
Soit^x u"^ somme de covariants primaires de mêmes
degrés ri,r%..,rn — i en x\,x% ...xll — i, mais de
degrés différents par rapport aux coefficients c des formes
f,f' ... Soient encore I,(c), \^{c) ... des invariants et ^,(c),
Ç2(c), ... 9„_,(c), (p > 0) des fonctions quelconques des
éléments c.
Si l'on a
y,x = 'p{qiqi-qn-p,h,h,-,x), ... (2)
les covariants y se réduisent à des invariants.
En effet, dans le développement de^/ le coefficient des
plus hautes puissances de x\^ x% ... œn — \„_^ est
/, =2®"(=t aUa% - aî.)"---'-^' (± al, ... an,^.
De même, si l'on convient de prendre Xy = x.j_„,
a.j = a.j_„, le multiplicateur /^ des plus hautes puissances
dex1„ A+. -a^^i — U+A-^est
/,=2®n(^ «U«2i+. ... m,+,_,). {± al, ... an^Y-
D'après la formule (2), les coefficients /j /, ... /„ sont
fondions de ^i 7, — Ç'n-p h I2 — J en conséquence, on a au
moins une relation
R(/.,/,...f„, I.,l2...) = 0, .... (3)
et l'on peut supposer que R dépend de /,, car l^ k - '« se
( 260 )
ramènent l'un à l'autre par un changement de notation qui
altère au plus le signe des expressions y et I.
Soient I', /' les fonctions obtenues en remplaçant les
lettres a,^ par at-y, dans les transformées de I, / après la
substitution linéaire
s= 1,2... «;
on a symboliquement
r = 0, (=b « 1 ^, a2^2 ... a« J'^»
SOUS la condition de prendre 3:u = acu — n. La relation (3)
est alors équivalente à
R' = R(/;,/;.../:., i') = o (4)
D'après les expressions symboliques de I', /', on a
xn-— = o, xn~ = 0, (/;>i);
dxl dxi
par suite, on déduit de l'équation (4) :
r/R' dR' dl\
dxi dli dx\
ou encore
dxl
puisque R' dépend effectivement de /l. Du reste, on a par
la formule (1)
( 261 ^
et les fonctions ^ sont de degrés différents par rappor
aux coeflicients des formes algébriques; on a donc
d .
m ^]x.{± xi, x2., ... xn„Y \ = 0,
c'est-à-dire
En se reportant à la formule (1), on voit que chacun des
covariants j^ se réduit à un invariant, comme nous l'avions
annoncé.
2. Soit cp une fonction invariante des formes f, f ... On
peut toujours déterminer des opérations polaires 0, 0,
relatives aux variables, et telles que l'on ait
dans les conditions suivantes :
1° Les différents opérateurs 0, 0, auxquels se rapporte
la sommation S, dépendent seulement des degrés pi,p2,...
de cp relativement aux variables xi, x% ...;
2" Oicp est un produit (zb x\y x% ... a;n„)Y dans lequel
l'exposant 9 et les degrés rl,r2, ... m — 1 du covariant
primaire -^ dépendent seulement de la détermination
de 0 (').
D'après ces considérations, on a
2? = soo,2?, (5)
(*) Voir notre travail Sur le développement de certaines fonctions
algébriques. (Mém. de l'Acad., t. XLIX, in-4°, p. 18.)
S""* SÉRIE, TOME XXVI. 18
( 262 )
si l'on désigne par^tp une somme de fontions invariantes ^
qui ont toutes les mêmes degrés pi, p2 ... par rapport aux
variables. De plus, on peut écrire
0^'2<p = {±x\,x%...xnnf.^^X. ... (6)
de manière que les covariants j^ sont des mêmes degrés
en x\,x^.,.xn — i, et de degrés différents par rapport
aux coefficients c des formes algébriques.
Supposons maintenant que l'on ait
2f = V]qi[c),q.{c),...q„-p{cmc),x\; . . (7)
nous obtiendrons immédiatement
0.2? = F« 1 ^. 92 - qn-p, I, oc (,
ou encore, par la formule (6)
D'après le théorème démontré au paragraphe précédent,
2 X S6 réduit à une somme d'invariants ^'(c) et l'on obtient
par la formule (5)
2? = S'o 1(± a-t,x2, ... xfg%'(cj 1,
ou encore
2? = sv(c)y"(x),
(f"{x) désignant des covariants identiques. On obtient
encore le même résultat si l'on suppose dans la formule (7)
que les fonctions cp sont de degrés différents en xi,x^...
( 265 )
Conséquemment, si une somme^(^ de fondions invariantes
s'exprime au moyen d'invarianls et de n — p fonctions des
coefficients de formes algébriques, on peut développer ^Ç en
une somme d'invariants multipliés par des covariants iden-
tiques.
5. Soit (e) le système des coefficients c de certaines
formes algébriques et des variables de certaines séries y,z... ;
soit de même (e'), un système composé d'autres éléments
c',y\z' ... En représentant par cp(e, e) des fonctions in-
variantes des quantités e, e', nous supposerons qu'une
somme 2?(^ ^') ^^^ exprimable au moyen de fonctions
invariantes J(e) et de n — p fonctions q = q{e); nous
écrirons
2?(e, e') = F I J(e), q^, q., ... q,..p, e' \. • . (8)
Il est visible que l'on peut considérer les fonctions cp(e,e')
comme étant de mêmes degrés par rapport aux séries
d'éléments e'.
D'après les procédés de transmutation des fonctions
invariantes, nous déduirons de l'équation (8) une autre
équation toute semblable relative à des groupes d'élé-
ments (e), (e') composés respectivement de coefficients et
de variables.
Désignons, en effet, par p les produits homogènes de
coefficients c' compris dans le développement des fonc-
tions (p et F; les expressions symboliques normales (*) p'
des produits p dépendent seulement des coefficients a, de
formes linéaires.
(*) Les expressions symboliques normales sont symétriques par
rapport aux systèmes de symboles équivalents.
( 264 )
Remplaçons dans p' les coeffîcienls tels que a, par les
déterminants
(— 1)'-'(± v\^v% . . vi—i^_^vi,^^ ... ufl — IJ
composés au moyen de nouvelles variables u, v, ... analogues
à x; nous obtiendrons des fonctions p"(u, v ...) qui corres-
pondent et d'une seule manière aux produits p.
Soient encore l\^h,X '■■'r\Kf\%— de nouvelles formes
linéaires, nous associerons aux variablesy,^,... du groupe (e)
les déterminants
?■'= (- iy-'(± ti,f-2, .. §i — i,_,§i,^, ... m - 1 j,
^'•)= (— \y-\± ^i, ... y,i — i,_,.^ï.+. ... ^n - ij, ...
Cela posé, si on remplace dans la formule (8) les quan-
tités p, Ui Zi ... par/)", ç'", Y)', ..., on obtient une équation
dans laquelle les caractéristiques e, e' représentent respec-
tivement des coefficients de formes algébriques c, ^1, ^2 ...
y\\ Tfi2 ... et des variables y\ z', ... u, v ... De plus, les fonc-
tions ^i(e, e'), Ji(£) sont invariantes.
D'après le théorème établi au paragraphe précédent,
2<pj(e, e') est une somme d'invariants ç',(e) multipliés par
des covariants identiques cp'(e').
En remplaçant les quantités p" l' ri ... par p, y,, z,. ..., on
obtient pour expression de y^<f{ee') une somme de pro-
duits (p'(e) . cp"(e') de fonctions invariantes. Donc, si une
somme ^'f{e,e') est exprimable au moyen de fonctions
invariantes J{e) et de n — p fonctions q(e), on peut écrire
2cp(ee')=2y(e).?"(e').
( 263 )
4. Applications. I. Supposons que le groupe d'éléments e
esl composé des coefficients de formes algébriques; nous
obtenons cette propriété : une fonction invariante a au
moins n coefficients complètement indépendants, quand
elle nest pas une somme de produits d'invariants et de
covariants identiques. En particulier, un covariant relatif
h n — 1 séries de n variables, a au moins ?i coefficients
complètement indépendants, car il n'existe aucun covariant
identique des n — 1 séries de variables.
II. Soit g une fonction entière d'un groupe quelconque
d'éléments (e), comprenant des variables et des coefficients
de formes algébriques.
Désignons par G la transformée de g après la substitu-
tion linéaire
^1= o'-ii^i "*" «iî^a -+- ••' -+" «mX„,
i — I , -, ... /t ,
représentons encore par [G] la fonction obtenue en rempla-
çant dans G les quantités a,j par de nouvelles variables xj,.
On peut voir que le produit
|G|.(d-xl,x±, ... xWj*"
est une somme de fonctions invariantes, si r est suffisam-
ment grand.
En effet, soit
9 = 91-*- 9^-^ -,
le développement de g en somme de fonctions homogènes
et isobariques ; et soient p, pj ••• ^^^ degrés de gi, g^-, ... par
( 266 )
rapport au système total des variables; chacun des produits
|G,1 . (=t xl, x2, ... xnjs [G^l . (± x\,x% .. xnj', . .
est une fonction invariante ('). Si donc r est le plus grand
des nombres p, p, ..., on peut écrire
\G\.{±xl,x%...xnJ=^f{e',x).. . . (9)
Supposons maintenant que G s'exprime au moyen
de n — p fonctions q{a) des quantités a; nous aurons
ainsi :
G = F\q,{a)...q„_p{a),e'\
et d'après la formule (9)
2v(e' a;) = F, j J(a;), ^.(x), ... q„.p{x), e' \,
J(a;) représentant le covariant identique (±xl^ 3r22...a;yî„).
On déduit de là (§ 3) :
y,?ie'x)='^f'{x).f"{e')
ou bien .
2f^^{±xl,x%.,xnSf"{e'),
puisque les seules fonctions invariantes o'{x) des variables
(*) Essai d'uîie théorie générale des formes, p. 61). (3Iem. de la
Soc. ROV. DES SCIENCES DE LiÉGE, 2"= sérlc, t. XVII.)
( 267 )
a;l, x2 ... xn sont des puissances du déterminant
En remplaçant les lettres xj, par a„ et en prenant a„=1 ,
a,j = 0, on obtient
et ainsi, la transformée G dépend au plus du module
de la substitution linéaire. Par conséquent, le nombre de
paramètres q(a) nécessaires pour exprimer la transformeeG
est égal à r unité ou à zéro, s'il est inférieur à n, et alors
g est une somme de fonctions invariantes (*).
La relation qui existe entre les transformées G et les
fonctions invariantes permet encore d'établir cette propo-
sition : Si la transformée G de g(e') est exprimable au
moyen rfe m < n fonctions des éléments e', on peut déve-
lopper g(e') en somme de fonctions invariantes.
Remarque. Les termes d'une fonction invariante (p(e')
ont le même poids pour les indices 1,2... /i. Donc, si g
contient un terme qui n'a pas le même poids pour tous les
indices, la transformée G dépend au moins de n fonctions
des coefficients a de la substitution, et de n fonctions des
éléments e'.
(*) Notre énoncé généralise celle propriété bien connue qu'une
fonction entière et homogène est invariante, quand elle se reproduit
multipliée par un facteur g (a), après une substitution linéaire.
( 268 )
Action du zinc-éthyle sur le benzile;
par Maurice Delacre.
Boullerow et sun école, en donnant une grande exten-
sion à l'emploi du zinc-éihyle comme agent de préparation
des alcools, ne se sont pas arrêtés à l'étude de l'action de
ce réactif sur les acétones. C'est que le savant russe avait
surtout en vue les méthodes synthétiques qui furent si
précieuses pour l'histoire des alcools, et que l'étude analy-
tique des produits qu'il traitait avait peu d'intérêt pour lui.
Plus tard, les travaux de M. Gaizarolli ont attiré
l'attention sur les composés organo-zinciques comme
agents de simple hydrogénation; on sait que ce chimiste
a résolu d'une façon élégante la réduction du chloral à
l'état d'alcool trichloré.
Dans la suite de mes recherches, commencées dans le
laboratoire de mon maître, M. le professeur L. Henry,
avec l'action du zinc-éthyle sur l'aldéhyde bichlorée ('), j'ai
été amené (**) à faire agir ce réactif sur les acétones, et
c'est avec l'espoir d'arriver à une synthèse d'alcool tertiaire
que j'ai essayé l'action de l'acétophénone et de la benzo-
phénone. La première de ces réactions m'a entraîné dans
une série de recherches sur la synthèse de la benzine; la
seconde m'a conduit à la réduction de la benzophénone, à
l'étal de benzhydrol par le zinc-éthyle, à l'état de benzopi-
nacone par un mélange de CH^I -^ Zn.
(*) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 5« série, t. XIII (1887).
(•*) Ibid., 5-= série, t. XVII I (1889).
i !269 )
Depuis, j'ai attaché de plus en phis d'importance à
l'emploi des composés organo-zinciques comme agents de
réduction. J'ai prouvé, en étudiant la constitution de la ben-
zopinacoline (3, que le zinc-éthyle agissait comme réduc-
teur, alors que les autres agents d'hydrogénation étaient
sans action; cette élude a donné une idée des services
que peut rendre le zinc-éthyle dans les recherches analy-
tiques. De plus il est neutre, alors que tous les agents
réducteurs sont ou acides ou alcah'ns; cette particularité
me fait croire que ce réactif est appelé à devenir l'un des
phis importants des acétones et des oxydes.
A côté de cet emploi avantageux pour les recherches
analytiques, je crois que la réduction par les composés
organo-zinciques pourrait être utilement mise à profit
pour la préparation des pinacones, et une méthode de
préparation avantageuse de celte classe de corps consti-
tuerait un progrès important, puisqu'il s'agit d'une soudure
de deux molécules, et de la possibilité d'établir une liaison
entre deux groupements acéloniques. Aussi m'efforcerai-je,
par la suite, de déterminer d'une façon générale quelles
sont les acétones qui se réduisent à l'état d'alcools secon-
daires, et celles qui donnent des pinacones.
Le benzile, de Laurent, C6H^.C0.C0.C*^H^ se rattache à
la première de ces deux catégories, et donne de la
benzoïne par l'action du zinc-éthyle.
Dans 24 grammes de zinc-éthyle on introduit 10 gram-
mes de benzile. L'action est presque nulle à froid; à la
chaleur du bain-marie, il se fait un vif dégagement
gazeux; après une journée de chauffe, on introduit encore
10 grammes de t)enzile, et l'on chauffe encore pendant
quelques heures; enfin on décompose par l'eau, on acidulé
( 270)
par l'acide chlorhydrique, el l'on sépare le produit par
tiltralion.
Après quatre crislallisalions, il se présente en magnifi-
ques aiguilles blanches fondant à ISQ^-ISO" et disiillant
fixe à 3Aù°-oU° sous la pression de 768 millimètres. Il a
donné à l'analyse les chiffres suivants :
1.
II.
Substance . . . .
0,1456
0,1321
Eau
0,0761
0,0736
An. carbonique. . .
^0,4101
0,3750
( 0,0046
0,0092
C»/o. ■ . . 78,76
78,89
79,24
H"/o . . . 5,89
6,19
0,66
L'échantillon II a été distillé, 1 simplement cristallisé.
Il s'agit donc d'une fixation de deux atomes d'hydro-
gène sur une molécule de benzile; cela est prouvé encore
par l'action de l'acide nitrique donnant une huile jaune
qui, traitée par l'alcool, donne des cristaux de benzile
fondant à 93% puis, par l'action de l'acide iodhydrique à
200°, de magnifiques cristaux en fer de lance, fondant à
50» (dibenzyle)
CfiHj — CH2
I .
CfiHg CH2
Restait la possibilité d'un isomère de la benzoïne; le
point de fusion de ce corps étant l'objet de certaines
divergences, j'ai cru devoir l'identifier par d'autres réac-
tions.
( 271 )
Par le chlorure d'acétyle, j'ai obtenu un élher dont un
échantillon, l'ondanl vers 60°, a donné à l'analyse
Substance .... 0,1933
Eau 0,1082
0,5616
An. carbonique.
' 0,0067
C16H140-2
C»/.. . . . 75,17 73,59
H"/» . . . 6,15 3,51
L'action du chlorure de benzoyle donne un éther fon-
dant à 121°. Le benzoate de benzoïne est décrit comme
fondant à 125°.
Enfin l'action de la phényle-hydrazine permet de con-
clure sans aucun doute à l'identité du produit obtenu avec
la benzoïne. L'un et l'autre donnent un dérivé fondant
à 218°, et, malgré les cristallisations très nombreuses
auxquelles j'ai soumis les produits, il m'a été impossible
de ne pas les considérer comme identiques.
Université de Gand, laboratoire de chimie analytique.
ÉLECTIOMS.
La Classe se forme en comité secret pour prendre con-
naissance de la liste des candidatures aux places vacantes
présentées par les sections.
CLASSE DES LETTRES,
Séance du 9 octobre 1893.
M. Ch. Loomans, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. le chevalier Edm. Marghal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alph. Waulers,A.Wagener, P. Wil-
lems, S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Potvin, T.-J. Lamy, G.
Tiberghien, Alex. Henné, Gust. Frédérix, le comte Goblet
d'Alviella, F. Vander Haeghen, J. Vuyisleke, É. Banning,
A. Giron, le baron J. de Chestret de Haneffe, membres;
Aph. Rivier, associé; Paul Fredericq,Mesdach de ter Kiele
et G. Monchamp, correspondants.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique
transmet :
\° Une expédition de l'arrêté royal du 5 août 1895 qui
décerne le prix quinquennal de littérature française (neu-
vième période, 1888-1892) à M. Georges Eekhoud, pour
son ouvrage intitulé : La Nouvelle Carthage.
La proclamation de ce résultat aura lieu dans la pro-
chaine séance publique de la Classe des beaux-arts, fixée
au dimanche 29 de ce mois;
2° Une lettre du Cercle archéologique du pays de Waes,
relative à la reproduction de la Grande carte d'Europe de
( 273 )
Merca/or (édition de 1592), dont il existe un exemplaire à
la bibliothèque grand-ducale de Saxe-Weimar. — Envoi
pour examen à MM. Wauters et Vander Haeghen, qui ont
déjà fait rapport sur une demande semblable introduite
par le lieutenant Van Ortroy.
5° Pour la bibliothèque de l'Académie, un exemplaire
des ouvrages suivants :
1° Recensement général de la population au 51 dé-
cembre 1890, tomes I et II;
2° Au siècle de Shakespeare; par Georges Eekhoud ;
3° Exposé de la situation administrative des provinces
en 1892 ;
4° Bibliotheca Erasmiana, V% 2^ et 3* séries;
5" L'œuvre géographique de Mercator; par M. Van
Ortroy ;
6° Etude historique sur le comté de Rochefort; par
G. Lamotte;
7° Cartulaire de la commune d'Andenne^ tome I"",
2*= livraison;
8" Jansénius, évoque d'Ypres, ses derniers moments, sa
soumission au Saint-Siège ; par le chanoine Jungmann;
9° Les corporations ouvrières au moyen âge; par Gode-
froid Kurth ;
10° Mémoires numismaliques de l'Ordre souverain de
Saint-Jean de Jérusalem; par le baron Edouard-Henri
Furse.
— Remerciements.
— M. le Ministre de la Justice envoie, pour la biblio-
thèque de l'Académie, un exemplaire des Coutumes des
petites villes, tome IV (ouvrage publié par la Commission
royale des anciennes lois et ordonnances). — Remercie-
ments.
( 274 )
— Hommages d'ouvrages :
\° Correspondance du cardinal de Granvelle, tome X;
par Charles Piol (avec une noie qui figure ci-après);
2° Les deux méthodes linguistiques, par Fr. Scerbo;
par le chevalier C. de Harlez;
3° Éludes historiques et archéologiques sur l'ancien pays
de Liège, II; par le baron J. de Cheslrel de Haneffe;
4° Le procureur général Faider, discours par Mesdach
de 1er Kiele;
5° Les reclus de Toulouse sous la Terreur, 1"" fascicule;
par le baron R. de Bouglon;
6° a) Les derniers travaux sur l'histoire et Vhistorio-
graphie de la bataille de Courtrai; b) De slag van Kortrijk
naar het hoogduitsch van général Kohler; c) ^ote sur le
cri de guerre des Matities brugeoises; par Jules Frederichs
(présentés par Paul Fredericq, avec une note qui figure
ci-après) ;
7° Hendrik Lovendale, drama in vijf bedrijven; par
Roger de Goey ;
8° Les grands baillis d'Aubruicq et du pays de Bréde-
narde sous la domination française {iGO^-ilOO) ; par
Pagart d'Hermansart;
9° a) Curiosités orientales de mon cabinet numismatique ;
b) Une médaille commémoralive de la fondation et de l'achè-
vement de la ville de Suitanije (1505-1313); par S. A. R. le
prince Philippe de Saxe Cobourg et Golha.
— Remerciements.
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES.
Je viens d'achever la publication du dixième volume de
la Correspondance de Granvelle, dont j'ai l'honneur d'offrir
un exemplaire à la Classe.
( 275 )
Il comprend les lellres écrites par le cardinal ou qui lui
ont été adressées en 1583, année où il commença à voir
faiblir son influence sur le gouvernement de Philippe 11,
roi d'Espagne, soit à titre de ministre d'Italie, soit de con-
seiller de la couronne.
En celle double qualité, il devait nécessairement prendre
à cœur la situation de tous les pays soumis au sceptre de
son maître, spécialement celle du Portugal, récemment
conquis par l'armée espagnole. Vivement contrarié de ce
qui se passait dans ce royaume, il ne manquait jamais
l'occasion de s'en plaindre confidentiellement à Marguerite
de Parme. Tantôt il fait une critique amère et souvent jus-
tifiée de ce qui s'y faisait ou de ce qui ne s'y faisait pas;
tantôt il déplore l'absence de toute décision concernant
les affaires de justice, de police et d'administration; par-
fois il regrette l'intervention des Portugais dans le gouver-
nement de leur pays, et critique la nomination d'un con-
seil spécial, chargé de la direction des affaires de ce
royaume. Aux yeux de Granvelle, la possession du Por-
tugal avait le grand tort d'absorber toute l'attention de
Philippe II, d'occasionner des dépenses exorbitantes qui,
à son avis, auraient été mieux employées à la conquête
des Pays-Bas. A son grand regret, l'occupation de ce
royaume donnait lieu à des armements inutiles sur mer
et sur terre, et libre jeu à l'influence française dans nos
provinces.
A propos du Portugal, très menacé en ce moment,
comme tous les pays méridionaux, d'une grande famine,
le cardinal se félicite de voir arriver à Lisbonne des vais-
seaux hollandais et de la mer Baltique, chargés de céréales.
A son avis, il fallait les laisser librement naviguer par
simple tolérance, à la condition de couper court plus tard
à celle liberté, afin de ne pas favoriser les hérétiques.
( 276 )
C'était un des motifs sur lesquels Granvelle s'appuyait
spécialement pour refuser la liberté du commerce. En
toute occasion il se montra l'adversaire décidé de cette
liberté, qui permettait aux protestants de s'enrichir aux
dépens des catholiques.
Le marquis de Sainte-Croix occupe aussi dans ce volume
une place importante à propos des affaires maritimes du
Portugal, particulièrement dans l'expédition et la conquête
des îles Tercère ou Açores. Selon Granvelle, cette inter-
vention n'était pas assez efficace pour permettre à la
marine espagnole de se développer et lui assurer la supré-
matie sur mer. Philippe II devrait y régner en maître. A cet
effet, il fallait agir contre l'Angleterre, mettre à profit les
tendances à la révolte manifestées en Ecosse et en Irlande
contre Elisabeth, soulever partout la question religieuse,
prêter main forte à Rome, qui voyait dans ce soulèvement
un moyen efficace de combattre le protestantisme.
Un autre fait absorbait également l'attention du cardinal.
C'était la volonté ferme et bien décidée de Marguerite de
Parme de quitter les Pays-Bas, en dépit de l'opposition du
roi et de son ministre. Elle voulait à tout prix se débar-
rasser d'un gouvernement tout à fait illusoire, qui lui
avait été imposé, malgré l'avis contraire de son (ils. Elle
rentra en Italie en 1585, non sans adresser au cardinal
des plaintes an sujet de la conduite du roi à son égard à
propos de ses appointements.
Le duc d'Alençon et sa mère Catherine de Médicis rem-
plissaient en même temps dans les affaires des Pays-Bas
un rôle important, sur lequel Granvelle jette un grand
jour. On trouve dans notre volume des documents qui
fournissent des détails intimes sur l'échauffourée du duc,
connue sous la dénomination de Furie Française, à
Anvers. Granvelle mit à profit ces événements pour enga-
( 277 )
ger le roi, comme il l'avait fait antérieuremenl, à entamer
la guerre avec la France. A son grand désappointement,
Philippe II s'y refusa momentanément. Dans une lettre
bien remarquable, adressée par Farnèse à Granvelle, il
fait connaître tous les griefs que lui et sa famille ont à
faire valoir à la charge de Philippe II.
La partie la plus intéressante de notre volume est celle
qui se rapporte aux affaires de Cologne, en 1585. Ces
événements, dans lequels le duc d'AIençon joue une cer-
tain rôle, faillirent arrêter tous les succès de l'armée espa-
gnole aux Pays-Bas. Les rapports si nombreux, si circon-
stanciés et si mouvementés, adressés au gouverneur
général par le comte d'Aremberg, mettent en pleine
lumière cet épisode, pendant lequel l'électoral de Cologne
subisait les épreuves les plus rudes. Les incendies, les
pillages, les dévastations, les meurtres commis par une
soldatesque indisciplinée, y sont pour ainsi dire continuel-
lement à l'ordre du jour pendant l'année 1585. Amis et
ennemis s'y faisaient un cruel plaisir de ravager le pays
entier. Ch. Piot.
J'ai l'honneur de présenter à la Classe, au nom de
l'auteur, M. Jules Frederichs, professeur à l'athénée royal
d'Ostende, deux brochures (1) intéressantes sur des
questions controversées relatives à la bataille de Courtrai
ou des Éperons d'or (1302). On y trouvera une discussion
complète des opinions du général Kôhler et de M. le pro-
(i) De slag van Kortrijk{H Juli 1 305). Naar het Floogduitsch van
generaal Kôhler (met een plan van liet slagveld), -44 pages. Gand,
ïloste, 1893. — Les derniers travaux sur l'hisloire et l'historiographie
de la bataille de Courtrai, 32 pages. Gand, Vandcr Haeghen, 1893.
S""^ SÉRIE, TOME XXVI. 19
( 278 )
fesseur Pirenne sur les mouvements des deux armées en
présence el sur les sources de l'histoire de celle bataille
célèbre. Une troisième brochure du même auteur (i)
s'occupe du cri de guerre des Flamands lors des Matines
brugeoises.
P. Fredericq.
RAPPORTS.
MM. Le Roy, Willems et le comte Goblet d'Alviella
donnent lecture de leurs rapports sur le mémoire de
M. de Harlez portant pour titre : La religion elles cérémo-
nies impériales de la Chine moderne.
La Classe vole l'impression du mémoire dans le Recueil
in-4° des membres de l'Académie.
Drie onuitgegeven werken van, Houwaerl; door F. Van
Veerdeghem en Van den Daele.
Mtappoft de M. Steche»; pfentief comtnisaaii'c
MM. Van Veerdeghem, chargé de cours à l'Université
de Liége,et Van den Daele, professeur à l'Alhénée de Mons,
ont soumis à la Classe des lettres une notice intéressante
sur trois pièces de Houwaerl, trouvées à Hassell.
Cette élude de littérature nationale nous semble digne
de figurer dans nos Bulletins.
{{) Noie sur le cri de guerre des Matines brugeoises, M pages.
Bruxelles, Haycz, 1895.
( 279 )
On sait que l'aimable châlelain de la Petite Venise
composa plus d'un Spel van Sinne (moralité dramatique
pour rehausser des l'êtes bruxelloises. Un de ses frères en
rhétorique parle même d'une grande quantité, d'un tas :
a Met hoopen constelycke spelen van sinnen. »
Or, depuis l'attention portée sur cette bibliographie
par la Bibliolheca belgica, on a contesté l'authenticité de
quelques-unes de ces compositions. Celles qu'on vient
d'exhumer des archives de la chambre hasselloise, Roode
Roos, seront-elles plus heureuses? Pour les attribuer à
Houwaerl, MM. Van Veerdeghem et Van den Daele se fon-
dent sur de grandes affinités de style, et sur une affirmation
formelle : « Ghecotnponeert tôt Brussele door S' Johan
Baptiste Hauwaert (sic). En outre, à deux ou trois reprises,
on y trouve la devise rhétoricale : Houdt middeimate, qui,
par un jeu de mots ou plutôt de syllabes, alors fort en
vogue, disait à tous que Houwaerl, ami du juste milieu,
cherchait à se frayer sa route entre tous les fanalismes. Si
le prisonnier du Treiirenberg manqua quelquefois d'éner-
gie, jamais il ne manqua de conscience.
En ces temps si troublés, cet ami de la modération fut
aussi l'apôtre de la liberté de conscience. C'était, pour
ainsi dire, un Coornhert, mais catholique, surtout vers la
fin. Il ne ressentait d'ailleurs qu'à distance le vrai souffle
de l'humanisme.
Rapfiot't «fe m. D. Sleechic, second cotntniaaaire.
< En m'associant aux conclusions du premier commis-
saire, je crois utile d'ajouter les remarques suivantes :
On s'est beaucoup, peut-être trop occupé depuis quelque
( 280 )
temps des moralités dramatiques de Houwaert, notam-
ment de celles du recueil Den Handel der Amoreusheyt. A
ce propos, on a accusé l'ancien conseiller et maître des
comptes du duché de Brabant d'avoir fait imprimer sous
son nom des pièces qui n'étaient pas de lui.
Déjà en 1838, dans son ouvrage Verhandeling over
de Nederlandsche Dichtkunst in België, couronné par
l'Académie, le D"" Snellaert, élu membre de la Classe des
lettres en 1847, émit des doutes sur l'authenticité du Han-
del der Amoreus/mjt. Cinquante ans plus tard, en 1888,
une notice insérée au Tijdschrift voor Nederlandsche
Taal- en Letterkunde, de Leiden, déclara que, des quatre
pièces de ce recueil, trois au moins n'étaient pas de Hou-
waert, mais de trois de ses contemporains, les rhétoriciens
De Mol, d'Anvers, Smeeckens, de Bruxelles, et Colijn
Keyaert, surnommé den Amorôsen Colijn. Cette assertion
fut reproduite dans un ouvrage sur la littérature néerlan-
daise au XVI' siècle, publié peu de temps après par
l'auteur de la notice (D' Kalff).
Dans une des dernières livraisons de la même revue
parurent deux articles sur cette question. Dans l'un, on
s'attache à réfuter l'accusation de plagiat; dans l'autre, on
la soutient.
Le défenseur de Houwaert reconnaît que les moralités
incriminées ne sont pas de celui-ci. Néanmoins, il ne pense
pas qu'il y ait lieu de parler de plagiat, parce que l'impu-
tation ne repose que sur une erreur. On a confondu deux
ouvrages portant le même nom, dont l'un parut à
Bruxelles, chez J. Van Brecht, en 1583, l'autre à Rotter-
dam, chez Jan Van Waesberghe, en 1621. Or, les titres
seuls, dont uniquement les trois premiers mots, Handel
der Amoreusheyt, sont identiques, auraient dû prouver à
( 281 )
l'évidence qu'il ne s'agissait pas, comme on le croyait, de
deux éditions d'un même ouvrage. En effet, celui du
recueil de 1585 n'annonce qu'une seule pièce en trois
parties, Jupiter ende Yo; celui du recueil de 1621 annonce
quatre moralités différentes : 1° Aeneas ende Dido; 2" Nar^
cissus ende Echo ; 3° Mars ende Venus ; 4° Leander ende
Hero.
On aurait de la peine à comprendre comment deux
ouvrages ont pu être pris pour deux éditions du même
volume, si l'on ne savait que le recueil de 1585 était
devenu de bonne heure extrêmement rare, à tel point
qu'il n'en existe probablement aujourd'hui en Belgique
qu'un exemplaire, celui qui se trouve à la Bibliothèque
royale de Bruxelles. Aussi le D"" Snellaert ne connaissait-il
que celui de 1621, et l'auteur de la première notice publiée
par le Tijdschrifl avoue n'avoir jamais eu sous les yeux
le volume de 1583. La Bibliotheca belgka, elle-même, si
compétente et si consciencieuse, ne décrit d'abord que le
Handel de 4621 , et se borne à constater l'existence de celui
de 1583. Ce ne fut que plus tard qu'elle décrivit ce dernier,
en faisant observer que l'identité des trois premiers mots
des deux titres l'a fait regarder longtemps comme le
prototype du Handel de 1621.
L'ouvrage imprimé à Rotterdam sous le nom de Hou-
waert n'est pas de lui, cela a été prouvé suffisamment.
Les manuscrits de Aeneas ende Dido et de Mars endeVenus,
avec les noms de De Mol et de Smeeekens, se trouvent à
la Bibliothèque royale de Bruxelles; celui de Narcissus
ende Echo, avec le nom de Colijn Keyaert, à la Biblio-
thèque de l'Université de Gand.
Mais si ces trois pièces, et peut-être la quatrième,
Leander ende Hero, ne sont pas de Houwaert, comment
( 282 )
onl-elleété publiées sous son nom, avec le même titre, en
partie du moins, que l'ouvrage authentique? Houwaert n'y
fut pour rien, puisqu'il mourut en 1599, et on ne peut
raisonnablement le rendre responsable de ce qui s'est fait
à Rotterdam plus de vingt ans après lui. Il est à pré-
sumer que la publication de Jan Van Waesberghe fut tout
simplement une affaire de spéculation. Vers la un du
XVI" et dans la première moitié du XVil" siècle, Houwaert
était très populaire, non seulement en Belgique, mais
encore en Hollande. Pendant qu'à Bruxelles on lui tressait
des couronnes, ses écrits étaient dévorés et réimprimés à
Amsterdam, Rotterdam, La Haye, Leiden et dans d'autres
villes. Qu'y aurait-il d'étonnant qu'un jour Jan Van Waes-
berghe, en possession de copies de quelques moralités de
rhétoriciens assez obscurs, les eût publiées sous le nom
d'un écrivain plus célèbre, dont il avait déjà, comme plu-
sieurs de ses confrères, réédité, en 1614-1615, l'œuvre
capitale : Pegasides-Pleyn ofte den Lusl-Hof der Maech-
den? C'était assez l'habitude au XVIl" siècle dans plus
d'un pays. En Angleterre et en Espagne, les éditeurs ne
se faisaient aucun scrupule d'imprimer sous les noms de
Shakespeare et de Lope de Vega des œuvres drama-
tiques, qu'ils savaient pertinemment être d'écrivains moins
en faveur. Comment un éditeur hollandais eût-il été plus
scrupuleux, en attribuant les quatre pièces à celui que les
Bruxellois se plaisaient à regarder comme VHomère de la
Néerlande ? >
La Classe décide, sur la proposition des rapporteurs,
l'impression au Bulletin du travail de MM. Van Veerde-
ghera et Van den Daele.
( 283 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Observations complémentaires sur la lecture de M, Giron
relative à <i La liberté de conscience à Rome » ; par
Auguste Wagener, membre de l'Académie.
I.
Messieurs,
Vous avez écouté avec le plus vif intérêt la lecture faite
en séance du 6 février dernier (1) par notre honorable
confrère, M. Giron, sur la liberté de conscience à Rome.
Vous avez admiré la clarté avec laquelle il a exposé
cette question, hérissée de tant de difficultés, et la netteté
des conclusions auxquelles il a abouti.
Personne plus que moi ne s'est intéressé à cette savante
lecture, parce que depuis longtemps j'avais étudié de mon
côté la législation romaine sur la liberté de conscience et
que j'avais même, dans une conférence publique, traité ce
sujet d'une façon assez étendue, fi est dès lors naturel que,
tout en étant d'accord avec mon éminent confrère sur
plusieurs points essentiels, j'aie sur d'autres points une
opinion différente de la sienne.
Mais ces divergences d'opinion, quoique relatives à des
détails d'une certaine importance, ne m'auraient pas paru
suffisantes pour revenir, à bref délai, sur une question
élucidée par notre confrère avec tant de compétence, si je
ne m'y croyais en quelque sorte obligé par le fait que
(1) Bulletins, S*' série, t. XXV, 1895, p. 113.
( 284 )
noire illustre associé, M. Th. Mommsen, a consacré récem-
ment à la même question un travail étendu.
Au moment où M. Giron faisait sa lecture, je ne con-
naissais pas encore, je regrette de devoir l'avouer, la
magistrale dissertation de M. Mommsen. Si j'en avais
connu l'existence, je me serais empressé de la signaler à
notre savant confrère, afin qu'il pût, le cas échéant, soit
compléter ou corriger son propre travail, soit combattre
les opinions du grand historien allemand. En effet, les
éludes de M. Mommsen ne sont pas de celles qu'on puisse,
lorsqu'on les connaît, passer sous silence.
L'arlicle auquel je fais allusion est intitulé : Der Reli-
gions frevel nach rômischem Rechl, c'est-à-dire a Le délit
religieux d'après le droit romain ». Il est inséré dans la
Revue historique (Historische Zeilschrifl) publiée à Munich
et à Leipzig, par Henri von Sybel et Max Lehmann,
année 1890, pages 389-429. C'est par hasard, en parcou-
rant le premier volume de M. Gaston Boissier sur la fin du
paganisme, que j'ai rencontré (p. 416) le titre (1) — rien
que le titre — de cette dissertation, et c'est encore par
hasard, car aucun de mes collègues n'a pu me renseigner
à cet égard, que j'ai trouvé dans une autre dissertation de
M. Mommsen, relative à une inscription récemment décou-
verte à Arycanda, en Lycie (2), l'indication exacte de la
Revue où le célèbre historien avait fait paraître son élude
sur le « Délit religieux chez les Romains ».
(1) La note de M. Boissier porte : Dus (sic) Religionsfrevel nach
rômischev (sic) Recht.
(2) Archacoloyisch-Epigraphische Mitlheilungen aus Ocstcrreich-
Ungarn, lierausgegeben von 0. Benndorf und E. Borniann. Wien,
1893, première livraison, pp. 93-102.
( 28S )
Les travaux de M. Mommsen, esl-il nécessaire de le
répéter, sont de ceux où la netteté des idées et la rigueur
du raisonnemeut marchent toujours de pair avec l'abon-
dance et la précision des renseignements.
J'ai donc considéré comme une vraie bonne fortune
l'occasion d'apprendre à connaître, sur une question aussi
importante et aussi épineuse que celle de la liberté de
conscience à Rome, l'opinion de l'homme qui, certes,
mieux qu'aucun autre au monde, connaît l'histoire, le droit
et l'administration des Romains. Et l'espoir que j'avais en
commençant à lire le travail de notre éminent associé n'a
nullement été déçu. C'est à bon droit que M. Boissier (/. c.)
le qualifie d'excellent (1), et les idées qu'il m'a suggérées,
mises en rapport avec la lecture de M. Giron, m'ont paru
de nature à pouvoir intéresser la Classe.
Il y a peut-être de la témérité de ma part à venir vous
parler, moi qui ne suis qu'un modeste philologue, d'une
question en grande partie juridique, alors qu'elle a été
(1) Le critique très compétent qui, dans VAlhenaeum anglais
(22 juillet 1893, p. 3450), a rendu compte de l'ouvrage de
M. W. M. Ramsay, M. A., The Cliurch in Ihe Roman empire beforc,
A. D., -170, s'exprime ainsi, en parlant de la dissertation de
M. Th. Mommsen : a It is a masterly treatment of Ihe wliole subject.
The great scliolar has discussed with an unrivalled knowledge of
Roman procédure and with a singular accuracy in apprehending Ihe
facts and ideas of the Christian writers. Its conclusions seems to us
absolutely irréfragable. — It is not an article that can bc abridged,
for every word is necessary and is in ils right place.
The article requircs to be read several times before its full import
is perceived; but when this is donc, we think that it will secm that
Mommsen is right in every one of his opinions, and that Neuniann
and professor Ramsay are therefore radically wrong.
( 286 )
traitée ici même, il y a quelques mois, par un de nos plus
habiles jurisconsultes.
Quoi qu'il en soit, et pour ne pas allonger davantage ce
préambule, j'entre directement en matière.
Lorsqu'on veut se former une idée exacte de la liberté
de conscience à Rome, il faut commencer par faire une
distinction essentielle entre les citoyens romains et les
étrangers.
Les citoyens romains étaient tenus de respecter et
même de pratiquer le culte national. C'est ce que M. Giron
a fort bien mis en lumière, quoique le texte qu'il allègue
à l'appui de son opinion et qu'il considère comme emprunté
à la loi des XII tables ait été rédigé par Cicéron lui-même,
dans son Traité des lois, et n'exprime que ses idées per-
sonnelles {i).
(1) Cic. de leg. Il, 7, 17. Q, — Scd iam exprome si placet, istas
leges de religione. 18. — M. — Expromam equidera ut potero, etquo-
niam et locus et sermo familiaris est, legum leges voce proponam. —
Q. — Quidnam id est? — M, — Sunt certa legum verba, Quinte,
neque ita prisca ut in veteribus XII sacratisque legibus, et tamen,
quo plus auctoritatis habeant, paulo antiquiora quani hic sermo est.
Eum raorcm igitur cum brevitate, si potero, consequar. Leges autem
a me edentur non perfeclae, nam esset infinitum — sed ipsae sum-
mae rerum atque sententiae. — Q. — Ita vero nccesse est, quare
audiamus. 19. — M. — Ad divos adeunto caste, pietatem adhibento,
opes amovento. Qui secus faxit, Deus ipse iudex erit.
Separatim nemo habessit deos neve novos neve advenas, nisi
publiée adscitos : prlvatim colunto quos rite a patribus cultos acce-
perint (Madvig).
Plus loin (X, 25), Alticus fait la réflexion suivante : Non multuni
discrepal ista constitutio religionum a legibus Numae nostrisque
moribus. Cicéron s'est donc inspiré, non pas de la loi des XII tables,
mais des leges regiae et de la coutume.
( 287 )
Mais ce sur quoi il ne me semble pas avoir suffisamment
insisté, c'est que les étrangers, admis sur le territoire
romain, étaient autorisés, en principe, à adorer leurs
dieux nationaux comme ils l'entendaient. De même qu'ils
étaient exclus du culte de Rome, sauf autorisation spéciale,
ils pouvaient, à l'exceplion de quelques cas particuliers,
motivés par des circonstances extraordinaires, pratiquer
librement et ouvertement le culte de leur pays.
Ce n'est qu'à la fin de la république qu'on commença à
sévir contre le culte d'Fsis et de Sérapis, en ce sens que le
Sénat ordonna la destruction des sanctuaires de ces divi-
nités qui se trouvaient dans l'enceinte de la ville, voire
même au Capitule. Mais ce même Sénat autorisa la con-
struction de pareils sanctuaires en dehors du pomerium.
Auguste s'en tint dans le principe à cette règle, qui avait
été de tout temps appliquée aux cultes étrangers, même
lorsqu'on les avait nationalisés (1). Ce n'est que plus tard
qu'avec l'autorisation d'Auguste, M. Agrippa fil un pas de
plus, c'est-à-dire qu'il relégua le culte égyptien en dehors de
la banlieue (2). Toutefois, dans le reste de l'Italie, le culte
d'Isis et de Sérapis ne fut pas interdit. Si Tibère, d'après
ce que rapportent Josèphe (3) et Suélone (4), fit détruire
un temple d'Isis, jeter dans le Tibre la statue de la déesse,
mettre en croix les prêtres attachés à son culte et livrer
aux flammes les vêtements de lin qu'ils portaient, cela
tient à ce qu'une des plus grandes dames de Rome,
(1) Voir J. Marquardt, Le culte chez les Romains, traduction
Brissaud, t. I. Paris, Thorin, 1889, p. U.
(2) Dion Cassius, 54, 6.
(5) Joseph, Ant. Jud., XVIII, 5, 4.
(4) Sleton, Tib., 36.
( 288 )
Pauline, épouse de Saturninus, avait été, de la part des
prêtres d'Isis, l'objet de la plus infâme mystification. Mais
celte mesure exceptionnelle ne porta pas atteinte au prin-
cipe général qui garantissait aux étrangers établis sur le
territoire romain le libre exercice de leur culte.
Quant aux citoyens romains, non seulement il leur était
défendu de rien perpétrer qui fût contraire à la religion
établie, mais ils pouvaient même être contraints à accomplir
certains actes du culte. Seulement, à cet égard, il y a lieu
de distinguer nettement les époques.
Ainsi que M. Mommsen l'a clairement établi, il y avait à
Rome un triple droit : le droit privé, le droit public et le
droit sacré. Ce dernier, qui était exercé, au point de vue
pénal, par le souverain pontife, fut singulièrement réduit à
partir de la république; toutefois il en resta pendant
plusieurs siècles, voire même sous l'empire, quelques
parties importantes. Ainsi le pontifex maximus pouvait,
on le sait, faire mettre à mort les Vierges Vestales qui
avaient laissé s'éteindre le feu sacré ou s'étaient rendues
coupables du crime d'impureté. Et si l'exercice de ce droit
de vie et de mort peut jusqu'à un certain point être consi-
déré comme un des cas d'application de cette terrible
puissance paternelle qui, comme le dit Gaïus (1), n'était
nulle part aussi étendue qu'à Rome, cette puissance n'était
pas néanmoins applicable aux complices des Vierges Ves-
tales qui, eux aussi, étaient, à la suite de la sentence
capitale prononcée coutre eux par le pontifex maximus,
battus de verges jusqu'à mort (2).
(1) hisL, I, § 85.
(2) Cato apud Festum, p. 241 ; Tite-Live. 22, S7, 4.
( 289 )
Le président du collège des pontifes pouvait également,
en vertu du Jus sacrum, infliger des amendes aux trois
grands flamines et au rex sacrificulus. Mais son droit ne
s'exerçait plus, paraît-il, sous la république, à l'égard de
la généralité des prêtres, des magistrats comme tels, et des
particuliers.
Quant aux autres délits religieux donnant lieu à une
sentence capitale, tels que, par exemple, la violation du
droit des ambassadeurs, ils furent pendant un certain
temps jugés par le consul; mais celui-ci était lié formelle-
ment à la décision du collège des féciaux (1).
Ce sont là, comme M. Mommsen le fait remarquer,
quelques restes d'un état de choses remontant à l'époque
où le Roi était à la fois chef de l'Élat et chef du culte.
On sait que, peu de temps après la substitution de la
république à la royauté, les crimes et les délits publics
punis soit de la peine capitale, soit d'une amende élevée,
donnèrent lieu, de la part des citoyens, à la provocatîo
devant le peuple, ce qui veut dire, en d'autres termes, que
la juridiction criminelle sur les citoyens fut enlevée aux
magistrats pour être transférée aux comices.
Plus tard, à la vérité, en vertu de différentes lois spé-
ciales, cette juridiction fut attribuée presque tout entière
à des jurys permanents [quœstiones perpetiiœ). Mais ni dans
(1) Varro, de vila pop. Rom., lib. III, apud Nonium, p. 018,
édition Qiiicherat. Si autera legati violati essent, qui id fecissent,
quaravis nobiles essent, uli dedcrenlur civitati statuerunt, fetiales-
que viginli, qui de his rébus cognoscerent, iadicarcnt et statuèrent,
constituerunt.
Les jugements prononcés par les féciaux ne donnaient pas lieu à
la provocatîo, ce qui prouve d'une manière péremptoire qu'ils rele-
vaient du jus sacrum.
( 290 )
la juridiction des comices, ni dans celle des quœstiones,
on ne trouve de traces de délits religieux. M. Mommsen
ne connaît à cette règle qu'une seule exception : celle qui
concerne le sacrilegium.
Mais quel sens convient-il d'attacher à ce mot? Au point
de vue légal, il signifie exclusivement, jusque vers la
fin du 1V= siècle après Jésus-Christ, le vol d'objets appar-
tenant aux temples.
On sait qu'à Rome les délits étaient divisés en delicta
publica et delicta privata. Quant aux vols, ils étaient à
leur tour divisés en furta privata, sacra et publica.
Le furtum privatum donnait lieu à un procès civil
devant le préteur (1). Quant au furtum sacrum ou sacri-
legium, il était, au point de vue de la répression judiciaire,
assimilé au furtum publicum.
Cicéron, dans son traité De legibus, qui est, comme on
sait, calqué en grande partie sur la législation existante ou
ancienne, a formulé le texte de loi suivant (2) : sacrum
sacrove commendatum qui clepsit rapsitve, parricida esto,
ce qui indique apparemment que le voleur d'objets appar-
tenant aux temples était jadis accusé devant les comices
par les quœstores parricidii.
Plus tard le sacrilegium ou furtum sacrum fit partie de
la compétence de la quœstio peculatus (3). La loi Iulia
(i) Cic. in Q. Caecil divin. V, 18. Civibus cum sunt ereptac
pecuniae, civili fere aclione et privato jure repetuntur.
(2) Cic. de leg. Il, 9, 22.
(5) Dig. XLVIll, 15, fr. 4. Lege Iulia peculatus tenetur qui pecu-
niam sacram religiosam abstulerit interceperit. Ibid., fr. H.Sacrilegi
capite puniuntur. Sunt autem sacrilegi qui publica sacra compila-
verunt. At qui privata sacra temptaverunt, amplius quam fures,
minus quam sacrilegi merentur.
( 'm )
pecnlatus contenait de nombreuses dispositions relatives
au vol d'objets appartenant aux temples ou consacrés ex-
pressément à une divinité (1).
Mais, on le voit, ces dispositions n'ont rien de commun
avec la liberté de conscience. Il n'existait donc vers la fin
de la république, en dehors de ce qui a été dit plus haut
au sujet des Vierges Vestales et de la violation du droit
des ambassadeurs, aucune loi civile obligeant les citoyens
ou les étrangers à participer à un acte du culte, ou
punissant ceux qui agissaient contrairement aux pres-
criptions religieuses. On appliquait, en règle générale, le
principe formulé plus tard d'une manière si remarquable-
ment concise par l'empereur Tibère : deoriim iniurias,
diis curœ (2).
Est-ce à dire qu'eu égard à cette situation légale, toutes
les religions fussent, en réalité, placées sur la même ligne?
Nullement, car les Romains, pris en masse, nourrissaient
notamment à l'endroit des juifs et des chrétiens des senti-
ments profondément hostiles.
C'est un fait que M. Giron n'a pas eu de peine à établir.
Mais ce fait a une telle importance qu'on me permettra de
le mettre encore plus complètement en lumière. Les juifs
étaient pour les Romains un objet d'horreur (3). Tacite
qualifie leurs coutumes de honteuses et d'absurdes (4). La
première chose, dit-il, qu'ils apprennent aux néophytes,
c'est de mépriser les dieux, de répudier leur patrie, de
(1) Ibid., fr. 1,4, 7, M.
(2) Tac, Ann., I, 75.
(3) Tac, Hist,, V, 5. (Indaeorum) instituta, sinistre, foeda, pravi
tatc valuere.
(4) Id., Ibid., Indaeorum mos absurdus sordidusque.
( 292 )
n'attacher aucune importance à l'affection de leurs parents,
de leurs enfants, de leurs frères. Les poètes satiriques ne
cessent de les accabler de leurs traits les plus mordants.
Horace, faisant allusion à la circoncision, les qualifie
d'écourtés [i). Juvénal prétend qu'ils ne faisaient aucune
différence entre la chair humaine et la chair de porc (2).
Martial, qui ne recule pas devant les crudités réalistes, fait
allusion à l'haleine fétide des juifs qui célébraient le
sabbat (3).
On sait que pendant longtemps les chrétiens furent
confondus avec les juifs. Suétone lui-même, dans un pas-
sage célèbre, dit encore, en parlant de l'empereur Claude (4),
ludaeos, impulsore C/iresto assidue tumultuanles, Roma
€xpulit.
De même que les juifs, les chrétiens étaient, de la part
de l'aristocratie romaine, l'objet d'une haine implacable.
Eux aussi passaient pour avoir le monde romain en
horreur.
On les détestait en outre à cause de leurs crimes ima-
ginaires (5). Pline le Jeune, dans sa correspondance avec
Trajan, parle des flagitia considérés comme inséparables
de la qualité de chrétien (6). La nature de ces crimes nous
est révélée par la suite de la lettre de Pline. Ils affirmaient,
écrit-il à l'empereur, qu'ils avaient l'habitude de se lever
certains jours avant l'aurore et de chanter en commun un
(1) Horace, Sat., I, 9, 69 : vin tu curlis ludacis oppedere.
(2) JuvEN., Sat., XIV, 98.
(3) Mart., Épigr., IV, i, 7.
(i) SuET. Claud., i!5.
(5) Pe-'- flayitia invisos, dit Tacite, Annal., XIV, 44.
(6) Plin., Épist., X, 90 : flagilia cohaereniia nomini.
( 295 )
cantique en Thonnenr de Christ, considéré comme dieu, de
s'obliger en outre par serment, non pas à commettre. quel-
que crime, mais à s'abstenir du vol, du brigandage, de
l'adultère, à ne point trahir la parole donnée, à ne point
nier le dépôt qu'on leur avait confié : quibus peractis
morem sibi abscedendi fuisse, rursusque (conveniendi) ad
capiendum cibum^ promiscuum tamen et innoxium
Ces derniers mots rappellent l'odieuse imputation déjà
dirigée contre les juifs par A pion, qui leur reprochait de
s'emparer chaque année d'un Grec, de l'engraisser dans le
temple, de le mettre ensuite à mort, de déguster de ses
entrailles et de s'engager sous la foi du serment à nourrir
contre les Grecs une haine éternelle (i).
Tant est vieille (on sait qu'Apion était contemporain
de Tibère) l'accusation infâme dont les juifs sont encore
trop souvent les victimes aujourd'hui.
Ce qu'on reprochait encore aux juifs, c'était une licence
effrénée : proiectissima ad libidinem gens, dit Tacite (2).
Eh bien, ce sont précisément des crimes de même nature
qu'on imputait aux chrétiens et auxquels Pline fait allu-
sion dans sa lettre à Trajan.
Il y a trois choses, disait Athénagore, en 177 après
Jésus-Christ (3), qu'on nous impute : l'athéisme, des repas
comme ceux de Thyeste, des relations incestueuses comme
celles d'CEdipe.
(1) Joseph. Contra Apion., II, 7.
(2) Tac, Hist., V, 8. Il ajoute : alicnigcnarum concubitu abstinent,
inter se nihil illicitum.
(3) Supplie, pro Christ., 3 : xpta ÈTiitpiQfxt^ouaiv fjfjifv iyY.\Tj[>.a-za.,
3"" SÉHIE, TOME XXVI. 20
( 294 )
Apulée, en parlant d'une femme chrétienne, la dépeint
comme le réceptacle de tous les vices (1).
Aristide (2) dit, en parlant des chrétiens: « méprisables
eux-mêmes, ils méprisent les autres; ils se vantent d'une
vertu qu'ils ne pratiquent point; ils prêchent la conti-
nence, tout en se livrant à la volupté, etc. »
Fronton, qui était à coup sûr un personnage impor-
tant, considère comme entièrement fondés les bruits rela-
tifs aux horribles festins et aux relations incestueuses
qu'on reprochait aux chrétiens (3). D'ailleurs, des aveux
relatifs à ces crimes n'avaient-ils pas été recueillis de la
bouche d'esclaves, de femmes, d'enfants mis à la tor-
ture (4)?
Mais ces imputations, si graves qu'elles fussent, et quoi-
qu'elles prissent leur source dans la haine qu'on nourris-
sait contre les chrétiens, ne concernaient, en définitive,
que des crimes prévus par les lois ordinaires. On ne sau-
rait y voir une atteinte à la liberté de conscience. De
même, si les chrétiens ont été poursuivis à l'instigation
de Néron, après l'incendie de Rome, ce n'est pas, — telle
est du moins ma manière de voir, — en leur qualité de
(1) Apcl., Met., IX, 14 ; Nec enim vel unum vitium nequissiniae
illi ferainae deeratj sed omnia prorsus ut in quaradam coenosani
lalrinam in eius animam flagitia confluxcrant: saeva, scaeva, virosa,
cbriosa, pervicax, pertinax, in rapinis turpibus avara, in sumptibiis
foedis profusa, inimica fidei, hostis pudicitiae.
(2) Or. 46 ripo.; flXccxoiva, édition Dindorf, II, p. 394.
(3) Apud MiNuc. Fel., 9, 5; 9, 6.
(4) EusÈB., Hist. ceci., V, i, 14; Justin., ApoL, 2, 12.
( 295 )
chrétiens, mais comme incendiaires qu'ils onl été recher-
chés cl condamnés (1).
(i) Tac, /inn., XV, 44. Ergo abolendo rumori, Nero subdidil
reos et quacsitissimis poetiis affecit quos, per flagitia invisos, vulgus
Chrislianos appcllabat... Igitur primum correpti qui falebantur,
deinde indicio eorum multitudo ingens liaud pcrinde in crimine
incendii quam odio humani generis convicti sunt, (Coniimcli suîit M.
est une leçon vicieuse que MM. Cuq, 31éla?tges de l'École française de
Rome, i 88b-8t), et Ramsay, L c, p. 255, note, ont eu tort de défendre.
11 n'y a pas lieu non plus d'écrire avec M. Boissier : Coniuncti repefti
sunt.)
Plus loin, après avoir parlé des supplices affreux infligés aux
chrétiens par ordre de Néron, il ajoute : Unde quanquam adversus
sontes et novissima exenipla meritos, miseralio oriebatur, taiiquam
non utilitate publica, sed in saeviliam unius absumerentur.
On a beaucoup discuté sur le sens de ce passage. Schiller, dans son
ouvrage sur Néron et dans sa dissertation intitulée : « Ein Problem
der Tacituserklàrung » (Commentationes philologue in honorem
Th. Mommseni. Berlin, 1877, pp. 42-47), s'est efforcé de prouver
que les mots igilur primutn correpti sunt qui fatebatitur impliquent
qu'un certain nombre de chrétiens se sont avoués coupables d'avoir
incendié Rome ; et cette opinion est partagée par Arnold (Die
Neronische Christcnverfolgung).
La question a été traitée en dernier lieu par M. Ramsay, professeur
à l'Université d'Aberdeen, dans son grand ouvrage intitulé : The
Church of the Roman empire before, A. D. 70. Londres, 1893,
pp. 226-251.
Quant à moi, après avoir soigneusement examiné le texte de Tacite
et pesé les arguments produits de part et d'autre, je suis arrivé à la
conclusion que les mots qui falebantur veulent dire : qui avouaient
qu'ils étaient chrétiens.
Mais cette conclusion n'implique nullement que, sous Néron, les
chrétiens aient été poursuivis comme tels. Voici, en effet, comment,
selon toute apparence, les choses se seront passées. A tort ou à raison
( 296 )
Mais, peu à peu, les accusations relatives aux crimes
(Tacite n'ose pas se prononcer à ce sujet), l'opinion publique attri-
buait à Néron Tincendie de Rome. Le gouvernement fit son possible
pour étouffer ce bruit. La reconstruction de Rome fut conduite avec
une célérité extrême; d'abondants secours furent distribués aux
malheureux que l'incendie avait ruinés; des cérémonies religieuses
de tout genre furent organisées pour apaiser la colère des dieux, car
c'était apparemment à celte colère qu'était dû l'incendie de la capi-
tale. Rien n'y fit : l'opinion publique continuait à accuser Néron
(sed non ope hiimana., dit Tacite, 7ioti largitionibus principis aut deum
placamentis decedebat infamia quin iussum incendium Cî'ederetur) .
C'est alors que Néron et ses conseillers conçurent l'abominable projet
de faire peser sur les chrétiens le crime qu'on reprochait à l'empe-
reur. La machination était habilement ourdie. Elle nous fait songer
involontairement à la fable des Animaux malades de la peste.
C'étaient probablement ces afl'reux chrétiens, généralement détestés
à cause des crimes odieux qu'on leur imputait (per flagitia invisos),
c'étaient eux, pour lesquels le monde romain tout entier était un
sujet d'abomination, qui avaient, à la suite d'une vaste conspiration,
incendié la ville de Rome, en y mettant le feu en plusieurs endroits
à la fois.
On n'avait certainement pas perdu à Rome le souvenir de Calilina
et de ses complices, qui avaient, vers la fin de la république, conçu
le même projet et l'auraient probablement mis à exécution sans
l'énergique intervention de Cicéron.
Pourquoi les chrétiens n'en auraient-ils pas agi de même, car eux
aussi étaient des malfaiteurs comme les partisans de Catilina?
Lorsque, quelques années plus tard, en 67 après Jésus-Christ, un
immense incendie éclata à Antioche, ce furent les juifs, généralement
détestés en Syrie, qui devaient en être la cause (Joseph. BcU. lud.,
VII, 3, 2-4). Et de nos jours, si quelque machine infernale était
découverte à Paris ou à Saint-Pétersbourg, les soupçons ne se por-
teraient-ils pas tout d'abord sur les anarchistes ou les nihilistes?
Le gouvernement de Néron fit donc répandre le bruit que les
( m )
clandestins flonl les chiéliens, disail-on, se rendaient coii-
coiipables qu'on recherchait vainement depuis si longtemps étaient
très probablement les chrétiens. En conséquence, on commença à
instruire contre eux. On jeta d'abord en prison (correpti^ dit Tacite;
(TuvTQOpot'aÔT), dit Clem. Rom, ad Corinth.^ I, 6) ceux qui avouaient
publiquement leurs croyances; ensuite, par d'habiles interrogations
et à l'aide de la torture [indicio eorum), on apprit à connaître
l'existence à Rome de beaucoup d'autres chrétiens [mullitudo ingens,
dit Tacite; ttoXù tïXtjÔoî èxXexxôJv, dit Clem. Rom, /. c). Ceux-ci à
leur tour furent jetés en prison. On n'eut pas de peine à établir leur
prétendue culpabilité. En effet, n'a-t-on pas obtenu de même, à l'aide
de la torture appliquée à des esclaves, à des femmes et à des enfants,
l'aveu que les chrétiens se rendaient coupables d'inceste et d'infan-
ticide (voir plus haut, p. 294j?
Tacite, tout en appelant le christianisme une exitiabilis superstitio,
avoue que, pour la plupart des victimes de Néron, la preuve qu'ils
étaient incendiaires ne put guère Hre fournie. C'est plutôt, dit- il,
comme ennemis du genre humain que comme incendiaires qu'ils ont
été condamnés. Celte dernière réflexion appartient évidemment en
propre à l'historien, car, au point de vue légal, c'est bien et dûment
pour avoir incendié Rome qu'ils ont été condamnés et mis à mort.
M. Ramsay, /. c, p. 236, d'accord avec M. Arnold, l. c , p. 23, n» i,
pense que c'est aussi comme magiciens que les chrétiens ont été
condamnés à cette époque, et que c'est à cela que Tacite fait allusion
en disant que les chrétiens furent convaincus de haïr le genre
humain [odium huniani generis). Si Tacite avait voulu dire cela, il se
serait exprimé autrement. Sans doute son style est concis, mais il n'a
pas l'habitude de parler en énigmes.
En résumé, comme le dit excellemment Neumann [Der Rômische
Sfaat und die allgemeine Kirche bis auf Diocletian, premier volume,
1890, p. 4), les chrétiens n'auraient pas été poursuivis comme
incendiaires s'ils n'avaient pas été considérés comme des ennemis
mortels à la fois par la population romaine et par les juifs établis à
Rome; néanmoins ce n'est pas comme chrétiens, c'est comme incen-
diaires qu'ils ont été poursuivis et exécutés.
( 298 )
pahles à la suile de leurs agapes, ne trouvèrent plus guère
de croyance. Origène (1) affirme que, de son temps, ces
imputations, quoique toujours encore reproduites par
quelques-uns, étaient considérées généralement comme
calomnieuses, ei si Minucius Félix en fait encore mention,
c'est en s'appuyanl sur le témoignage de Fronton.
Par conséquent, si l'on voulait désormais sévir contre
les chrétiens, c'est à d'autres armes qu'il fallait recourir.
Ces armes, on les trouva dans le crimen maiestaih.
D'après Ulpien (2), maiestads crimen illud est qnod
adversus populnm romanum vel adversus securifatem eius
commit titiir. Mais l'empereur étant le représentant par
excellence du peuple romain, le crimen maieslnlis fut
étendu aux ofl'enses, même verbales, faites à l'empe-
reur (5) : Lege Iulia maiestatis tenetur is cuiiis ope, con-
silio adversus imperatorem vel rem publicam. arma mota
sunt, etc. — Quod crimen non solum facto sed et verbis
impiis ac maledictis maxime exacerbattir.
Il était notamment défendu de montrer du mépris à
l'égard des statues et des images de l'empereur : Qui
statuas aut imagines imperatoris iam consecrafas confia-
verint aliudve quid simile admiserint, lege Iulia maies-
tatis tenentur (4). — Crimen maiestatis facto veluti vio-
latis statuis vel imaginibus maxime exacerbatur in
milites (5).
(1) Contra Cels., VI, 27, ^0.
(2) Dig., XLVm, 4, i.
(5) Pkvh, Sent., V, 29, i.
(i) Dig., XLVm, i, ti.
(5) Ibid., fr. 7.
( 299 )
Une fois qu'on était entré dans celle voie, ii fut aisé <le
s'y avancer. A partir d'Auguste, ii y eut une tendance de
plus en plus marquée à assimiler l'empereur à une divinité.
Il est vrai qu'Auguste ne consentit pas à se faire adorer
comme dieu en Italie, mais dans le reste de l'empire son
culte fut associé à celui de la déesse Roma ; d'ailleurs, même
en Italie, le culte du génie de l'empereur fut combiné avec
celui des dieux Lares, non seulement dans chacun des vici
réorganisés par Auguste, mais même dans chaque maison
particulière (1), et depuis ce moment, c'est en invoquant
le génie de l'empereur qu'on prêtait serment (2). Eh bien,
le refus soit de prêter serment dans la forme prescrite,
soit de participer, lorsque les circonstances l'exigeaient,
au culte de l'empereur-dieu, fut considéré désormais
comme un crime de lèse-majesté.
Certes, comme M.Mommsen le fait observer avec raison,
ceci n'esi pas encore, à proprement parler, une poursuite
dirigée contre le christianisme comme tel, de même que
dans un pays catholique, lorsqu'un soldat protestant, qui
refuse de s'agenouiller devant le Saint-Sacrement est puni
du chef de désobéissance, la peine qu'il encourt à raison
de ce fait constitue assurément, à l'égard du protestant, un
acte d'oppression violente, mais n'implique nullement la
défense de pratiquer le protestantisme.
Cependant de bonne heure, ajoute M. Mommsen, le gou-
vernement de Rome poursuivit les chrétiens comme tels.
(1) Dion Cassius, 5i, 19.
(2) Lex Salpens, XXVI ap. Bruns, Fontes iuris romani anliqui,
5"" édit., p. 139 : lurato pro contione per lovem et divom AugusJum
et divom Claudium et divom Vespasianum Augustum et divom Tilum
Augustum et gcnium Domitiaiii Aiigusii deosquc pénates.
( 500 )
Le fait seul de s'appeler chrétien constitua dès lors un
crime capital. Les témoignages rassemblés par M. Mommsen
à l'appui de celte affirmation sont irrécusables. Bornons-
nous à en citer quelques-uns.
Le pasteur d'Hermas, dont l'époque paraît remonter à
Hadrien et à Antonin le Pieux (vers le milieu du 11' siècle
après Jésus-Christ), dit clairement (1) : « Ceux qui ont
souffert à cause de leur nom sont glorieux devant Dieu. »
Justin (vers 160 après Jésus-Christ) dit de son côté : « Vous
cherchez à obtenir de nous l'aveu que nous sommes chré-
tiens, alors que nous savons que cet aveu entraîne la peine de
mort (2).» M. Mommsen aurait pu citer encore à l'appui de
sa thèse le passage suivant de Tertullien, qui est vraiment
caractéristique (3) ; lorquemur confitentes, et urimur
persévérantes et absolvimur neganles, quia nominis proe-
LiUM EST, Denique de tabelta recitatis (4) illum Christia-
num. Ciir non et homicidam, si homicida Christianus?
cur non et incestum, vel quodcumque aliud nos esse
creditis? In nobis solis pudet aut piget ipsis nomini-
(1) Hermas, Semel. 9, 28 : oaoi Tioxà £7:a6ov oià xô ovofia,
evSo^ot tl<7i Tiapà xG» ôetji .... ô'ti eicaOov 8ià xô ovofia xo5 ûioû
TOÛ ÔEOU.
cl) JusT., /4pol., I, il : w<; xal Ix xou àv£xaÇo[X£vouc ûtp' ufAtSv 6-
{jloXoyeIv etvai ^piaxtavoùç, yivwjxovxa; xtjj ojjioXoyoûvxt ôàvaxov
XTjv ^T)[Atav xelaôat.
(3) Tertull., ApoL, 2. Cf. Ibid., H : Nemo illic (in metallis)
Christianus, nisi plane tantum Christianus; aut si et aliud, iam non
Christianus. Ibid. Cum Chrisliani suo tilulo offeruntur !
(4) Voir, au sujet de cette recitatio e<c tabclla, les intéressants
détails donnes par M. Leblant dans son récent ouvrage intitulé : Les
persécuteurs et les martyrs aux premiers siècles de notre ère. Paris,
1S93, pp. 220 et suivantes.
(301 )
bus sceletuni pronuntiare. Christianus si nullius criminis
nomen est, valde iucestum, si solius nominis crimen est,
valde infestum.
Et ce qu'affirment les auteurs chrétiens s'accorde avec
le témoignage des païens.
Pline demande à Trajan si le nom seul de Chrétien doit
entraîner la punition. Voici, au surplus, comment, d'après
son propre aveu, il procédait : Interrogavi ipsos an essent
Christiani. Confitentes iteriim ac terlium interrogavi,
supplicium minatus : persévérantes ditci iussi. Neque
enim dubitabam quatecumque esset quod faterentur,
pertinaciam certe et inflexibilem obstinationem dehere
puniri (1).
Et que répond Trajan (2)? Après avoir approuvé la
conduite de Pline, il ajoute : si deferantur et arguantur
puniendi sunt, ita tamen ut qui negaverit se Christianum
esse, idque re ipsa manifestum fecerit, id est supplicando
dits nostris, quamvis suspectus in praeteritum, veniam ex
poenitentia impetret.
Ces textes importants méritent assurément qu'on les
examine de près (5). Nous ne nous attarderons pas à
réfuter l'opinion de ceux qui, comme Havet, prétendent
qu'ils sont apocryphes, attendu qu'ils ne peuvent invoquer
à l'appui de leurs audacieuses hypothèses que des impres-
sions personnelles. Pour nous, ainsi que pour l'immense
majorité de ceux qui s'occupent sérieusement de l'étude
des origines du christianisme, ces textes sont parfaite-
(1) Pline et Traun, Epist., 96.
(2) Id., /6»d.,97.
(5) M. Ramsay les a étudiés de la façon la plus détaillée au cha-
pitre X (pp. i96-22S> de son ouvrage précité.
( 302 )
menl aulhenliqties (i). Qu'en résulte-t-il? C'est que le fait
seul d'être chrétien consliluail un crime capital. Pline
ne pose aux prévenus qu'une seule question : Étes-vous
chrétiens? S'ils sont en* aven, il leur pose une deuxième
et une troisième fois la même question, en leur faisant
comprendre que s'ils persistent dans leur aveu, ils seront
conduits au supplice [supplicium minatus). Il ne s'agit
donc pas de savoir s'ils se sont rendus coupables de crimes
que d'ordinaire on reprochait aux chrétiens {flagitia
nomini cohaerentia). Ils n'ont pas non plus élé punis pour
avoir formé des associations illicites (2). Non, le fait seul
de s'appeler chrétiens entraîna, pour ceux qui en firent
l'aveu, la peine capitale (5).
Et Trajan dit de son côté: «S'ils sont déférés à la justice
et convaincus d'être chrétiens [si deferantur et argiiantur),
il faut les punir.» Or, lorsqu'ils avouaient eux-mêmes qu'ils
étaient chrétiens, lorsque, en d'autres termes, ils étaient
(1) Ramsay, l. c, p. 197. The spirit of thèse documents, so diffé-
rent from thaï of any later âge, is alone a sufficient defence. A forger
is confined within the spirit of his time; but thèse documents become
more prcgnant whit meaning the longer they are studiedjand thc
difMcnlties which they undoubtely présent are caused partly by the
imperfection of our own knowledge, and partly by determined pre-
possession in favour of some imperfect historical view.
(2) Plin., L c, ep. 96. Après avoir dit que, d'après la déclaration
des chrétiens, ils se réunissaient le soir pour prendre un repas com-
mun, parfaitement innocent, il ajoute : quod ipsum facere desissc
postedictum meum, quo secundum mandata tuo hetaerias essevetue-
ram. Voir Ramsay, L c, p. 215.
(3) Neumann, /. c, p. 22, note : dass ihm (dem Plinius) das Chris-
tenthum ohne weiteres verbolen galt, ergiebt sich ohne Widerrede
aus seinem Trleil iibcr die erste Reihe der Angekiagten.
( 303 )
eux-mêmes les témoins ({xâpTupeç, de là leur nom de
martyrs) qui déposaient contre eux, aucune autre preuve
n'était requise pour établir leur culpabilité : c'est pure-
ment et simplement en leur (luaiité de chrétiens qu'on les
condamnait. Je crois donc que notre savant confrère est
complètement dans Terreur lorsqu'il dit en parlant des
chrétiens (1) : « Leurs opinions religieuses n'étaient
réprimées par aucune loi pénale et semblaient plutôt ridi-
cules que criminelles. Mais ils refusaient de rendre hom-
mage à la divinité impériale, symbole et incarnation de la
grandeur romaine. Ils étaient les adversaires du régime
politique qui avait pour base la religion augustale. On les
accusait, non pas de lèse-majesté divine, car les Romains
n'avaient pas de dogmes, mais de lèse-majesté humaine. »
Quoi qu'en dise notre honorable confrère, les opinions
religieuses des chrétiens étaient, à l'époque impériale,
incontestablement réprimées comme telles par une loi
pénale. Quelle était cette loi? Nous n'hésitons pas à
répondre avec M. Mommsen : la loi de lèse-majesté divine.
Tertullien, qui était un excellent jurisconsulte (2), ne
peut nous laisser à cet égard aucun doute.
(1) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 65* année, 1893, 3* sér.,
t. XXV, p. 121.
(2) Leblant, l. c, p. 52 : A chaque page de ses écrits, le juris-
consulte se montre; des formules de sentences, des allusions à la
coutume d'écrire les jugements avant de les prononcer, la mention du
serment corroborant les obligations des lois citées à tout instant, et
dans ses livres apologétiques, qui sont des plaidoyers véritables, une
discussion savamment conduite pour montrer l'illégalité des tortures
infligées aux fidèles; en voilà certes plus qu'il n'en faut pour nous
donner confiance en son savoir. Eusèbe lui rend en cela toute justice,
H. Eccl. If, 2 : TcpTuXXiavô; -coùç Ptouattov vo'fjiouç -^xpiptoxa);.
( 304 )
On accusait, dit-il {\), les ciirétiens du crime de lèse-
religion romaine {crimen laesae Romanae religionis). Mais
c'est vous, poursuit-il (2), en s'adressant aux païens qui,
commettez le crime d'irréligiosilé [crimen verae irreli-
giositatis), en méconnaissant et en combattant la religion
du vrai dieu.
Plus loin (5), Terlullien dit encore : satis haec adtersus
intentalionem laesae divinitalis. Puis il ajoute {A) : Ventum
est ad SEGUNDUM TiTULUM laesae augustioris maiestatis,
siquidem maiore formidine et callidiore timiditale Caesa-
rem observatis quam ipsum de Olympo lovem.
Il existait donc, à n'en pas douter, une interprétation
de la loi de lèse-majesté d'après laquelle celle-ci comprenait
aussi bien [primus titulus) les offenses envers les dieux
nationaux de Rome que celles {secundus titulus) qui
étaient dirigées contre l'empereur.
D'ailleurs notre confrère n'est-il pas, ou du moins n'a-
t-il pas l'air d'être en contradiction avec lui-même,
lorsque, après avoir dit qu'on n'accusait pas les chrétiens
du crime de lèse-majesté divine, il affirme à la page
suivante qu'on les poursuivait comme coupables de sacri-
lège? Cette contradiction semble d'autant plus choquante
que, d'après M. Giron, « les deux accusations de sacrilège
et de lèse-majesté se touchaient de près et se confon-
daient. » A l'appui de cette asserlion, il cite le texte
suivant du Digeste (5) : Proximum sacrilegio crimen
(1) Apol.,c. 24.
(-2) tbid.
(5) Ibid., c. 27.
(4) Ibid., c. 28.
(5) Dig., XLVni, 4, fr.
( 305 )
quod maiestatis dicitur. Or, dans l'opinion de M, Giron,
le mol sacrilegium n'esl guère autre chose que le crime
de lèse-majesté divine, parce qu'il consiste, d'après lui,
à ne pas « prendre part aux sacrifices que l'on offrait aux
dieux nationaux de Rome. »
Mais cette interprétation du mot sacrilegium est-elle
légitime?
J'ai déjà dit plus haut, d'après M. Moramsen, que
jusque vers la fin du IV* siècle après Jésus-Christ, le
mot sacrilegium, pris dans son sens légal, ne s'appliquait
qu'aux vols d'objets appartenant aux temples. Il importe de
revenir avec quelque détail sur cette question, assurément
importante.
Il est certain que dans les codes de Théodose et de
Justinien le mot sacrilegium s'applique à tous les actes
contraires à la religion établie. Je me bornerai pour le
prouver à une seule citation {{) : Et non modo notabilis
verum etiam sacrilegus iudicetur qui a sanctae religionis
institulo rituve deflexerit (586 après Jésus-Christ).
Mais on ne trouve des preuves incontestables de l'emploi
légal du mot sacrilegium dans ce sens spécial qu'à partir
de 580 après Jésus-Christ (2).
(1) Cod. Theod., Vlll, 8, 5. Cod. Just., IX, 29 : de crimine
sacrilegii.
(2) Dans la version grecque des Actes de Sainte Thècle, dont l'ori-
ginal paraît remonter au !!«, voire même au 1" siècle de l'ère chré-
tienne, il est dit que la Sainte était accusée officiellement d'UpoduXia.
Or, la traduction latine porte les mots suivants : Erat autem eulo-
giura eius scriptura : SACRILEGIVM.
Il est prouvé que le texte actuel des Actes de Sainte Thècle
présente de nombreuses altérations et interpolations. Mais il n'en est
( 306 )
Ainsi que M. Mommsen l'a fait remarquer, les juris-
consulles de l'époque classique ne l'emploient jamais que
dans le sens de vol d'objets sacrés. La seule exception qui
existe à cette règle semble être le texte d'Ulpien cité plus
haut : Proximum sacrilegio crimen quod maieslath
dicitur. Mais, dit M. Mommsen, le texte en question
n'émane très certainement pas d'Ulpien (1).
Il ne m'appartient pas de discuter celte opinion, que
certes M. Mommsen n'a pas énoncée sans être en mesure
de l'appuyer de raisons plausibles, bien qu'il n'ait pas jugé
opportun de produire ces raisons (2). Je me bornerai donc
à dire que le seul argument qu'on pourrait invoquer en
faveur de l'opinion qu'à l'époque des jurisconsultes clas-
siques, le mol sacrilegium aurait été employé dans le sens
qu'on y a attribué plus tard, que cet argument est en tout
cas d'une valeur douteuse.
Il est certain que, dans la vie ordinaire, le mot sacrile-
gium a eu de bonne heure une signification assez étendue
et s'appliquait d'une laçon générale à toute espèce de
méfait ayant un caractère spécial de gravité. M. Mommsen
pas moins curieux de constater qu'au terme latin sacnïep'mm, pris dans
le sens de sacrilège, correspondait le mot grec kpojuXta, remplacé
quelquefois par àÔEOTT)?.
Dans les Actes des Apôtres (XIX. 37), la signification du mot
lepoaûXoui; est douteuse. Je suis cependant disposé à le considérer
comme l'équivalent de voleurs d'objets sacrés. Voir Ramsay, l. c,
p. 401 et Leblant, /. c, p. 15.
(1) Mommsen, l. c, p. 4H : ebenso in der sicher nicht von Ulpian
herrûhrenden Pandektenstelle, 48, 4. 1 pr.
(2) M. Mommsen a prouvé jusqu'à l'évidence, dans sa grande édi-
tion du Digeste, qu'en plusieurs endroits le texte de ce vaste recueil
a été interpolé.
( 307 )
cite, à l'appui de ce fait, îles passages de Térence(l) el de
Tite-Live (2). Voici celui de Thistoiien lalin. Après avoir
raconté la victoire remportée par le tribun militaire
A. Cossus sur Tolumnius, roi des Véiens, il ajoute que,
d'après le témoignage d'Auguste César, Cossus, qui avait
déposé des dépouilles opimes dans le temple de Jupiter
Férétrien, était non pas tribun militaire, mais consul.
Puis il poursuit en ces termes : prope sacrilegium valus
siim [co7isuli] Cosso spoliorum suorum Caesarem^ ipsius
fempli auclorem, sublrahere testent.
On le voit, sacrilegium est ici l'équivalent de mauvaise
action.
Tertullien emploie ce mot tantôt dans le sens de voleur
d'objets sacrés (3), tantôt dans celui, plus général, de
criminel (4), tantôt enfin dans celui de coupable de lèse-
majesté divine (5). Minucius Félix emploie le mot sacri-
[{) Eun., 5, 3, 2; Adelpti., 3, 2, 6.
(2) L. IV, 20, 5.
(3) Tertul., ad Scapul., 2 : Nos quos sacrilegos existimatis, nec
in furto unquam deprehendistis, nedum in sacrilegio. Id. Apol. 15 :
Certe sacrilegi de vestris semper apprehcnduntur; Christiani cnira
templa nec interdiu norunt. Spoliarent forsitan ea et ipsi, si et ipsi ea
adorarent.
(4) Apol., c. Ai : Tôt a vobis nocentes variis criminum elogiis
recensentur : quis illic sicarius, quis manticularius (coupeur de
bourses), quis sacrilegus, aut corruplor, aut lavantium praedo (voleur
de vêtements de bains), quis ex illis eliam Christianus adscribitur?
Il est vrai que dans ce passage sacrilegus pourrait aussi signifier
voleur d'objets sacres.
(5) Apol., dO : Deos inquilis non colitis et pro imperatoribus sacri-
ficia non penditis. Itaque sacrilegii et majestatis rei convenimur.
Siimnia haec causa, iramo tota est. Ibid., 13 : vos e contrario sacri-
legi et irreligiosi erga deos vestros deprehendimini.
( 308 )
legium tantôt dans un sens général (1), tantôt dans le
sens d'irréligion (2).
Plus tard encore, comme M. Mommsen l'a fort bien établi,
le mol sacrilegium fut appliqué à l'adultère (3), au faux
monnayage (4), aux fraudes commises en matière d'im-
pôts (5).
On voit dès lors combien, lorsqu'il s'agit d'interpréter
les textes relatifs au sacrilegium, il convient de se tenir
sur ses gardes pour ne pas aboutir à des conclusions
erronées.
C'est en ne tenant pas compte des différentes significa-
tions de ce mot qne notre honorable confrère a attribué à
un texte important d'UIpien une portée que positivement
il n'a pas.
« Les magistrats, ainsi s'exprime M. Giron (6), avaient,
en ce qui concernait la punition des sacrilèges, un pou-
voir discrétionnaire, et statuaient suivant la qualité des
(1) Octav., c. 9. Il y est question du reproche adressé aux chré-
tiens de boire du sang d'un enfant : Haec sacra sacrilegiis omnibus
taetriora. Ibid., c. 17. Sacrilegii enim vel maximi instar est, humi
quaerere quod in sublimi debeas invenire.
(2) Octav., 25. Hoc insultare et illudere est, victis religionibus
servire, captivas eas post victorias adorare. Nam adorare quae manu
ceperis, sacrilegium est consecrare, non numina. Totiens ergo
Romanis impiatum est quotiens triumphatum ; lot de diis spolia,
quot de gentibus sunt tropaea. Igitur Romani non ideo tanti quod
religiosi, sed quod impune sacrilegi. Neque enim potuerunt in ipsis
bellis deos adiutorcs habere adversus quos arma rapuerunt.
(3) Cod. Theod., XI, 36, A; A. 339.
(A) Ibid.,IX38,6; A.381.
(5) Ibid.,XIlI, H, 1; A.38I.
(6) L. c, p. 123.
( 309 )
coupables, leur âge, leur sexe, et suivant les circonstances
spéciales de chaque cas. Beaucoup de sacrilèges, dit
Ulpien, ont été, à ma connaissance, livrés aux bêtes,
quelques-uns brûlés vifs, d'autres ont été pendus. »
Notre honorable confrère doit avoir lu avec distraction
le texte d'Ulpien qu'il cite. Celui-ci se trouve, non pas,
comme il le dit, au livre XHJ, litre 6, des Digestes, mais
au livre XLVIII, titre 13, fr. 6 (7). Or, ce titre porte en
tête les mots suivants : Ad legem Iuliam peculalus et de
sacrilegis et residuis. Ces mots seuls auraient dû faire
comprendre à noire savant confrère que, dans ce litre, le
mot sacrilegiis doit êlre pris exclusivement dans le sens
de voleur d'objets sacrés.
Voici, au surplus, le texte en question, qui est extrait
du livre VII d'Ulpien, De officio proconsulis : Sacrilegii
poenam dedebit proconsul pro qualitate personae proque
rei conditione et temporis et aetalis et sexus vel severius
vel clemenlius slatuere^ et scio multos [et] ad bestias dam-
nasse sacrilegos, nonnullos eliam vivos exussisse, alios
vero in furca suspendisse (I). Sed moderanda poena est
usque ad bestiarum damnationem eorum qui manu facta
templum effregerunt et dona dei inde noctu tulerunt. Cele-
rum si qui inlerdiu modicum aliquid de templo tuUt,
poena metalli coercendus est^ aut si honestiore loco natus
sit, deporlandus in insulam est.
(1) M, Giron ne me semble pas avoir bien traduit cette partie du
texte. Ulpien dit qu'il est à sa connaissance que beaucoup [de gou-
verneurs de province] ont condamné les sacrilèges aux bêtes, que
plusieurs les ont brûles vifs, que d'autres enfin les ont fait pendre.
5"°* série, tome xxvi. 21
( 3i0 )
On le voit, dans ce texte il est exclusivement question de
vol d'objets sacrés. Ceux qui en auront enlevé d'un temple
nuitamment, avec effraction, pourront être livrés aux
bêtes, tandis que celui qui, pendant le jour, aura enlevé
d'un temple un objet de peu d'importance, devra être con-
damné aux carrières, ou, s'il est d'une origine honorable,
déporté dans une île.
Dans les trois autres fragments de ce titre où il est
question de sacrilège (1), ce mot ne se rapporte également
qu'au vol d'objets sacrés : il ne peut y avoir aucun doute à
ce sujet. M. Giron est donc positivement dans l'erreur
lorsqu'il applique le texte d'Ulpien au sacrilège dans le
sens d'offense envers la divinité (2).
D'ailleurs, lorsqu'on restreint le sacrilegium au vol
d'objets sacrés, il n'est pas exact de dire que les magistrats
aient eu à cet égard un pouvoir discrétionnaire. La loi
Iulia peculatus, qui s'appliquait, entre autres choses, au
vol d'objets sacrés {pecunia sacra, religiosa, donalum dei
rmwîor/o/i), entraînait Vaquœ et ignis inlerdiclio,k laquelle,
dit Ulpien, a succédé aujourd'hui la déportation (/. c, fr. 3).
Mais, ajoute Marcien (/. c, fr. 4), en vertu de mandats im-
périaux cavetur de sacrilegiis, ut prœsides sncrilegos lalro-
nés plagiarios (les voleurs d'hommes) conquirant et ut prout
quisque deliquerit in eum animadvertant, et sic constitu-
tionibus cavetur ut sacrilegi extra ordinem digna pœna
puniantur.
H) Dig., XLVm, 13, fr.4, 5em.
(2) L'erreur de M. Giron est partagée par M. Leblant, l. c, p. 70,
qui cite également à tort, comme s'appliquant au sacrilège, un texte
de Paul {Sent., V, 29), relatif à la lex Iulia maicstatis.
( 3il )
Il fui donc fail ultérieurement une exception à la loi
Iulia peculalus, en ce sens que les voleurs d'objets sacrés,
au lieu d'être appelés devant la juridiction ordinaire,
étaient soumis à une juridiction exceptionnelle, dont les
règles ont été tracées par Ulpien dans son traité De o/jficio
proconsulis.
Je crois pouvoir conclure des considérations précé-
dentes que, contrairement à l'opinion émise par notre
honorable confrère, les croyances des chrétiens furent
pendant plusieurs siècles réprimées comme telles en vertu
de la loi, et que la loi qu'on invoquait contre elles n'était
autre que la loi Iulia maiestatis, interprétée tantôt dans un
sens plus étroit, c'est-à-dire comme ne s'appliquant qu'à
la majesté du peuple romain et à la majesté impériale,
tantôt dans un sens plus large, c'est-à-dire comme com-
prenant également les offenses envers le culte national [i],
avec lequel le christianisme paraissait incompatible.
C'est à celle dernière application de la loi que font allu-
sion Tertullien et d'autres écrivains chrétiens ou païens
lorsqu'ils disent que les chrétiens ont été poursuivis
comme sacrilèges, bien qu'au point de vue strictement
légal, celte expression soil, selon toute apparence,
inexacte.
F^'emploi abusif de ce mot, devenu de plus en plus géné-
(1 ) Voici ce que dit à ce sujet Pline, Epist, X, 96 : Qui negabaut
esse se Christianos aut fuisse, cum praeeunte me deos appeilarent et
imagini luae, quam propter hoc iusserain cum simulacris numinum
adferri, ture ac vino supplicarent, praeterea maie dicerent Christo,
quorum nihil possc coyi dicuniur qui su/it vere Chptstiani, dimitten-
dos esse pulavi.
(312 )
rai, aura finalement déterminé le législateur à le faire
entrer dans le langage juridique. Comme il a un rapport
manifeste avec le culte, on l'aura trouvé convenable pour
désigner, d'une manière concise, le crime de lèse-majesté
divine. Dès lors, c'est-à-dire à partir de l'an 380 après
Jésus-Christ, le sacrilegium forma dans le droit pénal
une catégorie distincte du crimen maiestatis (1), lequel ne
s'appliquait plus en général qu'aux offenses faites à la
majesté du peuple, et principalement à la majesté impé-
riale.
On trouve des traces de cette transition d'une significa-
tion à l'autre dans les Acta sincera de Ruinart. Diis nostris
sacrificare detrectans, est-il dit dans la sentence rendue
contre saint Symphorien, l'an 180 après Jésus-Christ,
maieslatis sacrilegium perpelravit. Voici, d'autre part,
ce qu'on lit dans le jugement qui, en 259 après Jésus-
Christ, frappa saint Cyprien : Diu sacrilega mente vixisti
et plurimos nefariœ tibi conspirationis homines aggre-
gasti et inimicum te diis romanis et sacris legibus consti-
tiiisli (2).
[i) Comme l'empereur, à partir de Domilien, fut, dès son vivant,
appelé souvent dominus et deus tioster, et que ce titre lui fut formel-
lement reconnu depuis Aurélien (vers 270 après Jésus-Christ), il
n'est pas étonnant que le sacrilegium ait été parfois, après 380,
confondu avec le crimen maiestatis. En effet, Toffense envers l'empe-
reur était en même temps un outrage fait à la divinité. C'est ce qui
explique le texte attribué à Ulpien par le Digeste et que M. Mommsen
considère comme une interpolation. Voir ci-dessus, p. 50(5.
(2) La première de ces citations est enpruntée à M. Leblant, l, c,
p. 57, la seconde à M. Giron, /. c, p. 123.
( 315 )
Les poursuiles dirigées contre le christianisme an nom
(le la loi ne constituent qu'un côté et, à certains égards,
le côté le moins important de la question. Car si, d'une
part, les chrétiens pouvaient être poursuivis en vertu de
la lex lulia majeslalis et soumis à la juridiction ordinaire,
nous les voyons, d'autre pari, fréquemment en conflit
avec ce que les Romains appelaient le droit de coerciiion
des magistrats, auquel correspond, quoiqu'avec une por-
tée infiniment plus restreinte, notre droit moderne de
police.
C'est M. Mommsen qui, le premier, a pleinement mis en
lumière toute l'étendue de ce droit, et depuis la publication
de son grand ouvrage sur le Droit public de Rome, tous
ceux qui ont étudié la même matière d'une façon quelque
peu détaillée consacrent au ius coercendi des magistrats
romains une rubrique spéciale.
Le magistral à imperium, qui était chargé de veiller
au bon ordre et à la sécurité de l'État, avait le droit
de publier des édits ou de donner des ordres obligatoires
pour les citoyens aussi bien que pour les étrangers, et
disposait, pour se faire obéir, de divers moyens, tels que
l'emprisonnement, l'amende et la saisie d'un gage. Il est
certain qu'en principe le magistrat à imperium avait même
le droit de vie et de mort; cependant peu à peu, en
vertu des lois sur la provocalio, ce droit lui fut enlevé par
rapport aux citoyens romains, tandis qu'il continua à lui
être maintenu à l'égard des étrangers. Mais cette situation
( 314 )
changea complètement à l'époque impériale. La peine de
mort qui, clans les derniers temps de la république, avait
été virtuellement abolie, fut remise en vigueur à partir
d'Auguste, et pouvait être prononcée, sans donner lieu à
h provocatio, soit par l'empereur, soit par le sénat présidé
par un consul.
Au commencement de l'Empire, les gouverneurs de
province ne pouvaient faire mettre à mort que des péré-
grins; quant aux citoyens romains, sauf les cas d'urgence,
ils devaient, s'ils croyaient qu'il y avait lieu de leur infliger
une peine capitale, les envoyer à Rome (1). Mais peu à peu
les gouverneurs de province obtinrent, eux aussi, le droit
de vie et de mort, même sur les citoyens romains. Ce droit,
restreint d'abord aux gouverneurs ayant sous leurs ordres
une armée, ne leur était octroyé qu'à l'égard de leurs
soldats. Plus tard, lorsqu'à partir de Caracalla le droit
de cité eut été étendu à la très grande majorité des
habitants de l'Empire, le droit d'infliger la peine capitale
aux citoyens aussi bien qu'aux pérégrins et aux esclaves,
fut attribué à tous les gouverneurs de province sans
exception (2).
A partir de la suppression des quœstiones perpetuœ (3),
qui sont peu à peu abolies sous l'Empire, on peut dire que
(I) Plin., Epist. ad Traj., 96, 4 : fuerunt alii (i. c. Christiani)
similis amentiae, quos, quia cives Romani erant, adi<.otavi in urbem
remittendos.
(-2) Ulpien, Dig. I, 18, fol. 6, 8 : Qui univorsas provincias regunt,
ius gladii habent et in metallum dandi potestas iis permissa est.
(5) Elles disparaissent complètement dans le courant du III^ siècle
après Jésus-Christ. Voir Mommsen, Rom. Slaatsr., III, p. 539.
( 315 )
dans toute l'étendue de Vimperium roinanum, la juridic-
tion criminelle et le droit de coercition se confondaient.
C'est à ce droit de coercition, de plus en plus élargi, que
se rattachent la plupart des mesures répressives dirigées
contre la religion.
Ainsi que M. Mommsen le fait observer avec raison,
on ne peut guère considérer comme des atteintes portées à
la liberté des cultes la suppression des crimes et délits de
(ouïe nature qui, sous prétexte de bacchanales, se com-
mettaient non seulement à Rome, mais aussi dans le reste
de l'Italie (1), ni l'interdiction faite successivement aux
(1) Ce qui prouve bien clairement que ce n'est pas à la religion
de Bacchus comme telle qu'on en voulait, c'est notamment la dispo-
sition suivante du SG. de Bacchanalibus :
« Sei ques esent, quel sibei dicerent necesus esse Bacanal habere,
eeis utei ad prfaitorem) urbanum Romam venirent deque eeis rébus
nbei eorum verba audita esent, utei senatus noster decerneret, dura
ne minus senatoribus G adesent, quom ea res cosoleretur », — ce que
Tite-Live(39, 18) traduit de la manière suivante: «Si quis taie sacrum
solemne et necessarium duceret nec sine religione et piaculo se id
omiltere posse, apud praetorem urbanum profiteretur, praetor sena-
tum consuleret; si ei permissum esset, cum in senatu centum non
minus essenl, ita id sacrum facerct ».
Plus loin le SG. dit encore : « Utei ea Bacanalia, sei qua sunt, extrad
quam sei quid ibei sacri est, ita utei suprad scriptum est, in diebus X
quibus vobeis tabelai datai erunt, faciatis utei dismota sient ».
Voici la paraphrase de ce texte donnée par Tite-Live (ibid.) ;
a Datum <!einde consulibus negotium est ut omnia Bacchanalia
Romae primum, deinde per totam Italiam diruerent, extra quam si
qua ibi velusta ara aut signum conservatum est ».
(516)
habitants de l'Italie (i), de la Gaule (2) et de l'Afrique (5),
de sacrifier des victimes humaines. Il semble même qu'on
ne puisse pas regarder comme dirigée contre la religion
juive la défense de pratiquer la circoncision. En effet, la
circoncision était assimilée à la castration. Or, la castra-
tion devenant sous l'Empire de plus en plus commune,
Domilien le premier s'y opposa par un édit (4), quoique
nous ne connaissions pas la peine comrainée contre ceux
qui s'en rendraient coupables. Plus lard, Hadrien déclara,
(i) Plin-, Nat. hist., XXX, 1, 12. — DCLVII demum anno urbis,
Cn. Cornelio Lentulo P. Licinio Crasso Coss., SC. factum est ne homo
immolarctur, palamque fit (fuit?) in tempus illud at (?) sacra prodi-
giosa ceiebralio.
(2) Plin., Nat. Iiist., ibid., M. — « Gallias utique possedil (se. illa
ceiebralio) et qnidcm ad nostram memoriam. NamqueTiberi Caesaris
principalus suslulit Druidas corum et liocgenus vatum inedicorumque
per senatus consultum... Née salis acstiniari polest quantum Romanis
debealur qui sustulere monstra in quibus hominem occidere religio-
sissimum erat. « Siieton., Cluud., 2b : « Druidarum rciigionem apud
Galles divae immanitalis, et tantum civibus sub Auguste interdictam,
penitus aboievit. Mais les sacrifices humains, abolis en Gaule, se
maintiennent encore pendant quelque temps dans Pile de Mona. Car
Tacite nous rapporte i/l?m., XIV, 50) qu'à l'époqne de Néron, les
druides excitèrent par de terribles imprécations les habitants de cette
île contre Tarmce romaine, commandée par Suetonius Paullinus. Les
insulaires furent taillés en pièces et, ajoute Tacite, praes/d/wm poslhac
impositum victis, excisiquc luci superslilionibus sacri : nam cruore
captiva adolere aras et hominum fibris consulere deos fas hahebant.
(3) Tërtull., ApoL, 9 : Infantes pênes Africam Saturno immoia-
bantur palam usque ad proconsuiatum Tiborii, qui eosdem sacerdotes
in eisdem arboribus templi sui obumbratricibus sceleruin, votivis
crucibus exposuit.
(4) ScET., Domit., VII.
( 517)
dans un de ses rescrils, que ceux qui pratiqueraient la
castration tomberaient sous l'application de la loi Corneiia
de sicariis et veneficis (1). Les peines inscrites dans celte
loi étaient la déportation et la confiscation de tous les
biens (2). Mais, ajoute Marcien (5), soient hodie capite
puniri, nisi honestiore loco pusili fueriiil ut pœnam legis
sustîneant ; huiniliores enim soient {vel in crucem tolli) (4)
vel bestiis snbici, alliores vero deporlanlur in insulam.
Eh bien, ces peines sévères, comminées contre la castra-
tion, furent également, selon toute apparence, rendues
applicables à la circoncision (5).
Ce qui prouve que cette mesure n'était point dirigée
contre les juifs comme tels, c'est qu'elle fut également
appliquée aux habitants de l'Arabie qui se faisaient circon-
cire (6). Mais les juifs y virent une atteinte à leur culte (7),
et la colère que leur inspira cette défense fut une des
causes principales de la guerre épouvantable qu'ils sus-
citèrent à Hadrien, guerre qui dura trois ans et qui, d'après
des auteurs dignes de foi, coûta la vie à plus d'un demi-
million d'hommes. C'est probablement pour calmer l'irrita
lion des juifs, provoquée par la constitution d'Hadrien,
que son successeur, Antonin le Pieux, apporta à celle
(1) Dig. XLVm, 8, fr. 4.
(2) Ibid., fr. 5, 5.
(5) Ibid.
(4) Conjecture de Schulting.
(5) Voir MoM.MSEN, I/isf, rom., V, p 549.
(6) Voir le diulogue syriaque sur la Fatalité, publié par Cureton,
Spic. Syr., 19, 6. Cette citation est empruntée à .Nôlpeke, Uebcr
MommseTis Darstelhmg dcr rôniischcn llerrscliaft uitd rômisclien Poli-
tik im Orient. Leipzig, iSHî), p. ir».
(7) Spart, f/udr., \A : Movorunt ea tempestale et ludaei bcllum
quod mutilare gonilalia vetabantur.
( 318 )
constitution un changement important. 11 permit aux
juifs de pratiquer la circoncision sur leurs propres
enfants, tout en comminant la peine de mort contre ceux
qui circonciraient une personne appartenant à une autre
religion (1).
Ainsi qu'on le voit, la défense de la circoncision n'était
nullement considérée par les Romains comme une mesure
dirigée contre la religion comme telle; c'était, dans
l'opinion de ceux qui la firent, une mesure de salut public,
quoique l'assimilation de la circoncision à la castration fût
évidemment l'effet d'un malentendu.
Dans la même catégorie de mesures de police, ayant
pour but la sécurité publique et ne pouvant point par con-
séquent être considérées comme des atteintes directes à la
liberté de conscience, il faut ranger, c'est encore
M. Mommsen qui en fait la remarque, la répression des
charlatans de toute espèce, astrologues, magiciens, diseurs
de bonne aventure, faux prophètes, etc., dont le monde
romain était encombré à l'époque impériale.
Ainsi que le dit avec raison notre honorable confrère,
les chrétiens étaient considérés comme des magiciens,
parce qu'ils exorcisaient les démoniaques. Les preuves de
la vérité de ce fait abondent. M. Leblant en a rassemblé
un nombre considérable dans son récent ouvrage,
pages 60-66, 73-88. Malheureusement, M. Giron n'invoque
à l'appui de son assertion qu'un seul texte, emprunté à
Suétone (Néron, 46). Or, ce texte ne contient nullement
{\ ) Dig. XLVIII, 8, fr. U : Circumcidere ludaeis filios siios lantum
rescriplo divi Pii permillitur : in non ciusdem religionis qui hoc
feccrit, casft-antis pocna irrogalur. Paull., Sent., V,22, i : fudaei si
alienae nationis comparalos serves circumcidorunt, aut deportanlur
aul capite puniuntur.
(319)
ce qu'on voudrait lui faire dire. Voici, en effet, ce qu'il
porte : Afflicti suppliciis Chris liani, genus homimim
superstitionis novœ et maleficœ; ce que notre honorable
collègue paraphrase de la manière suivante : « On les sup-
pliciait (les chrétiens) parce qu'ils se livraient à des
maléfices. » Sans doute le mot malefîcus signilie souvent
magicien, mais à coup sûr, j'ose m'en porter garant, il n'a
pas ce sens dans le passage allégué, quoique l'interpréta-
tion, à mou sens erronée, de M. Giron ait été également
adoptée par M. Leblant.
Il ne faut pas non plus considérer comme dirigées
contre la liberté de conscience les mesures de police prises
contre les associations illicites. En effet, ces mesures
s'appliquaient indistinctement à toutes les associations
interdites par la loi, par des sénatus-consultes et par des
constitutions impériales.
D'ailleurs, le droit de se réunir dans un but religieux,
quoique soumis à certaines règles générales, était légale-
ment consacré, du moins en faveur des petites gens, et l'on
sait que c'était généralement à cette catégorie de personnes
qu'appartenaient les premiers chrétiens : Religionis causa
coire non proliibentur, dit Marcicn dans le Digeste (1).
M. Giron connaît le texte de Marcien auquel ces mots
sont empruntés (2), mais il ne semble pas en avoir saisi
nettement la portée, sans quoi il n'eût pas pu dire a qu'il
n'était même pas permis de former des associations dans
un but religieux ».
(1) Dig. XLVll, 22, fr. 1.
(2) En effet, il le cite au sujet de la permission accordée aux gens
de basse extraction, de fonder des collèges funéraires et de se cotiser
pour s'assurer une sépulture décente.
( 320 )
Notre honorable collègue invoque, à l'appui de celle
opinion, un aulre passage du Digesle, tiré d'Ulpien (1).
Le voici textuellement : Sub praetextu religionis vel
sub specie solvendi voti, cœtus illicitos nec a veteranis
templari oportet. Ce texte, qui me semble parfaitement
clair, ne dit nullement qu'il lut défendu de former des
associations dans un but religieux; il se borne à déclarer
que les vétérans eux-mêmes ne pouvaient pas former des
associations illicites, sous prétexte de religion ou sous
l'apparence spécieuse de vœux à accomplir. D'ailleurs,
les mots nec a veteranis n'indiquent-ils pas nettement
qu'il s'agit ici de dispositions spéciales relatives aux
soldais?
Le droit d'association, au sujet duquel, à partir du li^ et
du III" siècle, on se montra assez large, était absolument
refusé aux soldats. Mandatis principalibus , dit Marcien
dans le Digeste, prœcipitur prœsidibus provinciarum ne
paliantur esse collegia sodalicia (qu'il ne faut pas con-
fondre avec les corporations d'ouvriers), neve milites col-
legia in cas tris liabeant (2).
Or, d'après le texte d'Ulpien, cette interdiction s'étendait
même aux vétérans (3). Il est dès lors évident que le texte
en question n'a aucun rapport avec les associations des
chrétiens.
En résumé, lorsqu'il s'agit d'étudier, an point de vue
(I) Dig. XLVII, 11. w.-i.
{'1) Dig. Xf.VII, 2:2, 1. Toutefois celle règle absolue ne resta en
vigueur que jusqu'à Seplimc-Sévère, qui autorisa des collèges de
sous-officicrs.
(5) Ils pouvaient faire partie de collèges funéraires, mais, quoique
jouissant de plusieurs privilèges, ils n'avaient pas le droit, sauf auto-
risation spéciale, de s'affilier à d'autres associations.
( 321 )
légal, la liberté de conscience à Rome, il faut, ce semble,
faire abstraction des ordonnances générales concernant la
sorcellerie, la divination et les associations secrètes, et ne
tenir compte que des dispositions rentrant directement
dans la sphère d'action de la police religieuse.
Pour bien comprendre celle-ci, il faut, ici encore,
distinguer entre les citoyens et les étrangers.
Ces derniers, je l'ai indiqué plus haut, pouvaient libre-
ment exercer leur culte sur le territoire romain, à condi-
tion que ce culte ne fût pas en opposition avec le bon
ordre ou la morale publique. Ainsi que je crois l'avoir
démontré (p. 315, note 1), le sénatus-consulte contre les
bacchanales ne constituait pas, à proprement parler, une
atteinte à la liberté religieuse : il se rattachait simplement
à la police des mœurs. Aussi ne faut-il pas prendre à la
lettre le discours que Tite-Live (39, 165) met dans la bouche
du consul Postumius et que notre honorable confrère a
l'air de considérer comme un document historique du
11^ siècle avant notre ère. Comme l'a fait justement
remarquer Hippolyte Taine (1), Tite-Live est plutôt orateur
qu'historien; les discours qu'il prête aux personnages mis
en scène par lui n'ont aucun caractère d'authenticité; ce
sont généralement, pour le fond et la forme, de pures
œuvres d'imagination. On y rencontre même desanachro-
rismes, et ils ne sont guère en harmonie avec l'époque à
laquelle ils sont censés avoir été prononcés. D'ailleurs, les
idées de Tite-Live en matière de droit public manquent
bien souvent de netteté et de précision.
Le discours attribué par Tite-Live au consul Postumius
n'aurait donc pas dû, ce semble, être invoqué dans une
étude critique sur la liberté de conscience à Rome, d'autant
(i) Essai sur TiTE-LivE, passim.
( 322 )
moins que le soi-disanl orateur ne fait aucune distinction
entre les citoyens et les étrangers, et qu'en outre, à la
question religieuse il mêle, on ne sait trop pourquoi, celle
des faux prophètes et des livres de prophéties. Faisons
donc complètement abstraction de ce discours apocryphe.
Quant aux citoyens romains, ils étaient tenus en principe,
ainsi que je l'ai dit plus haut, de se conformer aux exi-
gences du culte national, et l'on voit encore en l'an 650
avant Jésus-Chrisl se produire contre un ancien consul une
action iribunicienne pour avoir négligé d'accomplir, à
Lavinium, un sacrifice obligatoire (Ij.
Il est vrai que vers la fin de la république, grâce à l'indif-
férence de plus en plus grande en matière religieuse, on
ne songeait plus guère à contraindre légalement les
citoyens romains à participer aux actes du culte national.
Mais, d'autre part, il leur était encore toujours défendu de
s'associer à des cultes étrangers. Assurément, à mesure que
la puissance de Rome s'étendit sur l'Italie et sur le bassin
de la Méditerranée, le nombre des dieux nationaux alla
sans cesse en augmentant, et finalement toutes les divi-
nités de l'Italie et de la Grèce finirent par entrer dans le
panthéon romain, sans qu'on fît une distinction essentielle
entre les dieux anciens (indigetes) et les dieux nouveaux
{noven&iles).
Toutefois, même alors, on maintint l'ancienne diffé-
rence entre la religion romaine et les religions étran-
gères (2). Et, parmi ces religions, on voit presque toujours
figurer en première ligne JEgyptii ludaicique rilus (3).
{^) Ascon. in Scaur., p. 21.
(2) Extcriia religio, ïite-Live, 25, 1, 6; superstitio externa,
Tac, Ann., 13, 52 j externae ceremoiiiac, Slet,, Tib., 56.
(5) SUET., /. c.
( 325 )
C'est à ce point de vue que se plaça la police religieuse
pour sévir contre les citoyens romains qui abandonnaient
le culte national et contre les étrangers qui se livraient an
prosélytisme.
Il s'agit d'établir ici une nouvelle et importante distinc-
tion, qui n'a pas échappé à M. Giron. Certes, il était interdit
en principe aux citoyens romains de s'afTilier à un culte
non nationalisé; c'est ainsi que l'empereur Auguste leur
défendit expressément de participer à la religion des
Celles; mais de pareilles défenses sont rarement mention-
nées sous l'Empire, parce que la plupart des religions
étrangères s'accommodaient parfaitement du voisinage
de la religion romaine. On pouvait adorer Mithra et Isis
sans cesser pour cela d'adresser ses prières à Jupiter
Capitolin; mais il n'en était pas de même du judaïsme et
du christianisme. Le Dieu des chrétiens et des juifs était
un dieu jaloux, ne tolérant à côté de lui le culte d'aucun
autre dieu. C'est pourquoi, au point de vue romain, les
chrétiens et les juifs devaient être considérés comme
athées, et le citoyen romain qui s'affiliait à leur culte
pouvait être considéré comme tombant sous l'application
de la loi de lèse-majesté, entendue dans le sens de lèse-
majesté divine.
Aussi bien est-il facile de constater — c'est M.Mommsen
qui en fait la remarque — que les persécutions dirigées
contre les chrétiens et les juifs s'adressaient surtout aux
citoyens romains qui se convertissaient à la religion chré-
tienne ou juive, et à ceux d'entre les étrangers qui
faisaient à celte fin du prosélytisme. Le préteur Hispallus
expulsa de l'ilalie, en 615 avant Jésus-Christ, les juifs
qui s'étaient rendus à Rome parce que Sabazi Jovis
cultu Romanos inficere mores conati erant, ou, d'après
( 524 j
une autre leçon, parce que Romanis tradere sacra sua
cmati erant {\).
Sous Tibère, les juifs qui séjournaient à Rome furent,
comme on sait, l'objet de mesures très sévères. Voici
comment s'exprime à ce sujet Tacite (2) : Achim et desacris
jEgypliis ludaicisque pellendis ; factumque patritm con-
sullum ut quatliior milia libertini generis ea superslitione
infecta, quis idonea actas, in insulam Sardiniam veheren-
(ur, coercendis illic latrociniis et, si ob gravitatem caeli
interissent, vile damnum; ceteri cédèrent llalia, nisi cer-
(um ante diem profanas ritus exuissent (5).
La conduite de Tibère a été généralement l'objet
d'appréciations inexactes. M. Mommsen lui-même exprime,
dans sa dissertation sur le délit religieux à Rome (p. 406),
le regret d'avoir mal exposé la question dans le cinquième
volume de son Histoire romaine (p. 498). La colonie juive
résidant à Rome se composait principalement d'affran-
chis : libertini generis, dit Tacite; Pwp-arot. ùe r^Gccy oi
TtXetouç d7Te)veuOepwG£VT£ç, dit de son côté Phi Ion (4).
En leur qualité de citoyens romains, ils auraient dû
(1) Val. Max., J, 3,2.
(2) Ann., H, 85.
(3) Voici les autres textes relatifs à cette expulsion. Joseph. Ann.
lud., XVIII, 5, 5 : 6 TipÉptoç-xeXeuet ttôcv to 'louoaixôv ttî; Pa)[j.T)(;
àTueXaOîjvai. 01 8è uuaxot T£xpay.ta)(_tXtou(; àvSpai; eç aùxcov axpaxoXo-
YT](javxe(; £Tr£[JLij;av s'u; SapSw xr)v vîjaov • irXet'gxoui; Se Èxo'Xaaav (xtj
OeXovxai; axpaxE'JEaôai 8ià cfuXaxTjv xûv Traxpîwv vo'|jliov. Suet. Tib. 36 :
ludacorum iuventutem, per spccicm sacramcnti, in provincias gra-
vioris caeli distribuit; reliques gcntis eiusdem, vel similia tentantes,
urbc siîbmovit sub poena perpcluae scrvitutis nisi obtempérassent.
(4) Leg. ad Gai., 25, 21.
( 325 )
pratiquer le cul le national; or, le judaïsme était incompa-
tible avec ce culte. Dans le principe, le gouvernement laissa
faire. Auguste suivit à cet égard l'exemple de César (1),
Mais Tibère, fidèle aux traditions nationales, se montra
moins indulgent. Une noble dame romaine, Fulvie, épouse
de Salurninus, circonvenue par quelques fripons juifs,
setait convertie au judaïsme et avait résolu d'envoyer au
temple de Jérusalem de riches présents, en pourpre et en
or, que les quatre fripons détournèrent à leur profit.
Tibère, tirant prétexte de celte conversion, qui avait
évidemment fait scandale à Rome, ordonna aux consuls
d'enrôler quatre mille juifs en âge de porter les armes (qins
ictonea actas, dit Tacite ; hidaeortiin inventutem, dit de son
côté Suétone), afin de les envoyer dans l'île de Sardaigne,
dont le climat insalubre était proverbial (2), pour y couper
court aux brigandages dont cette île était infestée.
En règle générale, les juifs, même devenus citoyens
romains, étaient exemptés du service militaire, parce que
leur religion les empêchait de porter les armes le jour du
sabbat et de prendre la nourriture qu'on donnait habi-
tuellement aux soldats (3).
Mais cette exemption était essentiellement révocable.
Tibère ne commettait donc aucune illégalité, aucun abus
de pouvoir, en donnant aux consuls l'ordre de les enrôler.
En leur qualité d'affranchis, ils ne pouvaient pas être
H) Phil., Ibid. et Joseph., Ant. Jud., XIV, 10, §§ iO et suiv.
(2) Martial., Épigr., IV, 60 : Nullo fata loco possis excludore :
cum mors Venerit, in medio Tibure Sardinia est.
(5) Joseph., /. c, §§ 12, 15, 14 et 16.
S"* SÉRIE, TOME XXVl. . 22
( 326 )
incorporés dans les légions : celle exclusion constituait sous
l'Empire une règle absolue (1). Mais rien n'empêchait d'eu
composer des corps spéciaux (2). Les affranchis juifs
furent donc envoyés par Tibère en Sardaigne, en qualité
de gendarmes.
Quant à ceux d'entre les juifs, devenus citoyens romains,
qu'on ne pouvait pas utiliser comme soldats, Tibère les
obligea à renoncer à leurs croyances {profanas ritus exuere,
dit Tacite). Après la grande tolérance qu'avaient montrée
à leur égard César et Auguste, cette mesure, peu raison-
nable, dut leur paraître particulièrement odieuse, mais elle
était conforme aux traditions nationales. D'ailleurs, s'ils
croyaient ne pas pouvoir s'y soumettre, ils avaient le droit
de s'y soustraire en quittant l'Italie (3).
Quant à ceux qui refusaient de se faire enrôler, ils
furent traités comme des rebelles, c'est-à-dire probable-
ment condamnés à mort.
Certes, les juifs ont dû, à leur point de vue, considérer
Tibère comme un cruel despote; certes encore, on ne
peut pas dire qu'il se soit montré bienveillant à leur
égard, mais, en somme, il s'est borné à les soumettre aux
règles qui légalement pouvaient être appliquées aux
citoyens romains en matière de milice et de culte.
Ce n'est donc pas, je le répète, en leur qualité de juifs
(1) MoiMMSEN, fSôm. Slaatsr., III, p. 450.
(2) Ibid., p. 449.
(5) Tacite a peut-être exagéré, car Suétone et Josèphe disent l'un
et l'autre (voir plus haut) que Tibère se borna à exclure les juifs
de la ville de Rome.
( o^^7 ;
comme tels, mais en qualité de citoyens romains qu'ils
ont encouru les mesures sévères relatées par Tacite,
Suétone et Josèphe (1).
Les poursuites dirigées plus tard sous Néron contre
Pomponia Graccina, qui s'était, selon toute apparence,
convertie au christianisme (2), contre les membres de la
famille Flavia à l'époque de Domitien (3), contre le pré-
dicateur chrétien Ptolémée et ceux qu'il avait convertis
au christianisme (4)à l'époque d'Antonin le Pieux (vers 1 52),
toutes ces poursuites sont relatives à des conversions
de citoyens romains.
Cela ne veut certes pas dire que les pérégrins eussent pu
impunément se convertir au judaïsme et au christianisme.
En effet, dans les cités pérégrines les juifs et les chré-
tiens pouvaient, aussi bien qu'en Italie et dans les villes de
droit romain, être poursuivis pour crime d'athéisme, parce
qu'ils répudiaient absolument les différents cultes propres
à ces cités. Ce qui prouve clairement que telle était bien la
(1) M. Mommsen sera peut-être étonne d'apprendre que la manière
de voir qu'il a développée à ce sujet avec tant d'autorité avait déjà été
pressentie par Casaubon. Voici, en effet, ce que dit cet illustre philo-
logue dans une note sur le passage précité de Suétone : « Intelligo de
civibus tantum Romanis; neque enim ludaeis suam religionem erep-
tum ivit Tiberius ».
(2) Tac, y^nn., XIII, 52 : « Pomponia Graecina, Plautio, qui ovans
se de Britannis retulit, nupta ac superstilionis externae rea, marili
iudicio permissa. Isque, prisco insliluto, propinquis coram,de capitc
famaque coniugis cognovit et insontem nunciavit o. C'est la plus
ancienne persécution contre un chrétien dont l'histoire profane fasse
mention.
(ô) Dion Cassius, 67, 14.
(4) Justin, ApoL, II.
( 328 )
manière de voir des provinciaux, c'est, par exemple, la
conduite des habitants d'Anlioche à l'égard des juifs après
la destruction du temple de Jérusalem.
Ainsi que je l'exposerai plus lard, les juifs, au lieu
d'être, comme le suppose à tort M. Giron, exclus de la tolé-
rance générale dont jouissaient sous l'Empire les religions
étrangères, furent, au contraire, de la part du gouverne-
ment impérial, l'objet de privilèges nombreux et considé-
rables. Mais lorsque le temple de Jérusalem eut été
détruit, les habitants d'Anlioche supposèrent que la natio-
nalité juive ayant été anéantie, les privilèges précédem-
ment accordés aux juifs avaient du même coup cessé
d'exister. Ils voulurent en conséquence contraindre les
juifs établis dans leur cité à sacrifier aux divinités hellé-
niques (1), et ceux d'entre eux qui s'y refusèrent furent
brijlés vifs.
Telle était donc l'opinion qui, dans les cités pérégrines,
prévalait à l'égard des juifs et des chrétiens.
Il est vrai que, contrairement à l'opinion des habitants
de ces villes, les privilèges précédemment accordés aux
juifs furent expressément maintenus en leur faveur, même
après la destruction du temple de Jérusalem; mais ces
mêmes privilèges n'étaient nullement réservés aux
chrétiens.
Quoi qu'il en soit du reste des poursuites dirigées soit
par les magistrats romains, soit, avec leur consentement,
par les magistrats des cités pérégrines contre les étrangers
qui se convertissaient au judaïsme et au chrislianisme,c'est
surtout contre les citoyens romains apostats que s'exer-
çaient les rigueurs de la police religieuse.
(i) côaTTEp vo[i.O!; ecttI toTc; "EXXïiatv, dit Joseph., Anl. Jud., 7, 7, 33.
( 329 )
Qu'il me soil maintenant permis, avant d'aller plus loin,
de résumer les conclusions principales auxquelles je suis
arrivé, et que je pense avoir suffisamment justifiées en me
servant surtout des arguments invoqués par M.Mommscn.
Je crois avoir établi d'abord que, pour se rendre exacte-
ment compte de la liberté de conscience à Rome, il faut
faire une distinction essentielle entre les citoyens romains
et les étrangers.
La liberté de conscience ou, pour parler plus exacte-
ment, le droit de ne point pratiquer, suivant les règles
établies, le culte national ou de pratiquer un culte étranger,
n'existait pas en principe à Rome pour les citoyens
romains. Ils étaient tenus de se conformer au culte des
ancêtres, et les contrevenants pouvaient être punis par le
souverain pontife. Mais, dans la suite des temps, ce prin-
cipe subit de notables modifications. Le gouvernement de
la république réduisit considérablement les attributions du
souverain pontife, toutefois il évita avec le plus grand soin de
se substituer à lui. Il en résulta que les peines prononcées
par le souverain pontife furent désormais, sauf des cas
exceptionnels, privées de sanction légale et finirent
par tomber en désuétude.
D'autre part, le culte des dieux nationaux s'étendit de
plus en plus. Lorsque les Latins obtinrent ledroit de cité, il
ne fut guère possible de ne point nationaliser les divinités
latines, et lorsque plus tard l'Italie tout entière ne se com-
posa plus que de cités de droit romain, toutes les divinités
italiennes furent successivement admises dans le panthéon
national. On ne s'arrêta pas là; peu à peu les divinités
grecques furent introduites dans le même panthéon ; les
unes, comme Apollon et Esculape, en vertu d'injonctions
( 330 )
des livres sibyllins; les autres, comme Artemis et Aphro-
dite, par suite d'assimilation avec des divinités romaines.
On peut dire qu'à raison de ce double courant, la liberté
de conscience en matière religieuse s'étendit pour les
citoyens romains dans des proportions considérables. Or,
ce mouvement continua sous l'empire comme sous la répu-
bli(]ue.
Aussi m'est-il impossible de comprendre pourquoi notre
honorable collègue a prétendu que l'empereur Auguste
essaya, mais en vain, de réagir contre l'invasion des divi-
nités étrangères. « Il considérait, dit-il, le vieux culte
national comme un élément conservateur auquel était lié
le sort du gouvernement. »
Sur quoi se base cette étonnante assertion? Sur un
discours que Dion Cassius a mis dans la bouche de Mécène.
Maison ne croit plus guère, à l'heure qu'il est, à l'au-
thenticité des discours attribués par Dion Cassius à Mécène
et à Agrippa (1). Comme Beulé l'a dit avec beaucoup de
raison (2), ces discours n'ont même aucune vraisemblance.
« C'est delà mauvaise rhétorique. Il s'y trouve des allusions
contre les chrétiens, et Mécène exhorte Auguste à les per-
sécuter quand ils n'existaient même pas, l'an 28 avant
Jésus-Christ. On reconnaît le style et les sentiments d'un
courtisan de Commode et d'un sénateur de Septime
Sévère. »
Malheureusement, dans sa traduction du passage de
(1) Il est étonnant que; M. r.eblant ait encore l'air d'y croire. Voir
op. cil , p. 68.
(2) Beulé, Auguste, sa famille et ses amis, p. 227.
(331 )
Dion Cassius auquel Beulé fait allusion, M. Giron a rendu
d'une manière obscure le mot caractéristique qui désigne
les chrétiens. Dion fait dire à Mécène, s'adressant à
Auguste : |;it,t' ouv àOiw T-Lvl [JiYiTS yôr^-zi o-uy^wpT.o-^i;
zlvai. M. Giron traduit : « Ne tolère donc ni ceux qui
méprisent les dieux de l'empire, ni ceux qui s'adonnent
à la magie (1). » Il eût mieux valu, je crois, rendre sim-
plement àGeoç par athée. Car ce sont précisément les chré-
tiens qu'on désignait par ce mot: c'est M. Giron lui-même
qui, d'après Renan, en a fait la remarque. Le cri de la
population contre les chrétiens était : a A mort les
athées! » aipe zoùç àUooç. Et cette même qualification
haineuse est encore appliquée aux chrétiens, en l'an 312,
dans la remarquable inscription d'Arycanda que j'ai citée
plus haut, page 284(2).
Ne prêtons donc pas à l'empereur Auguste, sur la foi
d'un prétendu discours attribué par Dion Cassius à Mécène,
des sentiments qu'il n'a jamais eus. Assurément Auguste
essaya de restaurer la religion romaine, qui avait cédé la
place à une indiiîérence presque universelle. Il se vante
(i) M. Giron dit en note que le discours de Mécène se trouve dans
Dio.\ Cassius, liv. III, ch. 56. Cette indication erronée est peut-être
empruntée à M. Leblant, lequel, dans une dissertation sur les bases
juridiques des poursuites dirigées contre les martyrs [Comptes rendus
de CAcad. des inscript., 1886), cite en note Dion Cassius, L. III,
ch. 56. Or, le passage en question se trouve dans Dion Cassius,
liv. LU, ch. 56.
La traduction du passage de Dion Cassius donnée par M. Giron
paraît également empruntée à M. Leblant.
(2) J'ai commenté et traduit cette inscription dans la Revue de
V instruction publique en Belgique, t. XXXVI, 3^ livraison.
( 332 )
dans son testament d'avoir reconstruit quatre-vingt-deux
temples; il a fait revivre d'anciens collèges sacerdotaux
tombés dans l'oubli; il a réorganisé le culte des dieux
Lares, en y associant son propre Génie.
Mais s'il prit des mesures rigoureuses pour empêcher
les sacrificeshumainsqui avaient encore lieu de son temps
en Gaule et à Carlhage, il ne le fit pas assurément pour
protéger le culte national, et s'il relégua hors du pomermm
le culte d'Isis, à raison des actes immoraux auxquels il
servait de prétexte, il ne fit en cela que se conformer,
avec beaucoup de modération, aux usages du gouvernement
républicain, qui, tout en permettant aux étrangers établis
sur le territoire romain de continuer à pratiquer leurs
cultes respectifs, assignait néanmoins à ceux-ci un empla-
cement en dehors de la ville. D'ailleurs, comme nous le
verrons plus tard, Auguste fit preuve d'une tolérance et
même d'une bienveillance spéciales à l'égard des juifs. Ce
fut plutôt Tibère qui se montra peu favorable aux religions
étrangères.
Mais plus tard Isis elle-même, le Dieu-Soleil d'Emesa,
la Dea Syria d'Hiérapolis, Mithra et d'autres divinités
exotiques réussirent à pénétrer dans le panthéon national.
Néanmoins le principe général, à savoir qu'aussi long-
temps qu'un culte étranger n'était pas nationalisé, les
citoyens romains n'avaient pas le droit d'y participer,
ce principe resta debout, et c'est ce qui explique la sévérité
des peines qu'on appliquait aux citoyens romains qui se
faisaient juifs ou chrétiens.
Mais si la liberté de participer à des cultes non natio-
nalisés était en théorie refusée aux citoyens romains,
on se montrait au contraire aussi tolérant que possible à
l'égard des étrangers, et si parfois des mesures plus ou
( 353 )
moins sévères furent prises contre eux, à raison de leur
culle, c'était pour sauvegarder la moralité et la tranquil-
lité publiques, ou parce qu'ils se permettaient de faire du
prosélytisme parmi les citoyens romains.
Ce que je crois avoir démontré également, d'après les
indications de M. Mommsen, complétées par les miennes,
c'est que les opinions religieuses des chrétiens étaient
poursuivies comme telles, et que le fait de se proclamer
chrétien suffisait pour constituer le crime de lèse-majesté
divine. Certes, les chrétiens ont été poursuivis aussi
comme magiciens et pour avoir participé à des associations
illicites, mais c'étaient là, au point de vue romain, des
crimes de droit commun, et la punition réservée à ces
crimes ne peut pas, à proprement parler, être considérée
comme une atteinte à la liberté de conscience en matière
religieuse.
J'ai signalé enfin, toujours en m'appuyanl sur l'argu-
mentation de M. Mommsen, que si l'on veut se faire une
idée exacte de la procédure employée à l'égard des chré-
tiens, il faut faire une distinciion radicale entre l'applica-
tion de la loi par la juridiction régulière et le droit de
coercition exercé par les magistrats à imperium, confor-
mément aux constitutions impériales et aux avis des
prudentes {\).
Or, c'est précisément ce droit de coercition, appliqué
(1) Notamment le livre VU du traité (I'Ulpien, De offtcio procotisulis.
Voir Lactant, Inst., Y, i\, extr. « Domitiiis de oflicio proconsulis
libro septimo rescripta principum nefaria coliegit ut doceret quibus
poenis aflîci a[>orlcret eos qui se cultores Dei confiterentur. »
Cf. Leblant, l. c, pp. 51 et suivantes.
l 534 ;
différemmenl selon les temps et les lieux, qui explique les
alternatives de rigueur el de tolérance qu'on constate non
seulement à différentes époques, mais même simultané-
ment dans les différentes parties de l'empire.
Mes observations sur la lecture de M. Giron sont, hélas,
devenues beaucoup plus longues que celte lecture même.
Je ne crois pourtant pas pouvoir les terminer sans rencon-
trer encore une assertion de notre honorable confrère qui
me paraît de tout point erronée et qui concerne un cha-
pitre extrêmement important de l'histoire de la liberté de
conscience à Rome.
Voici textuellement comment s'exprime M. Giron
{/. c, p. H8):
« On pouvait, au début de l'époque impériale, professer,
sans être inquiété par le gouvernement, toute espèce de
dogmes ou de principes métaphysiques... Les juifs, qui
rendaient un culte exclusif à Jéhova, furent exclus de celte
large tolérance, parce qu'ils ne souffraient pas les dieux
des autres nations. »
Certes, ainsi que je l'ai rappelé plus haut, lorsque les
juifs qui accompagnèrent à Rome Simon Macchabée s'avi-
sèrent de faire du prosélytisme, le préleur Hispallus leur
enjoignit de quitter la ville ; néanmoins, à partir de cette
époque, ils furent parfaitement tolérés, non seulement dans
toute l'Italie, mais même dans la capitale. Après la con-
quête de Jérusalem par Pompée, celui-ci amena à Rome
des milliers de juifs faits prisonniers. Ils y furent vendus
comme esclaves; mais beaucoup d'entre eux ne tar-
dèrent pas à être affranchis, parce que, à cause de leurs
pratiques religieuses, auxquelles ils tenaient obstinément,
ils étaient gênants pour leurs maîtres. Devenus citoyens
romains, ils allèrent s'établir au delà du Tibre et y insti-
( 355 )
tuèrent une communauté juive {i). Cette colonie iras-
tévérine forma bientôt une faction relativement impor-
tante. Cicéron, dans son discours pour Flaccus (ch, 28),
obligé de parler des agissements des juifs en Asie, a
l'air de les craindre : Sets, dit-il, quanta sit matins,
quanta concordia , quantum valeant in concionihiis.
Summissa voce agarn, tantum ut indices audiant : neque
enim demnt qui istos in me atque in optimum qitemque
incitent. Plus loin Cicéron dit encore, en parlant des juifs :
Multitudinem ludœornm flagrantem nonnnnquam in con-
cionibus.
Quant à Jules César, on sait, par le témoignage irrécu-
sable de Josèphe (2), qu'il combla les juifs de bienfaits.
Aussi, lors de la mort de leur illustre patron, les vit-on
manifester bruyamment leur douleur : In snmmo publico
hiclv, dit Suétone (3), exterarum gentium multitndo circu-
lalim, sua quœque more, lamenfata est : prœcipue ludœi,
qui etiam noclibus continuis bustum frequentarunt.
Auguste ne se montra pas moins bienveillant à leur
égard. Ainsi il avait ordonné que, lorsque les distribu-
lions d'argent ou de blé faites au peuple avaient lieu un
jour de sabbat, auquel il était absolument interdit aux juifs
de s'approvisionner, les parts qui leur revenaient leur
seraient remises le lendemain (4),
Aussi voit-on, grâce à ces mesures libérales, le nombre
des juifs établis à Rome s'accroître dans de fortes pro-
portions. Une ambassade envoyée dans la capitale par
( {) Voir Philo, Icg. ad Gai., § 25.
(2) Ant. Jud., XIV, ch. 10, § 2, 3, 4, b. G. 7 et 8.
{3; Caes., 84.
(4) Voir Philon., l. c.
( 336 )
Hérode y trouva plus de huit mille coreligionnaires prêts
à l'accompagner (1).
Il est vrai que Tibère prit contre les juifs les mesures
sévères que l'on sait.
Mais, ainsi que je l'ai fait remarquer plus haut, ce n'est
pas à l'égard des juifs comme tels que Tibère se montra
intolérant. Il se borna à leur appliquer les lois anciennes,
d'après lesquelles il était défendu aux citoyens romains
d'abandonner le culte national.
Si l'on fait abstraction des folies de Caligula, les juifs
furent en général traités avec bienveillance sous l'empire.
L'empereur Claude, par un édit général, garantit à tous
les juifs disséminés dans l'empire romain les privilèges
accordés à ceux d'Alexandrie, c'est-à-dire le libre exercice
de leur culte. Il est vrai que les rivalités de secte qui, de
tout temps, les avaient divisés, donnèrent parfois lieu à
Rome à des conflits sanglants. C'est pourquoi le même
empereur se vit obligé de leur interdire, du moins tem-
porairement, le séjour de la capitale (2). Expulsés de Rome,
ils se retirèrent à Aricie (5). 'Mais ils ne tardèrent pas à
revenir, et comme le dit Dion Cassius (XXXVII, 17),
plusieurs fois refoulés de la ville, ils finirent par y con-
quérir leur pleine liberté. Certes, les grands de Rome les
méprisaient, mais cela ne les empêcha pas de grandir en
nombre et en importance, grâce à la position privilégiée
qui, comme je le montrerai à l'instant, leur était garantie.
(1) Joseph., ^n;. .ywcZ, XVII, H, 1.
(2) SuET., Claud., 25. Dion Cassius, LX, 2, prétend que l'expul-
sion des juifs présentant de trop grandes difficultés, Claude se borna
à leur défendre de se réunir.
(5) JuvEN , Sat , IV', 117. ScHOL. « Inter ludacos qui ad Ariciam
transierant, ex urbe missi. «
( 337 )
L'impératrice Livie avait à son service une esclave juive
du nom d'Acmé, qui entretenait des relations politiques
avec Antipater, flis d'Hérode (1). Un Samaritain, affranchi
de Tibère, avait prêté à Hérode Agrippa un million de
sesterces (2). Parmi les esclaves de Claude se trouvait une
juive du nom de Claudia Aster. A la cour de Néron vivait un
acteur [inixoXo^'oç) juif, appelé Alatyrus, dont l'empereur
faisait le plus grand cas (3). La fameuse Poppée elle-même
passait pour s'être convertie à ia religion de Moïse : ce qui
est certain, c'est qu'elle se mettait toujours à la disposition
des juifs qui avaient des suppliques à adresser à l'em-
pereur (4). Ce qui prouve d'ailleurs que la religion juive
se répandait de plus en plus dans le monde romain, c'est
d'abord la plainte du philosophe Séncque qui, dans son
traité, aujourd'hui perdu. De super stilione, dont saint
Augustin nous a conservé plusieurs passages {De Civ. Dei,
6, \\), après avoir déploré la dispersion de la religion
juive per omnes iam terras, termine en disant : victi victo-
ribus leges dederunt, ce qui, comme le fait à juste titre
remarquer Bernays, rappelle le fameux vers d'Horace :
Graecia capta ferum viclorem cepit (5).
(1) Joseph., Jnt. Jud., XVII, b, 7.
(2) Ibid., XVIII, 6, 4. Les Samaritains étaient établis comme com-
merçants et banquiers à Rome, à Constantinople et à Alexandrie.
Voir Pauly, Real-Encych, VI, p. 727, note.
(5) Joseph., Vita, 3.
[i] Joseph., Ant. Jud., XX, 8; Vita, 5. La plupart des citations
précédentes sont empruntées à Scliiirer : Die Gemcindcvcrfassung der
Juden in Rom, Leipzig, 1879.
(8) Episl., II, 1, 156. Voir Jacob Bernays, Die Gotlesfûrchligen
bel Juvenal, dans les « Commentationes philologae in honorem
Theodori Moramseni. » Berlin, 1877, p. 564.
( 338 )
C'est ensuite le témoignage de Jiivénal [Sat., XIV, v.
96-106) qui, parmi les causes de la disparition des mœurs
nationales, cite l'extension de plus en plus grande du
culte juif. Le père, dit-il, s'était contenté d'observer le
repos du sabbat et de s'abstenir de viande de porc; les fils
se font juifs tout à fait : mox et praeputia ponunt.
Je pourrais multiplier ces citations; mais celles que j'ai
rassemblées suffisent, je crois, pour démontrer que, dans
certaines classes de la société romaine, on ne se montrait
pas aussi intolérant à l'égard des juifs que paraît le croire
notre honorable confrère.
Au lieu de rester confinés dans la région trastévérine,
les juifs ne tardèrent pas à se répandre au Champ de
Mars et jusqu'au milieu du quartier des aff'aires, la Subure ;
ils allèrent même, non loin de la porte Capène, s'établir
dans le bois sacré des Muses, où ils fondèrent, selon
toute apparence, une synagogue dans l'ancien sanctuaire
de ces vénérables déesses (1).
Il est évident que les juifs n'auraient pas pu à ce point
s'étendre dans la capitaleet dans son voisinage immédiat si
le gouvernement s'était montré systématiquement hostile
envers eux.
On sait que Jules César supprima à Rome toutes les
associations privées {coUegia), à l'exception d'un petit
nombre : praeter antiquitiis constiluta. Toutefois les juifs
furent formellement soustraits à l'application de cette
règle. Ils purent, comme par le passé, faire librement leurs
(i) JuvEN., III, 12-16. C'étaient de pauvres diables, dont la
mendicité importune s'adressait aux personnes longeant la voie
Appienne.
( 359 )
collectes el se réunir en agapes fraternelles (1). Auguste,
à son tour, garantit aux juifs le libre exercice de leur culte
et déclara qu'il fallait poursuivre comme sacrilèges ceux
qui leur enlèveraient leurs livres saints ou l'argent destiné
aux usages religieux (Jos., Ant. Jud., XVI, 6, 2).
Plus d'une fois déjà, dans le cours de cette étude, nous
avons dû faire remarquer qu'il n'était pas permis aux
citoyens romains de se convertir au judaïsme. Aussi de
temps en temps certains empereurs crurent-ils nécessaire
de rappeler cette interdiction. luclœos fieri, dit Spartien
en parlant de Septime Sévère (ch. il), sub gravi poena
veluic. Mais peu de temps après, Alexandre Sévère, qui
d'ailleurs se montra aussi clément envers les chrétiens,
accorda aux juifs de nouveaux privilèges (2).
Voici du reste deux témoignages d'une importance
capitale, l'un de la fin du 11% l'autre de la fin du IV^ siècle
après Jésus-Christ, qui dépeignent d'une façon nette et
précise la situation légale faite aîi judaïsme au sein de
l'empire romain. Tertullien (3), en parlant de la religion
juive, s'exprime en ces termes : Siib umbraculo insignis-
simae religionis, certe licitae. D'autre part, dans une con-
stitution de l'an 393 (4), Théodose Arcadius et Honorius
s'énoncent au sujet des juifs de la manière suivante :
ludaeorum sectam nulta lege prohibitam satis constat.
{1} Joseph., Ant. Jud., XIV, 10, 8 : Fatoi; Kafaap... èv iqj otatày-
[jLaxi -/.ojXûovxt 6iaaou<; (luvctYEuôai xatà TidXtv, [j-ôvouç toutouç oùx.
èxwXuas ouTc ^pT^tjLXxa auveia-tpépsiv, outô ô£"Î7Tva ttoieIv, Ces mots sont
extraits d'un rescrit de 'lo\Jho<; Ya'.oç (Caligula) aux habitants de
Paros.
(2) Lamprid. Alex. Sev., ch. 22.
(5) /ipolog., 21.
(4) Cod. Theod., XVI, 8, 9.
( 340 )
IJnde graviter commovemur interdiclos quibusdam locis
eorum fuisse convenlus. On ne saurait êlre plus explicite.
Faisons remarquer encore, d'après Eusèbe (2), ce détail
piquant qu'à l'époque des persécutions contre le christia-
nisme, plusieurs chrétiens, pour se soustraire à ces pour-
suites, jugèrent opportun de se convertir au judaïsme.
Grâce à la situation privilégiée faite aux juifs, même
dans la capitale, ceux-ci y avaient, dès l'époque d'Auguste,
des synagogues, où ils pouvaient librement se réunir et y
faire, comme je l'ai dit, leur collecte annuelle au profit du
temple de Jérusalem; et tandis que du temps de la répu-
blique, ces collectes avaient été interdites en Asie, il fut
stipulé, comme je l'ai rappelé plus haut, qu'on poursuivrait
comme coupables de sacrilège ceux qui feraient main basse
sur les sommes destinées au temple.
Il est vrai qu'après la destruction de ce temple par
Titus, le didrachme (5) que tous les juifs étaient tenus, en
(1) Voici au surplus un texte caractéristique admis dans le Code
de Juslinien (I, 9, li). Idem (i. e. Honorius et Arcadius AA.) Phi-
lippo pp. Nullus tamquam ludaeus, cum sit innocens, obteratur nec
expositum cum ad contumeliain religio qualiscumque perficial; non
passim eorum synagogae vel habilacula concrcmcnlur vcl perperam
sine ulla ratione laedantur, cum alioquin, etiam si sit aliquis scele-
ribus implicilus, idcirco tamen iudiciorum vigor iiirisque publici
tutela vidcatur in medio constiluta, ne quisquam sibi ipse pcrraittere
valeat ultionem. Sed ut hoc ludacorum personis volumus esse provi-
sum, ita illud quoque monendum esse censemus, ne ludaei forsitaa
insolcscant clatique sui securitate, etc.
(2) Hist. ecdes., VI, 12, i.
(3j Joseph., Bell, Jud., VII, 6, 6 : cpo'pov oh loiç ôttouot^ttote oijjiv
'louoalot; i-Ké'^aXz Suô opa^;j.àç sxaa-cov XEXeûo'a; àvà Tiav exoç ek TÔ
KaTuixtiXiov tpÉpEtrOat, touTTEp Trpdxspov tiç tov ev 'l£po(7oXû[i.ot; vewv
auvETsXouv. Dion Cassius, LXVI, 7 : tip KaTitTwXitjj Ad.
(3« )
venu de leurs lois, d'envoyer annuellement à Jérusalem,
continua à leur être imposé au profit de Jupiter Capitolin.
Cette mesure, qui contraignit en quelque sorte tous les
juifs à participer indirectement à un culte païen, aura
dû leur paraître extrêmement blessante. Mais, après la
guerre épouvantable qui se termina par la destruction du
temple de Jérusalem, ils ne pouvaient pas songer sérieu-
sement à faire de l'opposition. Ils tâchaient cependant de
s'y soustraire de toutes les façons, moins par avarice —
car l'impôt était, en somme, fort léger (1) — que par
scrupule religieux. Mais Domitien, pour réduire au silence
l'opposition politique qui se cachait en réalité sous le
refus de payer le didrachme, le fit percevoir avec une
rigueur inflexible. Iiidaicus fisciis, dit Suétone, acerbissime
actus est (2). Il est vrai que le payement du didrachme
garantissait aux juifs le libre exercice de leur culte ;
vecligalis /«terras, dit Tertullien {ApoL, 18).
Nerva, sans abolir l'obligation pour les juifs de payer
le didrachme, enleva à cet impôt ce qu'il avait d'odieux au
point de vue religieux : il le fit, en effet, verser purement
et simplement dans le fisc. Cette mesure provoqua une
(1) La version dos Septante donne le nom de otopa^[i.ov an aîxXo;
des Hébreux, qui était une monnaie d'argent pesant environ
14 grammes. Mais d'après JosÈPHE, Ant. Jud. III, 8, 2, le at'xXo;
valait 4 drachmes altiques. Dans V Évangile de saint Matthieu, 17,
24-27, le didrachme est la moitié du aTa-LTjp, qui était, lui aussi,
l'équivalent de 4 drachmes,
(2) SuET., Domiet., 12 : « Interfuisse adolescentulum cremini.
quam a procuratorc, frequentissimo consilio, inspiceretur nonage-
narius sencx, an circumsectus cssct. »
3"°* SÉRIE, TOME XXYI. 25
( 342 )
approbation si générale, même de la part des Romains,
qu'on frappa, en l'honneur deNerva, une médaille portant
en exergue : Fïsci ludaici calumnia siiblata. Et, de même
que jadis on garantissait légalement aux juifs l'envoi au
temple de Jérusalem du didrachme annuel, le libre exercice
de leur culte était efficacement protégé par la loi. Le
célèbre Calliste, qui plus tard devint évêque, se permit,
vers la fin du 11^ siècle (entre 189 et 199), de troubler, à
Rome, une cérémonie religieuse des juifs. Il fut dénoncé
au préfet de la ville, Fuscianus, exilé en Sardaigne et
condamné aux carrières (1).
Ce qui prouve, du reste, l'importance du culte Israélite
à Rome, c'est que de nombreuses inscriptions nous ont
fourni la preuve irrécusable que les juifs y possédaient
au moins sept, peut-être huit synagogues. D'ailleurs,
le nom même que portaient quelques-unes de ces syna-
gogues, dont les membres s'appelaient Auyou(7TT](7toi et
'Ayp'.TtTc/iinot,, montre bien jusqu'à quel point les juifs se
sentaient les obligés des fondateurs de l'empire romain (2).
Mais les Romains n'accordèrent pas seulement aux juifs
le droit de pratiquer leur culte comme ils l'entendaient.
Ils leur attribuèrent même une certaine juridiction en
matière civile, et les jugements prononcés, dans certaines
conditions, par les tribunaux juifs étaient rendus exécu-
toires. Eorum sententias provinciarum indices exsequan-
tur, disent les empereurs Arcadius et Honorius, en 398
après Jésus-Christ, ^«mgimwi ex sentenlia cogniloris arbilri
{{) UiPPOLYT., Philosoph., IX, 12.
(2j Voir ScHÙRER, l. c, p. 15.
(345)
faerinl altribuli (1). Et celte disposition se trouve encore
reproduite dans le Code de Justinien (2).
Les faits nombreux que je viens d'exposer, en me basant
principalement sur Jes indications, toujours soigneusement
contrôlées, de MM. Mommsen et Schiirer, démontrent,
me paraît-il, jusqu'à l'évidence que, loin d'être exclu de
la tolérance à peu près générale dont le gouvernement
faisait preuve à l'époque impériale envers les cultes étran-
gers, le judaïsme, bien différent en cela du christianisme,
jouissait, dans toute l'étendue de l'empire romain, même
dans la capitale, de privilèges importants et nombreux.
Et cette position privilégiée fut garantie aux juifs non
seulement à l'époque où leur pouvoir, malgré le peu
d'étendue de leur territoire, était en réalité considérable
et exigeait des ménagements, mais même plus tard, lorsque
leur nationalité eut été anéantie au point de vue politique.
J'aurais bien encore quelques observations à présenter
sur la lecture de iM. Giron, notamment au sujet de la
religion augustale. Mais j'ai déjà de beaucoup dépassé les
limites qu'en commençant le présent travail je m'étais
imposées.
J'espère que, vu l'importance et la difficulté de la
question traitée par l'honorable M. Giron, vu également la
grande et légitime autorité qui s'attache aux opinions de
notre illustre associé, M. Th. Mommsen, vous m'excuserez,
Messieurs, d'être entré dans de si longs développements,
en vue de compléter et de rectifier en quelques points
.l'étude, d'ailleurs si intéressante et si suggestive, de notre
savant confrère.
(1) Cod.Thcod., II, I, 10.
(2) Cod.Just., I, 9, 8.
( 54-4 )
Noie additionnelle.
A l'appui de ce qui a été dit plus haut concernant le
crimen maiestatis comme base juridique des persécutions
dirigées contre les chrétiens, je crois pouvoir invoquer
encore un texte du Code de Justinien (I, \% 2), où Hono-
rius et Théodose déclarent (Constit. de l'an 409) que celui
qui fera violence aux personnes réfugiées dans les églises
catholiques, sera poursuivi comme coupable du crime de
lèse- majesté {sciât se ad crimen maiestatis esse reti-
riendum).
Il s'agit évidemment ici d'un crimen laesae religionis,
ou comme on disait à cette époque, même dans le langage
juridique, d'un sacrilegium; or, ce sacrilège est considéré
par Honorius et Théodose comme tombant sous l'appli-
cation de la loi de lèse-majesté.
Drie onuitgegeven Werken van J.-B. Houwaert; door
F. Van Veerdeghem en 0. Van den Daele.
In een lofdicht door zekeren I. T. P., achter den Gène-
ralen Loop der Werelt geplaalst, vindl men een groot
getal van Houwaerl's werken, hetzij bij name of bij toe-
speling, hetzij in 't algemeen aangegeven. Daar treft men
ook 0. a. de volgende regels aan :
Oock hebdy gemaeckt in divcrsche spatiën
Met hoopen Consteli/cke Spelen van Sinnen
So gheestelyck aïs weerlyck met goeder fundatiën.
Zinnespelen « met hoopen i),welke warendie?Ongeveer
drie eeuwen lang, van 1621 tôt 1888, dacht men er iets
van te weten : men meende iramers dat de vier stukken,
, 3« )
welke den Handel der Anioureusheyt van 1621 uilmaken,
lot 's mans tooneelvverken behoorden, Bij nader onderzoek
éditer bleek dit eene misgreep le zijn : die Handel der
Amoureusheyt van 1621, twee en twinlig jaar na Hou-
waerl's afslerven verschenen, was van zijne hand niel.
Zoo bleef er, behalve enkele tafeispelen, van Houwaen's
looneelpoëzie vveinig of nielsmeer over. Doch het duiirde
niel lang, of men geraakle met den echlen Handel dir
Amoreusheyt van 1583 bekend, bevallende in 'sschrijvers
eigen woorden « dry excellente, constighe, soetvioyende
poelische spelen van Sinnen, van Jupiter en Yo(l). r>
Doch een enkel sluk als dit, al is het in « dry boecken
begrepen », maakl dan loch geen a hoopen sinnespelen »
uit. Men mag dus veilig veronderstellen dat veel van
Houwaen's tooneelspelen lot dus verre heizij in den
vreemde, hetzij hier en daar in ons eigen land verscholen
blijven. In den vreemde, daar Raphaël Houwaert, 's mans
zoon, ons mededeelt dat tijdens de vervolgingen om den
geloove de schriften van zijn vader in eene ton aan bloed-
verwanten te Keulen gezonden werden en aldaar te zoek
raakten (2); in ons eigen land, daar een loeval ons drie van
Houwaen's werken in een handschrift deed ontdekken,
waar men zulks weinig mocht vermoeden ol' verwachten.
Immers, onder het lezen van onuitgegeven slukken,
welke lot het répertoire der Hasselische rederijkerskamer
De Roode Pioos behoorden, iroffen wij onverwachts twee
zinnespelen en een dialoog aan, welke ook tôt de penne-
vruchten van den Brabantschen rederijker behooren. Het
handschrift waarin deze werken voorkoraen is dat door
[l] Zic Tijdschrift v. Ned. Taal en Letl., 1888, 5< afl., en 181)5,
5" afl., bl. 202 vigg.
(2) Bibliophile belge, 1868, p. 29.
( 546 )
M. H. van Neuss in het Bulletin de la section littéraire
de la société des Mélophiles de Hasselt (1866, 3* vol.
p. 85 sqq.) vermeld; zij beslaan er ongeveer 129 blad-
zijden, van 242^ loi 507^
Deze Iwee slukken, Een Tragédie van der Orloghen
on Die Comédie van den Petjs en de Dialoog « Virtutem
dilige » werden, volgens eene aanteekening in bel bs., ter
gelegenbeid der plecbtige inlrede van Alberlus en
Isabella den d***^" Seplember 1599 « publijckelijck ver-
thoonl ende gbespell op de groole merckl der Princelycker
sladt Bruîïsele. » Of zij in helzelfde jaar gescbreven
werden, belwijfelen wij len zeerste daar, volgens algemeen
gevoelen, Houwaerl reeds den 11" Maarl van dal jaar
gestorven was.
Wij denken dal zij vroeger, wellicbl eenige jaren
vroeger, misschien vôôr 1596 (1) opgesleld waren en bij
deze gelegenbeid slecbls gebruikt werden. Het zijn trou-
wens slukken van zoo algemeenen aard dal men ze, zooals
eene nota luidl, zou « mogben gbebruycken op een blyde
Incompst van eenigben Prince des landls, midis tselve
wat veranderende. » Dal men bij de feeslelijkheden van
5 Seplember 1599, werken uilkoos van Houwaerl, die de
bh'jde inkomsten le Brussol van Willem van Oranje en
Aartsberlog Matthias geregeid, de aankomst van Parma
in 1585 bezongen, en nog in 1595 op die van Ernst
van Ooslenrijk geraoraliseerd had, kan en zal niemand
bevreemden.
Volgaarne badden wij nocbtans bel feit bij eenen
gescbied-of kroniekscbrijver aangeslipl gevonden. Docb in
de werken en scbriflen, welke ons bij eene vrij iangdurige
(1) Indien De Pottre 's aanteekening voor 1596 er op toepasse-
lijk is.
( 347 )
onderzoeking onder de oogen kwamen, troffen vvij siechis
algemeene en vage wenken aan. Zoo zegl b. v. Bochius :
« Comicae aeliones publiée suiit habilae, lemporis curri-
culum cl Principum encomia eleganler célébrantes. Car-
mina eliam composila sunl plurima... (1). » In de Brus-
selsche Eertriiimphen vindtmen nagenoeg helzelfde: a En
men heefi verscheyde Thooneelspelen uylghevoerl, daer
men de gheslellenisse van den tydl en den lof van den
Prince en Princesse seer aerdigh toi vermaeck van aile de
toesienders heefl weten voor le slellen (2). » Stipler, doch
ook nog niet afdoend, is de aanteekening in Jan de
Poltre's dagboek ; « Item, V^^*" Septembre a° XV^ XCIX,
op eenen sondach, quam onsen hertoghe Alberlus met siju
buysvrou l'Infante \vt Spaennen ende hy dede sijn entrée
met sijn huysvrou hier te Bruxsel seer treonfant... ende
men spelde voer 'l stadhuys het spel van sinnen, ende oock
batementen drye daghen lanck duerende (3). » De vier
woorden zijn in bel bs. niet cursief gescbreven; of
De Pottre daarmede bedoelde bel door iedereen alsdan
gekende zinnespel, of wel bel bij zulke gelegenheid
gebruikelijke zinnespel, hebben wij niet kunnen uitraaken.
Aanmerking verdient het echter , dat De Pottre reeds den
H° Februari 1596, bij Alberlus' korasl le Brussel als
gouverneur, nagenoeg helzelfde aanteekende : a ende men
spelde op de meert bel spel van sinne, »
Omirent de aulhenticiteit der drie werken kan evenwel
0. i. geen twijfel bestaan. Wat keus en behandeling der
stof, stijl, taal en woordvoorraad betreft, komen zij gansch
(I) flist. narr. prof, et inaug. sercnissinioruin Principum Jlberti
et Isahellae, p. 1 \ i).
^2) Bl. 56.
(3) Vlaamsche Bibliophilen, 5« série, n'' S, bl. 197.
( us )
overeen met Houwaert's Jupiter en Yo en vvat wij verder
van hem gelezen hebben. Overigens, aan het slot van de
beurtspraak en van de Comédie van den Peys hebben wij
niet alleen Houwaerl's zinspreuk, maar ook de uildruk-
kehjke verkiaring « ghecomponeert lot Brussele door
S"" Johan Baplisla Hauwaert » (sic). Achter de Tragédie
van der Orloghen koml deze melding niet voor; doch zij
was er overbodig. De aanleekening, die in het hs, de drie
werken vooral'gaat, noeml in één adem de Tragédie van
der Orloghen en de Comédie van den Peys en deze sluk-
ken vormen, als het ware, siechts een enkel stuk met
dezelfde hoofdpersonages; de comédie is niets anders dan
een vervolg of, zoo men wil, een tegenhanger van de
tragédie : toonl dit sliik ons hoe Meesl al de Werelt. in
ellende zinkl, geen leert ons hoe hij er weer uit oprijst.
Dan, oni aile bedenking te voorkomen, zij er nog op
gewezen dat Mercurius, in de Praefalie, Philosophas, met
andere woorden den schrijver, Houvvaert, beveell Iwee
stukken op te stellen :
Soe verhaelt in twee spelen van sinncn poelelycken
Hoe dorloghc den ghemeyncn orboor doet declineren.
En hoe den proffytclycken peys doet prospereren
De steden, de landen en de republyckcn.
Aan het slot der Praefalie komt hij er nogmaais op
terug :
Wilt ter eeren van syn hoocheyt poetelyck uwten
Den last der orloghen en wilt niet helcn
Den orboor van peys in u sinspelen.
Ook de epiloog der Tragédie wordt met de twee vol-
gende verzen besloten :
Dit hebdy al ghehoort in onse tragoedic;
Morghen sulien wy van den peys spelen een soete comédie.
( 349 )
Eindelijk vangl de proloog van bedoelde Comoedie aan
als voigt :
Gcdts vrinden, die ons comoedie compt acnscliouwen,
Ghy hebt wcl onlhouwen tgeen dat wy gisteren spelden,
Hoe Mcest Al de Werelt...
Nu sullen wy u, gliy notabcl persoonen,
Speelwys bethoonen hoe Meest Al de Werelt, door de roede
Van tribulatie, hem niet can vcrschooncn (1).
H) Sinds het voorafgaande geschreven werd, heb ik te Londen de
gedichten afgeschreven wclkc J.-B. Houvvaert iii 15S5 voltooide en
aan den Hertog van Parma, bij zijne intrcde te Brussel, opdroeg.
Zij bevinden zich sedert 1723 in Eiigeland en berusten thans in
handschrift in het British Muséum. Hier en daar heb ik in die
gedichten verzen aan getroffen welke van zekcr belang zijn voor de
authenticitcit van de Tragédie van der Orloçjfien en de Comédie van
den Peys. Immers, om noch van taal, noch van vvoordenkeus, noch
van leenspreuken te gewagen, is daar ook sprake van Mars, Satur-
nus, Discordia, Invidia, enz., die de Belgische landouwen teisteren
en in den lempel van Janus opgeslotcn of cr uit onstlagen worden.
Men mag er veilig uit opmaken dat Houwaert reeds in 1585 beide
zijne stukken afgemaakt had of ten niinste aan zulk een onderwerp
dacht. Stellig is het dat zoo iels hem voor den gcest zweefde, wan-
neer hij verzen schreef als de volgende :
Fol. H r" Met dat ick dit spiack, is Fortune gheIooi)eii
Naer Jani tempel, daer sy heeft ghevouden
Martem en Discordiam, om te onicnoopen
De slricken daer sy met waeren gliebonden
« 0 Mars en Discordia, was haer vermonden,
w Heipt my gheweldelyck, sonder vertlouwen,
» Veriaghen, veidruckeu, vermoorden, doorwonden
» D'ondersaten van Belgica, soo wel mans al vrouwen ;
» Wilt verderven en vervvoesten al haer landouwen;
» Onsteckt den brant dat mens niet en can uylgieten;
» Ick sal daerentusschen Brussel toeschieien. »
( 350 )
Hoe Houwaerl's drie werken naar Hassell overkwamen?
Fol. H v° Hierentusschen heeft Mars eu Discordia tlant 1| groot
Soo wel sieden, dorpen als playsante palleysen
Tôt in den calen gront glieruineert en verbrant || bloot,
Doende meer vreetheyt dan men can segghen oft peysen :
Het desolaet volck en wist waer loopen oft deyseu;
Daer storvender meuich duysent door tbenouwen,
En dvvclck noch oni bien was bet nieeste vereysen,
Saturnus heeft soo gheschoten en gbebouwen
Dat met doode menschen de phitte landouwcn
Met wegben en stralen waren gbemest en bedeckt.
En de rivieren waren van den bloede bevleckt.
Fol. 55 r» Wilden ons naerburen wel considëreren de saken, ,
Hoe Mars en Discordia tlant bederven,
En hoe dorloghe tvolck arm en bystier can inaken
En ons berooven van eere, van baven en erven,
Sy souwen, als Marcus Regulus, liever sterven
Dan sy darme, onnosele ondersaten
(Naerdien dat sy perdon moghen verwerven)
Noch langhe in ellende souwen laten;
Sy souden Martem en Discordiam haien
En met ons aile sediiien wederlegghen
En die oorsake van twist syn adieu met ons segghen.
Fol. 55 v" Orloff, Saturnus, die vreedelyck doorbort || hebt
Seer vêle herten als ecn bloetghierich tyrant!
Orloff, straffen Mars, die veel bloet ghestort || hebt
En seer veel palleysen, dorpen en stoden verbrant !
Orloff, Bellona, die met ghewapeuder haut
Soo veel deerlycke massacren hebt ghedaen !
Orloff, Discordia, die dit voorspoedich lant
Teglien haren erffconinck hebl doen opslaen !
Orloff, Invidia, die met valsch vermaen
D'ondersaten verweckt hebt tôt haet en nyt :
Wy nemen aen u orloff voor nu en voor altyt.
Ook de jammeiklacht van Brussel (fol. iZ vigg), te lang om hier
mcdegedeeld te kunnen worden, gelijkt volkonien aan die van Meest
al de Werelt, wanneer hij tôt inkeer komt en Concordia aaaroept.
Menig ander vers zoo ik hier iiog lot slaving mijner slelling kunnen
aanhalen; doch ik denk met de medegodcelde vooralsnog te kunnen
volstaan. F. Van Veerdeghem.
( 3S1 )
Bij gebrek aan stellige gegevens is het onmogelijk
de vraag beslist le beanlwoorden. Wij moeten ons dus
loteene gissing bepalen.
Den 50" April 1614 deed Ferdinandus van Beieren,
Prins Bisschop van Lnik, zijne blijde inkomsl te Hasselt.
De Rederijkerskamer dier slad, de Roode Roos, met de
zinspreuk Uitle vercoelt, moest aan de plechligheid deel
nenien en werd belasl o. a. met bel uilvoeren van « een
spelende prologhe oft salutatie van willecom » en « een
esbalemenl Jan Draelî>, dal niet bevvaard gebleven is. In
deze omstandigbeid wendde zich de Kamer lot een harer
siadgenoolen, Melcbior Van Daelbem, deslijds rector van
« S' Augustyns schole oft coleginm toi Brussel ». Deze
vervaardigde « métier baeste in de weeke voer Paeschen »
bedoelden proloog, welke werkelijk bij 's bisscbops inlrede
gebruikl werd, en sebonk bem aan een lid der Kamer,
Wilhem van Heckleer of Wilbem de Heckleer, die het
stuk in 't register der Kamer neerscbrecf (1). Juisl deze
Wilhem van Heckleer is het die, in bel zelfde register,
de drie werken van Houwaerl onmiddelijk op den zoo
even genoemden spelenden proloog liel volgen,
Mogelijk is bel dal Wilhem van Heckleer zelf reeds
vroeger Houwaerl's werken had leereii kennen ; docb bel
is ook mogelijk dat bij er siecbts in 1614, door de
insschenkomsl van Melcbior van Daelbem, kennis van
kreeg. Wat Van Daelbem zelven belreft, dal bij, die
overigens een liefhebber en beoefenaar der Nederlandscbe
lelteren was en als rector aan bel boofd van bel Brusseiscbe
Augustijner Collège stond, dal bij, zeggen wij, met de
pennevruchlen van den Brabantscben rederijker ver-
(i) Bulletin des Mélnphilcs, I.SG6, pp. 103 et suivantes.
( 352 )
irouwd bekend vvas, zal wel eenieder gansch naluurlijk
vooikomen.
Hoe ook Heckleer Houwaert's werken hebbe leeren
kennen, men mag zich afvragen waarom hij ze afschreof.
Men veroorlove ons dien aangaande eene andere gissing.
Wij meenen le mogeri vermoeden dal zulks geschiedde
om die slukken le Hassell bij blijde inkomslen le
gebruiken en zich voortaan niel meer in de moeilijkheid
le bevinden, waarin men zich in 1614 bij de inkomsl van
Ferdinandus Bavarus schijnl bevonden le hebben. Hou-
waert's drie werken waren immers, zooals wij reeds
zegden, van zoo algemeenen aard, dal men met enkele,
lichle wijzigingen, van persoonsnamen b. v., zich er
van kon bedienen bij welke blijde inkomsl ook. Dit is
overigens in bel hs. lot Iweemaal loe aangeslipt, voôr de
Praefalie en na dieProloghe. 01' nu beide deze aanteeke-
ningen van Heckleer zijn, ofwel, of zij zich reeds in bel
origineei bevonden, welen wij naluurlijk niel.
Slond er ook niel uildrukkelijk lot Iweemaal loe,
achler den Dialoog en achler de Comédie, in bel hs. aan-
geleekend dat deze slukken in 1615 afgeschreven en ge-
speeld werden, wij zouden geneigd zijn le veronderslellen
dat zulks een jaar vroeger geschiedde met bel oog op de
inlrede van Prins Bisschop Ferdinandus. Waarom? Een-
voudig wegens de baarblijkelijke wijzigingen welke Hec-
kleer hier en daar aan bel origineei loegebrachl heelt. Dus
in de Praefalie (bl. 244') heel bel nog :
Tis Albertus die van Coninck Philippe is gecoren;
doch wat verder (bl. SiS""), in den Proloog, is er sprake
van Hassels pleynen, en in den Dialoog (bl, 502' en 306')
wordt Ferdinandus bij name genoemd; Houwaerl kan zoo
( 555 )
ic'ts niet gesclireven hebben en de verandering zal wel
van de hand van Heckleer zijn.
Of onze kopiisl zich ook andere soorigelijke vrijheden
bij het afschrijven veroorloofd heefl, bekennen wij niet le
weten. Wij denken het echter niet : zooals reeds aange-
slipt werd, gaven de slukken, uit hun aard zelven, er geen
aanleiding loe. Ter loops zij er op gewezen dat Heckleer
in het lalijn juist niet zeer ervaren schijnl te zijn; de
latijnsche zinspreuken zijn bij hera vaak verbroddeld en
de latijnsche eigennamen soms deerlijk verminkt.
Omtrent den man hebben wij weinig inlichtingen kunnen
inwinnen. Hij was gedurende eitelijke jaren lid, zelfs
bestuurlid der Roode Roos. In de rekeningen der Kamer,
tusschen 1614 en 1627, komt zijn naam meermaals voor;
in 1614 staat hij er als voirder, en in 1622 en 1627 als
capileijn vernneld. Wellicht zullen wij laler, bij verdere
onderzoeking omirent de Hassellschc Rederijkerskamer,
Heckleer naiivvkeuriger leeren kennen.
Voorloopig zien wij slechls in hem een afschrijver, die
zich van de opgenomen of hem loeverlrouwde laak met
veel haasl en weinig zorg kweet. Dit leert ons vooral de
spelling, welke zeer onregelmatig en grillig is : niet alleen
vindl men er wisselvormen aïs Brussel en Brussele, Mey
en May, willecome en wîllecomme, ghereet en gereet, bren^
ghen en bringhen, vaeren en varen, liefste en lieffste, peert
en peirt, eewelyck en eeuwelyck, seghenen en zegenen en
honderden dergelijke, maar ook andere als wie, wye en wy,
haeken, haecken en haken, oe, oi of oy voor oo, enz., enz.
Alhoewel Houwaert's uilgegeven werken jnist niet door
eenvormigheid van spelling uilmunlen, troffen wij er ner-
gens zulke verregaande verwarring aan. Wij j denken dus
dat de schuld er van groolendeels aan den kopiisl ligU
( 3M )
Ook de inlerpunclie laat schrikkelijk te wenschen over;
zij beslaat om zoo le zeggen niet, behalve het bijzondere
teeken ] of \\ voor zekere rijrasoorten.
Voor de metriek achten wij Houwaert nagenoeg allecn
veranlwoordelijk. Doch hieromlrent valtweinig merkwaar-
digs aan le slippen. Behalve een zeker gelai slrophen in
den irant der refereinenslrophen, behalve ook het aanwen-
den hier en daar van een soorl van rondeel, hebben wij in
deze werken het langere of korlere rederijkersvers. Dat
veie verzen onregeirnalig, zelfs kreupel zijn, behoeft geen
beioog; zulks kan echler weeral op zekere plaalsen en in
zekere mate een gevolg zijn van de slordigheid van den
afschrijver. Dal Houwaert een meester was in de kunst-
grepen der rijmkunst, is aigemeen bekend en dat men in
deze werken er soms staaitjes van vindl, zooals dubbel-
rijmen, binnenrijmen, keltingrijmen, ingetrokken rijmen,
enz., zal niemand bevreemden.
Over de letterkundige waarde dezer werken zwijgen wij
liefsi; overigens, van zuike waarde kan hier nauwelijks
sprake zijn. Zij behooren lot het lijdperk der rederijkers
en boven het gewone, lage peil der produclen dier période
verheffen zij zich niet. De taal is alom onlsierd door bas-
taardwoorden en sloplappen en heide de stukken iijden
gebrek aan alwisseling en handeling; komt er al soms een
brokje in voor dat van zekere levendigheid getuigt of uit
het iiart gevloeid is (b. v. Lof van den Peys, bl. SSO"" en
280'), zoo iels behoort lot de zeldzaamheden; gewoonlijk
heeft men slechls, behalve waar de zinnekens oplreden, een
aanhoudend en eentonig ailegoriseeren en moraliseeren
dat de belangslelling sleeds verzwakt. Voeg daar nog bij
zekere tirades waar de schrijver er behagen in schept met
zijnè belezenheid le pralen en eene massa eigennamen uit
( 3f)5 )
de klassieke fabelleer, geschiedenis en lellerkunde aan-
haalt, aïs bij bel einde der Tragédie, waar Mars, Saturnus
en Discordia bun « exploiten » opsommen.Uit dit oogpunt
beschouwdjkomt deDialoog ons buitengemeen zwak voor :
deze dialoog bevat weinig meer dan een langdradige opeen-
slapeiing van namen van personen die bel pad der deugd
getrouw betraden of er van afdwaalden; en, indien deze
dialoog ooit werkelijk bij een plechlige inlrede gebruikt
werd, bekiagen wij van ganscher barte den prins en al wie
bem heeft moeten aanhooren.
Ten slolte, daar deze stukken ons niel zeer geschikt
scbijnen om uilgegeven te worden, moge eene beknopte
inboudsopgave hier welkom wezen.
I. Tragoedie van der Orloghen.
1. Praefatie by forme van dialoge. Zestien stropben,
ieder van vijftien versregels. Personages : Pbilosophus,
Mercurius.
Philosopbus bemerkt aan zekere voorleekenen dal de
oorlog en tweedracbt bet land niet langer zullen teisteren;
er zal een prins komen die vrede en eendracbtigheid zal
doen heerscben. Wie zal deze prins zijn? Mercurius maakt
bet hem bekend : bet is prins Alberlus.
Beschryft zynen willecom naer u oude zede
En doet syn goede famé tôt de wolcken rysen
vervoigt bij, en voegt er dan bij :
Omdat hy dorloghe te beter sou extirperen
En den lofFelycken peys meer advanceren,
Soe verhaelt in twee spelen van sinnen poetelycken
Hoe dorloghe den ghemeyncn orboor doet declineren,
En doet deselve wercken in rlietorycken
Tôt synder incompst spelen openbaerlyck...
( 336 )
Philosophus belooft dit en de dialoog wordl besloten
met eene uilweiding over het pad der deugd en dat van
« swerelts vreucht », over de allegorische beleekenis van
't paard Pegasus, dat bij deze beurtspraak aanwezig is, en
den lof van Prins Albertus.
2. Die Prologhe. Zes strophen, ieder van negen vers-
regels : bede toi den Almachlige voor Prins Albertus en
aankondiging van het daarop volgende stuk :
Soc sullcn wy nu spcclwys ghewagen
Waer doer dat dorloghe, sterftc en dieren tyt
Procederen.
3. Dan volgt eindelijk De Tragoedie van der Orloghen
die, met den proloog, H 43 regels lang is en waar achttien
allegorische personages, waaronder 5 stomme, in optreden.
De Prince der Hoverdyen leeft in voorspoed en weelde
en wil zijne vreugde bij middel van een luisterrijk feesl
laten blijken. Hij roept Tylverlies, een a. herault », en
beveelt hem alom bekend te maken dat hij de droelheid uit
zijne landen gebannen heeft en dat raen zich le zijnen
paleize moet komen verlustigen :
Ick sal doen vieren, lournoyen, steken en breken
En aile vreucht, jolyt en solaes doen bedrijven.
Dit verneemt Meest al de Werelt en Tytverlies kondigt
hem verder aan dat hy op het feest door Solaes van
Vrouwen, de prinses, zal onlhaald worden. Meest a. d. W.
weigerl niet; hij ook is gelukkig en vroolijk, want, zegt hij :
Myn vruchten syn te veldc soe wel ghcraeckt
Dat men myn schuren veel mceider maeckt,
En myn wijnkelders die syn veel te cleync;
Myn renten ghejycken een lopende fontyne ;
Sy vallen als ick slape, nacht en dach;
Dies myn geest hem wel verheughen mach.
( 357 )
Hel besluil van Meest a. d. W. wordt goed gekeurd
door zijne Iwee lijfknechlen Planteyt van Goede, die onle-
vreden is omdal hij thans a moet ligghen vermost inl
schryne », en Wellustich Leven, die belooft hem sleeds
gelrouw hij le slaan. Zij raden hem :
Als ghij by den wolven syt
Suit gliy met den wolven huyicn ;
Alst regent schuyien en schudden uwen piet
En laeten uwen naesten int verdriet.
Om u naar harlelusl le vermaken hebt gij ons noodig,
voegen zij er bij; anders zijl gij als een dood lichaam
zonder ziel en zalt gij aan hel Hof van Vreugden « niel
een woorl in 'l val hebben ». Hun woorden en beloflen
zijn echler geveinsd, wanl
Planteyt van Goede drijft met den winde
Soe den weerhaen met ailen stormen doet
en Wellustich Leven verkiaarl zelf
. . . dat den tegenspoet hem overviele,
Soe sou ick hem segenen met de hiele.
Meest a. d. W. gaat zieh nu toi hel feest voorbereiden
en daar hij van een zilveren kleed « coslelyek bepereil »
gewaagd heeft, vinden zijne knechlen hem irolsch en
hoovaardig en mompelen achlerbaks :
Hy weet syn hair en baert te crollen || coen,
Ghelyck dees ydel tuyten en schollen || doen ;
Desghelyck soe draecht hy oyek langhe craghen
Om dat hy die dochters bat sou behaghen.
Meest a. d. W.komt prachlig uilgedosl terug; zijne lijf-
knechlen raden hem nu zich aan aile genoegens over te
geven : spel, jacht, tafel, esbalemenlen en vrouwen.
3°" SÉRIE, TOME XXVI. 24
( 3d8 )
Aardig en naïef is soms de opsomming der vreugden die
Meest a. d. W. wachten :
Wclluslich Leven.
En ick prijse met waler van roosemaryne
En van damast myn lieff le besprayen...
Planteyt van Gocde.
En ick prijse dit water met groote plasschen
In den bocsem te gieten en die borstkens te wasschen,
Die men dan met themdeken mach afdroeglien.
Welluslich Leven.
Ick prijse het stralen van den soeten ooghen
Als sy de Iieffi>te wincken te beddeweirt...
Zij trekken nu allen te zamen naar het hof van den
Prince der Hoverdyen; deze zal de vriend van Meest
a. d. W. worden, indien hij de ondeugden boven de
deugden wil verkiezen ; Meest a. d. W. belooft het dan ook
met deze woorden : a ick en salder niel op slapen ». De
Prince, Solaes van Vrouwen en Meest a. d. W. laten zich
0. a. den zoeten drank welgevallen; daarna verkiaart
Meest a. d. W. aan Solaes v. V. dat hij haar beminl en zij
zelve antwoordt dat zij hem ook iief heeft.
Goddelycke Waerscfioiiwen die nu te on pas met de
Vreese des Heeren oplreedt en aan 't zedenpreeken valt,
wordt siecht onlhaald en weggejaagd. Solaes v. V. gunt
Meest a. d. W. hare liefde en deze gaat zich a in momme-
rye bereyen », terwiji Solaes v. V. haren echtgenoot te
bed brengl om met haren minnaar op het nachtfeest voile
vrijheid te genielen en te kunnen
... danscn, sonder langher berayen,
Tôt dat wij thaenken hooren crayen.
( 359 )
Doch Invidia koml hel spel verbrodden; zij kan niel
langer dulden dal 3l€est a. d. W.
... is vermoyt van spelen, cussen en lecken;
zij verwilligl den Prince der Hoterdyen, die in woedeont-
sleekt, zweert zich le wreken en met behulp van Dis-
cordia, Mm^s^Salurnus en de heische goden den schrikke-
lijken Oorlog op hel land loslaal.
Niemand, beweren Discordia, Mars en Salurnus, zal
den akeligen brand kunnen blusschen, dien wij zullen
aansleken, niemand de rampen onlwijken, die wij zullen
verwekken. En nu volgl een lafereel van de onheilen door
den oorlog gesiichl : a dorpen verbranden, casleelen
breken, vrouwen schoffieren, maechden vercrachlen », enz.,
beslolen met :
Laet ons gaen storten soe veel menschen bloet
Dat wij die rivieren daermede beviecken;
Laet ons die ackers met doode lichaemen bedecken.
Vooraleer daarloe over te gaan bewijsl nog Discordia,
door langdradige aanhalingen uil de geschiedenis der oud-
heid, wal al onheilen zij in slaat is te stichten; Mars
beweert dat dit ailes niels beduidt in vergelijking met de
gruwelen waarvan hij de oorzaak kan zijn, en Satiinivs
geeft er zijn woord voor, dal hij nooit ten achteren bleef
en ook niet zal blijven. Niemand zal dus heldrietal in den
oorlog overlreffen en zij verlrekken met den kreet :
Slaet doot, slaet doot
Dorloghe is den wolif diet al versiint.
4. De Epilogus ofl Conclusie beval siechts een beknopl
overzichl van het stuk met dit besluit :
Dit hebdy al ghehoort in onse tragoedie;
Morghen sullen wij van den Peys spelen een soete comoedie.
( 560 )
lï. Die Comédie van den Peys.
1. De Prologe. Zes strophen ieder van negen vers-
regels; bevat nagenoeg niets anders dan den beknopten
inhoud der voorafgaande tragédie en der volgende
comédie.
2. Die Comédie. Hel stuk is H08 regels lang en teit
26 personages, waarvan 8 stomme.
Meest a. d. \V. acht zich met Solaes v. V. voikomen
gelukkig :
Als ick noch peyse om haeren lieffelycken mont...
Soe ist dat mijn jonstich herte soe verheucht,
Dat my dunckt dat vliecht tôt in de locht...
Hij wenscht eeuwig bij haar le mogen blijven, doch
levens vreest hij door zijn « vryen » de gramschap van
den Prince der Hoverdyen gaande le maken. Geen kom-
nier, zegl Wellustich Leven; valt hij u aan, gij kunl hem
zegevierend beslrijden; wij zulien u trouw 1er zijde slaan.
Nu verschijnl de Prince des Vredes om Meest a. d. W.
onmeedoogend voor zijn zonden le kaslijden. Gods Recht-
vaerdicheyt onlvangt van hem hel bevel Meest a. d. W. loi
den dood loe le luchligen. Teghenspoet koml hem eersl
« beswaeren »; 'l is, zegl hij,
Tis bloedighe orloghe in al het lant
Tpalleys van Vreuchden staet in den brant.
Alom Iwisl en Iweedacht, slrijd, «c dieren lyt en pesli-
lenlie ». Zoodra zij dit vernemen, verlalen de zinnekens,
Wellustich Leven en Planteyt van Goede, hunnen meesler;
zij « seghenen hem met de hiele », en verschijnen niel
meer.
( ^«l )
Dan worden wij naar den krijgsraad van Mars, Saturnus
en Discordia verplaalst; deze verhalen wal onheilen zij
geslicht heliben. Meest a. d. VF. vverd niet alleen van
Solaes V. V., raaar ook van al zijn goed beroofd; dan
Die ghehuchten en dorpen stacn noch in brandcn...
De rivieren syn met bloede bevleckt...
De velden ligghen met doode lichacmen bedeckt...
Discordia.
Wij hcbbcn ghespijst de raven en de honden.
Saturnus.
Wij hebben het lant met menschenvieesch gemest...
Mars.
Wij hebben de landen soe met bloede begoten
Dat daer halfbegraven ghcremptcn ghenoech
Worden op ghehaelt met den cromraen ploech.
Discordia.
Wij hebben, door ons vremde explooten,
De vruchtbaer velden soe willen bloolen
Dat sy gheheel caluwe syn geschoren.
Hier dus weeral, zooals in den a Orloghe p een uil-
voerig tafereel van de gruwelen en rampzalige gevoigen
des oorlogs ; bel heerschen van woeste kracht en barsch
geweld, de opbeffing van aile rechlsmachl, het verdwijnen
van riist en medelijden worden niet onaardig, zelfs met
zekere kunst, geschetst. Laat ons, besluit Mars,
In tvclt van onrusten ons Iriumphe en feeste
Gaen houwen, eer wy meer vreetheyt bcghinnen || fel :
Diet niet gherockt en hebben, raochtent affspinnen || wel.
( 362 )
Doch Meesl a. d. W. is inmiddels Ireurig en neersiachtig
gevvorden : Solaes v. V. heeft hem immers « quyt ghe-
maeckt al syn juweelen ». Over zijne twee ondankbare
bedienden, die hem in den legenspoed verlielen, klaagt
hij ook. Weldra gevoelt hij berouw en begint God te aan-
bidden.
Goddelycke Waerschoiiwen en de Vreese des Heeren
komen hem eene preek loedienen : zijn zondig gedrag is
de oorzaak van al zijne ongelukken; hij heeft slraf ver-
diend; hij mag klagen, zuchten en, beven, maar hij moet
het zich zelven wijten en niemand anders.
Ghemeyn Oralie zal hetn echter raad geven, alhoewel
zij beweert dal het belreurensvvaardig is, dai hij zoo lang;
Gevroet heeft int walghelyck slyck der sonden.
Hij moet zich naar de « Cappelle van Gratie » begeven;
daar woont een a heremyt », Affstant van Sonden gehee-
len; slechls wanneer hij er « tpack van sonden » gelaten
heeft, waarmede hij beladen is, belooft raen hem den
« Vrede » le gunnen, dien Peys, waarvan Ghemeyn Oratie
een roerend en treffend tafereel schetst, le lang echter
om hier opgenomen le worden. Ghemeyn Oratie smeekt
nu Gods vergiffenis af in een referein van 4 strophen,
ieder van 14 versregels. De Prince des Vredes aanhoort
dit ootraoedig gebed en belooft het zwaard der wraak te
zidien neerleggen en Meest a. d. W. uit ellende en nood
te verlossen. Te dien einde laat hij Concordia roepen en
beveelt haar met den groenen olijflak naar de Nederlan-
den le vliegen en er den Vrede, bij middel van een
a ghenadich placaet » af te kondigen. Concordia wordt
met dankbetuigingen overladen, die in den raond van
(563 )
Meest a. d. W. en Ghemeyn Oratie min of raeer als
eene lilanie klinken : a 0, iroost der gliemeynte! —
0 chirael der eerden! — 0 iresoor der Werelt! — 0
boele van rouwe! — 0 doorluchtighe vrouvve! — 0 moeder
van voorspoel! — 0 byslandighe troinve ! — 0 palleys van
rusten! — 0 bloerae van weerden! — enz. »
Het « placael » wordl den Heeren van den Raad voor-
gelezen en verder wordt hun voorgehouden dat zij moelen
leghelyck goet, cort recht doen en justitie
Sonder aenschou te nemen op de persoonen,
En sonder gaven tonlfangen van ducaten oft croonen.
U eyghen bâte suit ghy, als Calo, altyt
Achter rugghe stellen en soecken tghemeyn proffyt.
Doch Mars, Saturnus en Discordia houden zich niet
voor overwonnen; eene laalsle poging zullen zij nog wagen
om de bovenhand te behouden, want zij vreezen door
Peys gebannen te vvorden. Mars klaagt :
Van imborslighe quaetheyt ist dat ick verstick, oyek
Om dat ick wapenen, tamboeren en trompetten
Teghen niynen danck in den hoeck raoeten (sic) setten,
Soe dat zy van troist en spinnecoppen sullen vervuylen;
Wy sullen moeten snachs vlieghen melten uylen...
Zij gaan aan Plulo hun ongeval verhalen en hem raad-
piegen; want Discordia o. a. kan niet verkroppen dat zij
verjaagd en versmaad is en a niet meer gheacht een
stroo J). Pluto schenkt hun nieuwe wapenen; aan Dis-
cordia geeft iiij a Iwater van tribuialien », Mars bekoml
een vreeselijk zwaard, dat a met Cerberi specksel ghefe-
nynt » is, en Saturnus een helsche slang. Aldus gewapend
pogen zij den strijd te hervatten ; doch 't is vergeefs, daar
zij reeds door Concordia veroordeeld zijn om in den tempel
( 364 )
van Janus opgeslolen te worden. Âls zij op het puni slaan
hel slot der Deugden nogmaals le bestormen, koml een
« Schouleten » ze gevangen nemen. <r Mynen arm heeft
de cramp », bekent Mars met spijl; a twaler van tribulalie
is daer al gheslort », zegt Discordia, en Saliirnus heeft
zijne slang lalen wegsluipen :
Het helsch serpent, dat is my daer ontvioeghen.
Aile drie worden dus in hechlenis genomen, «i met dry-
dobbel diamant ketenen » gebonden en naar den tempe!
van Janus gebracht. Het stuk is ten einde.
3. Epilogus oft Conclusie. Korte opsoraming van al wal
in de comédie uiteengezet werd, eindigende met deze
aanwakkering :
Dus maeckt dat gby in den wyngaert des Heeren arbeyt,
En hier wercken doet van charilate :
Dat bidt u die voer divyse schryfft : Houdt Middelmate.
111. DlALOGE : ViRTUTEM DILIGE.
De diaioog is 407 regels lang; de personages zijn : de
Deucht, Conslantia, Aduiatie en Calumnie.
Hier hebben wij eerst in een referein den lof der
Deugd door haar zelve verkondigd; doch Constantia
beweert dat de Deugd alleen niet voldoende is: Conslantia
(volharden) moet er mede gepaard gaan :
Ghelyck liet sochte water can mineren
En de herde stecnen doorvallen raetter tijt,
Soc moet hij in deuchden volheerden, die daervan proffyl
Wilt ghenieten...
De Deugd stemt hiermede in en beiden besluilen zicli
ten hove le begeven, waar een Prins aangekomen is.
( 3t)5 )
Onderwege onlmoelen zij Adulalie en Calumnie, die biller
klagen omdal zij uit het hof weggejaagd zijn. De Deugd
en Conslantia bevveren dat zulks naar rechl en rede
geschiedt en bewijzen met lai van voorbeelden uit de
geschiedenis, vooral uit die der oudbeid, wat al onheilen
Adulatie en Calumnie gesliclit en hoeveel vorsten zij in
't verderf geslorl hebben. Eerst wordt Adulalie over den
hekel gehaald : « daer is gheen sehadeiycker peste dan
pluymslryckers, »
Want sy verlaten haer meesters in den teghenspoet
Giielyck de swaluwe haeren nest des winters doet.
Dan is het de beurt aan Calumnie, wier woorden
Syn secrète wonden, dootsiaghen en moorden.
Beide ondeugden antwoorden kort en bondig en ver-
wijderen zich; vvaarop de Deugd en Conslantia ten hove
trekken om er den Prins getrouvv bij le slaan, na ons bij
wijze van afscheidsgroel toegeroepen le hebben :
Hier met uwen orloff en Houdl Middelmate.
De lijst van Houvvaert's werken is dus met drie titels
verrijkt. Of 's mans lelterkundige faam er veel bij zal
winnen? Wij betwijfelen het. Is het niet betreurens-
waardig dat bij het aanbreken der zevenliende eeuw,
toen Marlowe reeds zes jaar dood was en Shakespeare
reeds de helft zijner slukken geschreven had, het looneel
te onzent zoo erbarmelijk laag gedaaid was?
( 366 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du /5 octobre 4895.
M. Ad. Samuel, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MiM. J. Staliaert , vice - directeur ;
Éd. Fétis, Alph, Balat, Ernest Slingeneyer, F.-A. Gevaert,
Ad. Pauli, God. Guffens, Jos. Schadde, Th. Radoux, Jos.
Jaquet, J. Demannez, P.-J. Clays, G. De Groot, G. Biot,
H. Hymans, Th. Vinçotte, H. Beyaert, Al. Markelbach,
Max. Rooses, J. Robie, G. Huberti, A. Hennebicq, Éd.
Van Even, Ch. Tardieu, membres; Paul de Vigne, Alfr.
Cluysenaar et Alb. De Vriendt, correspondants.
CORRESPONDANCE.
M. Gevaert exprime par lettre sa profonde reconnais-
sance pour les sentiments sympathiques de condoléance
qui lui ont été exprimés par la Classe et pour la part prise
par ses confrères au malheur qui l'a frappé.
— M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique fait connaître que le jury chargé d'examiner les
poèmes destinés au grand concours de composition musi-
cale a fait choix du poème français portant pour titre
Ladfj Macbeth, et ayant pour auteur M. J.-B. De Snerck, à
Bruxelles, et du poème flamand intitulé Cassandra, dont
l'auteur est M. Isidore Albert, à Gand. Ce choix a été fait
à l'unanimité.
( 507 )
— M. le Minisire transmet une copie du procès- verbal
de la séance du jury qui a jugé le grand concours de com-
position musicale de celte année. Le grand prix a été
décerné à M. Louis-Ch.-Anloine Morlelmans, d'Anvers.
Un premier second prix a été décerné, à l'unanimité, à
M.Jean-Martin Lunssens, de Molenbeek-Saint-Jean ; un
deuxième second prix a été accordé à M. Jean-Pierre Van
der Meulen.
C'est également à l'unanimité qu'une mention honorable
a été accordée à M. Nicolas-Adolphe-Gustave Daneau, de
Binche.
— Il est donné notification à la Classe du décès de trois
de ses associés de la section des sciences et des lettres
dans leurs rapports avec les beaux-arts :
Jules Gailhabaud, archéologue, né à Lille le 20 août
1810, mort à Paris le 15 avril 1888; Wilhem Liibke, pro-
fesseur à la chaire d'histoire de l'art de l'École d'archilec-
lure, à Berlin, né à Dorlmiind le 17 janvier 1826, mort
récemment à Berlin, et Antonio Bertolotti, directeur des
archives municipales à Mantone, décédé récemment en
celle ville.
— M. Max. Booses remet, pour ['Annuaire de 1894', le
manuscrit de sa notice sur Charles Verlal, ancien membre
de la Classe. — Bemerciemenls.
— La Classe renvoie à l'examen :
A. De sa section de musique, deux compositions musi-
cales intitulées La Mer et Derniers rayons, que M. Gilson,
prix de Bome en 1889, vient de transmettre à M. le
Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique, à titre
de premier envoi réglementaire;
( 368 )
B. De sa section d'architecture, le premier rapport de
M. Kockerols, lauréat des concours Godecharle de 1890;
C. De sa section de sculpture, le second rapport de
M. Eg. Rombaux, prix de Rome en 1891.
Les appréciations sur le premier rapport et le premier
envoi réglementaire du même lauréat seront transmis
(en copie) à M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique.
CONCOURS ANNUEL POUR 1893.
PARTIE EilTTÉRAIRE.
La Classe entend la lecture des rapports de ses commis-
saires sur les mémoires envoyés en réponse aux questions
de gravure et de musique.
Conformément au règlement, les manuscrits resteront
déposés sur le bureau jusqu'à la prochaine séance, dans
laquelle aura lieu le prononcé du jugement.
SUJETS d'art APPK.IQVÉ.
PEINTURE.
Un prix de mille francs était proposé pour un Grand
panneau pour une Cour d'assises. Les cartons devaient
avoir l^jlO sur 0°',45 et être remis au secrétariat de l'Aca-
démie avant le 1" octobre.
Six dessins ont été reçus; ils portent pour devises :
N** 1, L'Union fait la force.
N° % Un triangle.
N" 3, Pro arte.
N** 4, Labor.
( 369 )
N° 5, La conscience entre C acquittement et la condam-
nation.
N° 6, La loi doit être comme la mort, qui n*épargne
personne (Montesquieu).
GRAVURE EN MÉDAILLES.
Un prix de 600 francs était proposé pour une Médaille
commémorative de la mort de S. A. R. le prince Baudouin.
L'avers était réservé à l'effigie du prince; le revers
devait représenter un sujet allégorique.
Les modèles en cire ou en plâtre devaient avoir
0'°,50 de diamètre et être remis au secrétariat avant le
J" octobre.
Deux projets ont été reçus :
N" 1. Devise : Pax.
N° 2. Devise : Ad memoriam.
La Classe se prononcera également, dans sa prochaine
séance, sur les conclusions des rapports des sections.
CONCOURS ANNUEL POUR 4894.
SUJET d'art appliqué.
MUSIQUE.
La Classe prend acte de la réception de la partition d'un
Quatuor pour instruments à archet, qu\ porte pour marque
distinctive le dessin de l'avers d'une pièce de 5 francs à
l'effigie de Léopold IL
( 370 )
CLASSE DES BEAVX-ARTS.
Séance du 26 octobre i893.
M. Ad. Samuel, directeur.
M. le chevalier Edm. Marghal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. Stallaerl, vice-directeur; Éd. Fétis,
Ernest Slingeneyer, A. Gevaert, Ad. Pauli, God. Guffens,
Jos. Schadde, Th. Radoux, Jos. Jacquet, J. Demannez,
P.-J. Clays, G. De Groot, Gustave Biot, Henri Hymans,
Th. Vinçotte, Alex. Marckeibach, Max. Rooses, J. Robie,
G. Huberti, A. Hennebicq, membres; Albert De Vriendt,
cori'espondant.
En ouvrant la séance, M. Samuel annonce à la Classe la
perte qu'elle vient de faire en la personne de Charles
Gounod. Je ne crois pas, dit-il, devoir rappeler le rôle
immense que Gounod a exercé dans la musique; ce rôle
a été surtout prépondérant en France, mais c'est la Bel-
gique qui a présidé aux plus brillants succès de Faust.
Gounod était associé de la Classe, et c'était un honneur
pour l'Académie. Je propose qu'une lettre de condoléance
soit adressée à la veuve de l'illustre compositeur. —
Adopté.
( 371 )
CORRESPONDANCE.
M. le comte P. de Borchgrave d'Altena exprime, au nom
de LL. MM. le Roi et la Reine, leurs regrets de ne pouvoir
assister à la séance publique.
M. le Ministre de la Guerre, M. le Ministre des Chemins
de fer, Postes et Télégraphes, M. le comte H. d'Ursel,
commissaire général du Gouvernement pour l'Exposition
universelle d'Anvers, et l'Académie royale de médecine,
remercient pour les invitations à celte solennité.
— M. Gevaert fait hommage de la XVII* année de V An-
nuaire du Conservatoire royal de musique de Bruxelles.
— Remerciements.
JUGEMENT DU CONCOURS ANNUEL (1893).
PARTIE I.ITTÉRAIRE.
DEUXIÈME QUESTION.
Apprécier le rôle de la gravure en taille-douce depuis
les derniers perfectionnements de la photographie, et
indiquer celui qu'elle peut être appelée à jouer dans
l'avenir.
Kappoft de BÊ. Jl. OemnnnBX^ pretnief con%n%isaaire.
« J'ai examiné avec le plus grand soin les deux
mémoires qui ont été envoyés en réponse à la deuxième
question du concours pour 1893 de la Classe des beaux-
arts de l'Académie royale de Belgique.
( 372 )
Je suis heureux de constater que, cette fois, les deux
mémoires renferment de grandes qualités et sont très
intéressants à étudier.
Je me suis occupé d'abord de celui ayant pour devise :
La gravure est un bel art. La graphique un art industriel.
Il compte 46 pages.
Voulant justifier la devise de son travail, l'auteur débute
par un parallèle entre la gravure et la graphique. Il carac-
térise bien la différence qui existe entre elles lorsqu'il dit
que la gravure peut produire une œuvre supérieure au
modèle qu'elle reproduit, tandis que la graphique reste
nécessairement au-dessous. Je trouve aussi assez heureuse
la comparaison qu'il établit entre le virtuose et le graveur,
ce dernier produisant des œuvres qui l'emportent autant
bur les produits de la graphique que le virtuose, faisant
entendre ses compositions, l'emporte sur un orgue méca-
nique qui, quoique jouant avec une étonnante précision,
ne pourra jamais produire qu'une émotion factice et peu
durable. Après ce court préambule, l'auteur, entrant plei-
nement dans son sujet, nous reporte à la naissance de la
photographie et nous rappelle les prévisions fâcheuses
qu'inspira son apparition à ceux qui s'intéressaient aux
choses de l'art; dans un avenir plus ou moins rapproché,
la peinture allait devenir stérile et inactive. Et pourtant,
contrairement à ces prévisions, le nombre de nos peintres
va croissant chaque jour.
Comme le fait judicieusement remarquer l'auteur, c'est
la gravure qui, dénuée du charme de la couleur et deman-
dant pour être comprise et pour plaire un sentiment
esthétique plus profond, c'est la gravure, dis-je, qui ressent
le plus vivement les effets de la concurrence à elle faite
par les procédés industriels.
( 573 3
Comparant les deux rivales, l'auteur nous prouve qu'en
tous points la préférence doit être donnée à la gravure, et
il termine la première partie de son travail en affirmant
que si la graphique nioderne, spéculant sur le mauvais
goût du public, a pu retarder momentanément le dévelop-
l»ement de la gravure, elle est et sera toujours incapable
de la supplanter ou de l'anéantir.
Elle n'aura pour effet que de rendre à la gravure cet
immense service d'écarter de son giron les impuissants.
Quant au rôle que la gravure peut être appelée à jouer
dans l'avenir, l'auteur estime avec raison que c'est un
rôle purement artistique. Pour parvenir à ce résultat, le
graveur, d'après lui, aura à faire un choix judicieux des
sujets qu'il traitera (c'est très bien, mais l'auteur semble
ne se point douter que ce conseil ne saurait s'appliquer
qu'aux artistes fortunés, n'ayant point à dépendre du pro-
duit de leur travail, car les cas sont rares où l'éditeur
consulte le graveur sur le choix à faire du sujet qu'il lui
commande). Pour moi, je dois le répéter, la réalisation de
ce beau rêve ne peut se rencontrer que dans la formation
d'une chalcographie soutenue parle Gouvernement, projet
élaboré d'ailleurs par l'Académie royale de Belgique il y a
quelque trente ans.
Le Gouvernement seul dispose de moyens suffisants
pour pouvoir faire choix de plusieurs bons tableaux à
reproduire et en faire la commande aux graveurs selon
leurs capacités et leur sentiment.
L'auteur du mémoire conseille au graveur de s'appliquer,
dans l'interprétation des œuvres picturales, à rendre le
plus exactement possible le tableau qu'il a devant lui. Ce
qui ne veut pas dire, ajoute-l-il, que le graveur n'ait qu'à le
copier servilement et machinalement; au contraire, chaque
S""* SÉRIE, TOME XXVI. 25
(374 )
interprétalion doit avoir son caractère spécial, et ceux qui
viseraient à produire les eflets obtenus par leurs devan-
ciers arriveraient an maniérisme, écueil des plus redou-
tables.
Considérée à ce point de vue, la gravure, dit-il, tout en
occupant une place secondaire dans la grande famille des
arts, n'en exige pas moins un sentiment artistique, des
connaissances et des aptitudes spéciales, capables de lui
faire remplir un rôle glorieux.
El, dans un élan patriotique, l'auteur termine son
mémoire en disant : « Si un pays petit comme la Belgique
par son étendue, ne saurait lutter sans difficulté contre ses
puissants voisins, un pays grand comme la Belgique par
son art vit toujours accueillir dans le monde entier les
travaux de ses (ils illustres.
» Que la Belgique élève donc ses aspirations artistiques,
qu'elle prépare et facilite le développement des dispositions
innées, des aptitudes spéciales de ses enfants, qu'elle les
encourage grandement mais dignement, et elle pourra
regarder l'avenir avec confiance, comme elle peut se glo-
rifier de son passé! »
En résumé, ce mémoire témoigne d'un travail conscien-
cieux et renferme de grandes qualités.
Arrivons au second mémoire que nous devons examiner,
et qui a pour devise : On ne saurait faire à un peintre de
plus agnelle injure que de supposer qu'il vise à placer ses
œuvres au niveau de la photographie. W a 83 pages.
L'auteur, se basant (je ne sais pourquoi) sur une ques-
tion qui avait été posée précédemment, s'y occupe au début
de la décadence de la gravure. Je ne puis le suivre sur ce
terrain, car si la carrière de la gravure en taille-douce est
( 575 )
aujourd'hui bien compromise, si les œuvres de ce genre
sont accueillies avec froideur et indifférence, cela ne |)eut
être attribué qu'à la concurrence qui lui est faite par la
photographie et tous les procédés qui en dérivent, qui tous
ont sur la gravure l'avantage incontestable de la rapidité
d'exécution. Quand je me trouve en présence de chefs-
d'œuvre tels que l'Hémicycle du palais des Beaux-Arts,
Lord Strafford, le portrait de Bertin et celui de Pastoret
d'Henriquel Dupont, de la Joconde, du vœu de Louis XIIJ,
de la Françoise de Rimini et du portrait du comte Wolé
de Calamalta, de la Sainte-Amélie et des Moissonneurs de
iVIercuri, de l'Innocence d'Aristide Louis, de la Vierge à la
Chaise, d'un petit portrait de Mandel que possède notre
cabinet des Estampes, de l'Homme à l'œillet, du portrait
de Pie IX de Gaillard, quand je me trouve en présence,
dis-je, de ces œuvres et de tant d'autres que je ne pourrais
énumérer ici, il m'est impossible d'admettre que l'art (Je
la gravure soit en décadence.
Et je ne comprends pas que l'auteur du mémoire
revienne sur ce sujet que j'ai combattu déjà dans mon
rapport sur le précédent concours. L'auteur fait ensuite
l'histoire détaillée de la gravure, il condamne la trop
grande régularité de la taille et nous fait connaître l'opi-
nion de Bervic à ce sujet. A propos de la naissance de la
photographie, il nous cite des paroles de Jules Janin et
de Paul Delaroche, exagérant les conséquences fàclieuses
de la nouvelle invention; mais si pénibles que soient les
craintes de ces deux hommes éminents, elles sont cepen-
dant partagées par bien des personnes. Ces citations de
l'auteur du mémoire, comme du reste toute son histoire
de la gravure, sont très intéressantes et témoignent d'une
grande érudition; aussi, sous ce rapport, le concurrent
( 376 )
mérile-l-il nos éloges, mais j'eslime qu'il s'est par irop
écarté de la question posée.
Dans son deuxième paragraphe, l'auteur s'applique à
nous prouver que la photographie n'est pas un art; ici
encore il émet nomhre d'idées fort justes.
Dans un troisième paragraphe, l'auteur examine les pro-
cédés de la taille-douce. Ce chapitre encore me semble
d'une opportunité douteuse, mais il se termine par une
appréciation fort juste du travail si original du graveur
Gaillard. C'est ce maître qui lui sert d'exemple pour prou-
ver l'avantage de l'artiste sur le photographe, lorsqu'il
s'agit de rétablir dans son étal primitif un chef-d'œuvre
détérioré. Personne n'ignore en effet que le gouvernement
français commanda à Gaillard la reproduction de la Cène
de Léonard de Vinci, laquelle reproduction était une
résurrection véritable, pour mieux dire, étant donné l'état
pitoyable de l'original.
Dans le chapitre suivant, qu'il intitule : La reproduction
photographique, l'auteur, sans épargner sa peine, nous fait
une description complète des avantages et des inconvé-
nients de ce procédé. Il reconnaît à la photographie l'avan-
tage de rendre parfaitement des objets d'archéologie, de
botanique, des sciences physiques et mécaniques, mais il
la déclare incapable d'émouvoir. Enfin, dans sa conclusion,
l'auteur examine tous les procédés et fait remarquer
qu'aucun n'a détrôné le burin. Il déplore de voir livrer à
la photographie bien des commandes qui devraient revenir
à la gravure, et, à ce sujet, il cite le cas, en France, du
diplôme d'honneur des grandes expositions universelles.
En 1855, il était dessiné par Ingres et gravé par Cala-
malta;en 1878 il était dessiné par Baudry et reproduit
par la photogravure.
( 377 )
L'auteur estime qi.e la i^ravuie ne serait pas dans un
état si précaire en Belgique si, comme anciennement, les
artistes avaient des débouchés pour leurs produits.
Il serait donc essentiel, dit-il qu'il se formât pour Thon-
neur de l'art national des éditeurs belges capables de lan-
cer el de soutenir le renom de nos graveurs à l'étranger.
Il reconnaît avec E. Corr que le système adopté de f.iire
exécuter sous le patronage du Gouvernement des planches
destinées aux souscripteurs de la loterie des expositions
est heureuse; il pense que l'eau-forte n'a pas droit aux
mêmes encouragements, ces œuvres exigent pour être
menées à bien moins de tenips et d'efforts soutenus.
L'auteur trouve que l'idée de former la chalcographie serait
louable mais insuffisante, car si cette entreprise donne à
vivre aux graveurs, dit-il, elle n'enracine pas pour toujours
la gravure dans le pays.
Je trouve ici l'auteur par trop exigi'ant. Il voudrait en
outre, et ici je lui donne parfaitement raison, que l'on fil de
temps à autre des expositions spéciales de gravures dans
des salles bien éclairées, car toujours, aux expositions
triennales, la gravure se trouve reléguée dans des salles
perdues, où le public n'arrive que par hasard et la vue
fatiguée déjà par les couleurs des peintures qu'il vient de
quitter. Enfin, l'auteur recherche tous les moyens pos-
sibles pour faire pénétrer le goût de la taille-douce dans
l'esprit du public et former ainsi des connaisseurs collec-
tionneurs qui s'attacheraient aux artistes graveurs et
formeraient pour eux une riche clientèle recueillant les
épreuves de remarque dès leur apparition.
En résumé, ce long travail renferme bien des passages
d'une opportunité douteuse, mais on y trouve, à côté de
ceux-ci, nombre d'idées justes et bien étudiées, qui prou-
( 378 )
vent chez l'auleur une connaissance très étendue de tout
ce qui a rapport à la gravure.
Bref, je trouve les deux mémoires très satisfaisants et
très intéressants, mais celui portant pour devise : On ne
t-aiirait faire à un peintre, etc., est absolument trop
long; l'auteur devra, dans l'intérêt même de son travail,
retrancher le plus possible les passages ne répondant pas
directement à la question posée.
Sous cette réserve, je propose d'accorder le prix en par-
tage aux deux concurrents. j>
nappoft fie Mf. Mut'heWnvhf dcttaciètne cotntnisaaii^B.
« Les deux mémoires, l'un ayant pour devise : La
gravure est un bel-art, etc., et l'autre : On ne saurait
faire à un peintre de plus cruelle, injure, etc., parvenus à
l'Académie en réponse à la question mise au concours:
Apprécier le rôle de la gravure en taille-douce depuis les
derniers perfectionnements de la photographie, et indiquer
celui qu'elle peut être appelée à jouer dans l'avenir, que
j'ai eus à examiner, se ressemblent tellement, qu'analyser
l'un c'est analyser l'autre.
Le premier commissaire, plus compétent que moi en la
matière, l'a fait si consciencieusement que je n'ai plus
rien à ajouter à son rapport.
Leurs conclusions sont encore identiques. Or, voici ce
qui en ressort et ce qu'il faut seul en retenir : La gravure
en taille-douce était autrefois et serait encore aujourd'hui
le plus intelligent mode de reproduction et de vulgarisa-
tion soit de ses propres créations, soit de celles des autres,
sans la funeste décadence où on l'a laissée tomber et
( 379 )
(]u'on ne peut allribuer qu'à l'insuffisance des dispositions
primordiales de ceux qui s'y destinent et au malencontreux
et systématique enseignement des écoles, qui ne porte plus
que sur les moyens matériels et le maniement de l'outil,
déviant ainsi entièrement de son but à atteindre. D'autres
procédés, et surtout la photographie, ils le reconnaissent,
sont venus lui opposer une concurrence redoutable, car
les amateurs comme les artistes eux-mêmes préféreront
de beaucoup une bonne épreuve photographique à une
gravure médiocre, toujours préjudiciable à l'œuvre princi-
pale qui ne se trouverait pas à côté; mais de tout cela, ils
ne désespèrent pas et prévoient, au contraire, le retour
possible et prochain de la splendeur de ses anciens
maîtres, si les nouveaux édiles de cet art a veulent sincè-
rement s'instruire, s'étudier constamment à suivre et com-
prendre la marche des évolutions dans les arts modernes, et
s'efforcer de trouver des moyens plus jeunes, plus expé-
dilifs et plus spirituels à les rendre. A ceux-là appar-
tiendront désormais l'honneur et le profit, »
Les deux concurrents ayant témoigné de beaucoup
d'érudition et d'autant de zèle à résoudre le plus conve-
nablement possible le problème un peu vague, il faut bien
le dire, qui leur a été posé, je proposerai au jury de leur
décerner le prix en partage. »
Rappat't fie M. Bymaits, tt'oigièinc conttnigsairc
<L La situation de la gravure au burin, par suite de la
concurrence que lui font la photographie et les procédés
qui en dérivent, préoccupe à bon droit les esprits soucieux
de l'avenir d'un art illustré par plusieurs siècles de
splendeur.
( 580 )
Inutile de se le dissimuler, la gravure a perdu de son
prestige, non seulement aux yeux du public, mais égale-
ment aux yeux des artistes d'abord intéressés, à ce qu'il
semble, à la prospérité d'une l'orme d'interprétation non
moins expressive que durable de leur pensée.
Faut-il en conclure à l'exactitude d'une assertion com-
mune que l'apparition de la photographie a terminé nor-
malement la carrière de la gravure, incapable d'entrer en
lutte avec une concurrente ayant sur elle le double avan-
tage de la précision et de la célérité? L'Académie, par le
concours dont le résultat nous est soumis, a voulu élucider
ce point et s'éclairer ensuite sur le rôle ultérieur d'un art
dont les statuts de notre Compagnie appellent les repré-
sentants à siéger dans son sein.
Deux concurrents ont répondu à son appel. Analysés
avec la compétence qui lui appartient par l'honorable pre-
mier commissaire, leurs mémoires sont de sa part l'objet
d'éloges que je crois justifiés, et de réserves auxquelles je
me rallie également.
Le consciencieux exposé de mon savant confrère me
dispense de revenir sur le plan d'ensemble de ces deux
travaux conçus, par une bizarre coïncidence, de manière
presque identique.
J'examine d'abord le mémoire portant pour épigraphe :
On ne saurait faire à un peintre plus cruelle injure que
de supposer qu'il vise à placer ses œuvres au niveau de
la photographie.
Très étendu (il ne compte pas moins de 85 pages d'une
écriture serrée), on peut lui reprocher des longueurs. A
proprement parler, les titres 1 et II sont des hors-d'œuvre.
Les termes de la question ne réclamaient pas une revue
d'ensemble de l'histoire de la gravure. Encore celte revue.
. 381 )
longue par elle-même, serait-elle insuffisante ainsi acce.s
soiremenl présentée à propos du sujet d'ordre purement
contemporain qui nous intéresse. Il y avait lien, pour notre
pays, de mieux préciser les causes qui amènent la gravure,
parvenue sous Rubens à un degré de splendeur presque
sans égal, à un abandon tel que ses représentants ou bien
cherchent au delà de nos frontières leurs moyens d'exis-
tence, ou se vouent à des professions n'ayant plus rien
de commun avec l'art. Au XVIII' siècle, par exemple, on
put voir le graveur Yan den Berghe, d'Anvers, se faire
crieur public et son concitoyen Pierre Martenasie se mettre
au service de Laurent Cars pour, en vertu d'un contrat en
due forme, graver, sans signature aucune, toutes les
planches qui seraient commandées à son confrère parisien.
On peut dire que ce fut le régime hollandais qui rendit
à la gravure un reflet de son ancienne popularité. Plus
tard la fondation de l'école de Bruxelles et l'initiative de
l'État de placer à sa tète un maître illustre, nous donnèrent
des graveurs éminents, mais c'est à tort que l'auteur du
mémoire suppose que seule l'insliiution dont il s'agit nous
procura des représentants de l'art du burin. L'Académie a
compté parmi ses membres divers chalcographes qui furent
antérieurs à l'école de Bruxelles, et dont pourtant la
renommée se répandit au loin. A Anvers il y eut, sous la
direction de Corr, une école florissante. Il n'est pas exact
non plus que la lithographie ait fait tort en Belgique à la
gravure. Bien au contraire, la lithographie, chose que j'ai
eu l'occasion de s'gnaler ailleurs (1), préluda chez nous au
(1) Die vervielfàtigende Kunst der Gegcnwart, Redigirl von Cari
071 Lûtzow, t. H, p. 98. Wien. 181)1.
i 582 )
regain de faveur de la gravure, et les deux procédés eoexis-
lèrenl assez longtemps sans se faire réciproquement aucun
lort. La preuve en est dans la vogue des planches gravées
et lilhographiées, distribuées à la fois dans nos salons de
peinture.
On suit avec plaisir l'auteur dans son exposé de ce qu'il
faut entendre par une reproducti(.n. Un peu longue peut-
être, cette dissertation n'en constitue pas moins un mor-
ceau distingué.
« La reproduction, dit l'auteur, ne suffît pas pour faire
une œuvre d'art, car elle participe de l'ordre moral. L'ordre
moral a pour résultat le beau moral, seul ou accompagné
du beau physique. Pour que l'ordre moral existe, il est
nécessaire qu'il pénètre son sujet jusque dans ses plus
infimes détails, qu'il ait autorité sur eux pour les faire
valoir ou les supprimer à son gré. Il est bien difficile et
même impossible de soumettre la nature à ce régime si
l'on n'y substitue dans ce travail l'effigie ou l'apparence des
parties correspondant à ce!, ordre moral. Telle est la genèse
de l'œuvre d'art : c'est un sentiment général exprimé au
moyen d'un choix de termes naturels qui lui sont appro-
priés par le choix. » C'est d'un observateur sagace et d'un
esprit réfléchi.
Le chapitre III aborde enfin la question du concours.
L'auteur y fait observer avec raison combien les conditions
qui régissent la gravure au burin participent de celles qui
s'imposent à l'artiste créateur lui-même, réclament une
connaissance profonde du modèle.
Définissant les procédés de la gravure en taille-douce,
il déplore que celle-ci ne soit le plus souvent que la repro-
duction d'un dessin préalable, un guide, observe-t-il avec
raison, mais non pas un modèle. 11 montre les ressources
( 383 )
infinies qu'un graveur habile peul trouver clans son burin,
mais je n'oserais souscrire sans réserve au rapport qu'il
établit entre la sculpture et la gravure, tenue de procéder,
c(!lle-ci, invariablement par des tailles suivant une direction
parallèle à la surface qu'elles sont appelées à rendre. Certes,
des graveurs ont poussé ce système à un haut degré de
perfection, mais on en pourrait citer d'autres qui ont ren-
contré le succès en procédant d'une manière plus libre, et
si l'eau-forte, envisagée comme moyen de reproduction,
n'est le plus souvent, de nos jours, qu'un prétexte a de
présomptueux à-pt'u-près, en revanche la gravure en taille-
douce y peut trouver d'utiles ressources sans négliger pour
cela la précision de forme qui est l'apanage du burin. Ce
mélange, l'auteur ne l'admet pas plus que l'intervention de
la taille libre, laquelle, au lieu du pittoresque, n'amène,
assure-t-il, que désordre et malpropreté.
Les procédés délicats de Gaillard trouvent en lui un cha-
leureux appréciateur. En effet. Gaillard fut un maître, et
c'est à bon droit que l'auteur lui accorde ce que j'appel-
lerai un tour de faveur. J'observe à ce propos, car nos
deux concurrents paraissent l'ignorer, tout au moins le
passent sous silence, que Gaillard fut aussi un peintre
éminent et que les productions de son pinceau rivalisent
de précision et d'accent avec celles de son burin,
lesquelles, à force d'art, arrivent à dissimuler l'art lui-
même. On peut dire de Gaillard, comme de Vorstermao,
qu'il fut un peintre au burin.
Le chapitre IV traite de la photographie. L'auteur nous
la montre comme caractérisant d'une manière absolue
l'esprit d'un siècle qui, renversant les termes du vieil
adage, aspire à faire l'art bref et la vie longue, ars brevis,
vita longa, et il accompagne cette constatation ingénieuse
( 384 )
de la remarque un peu conlradicloire,à ce qu'il semble, que
« c'est l'esprit du siècle qu'il faut vouloir avec patience, et
que la patience a toujours été la vertu du graveur ».
La photographie, au gré de l'auteur, devrait aboutir à
l'épuremenl de la clientèle de la gravure. Il n'y aurait pas,
je pense, à s'en féliciter. Chaque fois que, dans ses appli-
cations, la photographie touche à l'art, elle a pour effet
d'en appauvrir l'expression, et n'arrive à subsister que par
les emprunts que, fatalement, elle doit lui faire. Entre la
photographie et l'art, tout accommodement me paraît
impossible.
L'auteur n'est, du reste, pas loin de partager cette con-
viction, car il s'écrie : « La photographie est-elle donc si
parfaite que le génie humain lui soit inférieur? La nature,
pourtant si rebelle à l'homme, s'esl-elle donc subitement
assouplie sous sa volonté jusqu'à en arriver à accomplir
mécaniquement, et au moyen des forces aveugles, ce
qu'elle refusait à l'habileté de ses mains et de son
génie? »
Répondant à cette question, il trouve que l'autorité de
la photographie se fonde sur une équivoque. Le vrai, au
gré de certains philosophes, constituant le beau, pour bien
des gens le photographe fait œuvre d'artiste. « Mais au
lieu de saisir la vérité matérielle, c'est la réalité matérielle
seulement qu'il arrive à saisir. Or, l'art sait délaisser ce
qui n'a pas d'importance, et la photographie nous donne
plus que la vérité, allant ainsi jusqu'à la réalité. » Distinc-
tion ingénieuse, bien qu'un peu subtile.
Aussi bien, tout a été dit sur cette insuffisance de la
photographie considérée au point de vue de l'art, et
l'auteur cite même un passage de l'excellent ouvrage de
V 585 )
M. Alfred de Loslalot : Les procédés de la gravure [\), où
il est éloquemment fait justice des erreurs courantes en la
matière, erreurs que lui-même s'applique à réfuter avec un
luxe de démonstration dès lors superflu.
Le chapitre suivant (p. 40) : La taille-douce de traduc-
tion, nous introduit, dit l'auteur, au cœur de la question.
Il nous montre en présence la photographie et la gravure
devant l'œuvre à reproduire. Le mémoire fait justice de
cette affirmation commune que l'auteur d'une estampe
n'a rien à iiiettre du sien dans la reproduction d'une
œuvre. « L'imitation serait insuffisante, dit-il, si elle
gardait le caractère de copie littérale. » Rien n'est plus
vrai, bien que surabondamment démontré.
L'auteur a raison encore lorsqu'il exige que le graveur
soit, autant que possible, en communauté de vues avec le
créateur d'une œuvre à reproduire, toute création ne
s'adaptant pas avec un égal avantage à la nature de son
talent. Il rappelle que M. de Chennevières, étant directeur
des Beaux-Arts en France, avait pris l'initiative d'appeler
les graveurs récompensés au salon à reproduire les pein-
tures et les sculptures ayant remporté la médaille d'hon-
neur au même salon. Mesure excellente et faite pour être
d'autant plus opportunément rappelée que, précisément
au salon de cette année, comme précédemment à Anvers,
les participants à la loterie sont mis en possession
d'estampes reproduisant des œuvres anciennes, dont le
sujet peut offrir pour les artistes un vif attrait, mais n'est
pas de nature à intéresser au même degré un public déjà
trop porté à se désintéresser de la gravure elle-même.
1) I^aris, Quanlin, I vol. in-S"
t 386 )
Où l'auteur me paraît dépasser le but, c'est lorsqu'il
exige que le graveur soit un érudit, qu'il connaisse à fond
l'histoire de l'art. Je ne dis pas que cela soit superflu, mais
c'est surtout de l'étude des maîtres de son art que le
graveur doit être soucieux, et s'il est vrai, comme on nous
le rappelle, que Ferdinand Gaillard, avant d'aborder sa
gravure des Disciples d'Emaus d'après Rembrandt, voulut
fouiller les collections en vue d'y surprendre en germe
celle œuvre fameuse, comme il voulut remonter à la
genèse des conceptions de Léonard de Vinci avant d'en-
treprendre de graver la Cène du prodigieux artiste, c'est
que Rembrandt est un des maîtres les plus profonds, les
plus insaisissables qui soient, et que, pour ce qui concerne
la Cène de Léonard, le fait d'en essayer aujourd'hui la
gravure équivaut à une restitution.
J'ai été amené plus d'une fois à constater avec surprise
et regret l'indifférence des graveurs pour les manifestations
du génie de leurs devanciers, indifférence qui, au surplus,
n'est qu'une forme du faible attrait que présentent pour
beaucoup de leurs confrères d'autres branches, les produc-
tions des maîtres du passé. Il y aurait nécessairement
tout avantage pour le graveur à s'inspirer de l'exemple
des hommes qui ont porté au degré supérieur l'art qu'il
cultive, mais c'est évidemment trop exiger, s'appelàl-il
Gaillard, de prétendre qu'il parvînt à rendre à la Cène de
Milan, délabrée comme elle l'est et défigurée par de mala-
droites restaurations, sa valeur originelle. Ce n'est plus là
le rôle du graveur.
Retenons simplement que si les graveurs anciens, dont
le faire était plus libre, plus spontané, plus artiste, en un
mot, que celui de nos contemporains en général, sont par-
venus, avec l'aide de dessins et de grisailles d'une rigueur
( 387 )
moindre que les modèles dont dispose aujourd'hui l'in-
lerprète, à nous donner des chefs-d'œuvre, c'est qu'ils
étyjenl guidés souvent par des maîtres ayant nom Raphaël,
Titien, Rubens, Van Dyck et bien d'autres,
El c'est là-dessus que Mariette insiste en constatant
la supériorité de certaines pages issues du burin des col-
laborateurs de Rubens. « Exemple mémorable, s'écrie-l-il,
et qu'on ne peut trop exhorter les peintres et les graveurs
d'avoir continuellement sous les yeux! Ils apprendront
qu'une estampe doit être traitée pour les lumières autre-
ment qu'un tableau, que celui qui réussit dans l'un ferait
dans l'autre un effet tout contraire, et ils en concluront,
s'ils sont autant jaloux de leur réputation que Rubens l'a
été de la sienne , qu'il ne faut pas plaindre la peine; qu'il
faut, comme ce grand peintre, préparer aux graveurs la
besogne telle qu'elle doit être pour eux, et qu'il vaudrait
mieux n'être pas gravé que de l'être mal, comme il arrive
presque toujours à ceux qui s'en reposent sur les graveurs,
qui les négligent ou ne savent pas les diriger. »
Pour ma part, je ne saurais concéder à l'auteur que la
photographie est plus propre que la gravure à rendre les
monuments. Sans doute, la photographie peut nous donner
des aspects d'édifices extrêmement intéressants , mais les
architectes tireront toujours meilleur parti d'ouvrages
dont les planches seront exécutées par la gravure et très
discrètement relevées d'ombres. Ayons des photographies,
mais ayons aussi des gravures de monuments.
Le chapitre VI est consacré à la reproduction photogra-
phique. L'auteur, par inadvertance sans doute, le fait
débuter par un paragraphe lu déjà au chapitre IV, à ceci
près toutefois que, dans sa nouvelle version, il admet
les sites au nombre des objets que la photographie peut
( 388 )
rendre avec avantage, et qui n'ont besoin, assure-t-il, pour
nous intéresser, que d'être rendus naïvement. Le para-
graphe valait mieux avant l'adjonction, car s'il est peu
douteux qu'un site rendu par la photographie conserve
fréquemment encore de quoi nous intéresser, j'ose soutenir
qu'un peintre, un dessinateur et un graveur arrivent
seuls à le rendre avec la poésie voulue. Témoin les eaux-
fortes de Rembrandt, de Ruysdael et de combien d'autres
qui arrivent à nous émouvoir profondément devant des
sites qui, traduits en photographie, nous laisseraient indif-
férents si ce n'est à titre de simple souvenir.
Surabondamment développé, ce chapitre nous initie aux
procédés divers nés de la photographie, en expose les
principes avec une compétence indiscutable, mais aussi les
juge avec une rigueur qu'on peut trouver excessive, a Les
volumes illustrés de photogravures doivent être bannis de
la bibliothèque de quiconque se proclame bibliophile, » dit
l'auteur.
II va de soi qu'un livre orné de gravures aura toujours
une valeur à laquelle ne saurait prétendre un livre orné
de photographies. Est-ce à dire que la photogravure,
comme la photographie elle-même, ne nous rend pas
journellement de signalés services, même pour l'illustration
de livres? Autant vaudrait proscrire le moulage des mar-
bres célèbres que de renoncer à son emploi pour la repro-
duction en fac-similé d'estampes et de documents dont les
originaux, rares ou uniques, sont, grâce à son concours,
mis à la disposition du plus grand nombre. Du reste, l'Aca-
démie ne demandait pas aux auteurs des mémoires une
analyse critique des procédés divers découlant de la photo-
graphie.
Le chapitre VII et final, très étendu à son tour, devait
( 389 )
nous apporter la solution de ce problème d'importance
vitale : Que! rôle est appelée à jouer dans l'avenir la
gravure?
Au point de vue belge, la question méritait surtout un
examen approfondi. Les éditeurs nous manquent, et si
l'État, par voie de subsides, seconde les graveurs dans leurs
entreprises spontanées, le public en bénéficie peu, car
les œuvres ainsi obtenues arrivent rarement jusqu'à lui.
Entendue de la sorte, il est certain, comme le dit notre
auteur, que Tintervenlion officielle ne peut avoir d'action
durable.
Mais alors,quoi? L'État,dans un intérêt public, ne peut-
il seconder les graveurs, comme il seconde les statuaires,
lesquels, réduits à l'initiative privée, auraient de bien rares
occasions de se produire dans des œuvres de quelque
importance? Cela paraît indiqué.
Constater, en la déplorant, l'absence d'éditeurs, n'est
justifiable qu'à la condition que ces éditeurs aient de
quoi alimenter leur commerce. Or, pour avoir des éditeurs
il faut des graveurs, et ces graveurs il faut les former,
ensuite leur donner le moyen de subsister jusqu'au
moment où ils donneront des preuves suffisantes d'apti-
tude pour seconder utilement l'entreprise des éditeurs.
En partie, du moins, ce devoir incombe aujourd'hui à
l'État.
C'est avec raison que l'auteur du mémoire insiste sur une
transformation nécessaire de la gravure par l'abandon des
formules vieillies. Par essence même, tout art est sujet à
se renouveler, et l'immobilisme c'est la mort. Se retournant
ensuite vers l'État, sans vouloir qu'il soit le seul client des
graveurs « qui seraient alors des employés, non des
artistes r>, c'est lui, dit l'auteur, qui doit chercher des
S"* SÉRIE, TOME XXVI. 26
( 390 )
débouchés pour les travaux du burin. « Il faut aller au
public, lui apprendre à apprécier la gravure, lui faire
connprendre la vanité de ce dont il se contente, c'est-à-
dire de la photographie. »
Pour cela, selon l'auteur, il y a « un moyen bien
sinnple » : montrer le plus souvent possible au public de
bonnes estampes, faire de temps à autre des expositions
spéciales, destinées à faire mieux valoir les produits de la
gravure que dans les expositions générales, où ils sont
perdus; annexer au cabinet des estampes une exposition
des plus belles productions du burin.
L'auteur déplore que l'État lui-même prête les salles
de son Musée à l'étalage d'un marchand de photographies;
enfin, il critique la commande d'eaux-fortes par l'État,
non qu'il soit hostile à celte forme d'art, mais parce que
le procédé à moins besoin d'encouragement que la gravure
au burin, d'élaboration si lente, de quelque manière qu'on
la produise.
Bien que, sans doute, la question posée par l'Académie
eût une portée générale, la situation spéciale de la gravure
dans notre pays légitimait un examen de l'espèce. D'autres
pays, l'Angleterre surtout, ont mieux résisté aux envahis-
i-ements de la photographie. Pourquoi ? C'est ce qu'il serait
intéressant de savoir, et peut-être est-ce le côté faible de
la laborieuse élude qui nous occupe de s'en tenir trop
exclusivement à la philosophie du sujet.
Que le mémoire ait des longueurs, je partage là-dessus
l'opinion de mes honorables confrères Demannez et Mar-
kelbach. S'il est livré à l'impression, comme je l'espère,
il gagnera à être abrégé. Il importera, d'autre part, que
l'auteur, conformément aux prescriptions réglementaires.
( 391 )
le complète par l'indication de ses sources. Ce sont là ques-
tions de détail. Tel qu'il est, l'Académie peut être heureuse
de l'accueillir et de le vulgariser.
Abordant l'examen du second mémoire, portant pour
devise : La gravure est un bel-art, la Graphique un art
industriel, je me permets tout d'abord une remarque de
pure forme. L'Académie de Belgique ne travaille pas à la
confection du dictionnaire de la langue française; elle peut
user de tolérance en matière de néologismes. Je doute
cependant qu'elle se hasarde à sanctionner l'emploi du
singulier bel-art pour désigner isolément une des branches
de ce que l'on convient d'appeler les beaux-arts en général.
Ce n'est pas user non plus d'un extrême rigorisme de ne
pas attribuer la valeur d'un substantif au mot graphique,
par lequel l'auteur du mémoire entend désigner les dérivés
de la photographie. Il sufTirait selon moi de dire : « La
gravure est un art; ce qui émane des procédés graphiques,
est du domaine de l'industrie », pour se faire comprendre
absolument.
Abslration faite de cette question de détail, le mémoire
est réellement fort digne des éloges que lui décerne
M. Demannez. L'auteur y fait preuve d'une connaissance
étendue de la matière et l'expose avec éloquence, voire
avec enthousiasme.
a La main du graveur est, dit-il, guidée par l'œil, par le
cerveau et par le cœur, et certes l'influence de ces deux
derniers facteurs n'est pas la moindre dans l'accomplisse-
ment de l'œuvre. Voilà pourquoi la gravure la plus naïve-
ment imparfaitesous le rapport de la technique porleencore
en elle ce charme fascinateur, cette empreinte du génie
( 392 )
manquant aux produits industriels, qui, malgré toute leur
perfection, à cause de celle perfection peut-être, laissent
froid et, tout en carressant agréablement la vue, ne
parlent ni à l'intelligence, ni au cœur. »
Aussi est-ce sans s'émouvoir que l'auteur assiste aux
progrès de la photographie. « Plus nous voyons cette
découverte dont se glorifie le XIX* siècle se perfectionner
et produire d'autres merveilles, plus aussi nous la voyons
s'écarter de la route que, dès le commencement des siècles a
poursuivi Tartet qu'il poursuivra toujours. Loin de nuire à
la peiniure, la photographie est devenue son esclave, son
serviteur soumis, c'est elle qui, au lieu de se substituer à
l'œuvre du génie, la multiplie, la fait connaître, la vulga-
rise et fournit, dans une certaine mesure, aux déshérités de
la fortune, la satisfaction de participer au sublime banquet
des jouissances intellectuelles, réservées autrefois aux seuls
puissants de la terre. Ainsi la photographie vient en aide
à la peinture dans sa grande œuvre de civilisation, d'épu-
ration des sentiments et des idées. »
Les appréhensions nées pour l'avenir de l'art de l'appa-
rition de la photographie, l'auteur les traite de vaines
chimères. Il les compare aux sombres pronostics qui
accueillirent, tout au moins dans noire pays, l'introduction
des voies ferrées. « C'est que, dit-il, la machine à vapeur,
comparable en ceci à la machine à lumière, est astreinte à
une course uniforme. Deux rails d'acier déterminent sa
route; elle ne saurait s'en écarler sans amener un désastre.
La main du conducteur, dominant cependant, par un simple
coup de robinet, une des forces les plus considérables de
la nature, n'en est pas moins impuissante à prévenir cette
catastrophe. De même l'opéraleur-photographe, qui, lui-
aussi, dompte d'autres éléments également redoutables: la
( 395 )
lumière à l'éleclricilé, n'a pas le pouvoir de les faire agii
dans un sens autre que celui que leur indique la nature, et
il ne saurait les substituer à la pensée humaine. »
On pouvait s'attendre à voir les progrès de la photo-
graphie réduire à l'impuissance les artistes médiocres; le
nombre de ces déclassés a, au contraire, été croissant, dit
fauteur, grâce à h multiplicité des expositions, grâce au
facile accès de la carrière artistique. Que la gravure ail
pâti de cet état de choses, il l'admet, et je n'hésite pas à lui
donner raison. C'est avant tout, en effet, vers la peinture
que se porte l'activité des aspirants artistes. Mais pareil
étal de choses ne saurait durer : la gravure reprendra son
essor quand, libre des parasites attachés à ses flancs, elle
ne vivra que pour l'art pur.
L'auteur s'élève avec force contre l'admission de pho-
tographies comme modèles dans les établissements d'en-
seignement artistique. L'aspect de la photographie est
trompeur. Un graveur de mérite, pour avoir eu la malencon-
treuse idée de la prendre pour conductrice dans la repro-
duction d'une peinture, se trouva complètement désorienté
par cette perlide conseillère. La photographie fausse la
notion des choses, parce qu'elle ofTre aux artistes des efîels,
des attitudes que leur œil ne saurait percevoir, a L'art ne
consiste pas à rendre les choses comme elles sont, mais
comme elles semblent être. » La photographie ne fait
même pas un portrait ressemblant, et l'auleur le prouve par
l'exemple des grands portraitistes. Même à simple titre
d'information, elle doit être proscrite et jamais ne peut
avoir accès à l'atelier du graveur.
Passant à l'analyse des œuvres de quelques graveurs
illustres, l'auteur nous montre en quoi ces productions
d'élite s'éloignent de la photographie. Rappelant le rôle
( 394 )
glorieux assigné par Rubens auK maîtres placés sous j-a
direction : « il permettait l'interprétation de son œuvre,
ou rinterprétaitdifféremment lui-même,suivanl la manière
de la rendre, mais ne supportait pas une reproduction
servile. Et il n'aurait accordé à la photographie et aux
autres procédés graphiques, s'ils avaient existé de son
temps, que tout juste l'importance qu'il reconnut aux
moulages en plâtre d'après les médailles et les statues
antiques. »
a ... De même que chaque vers, chaque mot d'un poème
doit jaillir du cerveau de son auteur, pour être vraiment
l'expression de sa pensée et de son sentiment, de même
chaque partie d'une gravure doit, dès le dessin et dans son
ensemble, dans son unité, constituer l'œuvre de l'artiste
pour être l'émanation pure de son génie, pour devenir
véritablement une œuvre d'art. »
Enlin, « le graveur, qu'il veuille produire un travail ori-
ginal ou traduire l'œuvred'autrui,doit suivre son inspiration
propre, créer par lui-même; il faut que sa planche porte
l'empreinte de sa personnalité et de sa conception. Et si
celle conception est grandiose, si cette personnalité est
marquante et qu'il parvienne à un certain degré de finesse
dans le rendu, qu'il y joigne la légèreté et la sûreté de
main du praticien consommé, il produira une œuvre par-
faite, un chef-d'œuvre. Le graveur qui comprend ainsi sa
mission n'a rien à redouter de la concurrence des indus-
triels, attendu que l'art n'a pas à redouter l'action des pro-
cédés mécaniques; il plane bien haut au-dessus d'eux,
dans les sphères éthérées de l'idéal auxquelles ne sauraient
atteindre ni la chimie, ni la physique, ni la mécanique,
nonobstant leurs découvertes surprenantes, les bienfaits
{ 595 )
dont elles doleronl l'humanité et les merveilles qu'elles
enfanteront pour charmer nos sens. »
Ces vues prouvent surabondamment la compétence de
l'auteur.
La seconde partie de son travail est consacrée plus spé-
cialement au rôle que la gravure est appelée à jouer dans
l'avenir. Le graveur a pour devoir de s'identifier avec son
sujet, de choisir des peintures qui s'adaptent le mieux à
sa manière de sentir et de procéder.
L'Aveugle, de Dyckmans, — c'est notre auteur qui parle,
— fournit à iVlichiels l'occasion d'un chef-d'œuvre, et le
même graveur échoua dans sa reproduction des Trentaines
de Berthal de Hase, de Leys, bien qu'en celte circon-
stance, comme dans l'autre, il eût été guidé par le peintre
lui-même. Pourquoi? Parce que, dit l'auteur, Leys était
trop robuste pour son interprète.
L'exemple ne me paraît pas très probant. Ce qui man-
quait surtout à Michiels, c'était la souplesse voulue pour
mettre ses procédés à l'unisson de ceux du grand peintre,
et peut être aussi l'œuvre n'était-elle pas de celles dont le
burin pût tirer tout le parti possible.
Du reste, l'auteur ne manque pas d'insister sur l'obliga-
tion pour un graveur d'user d'initiative dans la recherche
des moyens pittoresques. Il étaie son opinion de l'exemple
des maîtres anciens et, parmi ceux de notre temps, cite à
son tour Ferdinand Gaillard, qu'on a vu renouveler les
procédés de la taille-douce, comme Charles Baude a su
renouveler ceux de la taille d'épargne.
Sa conclusion est que le rôle ultérieur de la gravure
est de vulgariser les chefs-d'œuvre en procédant d'une
manière vraiment artistique. La Belgique saura s'imposer
les sacrilices nécessaires pour lui conserver la place due
à son glorieux passé.
( 396 )
Donc, le rôle de la gravure est de briller. J'en demeure
d'accord, mais n'y a-l-il rien à faire pour la réveiller de
sa torpeur? Si de beaux jours lui sont réservés, il faut
d'abord qu'elle vive, et ce n'est porter atteinte au talent
d'aucun de ceux qui la représentent parmi nous de dire
que présentement elle vivote. Il est certain que le pro-
blème si complexe que soulève la question posée par
l'Académie, pas plus par ce mémoire que par le précédent,
ne reçoit sa solution.
Mais quand bien même l'intervention de l'Académie
aurait eu pour résultat unique de provoquer les études
fouillées dont elle est actuellement saisie, cette interven-
tion n'aurait point été stérile. Les deux concurrents ont
éloquemment plaidé la cause de la gravure, établi son droit
à l'existence avec une force persuasive, qui, espérons-le,
n'aura point été vaine, et certes il y aura profit pour tout
le monde comme pour eux à ce qu'ils recueillent la récom -
pense si légitimement due à leur effort.
C'est dire que je me rallie aux conclusions de mes hono-
rables confrères Deraannez et Markelbach. j>
La Classe, adoptant les conclusions des rapports des
commissaires, a décidé de partager le prix entre les deux
concurrents.
L'ouverture des billets cachetés a fait connaître comme
auteur du mémoire n° \, portant la devise : La gravure
est un bel-art, etc., M. Paul Buschmann, d'Anvers; et
comme auteur du mémoire n" % avec l'épigraphe : On ne
saurait faire à un peintre plus cruelle injure, etc., M. René
van Bastelaer, attaché au cabinet des estampes de la Biblio-
thèque royale.
,397)
QUATRIÈME QUESTION.
Faire, au point de vue musical, l'histoire de la chanson
mondaine, française et flamande, à une seule voix, dans
les provinces belgiques, depuis le A7* siècle jusqu'à nos
jours.
Mtappoft fie M, MMubet'Ii , pt-emiei' cotntnitaait'e.
« J'ai lu avec le plus grand intérêt l'ouvrage a Verhan-
deling » envoyé à l'Académie, en réponse à la question :
Faire Vhistoire de la chanson populaire dans les provinces
belgiques, etc.
L'auteur y fait preuve d'une érudition hors ligne; il
traite son sujet avec une profusion de détails très intéres-
sants et puisés à des sources authentiques et peu connues.
II étudie la chanson par ordre chronologique, analyse les
particularités, cite de nombreux exemples, compare ces
exemples entre eux, de façon à faire saisir au lecteur les
caractères qui différencient soit les époques, soit les ver-
sions d'un même « lied ».
Peut-être même y a-t-il abus de détails. Quelquefois on
perd un peu de vue ia marchegénérale, le développement,
la cause qui modifie le caractère de la chanson. Mais ce ne
sont que des critiques tout à fait accessoires, car l'ouvrage
en lui-même est un remarquable travail écrit par un
savant.
Je crois donc que la Classe des beaux-arts fera acte de
justice en accordant le prix à cet ouvrage dont je serais
heureux qu'elle décidât l'impression. Cette histoire est tout
à fait à la hauteur des exigences de notre époque en sem-
blable matière. »
( 398 )
Happoi't de WM. Getiaet't, tleuoBièine cotntnistaire.
« J'adhère complètement à l'avis de mon confrère. Le
travail envoyé au concours mérite largement le prix de
l'Académie ».
Rapport de JU. Petet' Mtenoit, Iroimiènie cotnntissaii'e.
« Quant à l'historique du a lied flamand » et des causes
qui déterminèrent sa grande extension depuis 1830, il y a
lieu, je crois, de faire à ce sujet quelques réserves.
Il y avait, je pense, à mentionner « deux faits » surve-
nus dans la patrie musicale flamande, que l'on peut sans
exagération qualiûer de principaux au XIX^ siècle. Ces
faits ont déterminé au fond le développement considérable
du a lied p et du « chant » artistiques flamands à une
voix, et plus encore, une expansion complète, renfermant,
outre le « lied » et le « chant p, toutes les expressions de
l'art musical, sans en excepter une seule.
Ces deux faits sont:
1" L'admission en 1866, par le Gouvernement belge
(sous le ministère de M. Alphonse Vandenpeereboom) de
l'emploi des deux langues nationales au concours bisan-
nuel de composition musicale;
2" La fondation de l'École de musique flamande à Anvers,
en 1867.
Dès lors, les compositeurs flamands, élevés dans un
« milieu propice » au développement de leurs inspirations
naturelles, et placés dans des conditions rationnelles pour
l'éclosion de leur originalité propre, s'inspirent de prin-
cipes sûrs et forment dans Vanité et la diversité de leur
ensemble ce que l'on peut appeler dans la plus large accep-
tion du mot, une école de musique flamande.
( 399 )
Et désormais, nos compositeurs flamands écriront sur
des textes flamands, non seulement leurs cantates du
grand concours de composition musicale, mais toutes leurs
œuvres qui exigeront l'adjonction de paroles.
Quanta la filiation qui relie généralement et particuliè-
rement notre passé musical au temps présent, et ce depuis
le XVI' siècle jusqu'à nos jours, il faut, me semble-t-il, la
chercher plus particulièrement à Anvers.
Entrant dans certains détails de notre activité musicale
depuis 1830 jusqu'à nos jours, l'auteur de la « Verhande-
iing » s'égare quelque peu sur les faits.
Il attribue entre autres le « commencement » de notre
rénovation musicale flamande aux efl'orlsdu Willemsfonds,
créant en 1872 une publication consacrée au a lied » et au
« chant » flamands à une voix; et d'autre part à deux
compositions, de grande valeur moderne du reste, inti-
tulées : 4 Ik spreek van U zoo zelden » et « Philips van
Artevelde » qui parurent en tète de celte remarquable
publication. Tandis qu'en 1865 déjà parut chez Schott,
éditeur de musique, à Bruxelles, un recueil de trois « lie-
deren » intitulés : « Wannes en Trientje », « Zij Lachten »
et « Pachter Jan », qui me semblent réunir toutes les qua-
lités de modernité attribuées par l'auteur de la « Verhan-
deling » (et ce avec raison) au lied a Ik spreek van U zoo
zelden » (voir page 569, lignes 11 jusqu'à 18 inclusive-
ment).
Quant au grand chant flamand à une voix dans le genre
de celui de « Philips van Artevelde», on en trouve des
( 400 )
spécimens dans « Lucifer » (1866) (poème d'EniMnanuel
Hiel), notamment l'air de a La Terre » (De Aarde) et dans
le « Schelde » (poème d'Emmanuel Hiel) (1868), notam-
ment les chants de « Zannekin » et de «Artevelde's Geesl »
(l'Esprit d'Artevelde).
L'auteur de la a Verhandeling »,au talent et à l'érudition
duquel je me plais du reste à rendre hommage, dit, page 12
de son travail : <i Ce n'est pas à cette époque (1539) qu'il
pouvait être question de nationalité dans la musique ».
C'est très juste. Mais quelques lignes consacrées aux
causes de cette situation, n'eussent pas été sans offrir
quelque intérêt; d'autant plus que cela lui aurait donné
l'occasion d'indiquer, au moment voulu, l'époque à laquelle
le principe de la nationalité dans la musique a acquis
droit de cité dans notre pays (lamand, ainsi que la manière
dont cette transformation s'est accomplie.
Page 137 de la « Verhandeling », il est question des
grands concours décomposition musicale, sous le patronage
du Gouvernement belge.
Mais pourquoi l'auteur s'est-il borné à la nomenclature
(les quatre premiers lauréats?
Il n'eût pas été sans intérêt, par exemple, de citer le
nom de notre estimé confrère Jan Vanden Eeden, comme
ayant été le premier à se servir du texte flamand pour sa
cantate du grand concours déjà mentionné. Il n'eût pas été
sans intérêt encore de citer, d'une façon plus marquée, les
compositeurs de l'école flamande de musique moderne,
aussi bien ceux qui sont sortis directement de l'École
( 401 )
d'Anvers, que ceux sortis de nos conservatoires et d'antres
écoles, mais qui ont subi l'influence de l'idée nationale en
musique, dont l'École d'Anvers est le foyer. De celte
manière, l'auteur de la a Verhandeling » n'aurait pas oublié
(oubli bien involontaire sans doute) de citer les noms de
Jean Blockx, d'Emile Wambach, d'Edouard Keurvels et de
Franck Vander Stucken, compositeurs remarquables sor-
tis de l'école d'Anvers.
Page 561 de son travail intéressant à plus d'un titre,
l'auteur dit, à propos du chant flamand de a Vlaamsche
Leeuw »... « Que ce ne fut là qu'une exception, parce qu'à
» cette époque, écrire de la musique sur des textes néer-
B landais ne constituait pas une habitude journalière »...
L'auteur de la « Verhandeling » y aurait pu, par extension,
consacrer quelques lignes à faire ressortir et mettre en
relief, ce fait, que, chez nous, le mouvement national en
matière musicale n'est pas sorti spontanément du cerveau
d'un seul homme, mais qu'il a eu des manifestations
isolées à toutes les époques. En suivant ce fil conducteur,
l'auteur serait arrivé à celte conclusion inéluctable, qu'il
ne manquait plus que de formuler le principe de ce natio-
nalisme musical, et que c'est l'École d'Anvers, instituée en
1867, qui s'est imposé la mission d'en formuler le principe
et de le répandre et par sa propagande, par sa méthodologie.
Je me résume en disant qu'au point de vue général, la
« Verhandeling », malgré ses mérites qui la rendent digne
du prix qui a été attaché à la question historique du « lied
mondain » dans les provinces belgiques, me semble plutôt
( 402 )
être le travail d'un bibliographe très distingué, qu'une véri-
table œuvre d'historien, parce qu'à côté de la partie didac-
tique, il y a un peu trop absence de l'esprit philosophique
qui, comme un souffle, doit animer tout ouvrage de cette
nature.
Ainsi, on n'y trouve pas suffisamment indiqués, d'une
façon précise et claire, les causes premières, la raison des
développements successifs et les résultats des phénomènes
que l'auteur s'était donné pour mission de mettre en
lumière (1).
Finalement; il me semble que la partie traitant de la
question à partir de 1830 jusqu'à nos jours, pourrait être
revue par l'auteur, en tenant compte des observations que
j'ai cru devoir formuler ici.
A celte condition, j'adhère volontiers à ce que la récom-
pense académique soit accordée à l'heureux auteur de la
« Verhandeling ».
La Classe, adoptant les conclusions des rapports de ses
commissaires, accorde au mémoire sa médaille d'or de
800 francs.
L'ouverture du billet cacheté a fait connaître que l'au-
teur est M. Florimond Van Duyse, auditeur militaire de la
Flandre orientale, à Gand.
(1) A voir comme modèle du genre : V Histoire de la musique dans
l'antiquité, de Gevaert, et celle du Lied allemand, par Edouard
ScuiRÉ.
( 405 )
SUJETS o'aRT appliqué.
PEINTURE.
La Classe adopte l'avis de la section de peinture, de ne
pas décerner le prix proposé pour le carton d'un grand
panneau pour une Cour d'assise.
GRAVURE EN MÉDAILLE.
La Classe a reçu deux projets de Médaille commémora-
tive de la mort de S. A. R. le prince Baudouin.
Conformément à l'avis de ses sections de sculpture et de
gravure, elle décerne le prix proposé au projet portant
pour devise : Ad Memoriam, dont l'auteur est M. Joseph
Geleyn, à Bruxelles.
La proclamation des résultats aura lieu dans la séance
publique de la Classe, fixée au dimanche 29 octobre.
PRÉPARATIFS DE LA SÉANCE PUBLIQUE.
M. Samuel, directeur de la Classe, donne lecture de son
discours : L'art libre et l'enseignement de la musique.
( 404 )
GLISSE DES BEArX-ARTS.
Séance publique du dimanche 29 octobre 1893.
M. Ad. Samuel, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Prennent également place au bureau :
M. de Burlet, Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique, MM. J. Stallaerl, vice-directeur de la Classe des
beaux-arts, et Michel Mourlon, vice-directeur de la Classe
des sciences.
Sont présents : MM. Ern. Slingeneyer, F.-A. Gevaert,
God. Guffens, Jos. Schadde, Th. Radoux, Peter Benoit,
Joseph Jaquet, J. Demannez, P.-J. Clays, Gustave Biot,
Henri Hymans, Th. Vinçotte, Alex. Markelbach, Jean
Robie, G. Huberti et A. Hennebicq, membres.
Assistent à la séance :
Classe des sciences. — MM. P.-J. Van Beneden,
G. Dewalque, C. Malaise, F. Folie, Alph. Briart, F. Crépin,
J. De Tilly, G. Van der Mensbrugghe, Louis Henry, J. Del-
bœuf, P. De Heen, F. Terby, J. Deruyts, membres; Ch. de
la Vallée Poussin, associé.
Classe des lettres. — MM. Alph. Wauters, P.VVillems,
Ch. Piot, Ch. Potvin, T.-J. Lamy, G. Tiberghien, Alex.
Henné, E. Banning, membres; Alph. Rivier, associé.
La séance est ouverte à 1 heure et demie.
( 403 )
L'art libre et l'enseignement de la Musique ; discours
par M. Ad. Samuel, directeur de la Classe des beaux-
arts.
Parmi les nombreuses questions se rattachant aux
bcaux-arls, il en est une particulièrement digne d'intérêt :
celle de l'enseignement. Question controversée, s'il en
fut, au sujet de laquelle les opinions les plus diverses ont
été émises, et qui a su soulever des polémiques ardentes
parfois jusqu'à la violence.
Au moment où vous vous disposez à l'audition de
l'œuvre d'un jeune tout au sortir de l'école, il ne sera
point entièrement dépourvu d'intérêt qu'à notre tournons
envisagions cette question, non dans son ensemble — la
lâche serait trop vaste — mais sous quelques aspects qui
nous sont plus familiers.
L'esprit de tolérance et de progrès qui a toujours régné
dans celte Académie, et dont récemment encore elle
donnait une preuve éclatante, me permettra d'énoncer ici
des opinions personnelles, que tous mes éminents con-
frères ne partagent peut-être point, mais qu'ils n'hésitent
pas à me laisser librement exposer ici.
L'art, après avoir traversé ces dernières années une
période d'évolution, s'affirme maintenant d'une façon
précise par la communauté des tendances. Issu d'un besoin
intense de réaction, l'art nouveau prend historiquement
date à l'apparition du drame wagnérien; de la musique et
3"" SÉRIE, TOME XXVI. 27
( 406 )
du Ihéâlre il passe à la littérature, puis à la peinture et la
sculpture, pour atteindre l'architecture elle-même, bien
qu'en des réalisations purement idéales, que je sache.
Symbolistes, instrumentistes, décadents, néo-impression-
nistes, mystiques, néo-byzantins et les autres, autant de
groupes qui semblent se diriger dans des sens divers;
tous progressent cependant dans une voie unique, s'avan-
cent de front par la brèche entr'ouverle.
L'art d'aujourd'hui ne saurait que dilTicilement se
définir en une appellation globale; mais on peut dire que
ce qui le caractérise, c'est la préoccupation exclusive de
l'impression communiqi: ée,ahslr3iCl\on faite de toute maté-
rialisation, abstraction faite de la forme. Non point que,
systématiquement, ce qui est la forme soit rejeté, ou sim-
plement négligé. Toute réalisation a forcément une struc-
ture; la dissymétrie elle-même est une forme ne différent
que par une plus grande complexité. Et la forme, loin d'être
un élément négligeable dans l'œuvre d'art,y contribue pour
une large part à fournir l'impression. C'est la préoccupa-
tion de la forme considérée pour elle-même qui disparaît.
Elle sera ce que l'œuvre exige; et qu'elle soit simple,
compliquée, symétrique, irrégulière, nouvelle ou ancienne,
étrange même, peu importe, pourvu que la sensaiion
dégagée soit celle rêvée, pourvu que l'idée évoquée
réponde à la pensée créatrice. La forme devient un mode
d'expression, rien de plus. Ainsi l'art a rejeté ses lisières,
a rompu les entraves dont on l'avait chargé; il n'admet
plus d'autres règles que celles que l'auteur puise dans ses
sentiments, et ne reconnaît pas celles établies a priori^
ou résultant de la froide analyse d'œuvres antérieures,
imposées comme modèles. 11 se soustrait à la férule des
rhétoriciens : l'art est libre désormais.
( 4.07 )
Précédemment, au contraire, la considération de la
lorme prédominait. La forme était déterminée, au préa-
lable, et rien ne devait en altérer la pureté. L'œuvre devait
éveiller autant d'intérêt par son mode de structure que par
l'émotion qui y était répandue. On s'émerveillait de la
souplesse avec laquelle un auteur savait s'approprier une
forme et y mouler sa pensée ou son sentiment. On faisait
des sonnets, des rondeaux et les vers selon les règles;
on faisait des airs à danser, des fugues ou des sonates;
la coupe des opéras, celle des airs, celle de chaque morceau
était réglée; dans les arts plastiques, il était élémentaire
que l'on respectât scrupuleusement les formes fournies par
la nature ainsi que les lois des perspectives. L'œuvre
n'était comprise qu'à la condition de revêtir quelques
aspects déterminés, la plupart conventionnels. L'indépen-
dance absolue de l'art était entravée.
Ces entraves, que les traditions, l'usage, la mode avaient
établies, il fallait nécessairement les connaître, il fallait y
assouplir le cerveau, en sorte qu'elles ne fussent plus
une contrainte pour la production. Sans une initiation
préalable, sans un entraînement méthodique, point d'art
possible. Les plus indépendants, les plus audacieux, les
plus révolutionnaires ont dû se soumettre à un premier
enseignement; et si, dans la suite, ils ont élargi certaines
formules devenues trop étroites pour leurs puissantes
conceptions, s'ils ont déraciné telles conventions, dédai-
gné telles coutumes, ils n'ont pas moins été contraints de
demander à autrui les connaissance de ces éléments qu'ils
ont triturés, modifiés, sans doute, mais que, par cela
même, ils avaient dû posséder d'abord.
Aussi, les écoles d'art prospéraient en raison immédiate
( 408 )
de leur ulililé sans conteste. Ces écoles, organisées sur
des bases robustes, persistent toujours, et leur vitalité est
en pleine efflorescence. Mais, conçues en vue d'un art
différent, on se demande à présent si elles ont encore
leur raison d'être, si elles répondent à des besoins de l'art
nouveau.
C'est là une question d'une extrême gravité, puisqu'il
s'agit d'avenirs engagés, et dans laquelle on ne saurait
apporter trop de circonspection. Le plus souvent pour-
tant, on s'y prononce à la légère; le point de vue auquel
on se place est trop élevé, ou ne l'est pas assez; on dit
des vérités belles et de grande allure, mais qui, si on
veut les mettre en application, se réduisent à chimères.
Tout n'est pas seulement idéalité dans les arts : il y a des
côtés terre à terre, matériels, avec lesquels force nous est
bien de devoir compter.
Sans doute, l'art proprement dit n'est point chose qu'on
enseigne. Pour atteindre un semblable but, il faudrait tout
au moins la connaissance des lois de l'esthétique; et que
savons-nous en cette matière? Rien, véritablement rien.
Professer les moyens de réaliser le beau, ou de fixer une
impression, n'est que simple utopie. Les traités d'art, les
cours de littérature et autres ouvrages pédagogiques,
malgré leur prétention, ne s'élèvent pas au-dessus de
l'analyse ou du commentaire. Les règles prescrites, les
préceptes exposés ne sont que des recettes pour refaire
ce qui a été fait. On disait bien auparavant d'une œuvre
qu'elle était réalisée ou non selon les règles de l'art; mais,
même alors, par règle de l'art, on entendait uniquement
ces conventions de forme et d'aspect dont nous venons de
nous entretenir.
( 409 )
Or, du moment que les règles de l'art, à proprement
parler, ne sont connues qu'à l'étal d'intuition lointaine et
tout individuelle, et que, d'autre part, les règles conven-
tionnelles sont volontairement écartées, il n'y a rien
d'absurde, en apparence, à déclarer que l'enseignement
d'art, de quelque façon que l'on tente de le moJifier,
devient aujourd'hui une superfétation.
Eh! certainement, la spontanéité et l'indépendance —
qui sont la marque du mouvement moderne — semblent
incompatibles avec une éducation, quelle qu'elle soit. Cer-
tainement, celui qui doit tout trouver par lui-même, celui
qui ne doit faire usage que d'éléments dérivant si direc-
tement de la conception que les plus intimes sont encore
une création nouvelle, celui-là rencontrera difïicilemenl
le maître qui lui indique la voie à suivre et le mode de
procéder. Qui, en effet, saurait pressentir une personnalité
encore à l'état latent, et quelle certitude resle-t-il pour
éviter le conseil peut-être néfaste ?
Je conçois fort bien l'art comme découlant naïvement
d'un besoin exhubérant d'expansion, et l'artiste — se lais-
sant guider presque aveuglément sous cette pression de
son être — se perfectionnant petit à petit, sans aide
étrangère. Mais cela se peut-il, en réalité, ailleurs que
dans l'art de la parole écrite? N'est-ce pas l'apanage
unique du poète et du littérateur, cet abandon entier
dans la production, ce laisser-aller affranchi de toute préoc-
cupation, au gré du sentiment ou de l'idée?
Peut-être pourrait-on prétendre qu'en peinture ou en
sculpture, il n'est besoin, à la rigueur, d'autre éducation
que celle des yeux et de l'expérience, pour arriver à la
pleine maturité du talent. N'étant qu'un profane en cette
(410)
matière, je laisse à ceux qui cultivent ces branches de
lart la responsabilité de se prononcer. Mais, certainement,
pour la musique, il n'en est pas ainsi. En dépit des argu-
ments les mieux fondés dans leur généralité, elle comporte
une initiation, un enseignement; mieux que cela, dans
une certaine mesure, elle en réclame.
Je citerai d'abord toute la catégorie des interprètes pour
laquelle la nécessité d'un enseignement est si évidente, que
personne, je pense, ne peut songer à la contester. Il est
un mode de tenir l'instrument, de placer les mains et les
doigts; il est, pour le chanteur, telle façon de respirer,
d'émettre le son; il est tels moyens techniques et d'autres
en quelque sorte orthopédiques, par lesquels seulement
s'acquiert la possibilité d'exécuter les œuvres modernes
aux difficultés transcendantes. Livré à lui-même, ce n'est
que bien exceptionnellement qu'un musicien arrivera à
une virtuosité suffisante; et ces exceptions sont trop peu
communes pour former le contingent de nos orchestres,
auxquels il nous faut pourvoir. La liberté dans l'art, loin
d'amener un relâchement dans l'enseignement à donner à
l'exécutant, a pour conséquence, au contraire, un renfor-
cement considérable de l'étude musicale. Ceci, dis-je,
n'est guère discuté, et je parle des interprètes surtout
pour montrer un point de plus par où la musique diffère
des autres arts.
C'est le compositeur qui nous occupe; celui-ci, pas plus
que les musiciens exécutants, ne saurait se passer d'un
apprentissage. Dès le début, il se heurte aux notions élé-
mentaires : l'intonation, le rapport des sons, la notation
musicale, la lecture, les rythmes, les modes, les tonalités,
connaissances primordiales qui, poussées jusqu'à la lec-
(Ui )
liire de la partition d'orchestre, représentent une somme
de travaux d'assimilation et d'éducation cérébrale qu'un
enseignement régulier peut seul mener à bonne un. Mais
l'objet des controverses est plutôt cet enseignement spé-
cial, institué en vue de préparer à la composition musi-
cale. L'idée de préparation apparaît, en effet, comme
une hérésie, alors qu'il s'agit d'art essentiellement libre. La
musique cependant forme une exception pour les raisons
que je vais dire.
Depuis qu'elle vise à l'expression pure, la musique n'a
plus sa simplicité primitive; c'est devenu une sorte de
langage complexe, aux multiples modulations. Cette langue
n'a pas été forgée d'un seul bloc; elle est due aux efforts
successifs des maîtres passés, qui se sont complétés les
uns les autres; Bach, Beethoven, Wagner en sont les
Titans créateurs. Un vocabulaire aussi varié n'est que
strictement suffisant en notre époque raffinée aux sen-
sations subtiles; car ces sensations ne sont pas dépeintes,
elles sont véritablement traduites. Or, quelle que soit
l'indépendance que nous apportons dans cette traduction,
quelle que soit la liberté qui préside à la réalisation de
l'œuvre, les moyens dont nous ferons usage ne seront
autres que ceux découverts par les maîtres. Sans doute,
par la suite, notre personnalité aidant, nous ajouterons
aussi notre pierre à l'édifice. Mais nous ne pouvons
songer à élever, par nous-mêmes, un autre monument
entièrement nouveau. Le prodigieux élan de création
réalisé par Bach est trop extraordinaire pour être envi-
sagé autrement qu'un fait unique; et encore procédait-il,
en une certaine mesure, de ses devanciers. Ne pouvant
nous contenter de bégayer, en des œuvrettes naïves,
une langue enfantine, — car la naïveté n'est pas de notre
(412)
temps, — désirant, au contraire, produire des œuvres
fortes, psychologiques, il nous faut bien faire connaissance
avec les ressources existantes; il nous faut bien nous
exercer, nous entraîner, en quelque sorte, afin de pouvoir
en faire usage, librement, avec indépendance, au gré de
notre sentiment.
C'est pourquoi s'enseigne l'harmonie; non plus ce
fatras de préceptes surannés, de théories arbitraires ou
hypothétiques, d'exercices absurdes, connus sous la même
dénomination; mais la recherche, l'élude et l'application
(simples croquis équivalents à ceux du peintre) des sons
simultanés considérés comme éléments expressifs.
C'est pourquoi s'enseigne aussi la polyphonie; point ce
contrepoint italien, inepte et maladroite adaptation à notre
art si mouvementé, de l'art plastique des maîtres du
moyen âge ; mais une polyphonie libre astreinte aux seules
règles du goût, gymnastique plutôt qu'enseignement, pro-
voquant une souplesse de l'esprit, point généralement
innée chez le musicien.
C'est pourquoi encore les inépuisables richesses de
l'orchestre sont exposées; c'est pourquoi le jeune disciple
est guidé dans l'emploi si délicat des instruments ou de la
voix et le mélange des timbres.
Livré à lui-même, que ferait-il d'autre que d'essayer
d'entreprendre seul l'ensemble de cet énorme travail, au
prix d'eiforts exagérés? Et, s'il y renonçait, quelle serait la
valeur de ses productions?
Sans doute, il est admissible qu'un jeune compositeur
parvienne à faire son éducation sans l'aide de personne.
Mais ce sera grâce à un rare concours de circonstances
favorables, grâce à un entourage choisi, grâce à un milieu
propice. Bach était fils de musicien, Wagner également;
c'est un détail qu'il est bon de ne point oublier.
(413)
Constituer pour chacun ce milieu propre au développe-
ment de l'apprenti compositeur, tel est rol)jet principal de
la classe de composition. C'est l'atelier où l'on se réunit
pour travailler, mieux encore, pour voir travailler; où l'on
s'entraîne mutuellement par l'exemple, l'émulation et la
communion des idées. Tout caractère scolastique, docto-
ral, pédantesque, en devra être rigoureusement écarté. Le
maître ne sera, pour le disciple, que le guide qui lui
abrège le chemin, l'ami qui le stimule, l'encourage et
éveille, s'il le faut, son imagination. Il n'aura aucun pré-
jugé, aucun parti pris, et ne reconnaîtra d'autres fautes
que ce qui dénature l'expression, fausse le sentiment ou
froisse le goût. Il pourra enseigner que l'œuvre d'art ne
s'improvise pas; que pour que l'émotion se communique,
il faut que l'artiste ait la force de la concentrer en lui, de
la retenir intacte et puissante, jusqu'au parfait achèvement
de l'œuvre; que tous les détails, même les plus intimes,
doivent refléter cette émotion et en être issus. Et si des
généralités il passe à l'examen des œuvres et formes
anciennes, ce sera en répétant à satiété : « N'imitez point
ceci, faites mieux ou du moins autre chose ». Le tact le
plus délicat présidera à cet enseignement, la crainte
d'égarer le jeune et confiant artiste sera toujours présente.
Voici un adolescent qui sent bouillonner en lui des aspira-
tions d'art. Tout est encore confus dans son esprit; ce
qu'il aime, ce qu'il recherche, ce qui sera sa personnalité,
il ne saurait déjà le dire. Ce sont d'abord des préférences
si vaguement entrevues qu'il n'en a pas l'entière percep-
tion, noyées qu'elles sont au milieu de l'œuvre formidable
des devanciers. Pourtant, c'est à ces préférences qu'il
devra obéir sans cesse, exclusivement : il découvrira
ainsi petite petit les tendances qui sont siennes; il créera
( Ml )
ainsi, pas à pas, les éléments de son art. Il est des tempé-
raments fougueux, indépendanls,que rien ne peut distraire
de cette marche en avant; mais la plupart sont d'un
caractère plus doux, timide, docile, qu'une influence
maladroite peut détourner. On ne forme pas une nature,
on la réveille; bien plus aisément, on l'étouffé.
Que celui qui assume la charge de faire un enseignement
d'art ait celte vérité toujours présente ; qu'il ait constam-
ment conscience que ses conseils sont autant de dangers
imminents, s'ils portent la moindre atteinte à la liberté de
pensée du disciple; que toute indépendance soit laissée
dans le travail; que chacun produise à sa guise; que le
respect de la personnalité soit sacré.
En d'autres termes, et pour me résumer : puisque,
malgré l'art libre, il faut un enseignement pour le compo-
siteur, que cet enseignement revête les caractères mêmes
de l'art nouveau : qu'il soit libre, qu'il soit indépendant.
M. le secrétaire perpétuel proclame les résultats suivants
du concours annuel de la Classe et des concours du Gou-
vernement.
CONCOURS ANNUEL DE LA CLASSE POUR 1893.
PARTIE I^ITTEBAIRE.
La Classe a reçu deux mémoires en réponse à la
deuxième question du programme : Apprécier le rôle de la
gravure en taille-douce depuis les derniers perfectionne-
( 415 )
meiits de la photographie et indiquer celui qu'elle peut être
appelée à jouer dans Cavenir.
Ces deux mémoires porlenl pour devises :
Le nM. La Gravure est un bel-art; la Graphique un
art industriel.
Le n" 2. On ne saurait faire à un peintre de plus
cruelle injure que de supposer quil vise à placer ses
œuvres au niveau de la photographie. (H. Hymans.)
La Classe, adoptant les conclusions des rapports de ses
commissaires, a décidé de partager le prix proposé de
six cents [raves entre les deux concurrents.
L'ouverture des billets cachetés a fait connaître comme
auteur du mémoire n° 1, M. Paul Buschmann, à Anvers;
et comme auteur du mémoire n° % M. René van Bastelaer,
attaché au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque royale
de Belgique.
Un mémoire portant pour devise :
't Zingen is de ziel van 't leven;
't Zingen is V gewiekte woord
a été reçu en réponse à la quatrième question : Faire
l'histoire de la chanson mondaine, française et flamande
à une seule voix, dans les provinces belgiques, depuis le
X/" siècle jusqu'à nos jours.
La Classe, adoptant les conclusions des rapports de ses
commissaires, a décerné à l'auteur une médaille d'or de la
valeur de huit cents francs.
L'ouverture du billet cacheté a fait connaître que
l'auteur de ce travail est M. Florimond Van Duyse, audi-
teur militaire de la Flandre orientale, à Gand.
( 4i6 )
SUJETS o'ART appliqué.
PEINTURE.
Un prix de mille francs élail proposé pour le sujet
suivant : Grand panneau pour une Cour d'assises.
Six cartons ont été reçus. Ils portent comme devises:
n° 1. L'Union fait la Force; n" 2. Un triangle; n" 5. Pro
arte; n°4. Labor; n° 5. La conscience entre l'acquittement
et la condamnation ; n* 6. La loi doit être comme la mort
qui n'épargne personne (Montesquieu).
La Classe, sur l'avis de sa section de peinture, n'a pas
décerné le prix.
GRAVURE EN MÉDAILLES.
Un prix de six cents francs était proposé pour une
Médaille commémorative de la mort de S. A. R. le prince
Baudouin.
Deux projets ont été reçus :
Le n° 1 porte pour devise Pax; le n" 2, Ad memoriam.
La Classe, adoptant l'avis des sections de sculpture et
de gravure, a accordé le prix au projet n° 2.
L'ouverture du billet cacheté a fait connaître que
M. Joseph Geleyn, à Bruxelles, est l'auteur de ce projet.
PRIX DU GOUVERNEMENT.
PRIX. QUIMQUEI«IVAL DE LITTÉRATURE FRANÇAISE.
Sur la proposition du jury chargé de juger la neuvième
période (1888-1892) du concours quinquennal de littéra-
(«7)
lure en langue française, le prix a été décerné, par arrêté
royal du 5 août dernier, à M. Georges Eekhoud, pour son
ouvrage intitulé : La Nouvelle Carthage.
CiRAIVD COIWCOURS d' ARCHITECTURE DE 1893.
Comme suite aux résolutions du jury chargé de juger
le grand concours d'architecture, le premier prix a été
décerné à M. Vereecken, Emile, d'Anvers, élève de l'Aca-
démie royale des beaux-arts de la même ville.
Un second prix a été donné à l'unanimité à M. Mertens,
François, de Borgerhout, élève de l'Académie royale des
beaux-arts d'Anvers.
Une mention honorable a été accordée en partage à
M. Lambot, Emile, élève de l'Académie royale des beaux-
arts de Bruxelles, et à M. De Vooght, Louis, d'Anvers,
élève de l'Académie royale des beaux-arts de la même ville.
Le jury a cru de son devoir d'appeler d'une façon toute
spéciale l'attention du Gouvernement sur l'auteur du pro-
jet classé deuxième, et qui eiit obtenu le premier prix en
partage, si celui-ci pouvait être partagé.
conrcovBS des cantates pour e,e ciraivd prix
DE COMPOSITIOIV JHUSlCAIiE DE 1893.
Comme suite aux résolutions du jury qui a jugé le
double concours pour les poèmes devant servir de thème
aux concurrents pour le grand prix de composition musi-
cale de cette année, le prix des cantates françaises a été
décerné à l'unanimité à M. J.-B. De Snerck, à Bruxelles,
pour son poème intitulé : Lady Macbeth.
( us )
Le prix des cantates flamandes a également été décerné,
à l'unanimité, à M. Isidore Albert, à Gand, pour son poème
intitulé : Cassandra.
eRAND CONCOURS »E COIHPOSITIOIV MUSICA^LE.
Le jury chargé de juger le grand concours de compo-
sition musicale a décerné :
Le premier prix à iM. Louis Mortelmans, d'Anvers ;
Un premier second prix (à l'unanimité) à M. Jean-
Martin Lunssens, de Molenbeek-Saint-Jean ;
Un deuxième second prix à M. Joseph-Pierre Van der
Meulen, de Gand ;
Une mention honorable (à l'unanimité) à M. Nicolas
Daneau, de Binche.
La séance s'est terminée par l'exécution de la cantate
Lady Macbeth, poème couronné de M. J.-B. De Snerck
(texte flamand de M. Emm. Hiel), musique de M. Louis
Mortelmans.
( 419 )
liADT MACBETH,
POÈME LYRIQUE ET DRAMATIQUE EN TROIS PARTIES;
par J. -B. De Snerck.
Pcrsonnnges :
I.ady Macbeth M^e SoetENS-FlaMENT.
Macbeth M. H. FONTAINE.
I UN Serviteur. ]
\ UN Messager. ( , ^,
■'««^«"«"*- UN Officier. ^- ^-
( UN Soldat. )
E,es Sorcières. ( Les chœurs seront chantés par la
Chœur de soldats. ( « Koor Verceniging » d'Anvers.
1. - L'AMBITION.
(Prélude : La Tempêle.)
Le Kéciiant.
L'enfer a déchaîné la foudre et la tempête...
Au sein de l'ouragan qui gronde sur sa tète,
Le voyageur s'épuise en vains efforts.
Les accents profonds du tonnerre,
Aux grandes voix des cléments en guerre,
Se mêlent dans les cieux et font vibrer la terre
En de majestueux accords.
N. B. Les passages entre crochets n'ont pas été mis en
musique.
( 420 )
Les Sorcières.
(Dans la tempête.)
Hurlez, sifflez, grands esprits de l'orage !
Filles d'enfer, nous rions de la rage
Des éléments.
Précipitez vos assauts, vos colères.
Rafraîchissez nos douleurs séculaires
Dans vos tourments.
C'est dans vos cris, vos fureurs, vos vacarmes,
Que nos suppôts font leurs philtres, leurs charmes
Pour les mortels.
Hurlez, démons, car c'est jour d'allégresse :
Nous consacrons la nouvelle prétresse
De vos autels !
(L'orage s'apaise peu à peu.)
l<ady Macbeth.
Voici l'heure... Soleil, viens dissiper la nue !
Ta lumière en ces lieux sera la bienvenue
Pour fêter de Macbeth le triomphant retour...
Trop lente au gré de mon amour,
L'heure est venue enfin qu'annonçait son message...
Macbeth, noble héros, cher époux, ton courage
T'a fait victorieux et l'égal des plus grands !
Toi qui, dans le danger toujours aux premiers rangs.
Combattis pour ton roi sans peur, sans défaillance,
Tu me reviens, Macbeth, tu reviens dans mes bras
Et tu n'as que mon cœur pour prix de ta vaillance !
La royauté, la gloire est aux mains des ingrats...
Mais le voici ! Macbeth !
Macbeth.
Ma bicn-aimée!...
(Apparition des sorcières.^
421 )
I>ady Macbelh.
Mais voyez ... là, ... dans la fiimce,
Ces monstres par l'enfer vomis!...
■>a première Soreière.
Salut, ô Macbeth, ihaiie de Glamis!
I^a deuxième Sorcière,
Salut, ô Macbeth, thane de Cawdor!
L.a troisième Sorcière.
Salut, Macbeth, qui seras roi !
(Les sorcières disparaissent.)
Lady Macbeth.
{A part.)
Quoi, reine!
Ah ! répétez, parlez encor !
Parlez encor, Sirène !
Je serai reine!
liC» Sorcières.
(Invisibles.)
Macbeth est grand et seul digne du trône.
11 est puissant, et s'il veut la couronne,
I! sera roi !
A ses côtés tu serais noble reine...
Femme, tu veux la grandeur souveraine :
Elle est à toi.
liady Macbeth.
Macbeth, tu seras roi. Roi ! Macbeth, Tentends-tu?
SÉRIE, TOME XXVI. 28
( 4-22 )
Macbeth.
J'entends, bien qu'incertain si je rêve ou je veille.
Comment croire à cette merveille :
Cawdor vit, le roi vit; près d'eux j'ai combattu?
(Fanfare.)
Un Serviteur.
(Récit.)
Dans la campagne, au loin, s'avance un long cortège.
Du haut des murs, on voit sous les feux du soleil
De grands chevaux de guerre à la robe de neige
Et des armes d'acier d'un éclat sans pareil.
Mais voici qu'un soldat s'élance
Au milieu d'un nuage d'or :
Un drapeau blanc flotte à sa lance.
II approche, et dans le silence
Qui suivit soudain son essor,
F^e messager sonne du cor.
Qu'il vienne!...
(Entrée du messager.)
I>e Messager.
0 grand Macbeth, Glamis, Cawdor, salut!
Macbeth.
Cawdor, dis-tu? Comment?
lie Messager.
Cawdor est mort, le traître,
Et ses biens et son nom, par le roi, notre maître,
Vous sont donnés, Macbeth, comme un juste tribut.
( 4-23 )
l.aily Macbeth.
(A part.)
Al» ! celle prophétie!
Le illessagor.
Et pour montrer à tous comment il apprécie
La valeur, le devoir,
Le Roi sera, Wacbclli, votre hôte ici ce soir.
Marbelh.
Le Roi chez moi!
I.ady Macbeth.
^Bas.)
Macbeth, souviens-toi de l'oracle
Los «orelères.
(Invisibles.)
Quoi, j)rcs de toi, le vieux roi, seul obstacle!
Écartc-lc, c'est la fin du miracle...
Lady Macbeth.
Rêve doré !
Les Sorcières.
N'hésite poinlj hâte-loi, l'heure sonne :
Il csl venu l'apporter sa couronne...
l.Bdy Macbeth.
(Avec éncrgie.1
Ah! je l'aurai!
( 424 )
II. — LE MEURTRE.
[Le soir, chez Macbeth. Fêle en l'honneur du roi. Chants. Musique.)
Chœur dea Holdats.
Où donc es-lu, roi de Norvège,
Naguère encor fier, arrogant?
De nos corbeaux le noir cortège
A nettoyé déjà ton camp.
Comme un voleur, comme un brigand,
Tu fuis vers ton pays de neige :
Satan, ton parrain, te protège!...
Et longue vie au roi Duncan !
Un Officier.
Silence, amis, voici la nuit morose!
Déjà le roi repose :
L'écho de vos chansons troublerait son sommeil...
Bientôt à l'horizon vermeil
L'astre brillant du jour répandra sa lumière
Et nous devrons quitter ces lieux hospitaliers.
Dispensés un moment des labeurs journaliers.
Demain vous reprendrez la peine coutumière :
Allez, reposez-vous, soldats et chevaliers.
(Tous se retirent.)
L.aily Macbeth.
Demain ! ... Il va partir, emporter sa couronne,
Le jour où le Destin me Fofîre, me la donne!
[ 42S )
t.es Sorcières.
(Invisibles.)
Macbeth est grand cl seul digne du trône,
Il est puissant et s'il veut la couronne,
Il sera roi!
A ses côtés, tu serais noble reine...
Femme, tu veux la grandeur souveraine :
Elle est à toi.
■.ady Macbeth.
Macbeth !
illacheth.
Que me veux-lu?
Lady Macbeth.
Je veux voir ton courage,
Eprouver ce grand cœur dont les hommes sont vains 1
Si la valeur n'est pas un mensonge, un mirage,
Ton bras doit accomplir les ordres des destins.
Là, près de nous, étendu sur sa couche,
Git un mortel qui d'un mot de ta bouche
Aura vécu.
Son front blanchit et sa joue est fanée.
Sois sans pitié! Sa vie est condamnée.
C'est un vaincu!
Qu'il meure!... Et l'Ecosse est à nous.
Macbeth.
Frapper Duncan! ... mon roi! ... mon hôte! ...
liady Macbeth.
Ton maître! devant qui tu fléchis les genoux,
0 Macbeth, toi si grand, loi, mon roi, mon époux!
Quand tu devrais à tous parler la tète haute ! ...
( 4!26 )
Macbeth.
Plus tard! ...
Lady Macbeth.
Honle sur toi ! Là-bas, en ton palais,
Un vieillard porte ta couronne,
Et tu courbes le front, Macbeth, devant son trône
Comme le dernier des valets!
Macbeth.
Mon heure doit venir !
Lady .Macbeth.
Ton heure? elle est venue !
Ouvre les yeux : le sort
A conduit sous ton toit ce l'antôme qui dort.
N'entends-tu pas, Macbeth, cette voix bien connue
Qui le condamne à mort ?
Macbeth.
Sans défense ! ... la nuit ! ... mon roi ! . . non! non
Lady Macbeth.
Qui jurais d'être roi !
Il faut agir et tu trembles d'efifroi!
Ah! que ne dois-je, moi, frapper et sans relâche!
L'enfant que j'ai nourri périrait torturé
De mes mains, si je l'avais juré!
Et toi, héros vainqueur, tu fuis devant la tâche?
Macbeth, tu n'es qu'un lâche !
Macbeth.
Un lâche ! moi !... jamais !
0 lâche!
4-27 )
Lady Macbeth.
El) bien donc, prends ce fer!
J'ai su clore les yeux à tout sou entourage ...
Nul ne saura jamais... car tout dort... Va, courage!
JMnebeth.
Non, non! jamais !
■.ady Miicbetb.
A moi, puissances de l'enfer!
Je l'ai dit, je le veux, j'aurai le diadème !
Si Macbeth, un soldai, craint le calice amer
Qui donne la gloire suprême.
Eh bien, j'irai moi-même !
l Elle sort.)
Les sorcières.
(Invisibles.)
Gloire à Satan en ce jour d'allégresse !
Fêtons la sœur, la nouvelle prêtresse
De ses autels.
Gloire à Satan! la beauté, c'est l'immonde...
Le mal est roi, c'est le maître du monde...
Pauvres mortels!
(Lady Macbeth rentre.)
Macbctb.
Horreur! de sang ta main est pleine !
Lady Macbeth.
Je suis reinel
( 4^28 )
m. — LA FOLIE
(Le palais de Macbeth.)
Macbeth est roi. L"Écosse à son joug asservie
Maudit la guerre et les combats.
On voit par les chemins des pillards, des soldats
Porter misère et mort oîi florissait la vie,
Semer des ruines sous leurs pas...
t.e Récitant.
En son royal palais, Macbeth, muet et sombre,
Le désespoir au cœur, tremble pour Tavcnir.
La reine est folle : elle erre ainsi qu'une ombre
Par le Destin vouée au poignant souvenir.
Et seul, Macbeth succombe à ces malheurs sans nombre
O mort, lu peux venir!
Les ennemis vont nous livrer bataille:
Tout mon royaume est l'enjeu du combat.
Je n'ai jamais connu la peur, soldat;
Roi désormais, je doute et je tressaille.
La honte au front, je vais comme un bandit.
Je lis dans tous les yeux le mépris et la haine...
Et ce délire afl'reux qui torture la reine!
Je suis maudit !
Vu soldat.
Monseigneur, l'ennemi dans la plaine s'avance :
Nous n'attendons que vous...
(Eutrée de Lady Macbeth.)
( 429 )
Macbeth.
La reine! laisse-nous...
Voilà le châtiment de sa mortelle ofiFense!
Le remords suit le crime et s'attache à ses pas.
Grand Dieu ! plutôt la mort que cette horrible enfance...
Ses beaux yeux sont éteints : elle ne me voit pas.
Lady Macbeth.
fDans sa folie.)
• Encore cl toujours une tache...
•> Quel labeur incessant !...
» Qu'a donc la reine à la main qu'elle cache?...
0 Du sang! «
Vn Soldat.
Monseigneur, les Anglais sont proches...
Macbeth.
Qu'on nous laisse!.
Mon Dieu, prenez pitié de sa grande faiblesse.
Mettez un terme à ses maux dans la mort...
Lady Macbeth.
(Dans sa folie.)
Macbeth, tu seras roi !
.Macbeth.
Miilheur ! fatal remord !
Lady Macbeth.
(Dans sa folie.)
Là, près de nous, étendu sur sa couche
Gît un mortel qui d'un mot de ta bouche
« Aura vécu... «
( 430 )
Un Jiiolflat.
Monseigneur, venez vite...
Ah ! va-t'en! que m'importe
Que je vive vainqueur ou je meure vaincu?
La vie est trop amère et la peine est trop forte...
Lady Macbeth.
(Dans sa folie.)
« Eh bien donc, prends ce fer !...
» Ah ! lâche... par l'enfer !...
» J'irai moi-même ! »
Macbeth.
Hclas !
Lady Macbeth.
(Dans sa folie.)
Ah ! je suis reine ! «
;ElIe meurt.)
Macbeth.
La reine est morte !... Allons chercher la mort!
(Les soldais anglais envahissent le palais.)
Les Soldats.
Frappez ! Sus à Macbeth ! Qu'il tombe dans l'arène !
Mort au tyran ! Frappez ! Ferme! Encore un effort!
Chœur de«i soldats.
Victoire !
II est mort, le tyran !
Son crime est lave dans le sang :
Honte à jamais sur sa mémoire !
Rendons, amis, couronne et gloire
Aux vaillants fils du roi Duncan !
( 43i )
LADY MACBETH,
LYRISCH-DRAMATISCH GEDICHT IN URIE ZANGEN.
(Vertaald door Emmanuel Hiel.)
Peisonnen :
Lady Macbetb.
Macbetb.
Voordrager (Hecitant)
Heksen.
lirljgersbende.
DlENSBODE.
BOODSCHAPPER.
HOPMAN.
Krijger.
I. _ HOOGMOED.
{Inleiding: Slorm.)
Yoordragcr.
(Recitant.)
De bajert braakt verwoed en hcisclien storm en donder,
De reizer afgemat dwaait daar aiigstbevcnd onder,
Hij wcert zich, met vergeefsche kracht.
Het diep gedreun van bliksniend wild gewemel
Vermengt zich met 't gekerni van aard' en hemel :
Het heelal slaakt cen schrikbre klacht.
N. B. De aangereekende verzen "werden niet getoondicht.
(432 )
Heksen.
(lu den storm.)
Scliuifelt en huilt ihans, gij, geestcn dcr slormen.
Dochters der duivels, wespotten, o wormcn,
Met uw getior !
JVIct al uw kampen, uw grimmig vcrgrammen,
Kunt gij ons driftigc smert niet vcrlammen,
Maar stout en fier,
Is't in uw liuiien, uw gramschap, uw kcrmen,
Dat we de kittlende dranken verwermen
Voor 't nienschenras...
Jubelt nu, duivels : bel heden vcrblijde u,
Hier komt de vrouwe, die wordt ibans gewijd u,
Uw dienst te pas.
(De storm bcdiiart langzaam.)
L,ady Macbeth.
De stood is daar, o zon, vcrdrijf de wolk !
Uw licht vermelde, als een verbeugde tolk,
De zegepraal van Macbctb... Dat hij keer!
Hij kcert '... le Iraag steeds voor mijn liefde weer
De stond is daar! Hij zond cen blij bericht
Van zijnen heldenmoed en beldenplicht.
0, Wacbelb 's zegepraal maakt hem zoo groot
Als Koning, ccdle held, beminlijkst ecbtgcnoot!
Gij, die ten krijg toch immcr de eerste waarl
Voor uwen Vorst.. Voor gcen gevaar vcrvaard,
Moet u, o Macbeth, Held! voor geenen boogmoed schanicn!
Gc zijt hier weer... o gloei nu warni mijn bloed,
'k Heb siechts mijn hort voor zooveci heldenmoed.
De heerschappij, den rocm bezittcn onbckwamen !
Maclivdi.
Zoele iicfstc, zielcdroom!
(Hekseu verschijnen.)
( 433 )
Lady Macbeth.
Zie, zic, ginds in mislen doom,
Monslers door de hel gebraakt !
Eerste Heks.
Dolle rofTels waakt...
Macbeth naakt!
Heil! heil! Rlacbelli, hcil! gij Thaan van Glamis!
T^veotle Heks.
Heil! heil! Macbeth, heil! dra Thaan van Cawdor!
Derde Hoks.
Heil! heil! Macbeth, heil! cens Koning hier!
(Heksen verdwijr.en.)
liBdy Macbeth.
(Ter zijde.)
Koningin!
Ik... o spreek,jiog in dien zin...
Zoete looverkol...
Koningin!... ik?... Ik! mijn hert is vol !
HekMenrei.
(Onziclitbaar.)
Macbeth is groot, aan hem behoor de troon !
Machtig is hij, en wil hij de kroon,
Koning is hij!
Heerschen als een schoone Koninginne,
Zult gij stout, een trotsche rijksvorstinne
Aan zijne zij.
E.ady Macbeth.
O, Macbeth, gij zult Koning zijn,ja, Koning, hoorlge't wel?
( 43i )
Macbeth.
Ik luislcr, maar of ik thans droora of wake, H roert me fel,
Geloof te licchten aan die wondere heksentaal...
Nog Iceft Cawdor, de Koning leeft... 't is waar, 'k won zegcpraai.
(Fanfaren.)
Bode.
(Voordrager.)
Op 'teenzaam veld vcrschijnt ecn lange stoet...
Van^dezer vcstings ziel men in den glocd
Der zon, een ruiterstroep, met slalen vvapens, glansen,
Waarop de zonnevonken wederkaatsend dansen...
Zic, een krijger schier vooruit,
In een wolk van vioeiend goud,
Zwaait hij, als een vreê besluif,
Eene blanke vlag, zoo stoul !
En hij schalt op zijn klaroen...
Mag hij zijn intrcde doen?
Macbeth.
Hij kome!
(lîoodschapper komt op.)
Boodschapper.
Groote Macbeth, Glamis, Cawdor, heil! gegroet!
Macbeth.
Ge noemt Cawdor... Hoc dat?
Boodschapper.
Cawdor is dood. Al het goed
Van dien verrader, hoort u toe... als wecrdig loon.
( 455 )
I.udy Macketb.
(Ter zijde.)
0, die voorzcgging!
Boodschapper.
En aïs gunstbctoon,
Hoc, onze Koning, moed en plicht en trouvv waardccrt,
Wordt gij nog dczen avond met zijn komst vcreerd.
Macbeth.
De Vorsl len mijnenl?
Lady Macbeth.
Wacbclh, denk aan 't licksenwoord.
Heksen.
(Onziclitbaar.)
Dcnk, bij n koml de onde Koning,
Hij, die alleen ganscb uw plannen sloorl-
Lady Macbeth.
Gulden droom !
Hier, in onze woning:
Heksen.
.^ai'zcl niel !... zonder scbroom,
Hem geslacbl ...
Hij, hij bracbt
Toi bij u, ja, uw loon !
L.ady Macbeth .
Ha, ha !
De kroon, de kroon !
(436)
II. — DE MOORD.
{Avond. Bij Macbeth. Feesl ter eere des h'onings.)
Krijgersrei.
Waar is uw léger, Koning der Noren,
Vroeger zoo stout uitdagend en trotsch...
Raven verslinden lijken, verloren
Liggend, versiagen door lans en door knods.
Aïs een beroover, aïs kale bandiet
Vlucht ge naar uw siieeuwige velden,
Zegent de Satan spottend uw helden?...
Levé lang Duncan, juicht vreugdig ons lied !
Hopman.
(Verhaal.)
Stll, vrienden, stil... reeds heerscht de zwarc nacht,
De Koning sluimert zacht.
De nagalm van ons lied zou zijnen slaap verstoieii...
Weidra, bij 't uchtendgloren
Verspreidt de zonnegloed het koestrcnd licht.
Dan laten wij dees gastvrij, mild gesticht.
Ja, morgen, ja, volbrengt ge weer den plicht...
Ter rust, o Krijgers, thans den stap gericht.
Lady Macbeth.
Reeds morgen gaat hij hccn, en ncemt de krone meJc,
Den dag, won 't noodiot nae geleidt ter Troningtredc.
(437)
Beksen.
(Onzichlbaar.)
Macbeth is groot, verdient den troon,
Machtig is hij ! Wil hij de kroon ?
Koning is hij !
Hem thans ter zijde, Koningin,
Heerscht ge, met fierheid, in den zin,
Vorslin, ja, gij !
Lady Macbeth.
0, Macbeth !
iMacbcth.
Wal will gij ?
Lady Macbeth.
'k Wil zien uw mocd !
Beproeven uw kloek hert, uw manncnbloed,
Zoo trotsch... En is 't geen ijdel woord, geen logen
Die dapperheid? o, dan mij niet bedrogen !
Daar rust hier dicht bij ons, op 't lijdzaam ledikanl.
Een sterveling, dien, met een teeken van uw hand,
De dood verbeidt.
't Vergrijsde hoofd en de ingevallen wang
Verwachten reeds den doodslaap lang !...
Wordt Majesteit!
Macbeth.
Duncan dooden? Hij, mijn Koning! Hij, mijn gast!
Lady Macbeth.
Den Heer, voor wien ge knielt? Slaaf, opgepast!
0, Macbeth! gij, zoo groot, mijn Koning-Echtgenoot,
Wanneer ge toi elk spreken komt, het hoofd omhoog.
3"»* SÉRIE, TOME XXVI. 29
Ach, later!
( 438 )
Macbeth.
I>ady Macbeth.
Schand, ach, overu!... Hoe snood,
Wanneer in uw paleis, met stervend oog,
Een grijsaard draagt uw kroon,
Dan knieit en kruipt ge, Macbeth, voor mijn troon!
Gelijk een knecht, o hoon!
Mijn uur zal slaan.
L.ady Macbeth.
Uw uur is daar!
Rap, open de oog. Waar tracht ge naar,
Wanneer het lot, die slapersschim u bracht?
En hoort ge niet die stemme : Macbeth, hem, hem wacht
De dood !
Macbeth.
Geen verweer! — In den nachl! — Hij, mijn Vorst ! —
['t Waar te snood!
I^ady Macbeth.
Hoe laf, laf!
Gij kunt Koning zijn...
Gij moet handlen... Ha, ge schrikt, ai, voor een graf.
0, waarom dood ik niet? Hij slaapt daar onbewust...
H Kind, dat ik baren zou, in pijn...
Gekoestcrd, driest bemind, en heet gekust,
Het stierf, vermorzeld door mijn hand,
Indien ik had den moord beraamd
En week... Gij, Held, verwinnaar, vlucht beschaamd
Voor heldentaak ? Een lafaard zijt gij... 0 't is schand!
Een lafaard? Nooit!
( 459 )
E.ady Macbetb.
Neem, neem dien dolk.
Met drank betooverde ik in slaap zijn volk...
Nooit weet het iemand... ailes slaapt... welaan, heb moed !
Macbeth.
Neen, nooit! Neen, nooit!
Lady Macbeth.
Dan stort ik H bloed,
0, Helsche gloed,
Ik zweer te heerschen... 'k Wil den Koningstaf...
0, Macbeth vreest een krijger bang, de kloeke daad?... 't is iaf !
De kloeke daad geeft ze ons niet de oppermacht?
Welaan, 'k ga zelf, het word' voibracht !
(Lady Macbeth verdwijnt.)
Heksen.
(Onzichlbaar.)
Glorie den booze! juichend vol blijheid :
Eere zijn zuster, dienend in vrijheid
Den helschen geest !
Glorie den booze! Eer aan het vuige...
Koning is 't kwaad nu, dat ieder buige...
Vreest, volkren, vreest!
(Lady Macbeth binnen.)
Macbeth.
0, GruM el ! bloedig is haar hand...
Lady Macbeth.
Ik heb den Koningsband!
( 440 )
III. — KRANKZINNIG.
[Macbeth' s Palets.)
Rei.
Macbeth is vorst!.-. Lijdt Schotland onder 't juk,
't Volk vervloekt den zwaren oorlogsdruk.
Roovers plundren, ach, de woeste bende,
Waar het leven vroeger bloeide, brengt thans dood... ellende.
Toordrager.
In zijne Koningsburcht heerscht Macbeth somber, stora...
Het hert, vol wanhoop, blikt hij naar 't verleden om,
Dan beeft hij voor de toekonist... De Koningin
Is krank van zin.
Ze dwaalt, als schim, gejaagd 'lijk door een drora
Schrikbeelden... Macbeth, ja, bezwijkt gansch onder 't rampendom.
En kermt : o dood ! o kom !
De vijands leevren ons den slag,
Mijn rijk verspeel ik in een dag.
De vrees kende ik niet, als soldaat,
Thans Koning, ach, 'k beef voor mijn kwaad.
De schand op 't hoofd beef ik als een gemeen bandîet,
'K ontwaar ten allen kant slechts haat die mij bespiedt.
En dan dit gruwlijk wee... dat zoekt
En martelt onze Koningin... — Ik ben gevloekt !
Een krijger.
Heer, de vijands naadren felgewapend, wee l
(Lady Macbeth yerschijnt.)
( Ai[ )
niaobetli.
De Koningin ! Laat ons met vreê !
Ziedaar de strafder schrikiijke euveldaad...
De knaging voigt de zonde, waar ze ook gaat.
0, God ! de dood waar beter dan heur kwaal . . .
Doof is haar oog, doof is haar liefdestraal.
L.ady Macbeth.
(Krankzinnig.)
Weg, gevloekte viek! Bloed... blijft gc, bloed?
Of ik, ach, steeds mijn banden wasschen moet?.
Bloed! Bloed! blijft ge, bloed?
Krijger.
Heer, het Engelsch loger is nabij !
illacbetb.
0, Laat me, laat mij !
God, God, heb medelij
Met hare krankheid, gun haar snel den dood.
Eiady Macbeth.
(Krankzinnig.)
Mijn Held! mijn Koning! mijn lieve echtgenoot.
Macbeth.
Ramp! ramp! o rampberouw!
Lady Macbeth.
(Krankzinnig.)
Daar, daar, o Macbeth, schouw,
Daarsiaapt een man op 't Icdikant...
Die, door een tccken van uw hand,
Wee, heeft geleefd !
( 442 )
Krijger.
0, Heer, haast u !
Macbeth.
Verdwijn, voort! voort! wat geeft
Het of ik win, of vallen moet gedood'
Het leven is te zuur, het leed.te groot.
Lady .llacbeth.
(Krankzinnig.)
Welaan, neern dan dees staal !
Ge wijkt mijn eedgemaal?
Hoe laf! ... Ik zelf bega de daad.
Macbeth.
Wee! wee! haar kranken zin.
Laily Macbeth.
(Krankzinnig.)
Heisa! 'k ben Koningin!
(Ze sterft.)
Macbeth.
De Koningin is dood... Hier hoeft geen raad,
Ten slrijd dan tôt ter dood.
lEngelsche krijgers stormea in het palets.)
K.rijger8.
Stoot, stoot, stoot!
Doodt, Macbeth, doodt.
Hij valle vioekcnd neer !
Toile Rei.
Victorie !
Roem en eer!
Met zijn vuig bloed
Heeft hij geboet
De euvcldaad,
Hoon en haat!
Aan Duncan's rein memorie,
Heil, heil en glorie!
Heil zijnen zonen!
Heil! hunne dapperheid ! die zuUen wij bckronea !
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XLVI-XLIX. — Observations météorologiques, 1885-88. —
Lefnadsteckningar, Bd. III, 1. — Astronomiska iaktagelser
och undersokningar, Bd. IV. — Observations faites au cap
Thordsen, Spitzberg, tomes I et II. — Cari Wilhelm Scheeles
Bref och Anteckningar (A.-E. Nordenskiôld. 1885-92).
Christiania. Société des sciences. Forhandlinger.
Upsal. Société royale des sciences. Nova acla, vol. XV,
fasc. I. 1892; in-4°.
BULLETIN
DE
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1895.— NHl.
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 4 novembre 1895.
M.Ch.Van Bambeke, directeur, président de l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Mourlon, vice-directeur; P.-J. Van
Beneden, le baron Edm. de Selys Longchamps, G. De-
walque, E. Candèze, Brialmont, Éd. Dupont, C. Malaise,
F. Folie, Alph. Briart, Fr. Crépin, J. De Tilly,Alph. Gil-
kinet, G. Van der Mensbrugghe, W. Spring, Louis Henry,
P. Mansion, J. Delbœuf, P. De Heen, C. Le Paige,
Ch. Lagrange, F. Terby, J. Deruyts, membres; E. Catalan,
Ch. de la Vallée Poussin, associés; J.-B. Masius, L. Errera,
J. Neuberg, correspondants.
3°" série, tome XXVI. 30
( 4U )
CORRESPONDANCE.
M. le Minisire de rinlérieur et de rinslruclion publique
prie la Classe de lui soumellre une liste double de candi-
dats pour la composition du jury qui sera chargé de juger
la neuvième période du concours quinquennal des sciences
physiques et mathématiques (1889-1893). — Celte élection
aura lieu dans la prochaine séance de décembre.
— Le même Ministre envoie, pour la bibliothèque de
l'Académie, un exemplaire des ouvrages suivants :
1* Notice sur la désinfection publique;
2° Archives de biologie, tome XIII, 1" fascicule;
3° Bulletin du Cercle des naturalistes hutois, 1895, n° 2;
4° Actes du troisième Congrès international d'anthropo-
logie criminelle tenu à Bruxelles en ^892 [Biologie et
sociologie).
— Remerciements.
— M. Dupont fait hommage, au nom des auteurs, de
l'ouvrage suivant publié sous le patronage du Musée royal
d'histoire naturelle de Belgique : Catalogue général des
hémiptères, par L. Lethierry et G. Severin. — Tome I.
Héiéroptères. — Pentatomidae.
— M. Eug. Ferron, de l'Institut royal grand-ducal de
Luxembourg, fait hommage d'un exemplaire imprimé de
son Mémoire anal i/ tique sur les divers systèmes suivis pour
établir les équations fondamentales de la théorie de la
lumière.
— Remorciemenls.
{ *SS )
— La Classe prend nolificalion de la morl d'un de ses
associés, M. Dionys-Rudolphe-Joseph Stur, ancien direc-
teur de rinslitul impérial de géologie à Vienne, décédé en
la même ville, le 9 octobre dernier.
— M. P. Slroobant, astronome adjoint à l'Observatoire
royal de Belgique, demande le dépôt dans les archives de
l'Académie d'un billet cacheté portant en suscription : Sur
une nouvelle pendule de précision. — Accepté.
— Le conseil de l'Université impériale de Kazan invite
l'Académie à prendre part à la célébration du centième
anniversaire de naissance du célèbre géomètre russe,
Nicolas Lobalchewsky.
— Sur sa demande, M. Lucien Donny sera remis en
possession du manuscrit de sa note sur la Germination
parasitaire chez les graminées.
— Travail manuscrit à l'examen :
Sur de nouveaux procédés permettant de déceler les huiles
végétales et animales; par W. De la Royère, ingénieur,
répétiteur à l'Université de Gand. — Commissaires :
MM. Henry et Spring.
RAPPORTS.
La Classe entend la lecture du rapport de MM. Masius
et C. Vanlair sur une note de M. J.-P. Metzler : Le choléra,
le mal de mer et l'hypocondrie. — Dépôt aux archives.
( 456 )
Sur les cubiques gauches; par Cl. Servais.
Rappot'l <fe ]UM, Ve Faigs et IVettbcfg.
« Dans son mémoire sur les imaginaires en géométrie^
M. Servais a démontré le théorème suivant :
Si A et A' sont deux points conjugués de Cinvolution
centrale marquée sur une cubique gauche; p^, p.^, les centres
des coniques inscrites dans la développable osculatrice et
situées dans les plans osculateurs en A, A'; M et M' ; N et N'
les points de contact des couples de plans osculateurs menés
par [i^^ p„r, ces plans déterminent sur l'intersection des
plans osculateurs^ en A, A', des couples de points M, et Mi;
Nj et Nî, dont les milieux, A,, Ai, sont situés sur les tan-
gentes à la courbe en A', A (§ ViJf, n° 4).
La note actuelle est consacrée à l'exposé des consé-
quences que l'on peut déduire de ce théorème.
La première propriété consiste en ce que le conjugué
harmonique de A' par rapport à MM' est identique au
conjugué de A par rapport au couple NN'.
L'auteur désigne ce point par Q et démontre diverses
propriétés que possède ce point.
Il nous paraît inutile de répéter, dans notre rapport, les
énoncés des théorèmes démontrés par M. Servais. Ceux-ci
sont établis d'une manière fort simple et élégante.
Nous pensons donc que la note actuelle forme un com-
plément intéressant du travail soumis antérieurement à la
Classe par l'honorable professeur de Gand; il nous semble
qu'elle devrait être réunie au mémoire que nous venons de
rappeller, sous un titre unique, en indiquant dans une
note la date de la présentation à l'Académie.
( ^187)
C'est dire que nous proposons bien volontiers à la
Classe d'ordonner l'impression du présent travail, comme
elle l'a fait pour le premier, dans le recueil des Mémoires
in-S". »
La Classe adopte cette proposition.
Sur Cœil pinéal, Cépiphyse, la paraphyse et les plexus cho-
roïdes du troisième ventricule; par P. Francotte.
Rapport de MË, Éd. Van Benedenf premier cotntnitaaire,
« En 1890, M. Selenka a publié, dans le Biologisches
Centralblatt, un résumé des recherches faites par lui, chez
divers Reptiles, sur le développement des organes qui
naissent de la voûte des deux premières vésicules céré-
brales. Il y décrit, sous le nom de paraphyse, un organe
qui, procédant du prosencéphale, sous la forme d'un diver-
ticnle très semblable à l'ébauche pinéale, serait au cer-
veau antérieur ce que l'épiphyse est au thalaraencéphale.
A l'en croire, la paraphyse aurait échappé jusque-là à
l'attention des embryologistes.
Dans la note qu'il adresse à l'Académie, sous le litre
de : Note sur l'œil pinéal, l'épiphyse, la paraphyse et les
plexus choroïdes du troisième ventricule, M. Francotte,
professeur à l'Université de Bruxelles, conteste à Selenka la
priorité de la découverte de la paraphyse; il établit, par
des citations tirées d'un travail publié par l'Académie en
1887, et d'un mémoire présenté comme thèse d'agrégation
à l'Université de Bruxelles, en 1888, qu'il a observé et fait
( 458 )
connaître les principaux stades du développement de la
paraphyse bien avant la publication de Selenka. Il a très
nettement distingué l'ébauche de la paraphyse de celle de
répiphyse; mais, d'accord en cela avec Hoffmann et Slrahl,
il l'a considérée, lors de sa première publication, comme
représentant l'ébauche des plexus choroïdes du troisième
ventricule. Il a changé d'opinion sur la signification de
l'organe pendant l'impression de sa thèse d'agrégation;
parmi les propositions annexées au mémoire, il s'en trouve
une dans laquelle l'auteur affirme que l'ébauche dont il
s'agit n'intervient en rien dans la genèse des plexus cho-
roïdes, qu'elle constitue un organe rudimentaire comparable
à une vésicule oculaire primitive. Tant chez la Couleuvre
à collier que chez les Lacertiens, l'Orvet et les Oiseaux, la
paraphyse a été observée sous la forme d'un cul-de-sac, qui
s'accroît d'avant en arrière, débouche à la limite entre le
prosencéphale et le thalamencéphale, reste superposé aux
plexus choroïdes du troisième ventricule et, à un certain
moment, se termine en arrière dans la concavité de
l'ébauche épiphysaire, sous l'œil pinéal.
M. Francotte estime que, dans sa note de 1890,
M. Selenka n'a rien ajouté de nouveau à ce que l'on con-
naissait déjà de l'évolution de la paraphyse; il n'a fait
que donner un nom, d'ailleurs bien choisi, à un organe
connu, mais mal dénommé. On se tromperait néanmoins
si l'on entendait attribuer à M. Francotte seul la décou-
verte de l'organe dont il s'agit : Hoffmann et Strahl ont vu,
comme M. Francotte, l'ébauche de la paraphyse; mais,
comme il a été dit plus haut, eux aussi ont cru voir dans
cet organe le début des plexus choroïdes ihalamencépha-
liques.
( 459 )
Après avoir revendiqué ses droits de priorité sur la
découverte de la paraphyse, iM. Francolle procède à la
description d'une série de phologrammes, destinés à nous
éclairer plus complètement sur l'origine et sur l'histoire
de cet organe, chez Lacerta muralis, Lacerta vivipara,
Anguis fragilis et Trnpidonolus natrix, il conclut de ses
nouvelles recherches que la paraphyse, primitivement
formée aux dépens du cerveau antérieur, devient secon-
dairement une dépendance du cerveau intermédiaire. Elle
naît sous une forme identique à celle des vésicules ocu-
laires primitives, et ne serait, comme l'œil pinéal et l'épi-
physe, qu'un œil dégénéré. Cette interprétation me paraît
fort sujette à caution. De ce que l'ébauche de la paraphyse
ressemble à celle de l'œil pinéal, on n'est pas fondé à
conclure à la fonction visuelle primitive de cet organe rudi-
mentaire; à conclure de cette manière, on en arriverait
à voir des yeux partout et à doter nos ancêtres de richesses
encombrantes. Avouons franchement que les faits con-
nus ne nous permettent pas de présumer la fonction de
l'organe rudimentaire que Selenka a dénommé.
Dans la seconde partie de son mémoire, M. Francotte
s'occupe du développement de l'œil pinéal et de l'épiphyse.
Dans ses travaux antérieurs, il a soutenu l'opinion d'après
laquelle l'œil pinéal se formerait aux dépens de la môme
ébauche primitive que l'épiphyse, tant chez l'Orvet que
chez les Lézards. La portion distale du diverticule primitif
donnerait naissance à la vésicule oculaire; la portion pro-
ximale deviendrait le pédicule pinéal. Béraneck et
Leydig, à la suite de leurs recherches sur le développe-
ment des Lézards, admettent au contraire l'indépendance
primitive de Tœil pinéal : il naîtrait de la voûte du thala-
( 460 )
mencéphale non pas un, mais deux diverticules très voisins
l'un de l'autre; l'antérieur, plus volumineux, produirait
l'œil pinéal; le postérieur, plus réduit, engendrerait la tige
épiphysaire. Ch. Hill a constaté, chez Coreyonus albusy
deux évaginalions conlignés, très semblables à celles que
Béraneck et Leydig ont observées chez les Lézards. Il fal-
fait donc s'attendre à voir constater, chez l'Orvet, les
mêmes formations. M. Francotte a repris ses recherches
sur le développement de l'encéphale de cet animal et y a
trouvé, en effet, les deux ébauches que Leydig et Béraneck
ont observées chez les Lacertiens.
Chose singulière, il se présente chez l'Orvet des varia-
lions individuelles assez étendues: il arrive, chez certains
embryons, que les deux diverticules se trouvent confondus
en une seule et même formation. Au début de ses études,
M. Francotte avait eu sous les yeux un embryon de cette
dernière catégorie.
Dans la troisième partie de son mémoire, M. Francotte
s'occupe du nerf optique pariétal, qu'il a découvert con-
curremment avec Béraneck. Il est parvenu à imprégner
les librilles du nerf par la méthode de Golgi.
La communication de M. Francotte est à la fois une
revendication de priorité et un exposé de recherches
nouvelles sur un sujet d'un haut intérêt. La réclamation
est faite en termes mesurés et ne peut donner lieu à
aucune discussion. Le travail mentionne, en outre, une
série de faits nouveaux, pour l'intelligence desquels des
figures sont indispensables.
En conséquence, j'ai l'honneur de demander à la Classe
de décider l'impression, dans le Bulletin de la séance, de
la note de M. Francotte. Je propose, en outre, de faire
( 4-6d )
reproduire les photogrammes qui accompagnent le texte
par le même procédé qui a été adopté pour les travaux
antérieurs de l'auteur. »
M. Van Bambeke, second commissaire, se rallie à ces
conclusions, et la Classe les adopte.
Action de la chaleur sur la dypnone;
par M. Maurice Delacre.
Happot't lie n. Eiouis Henry, pretnieê' conttnigauive .
« Envisagé au point de vue objectif, le mémoire de
M. Delacre est consacré à rendre compte de l'action de la
chaleur sur la dypnone.
La dypnone est une acétone non saturée, de formule
assez complexe ^^_p> CH = CH-CO-CgHs dérivée de l'acé-
tophénone CH3 - CO - CgHy , acétone non saturée, que
M. Delacre a fait connaître précédemment et dont il a déjà
obtenu un bon nombre de dérivés qui ont fait l'objet de
communications présentées à l'Académie et insérées dans
ses Bulletins.
Au milieu d'autres produits accessoires, la distillation
de la dypnone fournit, dans certaines conditions, un com-
posé cristallin, fusible à 108%5 et répondant à la formule
CjsH.A le même qu'ont obtenu deux chimistes allemands,
MM. Engler et Dengler,en soumettant, en vase clos, l'acé-
tophénone à l'action de la chaleur, et dont ils ont aban-
donné l'élude à M. Delacre.
( 462 )
En solution alcoolique, ce corps s'oxyde spontanément
à l'air et se transforme pen à peu en un produit cristallin
nouveau, insoluble dans la plupart des dissolvants ordi-
naires, fondant vers 230° et répondant à la formule
M. Delacre expose avec détail les faits qu'il a constatés
en étudiant l'action de la chaleur sur la dypnone.
Il serait difficile de résumer ces expériences, comme
aussi l'ensemble des considérations qui servent de cadre à
ces constatations expérimentales et qui en marquent la
place, le but et l'importance dans l'ordre des recherches
entreprises par M. Delacre pour éclairer, par une synthèse
méthodique et progressive, la constitution de la benzine.
J'ai la persuasion que le travail de M. Delacre sera lu
avec intérêt par les chimistes qui s'occupent de la résolu-
tion de ce problème aussi difficile qu'important de philo-
sophie naturelle.
J'ai l'honneur de proposer à l'Académie d'insérer le
mémoire de M. Delacre dans les Bulletins. j>
M. Spring, second commissaire, s'étant rallié aux con-
clusions du rapport de son savant confrère, la Classe les
adopte.
Slas' Atomic Weight Déterminations; by E. Vogel.
Rapport de n, W. Sprittg, pt'etnier- cotntniaaaifB .
« F^es admirables travaux de noire éminent et regretté
confrère, J.-S. Stas, sur les poids atomiques, ont déplu,
l'Académie le sait, aux savants qui aiment voir dans l'hypo-
( 463 )
thèse de Prout sur l'unllé de la matière plus qu'une simple
conception de l'esprit. On a fait valoir surtout, contre les
conclusions qui découlent logiquement de ces travaux, des
considérations théoriques; la seule attaque basée sur des
faits a été produite par J,-B. Dumas, quand il a montré que
l'argent jouit de la propriété de dissoudre des gaz, notam-
ment de l'oxygène et que, par conséquent, il s'était glissé
une erreur dans le poids de ce métal déterminé par Stas.
Notre confrère a prouvé, d'une manière péremptoire, dans
un mémoire aujourd'hui publié, que celte erreur est cepen-
dant absolument « sans aucune influence sur les conclu-
» sions déduites de ses travaux, puisque l'écart qui en
n résulte, '/sssoo ^'" Poids de l'argent, se confond absolu-
» ment avec l'erreur inévitable dans les expériences de
» cette nature ».
Stas n'a pas voulu répondre aux objections théoriques
qu'on lui a présentées : les discussions philosophiques lui
répugnaient, l'Académie ne l'a pas oublié. Ses adversaires
ont donc pu se mouvoir librement, et aujourd'hui même
l'Académie reçoit de M. E. Vogel, de Alameda (U. S. A.),
un article étrange, tendant à restaurer l'hypothèse de
Prout. Je dis étrange, parce que l'auteur y affirme, d'une
manière explicite, que Slas aurait entrepris ses expériences
avec une idée préconçue, c'est-à-dire exclusivement pour
ruiner l'hypothèse de Prout ; qu'il aurait retenu de ses
résultats uniquement ceux qui inlîrmaient celte hypothèse
et qu'il aurait tu ceux qui la confirmaient. Celte affirma-
tion peu aimable surprendra bien certainement tous ceux
qui ont eu le bonheur de juger et d'apprécier l'honnêteté
inébranlable de noire conlrère, ainsi que l'élévation et
l'intégrité de son caractère de savant.
L'auteur invoque de plus ce qu'il appelle a les expé-
( 464 )
riences de G. Hinrichs » pour mettre en doute l'exacti-
tude même des nombres publiés par Slas. D'après ce qu'il
m'a été donné de lire dans les Comptes rendus de l'Aca-
démie des sciences, Hinrichs n'a fait aucune expérience;
il a uniquement traduit graphiquement, à une échelle
disproportionnée, certains résultats de Stas et, prolongeant
la courbe obtenue au delà des limites permises par la rai-
son, il en a conclu que si Stas avait opéré sur des prises
d'essai d'argent et de plomb convenablement choisies, il
aurait trouvé la loi de Prout confirmée. Je ne rappellerai
pas la réponse que j'ai cru devoir donner à l'article de
M. Hinrichs (I), mais, ceci a plus de poids, je dirai que
M. van der Plaats, d'Utrecht, a obtenu l'insertion aux
Comptes rendus d'un travail dans lequel il montre, d'une
manière irréprochable, que les considérations de M. Hin-
richs sont sans aucune valeur scientifique pratique.
Les choses étant telles, il n'y a pas lieu de s'étonner si
M. Vogel,après avoir déclaré, avec M. Hinrichs, les nombres
de Stas inexacts, cherche à expliquer pourquoi ils ne sont
pas d'accord avec l'hypothèse de Prout. Il affirme gratuite-
ment que la raison de la discordance observée se trouve
dans une variation des poids. « The cause of the great dis-
» crepancis is the variation of weight wich the distin-
» guished experiments would sureley hâve discovered if,
t> instead of endeavoing, as he bas done, to establish the
» weight in favor of wich he was prejudiced, he had
» impartially considered ail the expérimental resulls obtai-
» ned », variations, ose dire l'auteur, que les délicates
(i) Voir Bull. del'Acad. roy. de Belgique, 3« sér., t. XXVI, p. 83,
J893.
( 465 )
expériences auraient fait découvrir si Stas avait tenu
compte de tous les résultats obtenus, et non seulement de
ceux qui étaient favorables à son préjugé.
On le voit, M. Vogel, pour sauver l'hypothèse de Proul,
met en question ou bien le principe de la conservation de la
matière, ou bien les lois des proportions définies. Quand
on fait une si grave affirmation, on serait au moins bien
venu en l'appuyant sur des expériences montrant que
les immortelles recherches de Lavoisier, de de Laplace et
d'autres maîtres ont servi à répandre une erreur dans la
science.
Je ne demanderai pas si, en niant la constance des poids
ou mieux de la masse, M. Vogel ne ruine pas plus la valeur
de l'hypothèse de Prout, qu'il se propose de sauver cepen-
dant, que Stas ne l'a fait en montrant que les corps simples
ne se forment pas par la condensation de masses différentes
d'une matière primitive? Encore moins ai-je besoin d'ana-
lyser ou de faire connaître la suite de la note de M. Vogel
dans laquelle il a recours à des considérations également
gratuites sur ce qu'il nomme Vélasticité moléculaire pour
calculer a les proportions exactes », selon lui, des résultats
de Stas, mises cependant en doute plus haut, et montrer
qu'elles s'accordent avec l'hypothèse de Prout.
En un mot, l'article de M. E. Vogel ne me paraît pas
bien utile pour la science, et pas même pour l'hypothèse de
Prout; néanmoins, j'ai l'honneur de proposer à la Classe
son insertion dans le Bulletin de la séance, d'abord au nom
de la tolérance scientifique et de la liberté de discussion,
et ensuite afin de permettre de juger, en connaissance de
cause, si je ne me suis pas trompé dans l'appréciation du
travail de M. E. Vogel. »
( 466 )
Hapttot't de .fff. ÊjOtti» Kfsnfy, aeconti comnUatairc.
d Le rapport de mon savant confrère, M. Spring, met
parfaitement en lumière l'esprit et la valeur du mémoire
de M. E. Vogel; je me rallie pleinement à sa conclusion;
je suis persuadé que si l'Académie avait encore l'honneur
de compter Stas au nombre de ses membres vivants, il
serait le premier à réclamer la publication dans nos
recueils d'un semblable document.
Avant de terminer, je demande à faire une observa-
tion.
Prout admettait bénévolement que les poids atomiques
des éléments chimiques sont des multiples exacts de celui
de l'hydrogène, et il en concluait que l'hydrogène est la
maieria prima dont nos corps simples seraient des conden-
sations d'ordre divers. Les travaux de Stas, que personne
n'admire et n'élève plus haut que moi, ont démontré,
aussi rigoureusement que le permet l'expérience humaine
dans les temps présents, que les poids atomiques n'ont
aucun diviseur commun.
Stas a ruiné l'hypothèse de Prout; nos éléments ne sont
pas de l'hydrogène condensé, celui-ci n'est pas et ne peut
pas être la maieria prima, s'il en existe une.
Quant à vouloir tirer des travaux de Stas un argument
contre l'idée de Vanité de la matière^ il faut, à mon sens,
y renoncer.
Je ne dis pas que cette idée n'est pas en relation avec
la question de la fixation précise des poids atomiques; si
l'on parvenait, en eflFet, à constater que les poids atomiques
( 467 )
sont des multiples exacts de l'unité ou d'une de ses frac-
tions, il y aurait là une forte présomption en faveur de
l'idée de l'unité de la matière et de l'individualisation de
la matière première.
Mais du fait de la non existence de ce diviseur commun
il n'y a rien à conclure, en logique et en vérité, contre
l'idée elle-même.
L'unité de la matière est une doctrine ontologique qui
repose sur d'autres considérations que les relations numé-
riques des poids atomiques.
C'est par les corps composés que nous apprenons fré-
quemment à connaître les corps simples.
L'analogie générale que l'on constate, sous divers rap-
ports fondamentaux, entre ces deux classes d'espèces chi-
miques, quant à la manière d'être et la manière d'agir,
rend, selon moi, l'idée générale d'une matière primordiale
unique, sinon certaine, au moins vraisemblable et fort pro-
bable.
J'aurai, j'espère, l'occasion de m'en expliquer plus tard
d'une manière complète.
Quoi qu'il en soit, j'ai tenu à rétablir sur ce point de
philosophie générale, dont l'intérêt égale l'importance, ce
que je crois être la vérité scientifique. >
La Classe vote l'impression au Bulletin de la traduction
en langue française du travail de M. Vogel.
( 468 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Au Secrétaire de r Académie royale des sciences.
Bruxelles [Belgique).
Monsieur,
Les travaux de réminenl chimiste, dont les conclusions
exercent encore une profonde influence sur la science,
ayant été publiés par l'Académie royale, je vous envoie
cet article qui aura, je crois, un intérêt spécial pour
vous. Il n'est malheureusement pas écrit en français, mais
comme plusieurs membres possèdent sans doute les deux
langues, j'ose espérer que pour cette raison on ne lui
refusera pas l'attention, puisqu'à des résultats appuyés
sur une autorité de premier ordre j'oppose l'évidence, et
que j'y établis un fait nouveau d'une importance fonda-
mentale.
Agréez, Monsieur, mes hommages respectueux.
Votre serviteur,
E. VOGEL.
Alameda (Californie), États-Unis d'Amérique, 22 septembre 1893.
( 469 )
Les déterminations des poids atomiques de Stas;
par E. Vogel (Alameda : U. S. A.)
Stas a conclu de ses expériences, entreprises surtout
pour résoudre la question de savoir si l'hypothèse de
Proul est fondée, « qu'il n'existe pas de commun diviseur
B entre les poids atomiques des éléments. » Il a regardé
cette hypothèse comme une pure illusion et les éléments
comme des matières distinctes, sans relation simple de
poids entre elles.
Cette opinion ne fut pas d'abord partout acceptée; elle
exerça néanmoins une grande influence. Sa valeur est
devenue, avec le temps, de plus en plus incertaine et
l'hypothèse de Prout a regagné du terrain. Les conclusions
de Stas étant basées sur l'exactitude universellement
reconnue de ses expériences; mettre ces conclusions
en doute, c'était réellement mettre en question l'exacti-
tude elle-même des déterminations. Les expériences de
G. Hinrichs ont conduit dernièrement à rendre suspecte
la rigueur des poids atomiques de Stas. Les suppositions
faites par Stas lui-même mettent hors de conteste que
tous ses poids atomiques sans exception sont faux. li a
trouvé que si l'on précipite presque tout l'argent d'une
solution de nitrate par du chlorure de potassium, il reste
néatimoins i à 2 milligrammes d'argent en solution par
litre, argent qui se trouve précipité par l'addition du sel
aussi bien que par celle du nitrate d'argent. Cette manière
de procéder consistait à ajouter du sel jusqu'à cessation de
S"* SÉRIE, TOME XXVI. 31
( 470 )
toul précipité, et il dit (') : « Je regarde moi-même
» comme certain que celte méthode comporte une erreur
» constante qui, dans les conditions présentes, atteint un
» maximum... Si, comme je le pense, il est prouvé un
» jour que ma méthode est fautive, ma déclaration four-
» nira les éléments nécessaires pour corriger mes résul-
» tats. » On verra que cette prévision était complètement
fondée. Mais admettre que l'inexactitude des rapports est
négligeable, implique nécessairement qu'on croit à l'exac-
titude des poids, alors qu'elle est bien loin de la vérité.
Les poids ne sont pas faiblement, mais grandement faux.
Dans le cas de l'argent, par exemple, le poids 107,93
est trop faible de 0,7o (H = unité) par rapport au
chlorure et au chlorate, et de 0,163 par rapport à l'argent
métallique, et comme la détermination d'un poids est
intimement liée à celle des autres, de l'inexactitude de
l'une résulte l'inexactitude de toutes.
La cause des grandes différences est la variation de
poids; et si l'éminent savant, au lieu de se laisser guider
par une idée préconçue qu'il voulait établir malgré tout,
avait sincèrement accepté les faits qui se passaient sous
ses yeux, il l'aurait infailliblement découvert. « On croira
» difficilement, écrit-il (**), que dans ce long et pénible
» labeur auquel je me suis livré, j'ai obtenu successive-
» ment les résultats les plus disparates selon le corps
» examiné et mes moyens d'investigation. Parfois les
» résultats s'accordaient entièrement avec la loi de Prout:
» c'était notamment le cas pour les poids atomiques du
(*) Aro.\stein, pp. 59 et 29S.
(••) Chein. News. Oct. 5^' 1861, p. 181.
( 471 )
i> plomb, de l'argent, du sodium et du calcium, déterminés
» par rapport au poids atomique du carbone ; d'autres fois
» ils étaient en complet désaccord avec la loi, comme dans
» le cas du plomb par rapport au poids atomique de l'azote
j> et du soufre, de l'argent par rapport à l'azote et au
» chlore, du potassium par rapport à l'oxygène et au
» chlore... Je puis affirmer, sans crainte d'être contredit,
» que tout chimiste qui s'est livré à des recherches de ce
» genre, a rencontré les mêmes difficultés et les mêmes
» contradictions, s'il a pris la peine de varier ses méthodes,
» et s'il a déterminé le poids d'un élément par rapport à
» deux ou trois corps différents. Sous ce rapport, l'incerli-
» tude la plus décourageante m'a constamment accompa-
» gné dans mes recherches. »
Il est inconcevable qu'en dépit de la concordance qu'il
a observée avec la loi de Prout et sans avoir trouvé
la cause du désaccord, qui n'est autre chose que la
variation du poids, Stas ait déclaré, sans réserve, que la
loi de Prout est une illusion. Son opinion radicale est
injustifiable, dans ces conditions, et sa manière de faire
est si entachée de partialité, qu'il n'a retenu que les
résultats qui concordent approximativement alors qu'évi-
demment un accord complet ne pouvait exister, ses poids
atomiques n'étant que la moyenne de résultats diffé-
rents. Les observations non concordantes, il les a soigneu-
sement ignorées et exclues.
Que, nonobstant l'habileté extraordinaire et le soin de
ses déterminations, on ne peut considérer ses poids ato-
miques comme définitifs, se trouve prouvé par la présomp-
tion que si l'on prend l'argent et le chlorure de potassium
dans les proportions de poids voulues par l'hypothèse de
Prout, telle qu'il la comprenait alors, l'argent se trouve
( 472 )
toujours en excès; c'est là l'expression d'une confiance
dans Texactitude des poids qu'il s'agissait précisément de
déterminer. Cette présomption est arbitraire et fausse, car
le chlorure pris dans la proportion indiquée est aussi
souvent alors en excès que l'argent.
Enfin, les preuves et les confirmations de ces résultats
ne brillent que par leur absence. Un moyen de contrôle
des plus importants était cependant sous la main. Il est vrai
qu'en ne l'employant pas, on pouvait escamoter des diffi-
cultés embarrassantes, des contradictions très désagréables;
et c'est peut-être là l'unique raison de ce silence voulu.
Quoi qu'il en soit, les moyens d'arriver à la vérité ont
ici été négligés d'une manière signiflcative. Pourquoi
M. Stas n'a-t-il pas converti les chlorates de potassium
et de sodium en nitrates, ainsi que l'a fait Penny, et ainsi
qu'il l'a fait lui-même pour les chlorures? L'expérience,
au dire de Penny, n'offre aucune difficulté, et elle aurait
donné le moyen de déterminer la très importante propor-
tion centésimale de 0 dans les chlorates alcalins. Elle
aurait en outre révélé la petite variation de poids dans
KCl, variation qu'on n'observe pas dans NaCl.
Calcul des proportions exactes d'après
les déterminations de Stas.
Quand à une solution de chlorure alcalin on ajoute
du nitrate d'argent jusqu'à ce que celui-ci soit légère-
ment en excès, il y aura évidemment précipité si l'on
ajoute de nouveau du chlorure. Mais l'expérience démontre
que l'addition de nitrate produit également un précipité;
le trouble ne cesse que sous l'influence d'une proportion
( "3)
suffisante de l'un des réactifs. Il y a donc deux manières
d'arrêter la précipitation, et aux quantités nécessaires de
réactif, Mulder a donné les noms de « limite du sel »
et « limite de l'argent ». La moyenne entre ces deux
limites représente, d'après cet expérimentateur, la véri-
table et exacte proportion entre le sel et l'argent. Cette
conclusion est fausse et le problème mérite l'attention.
Les expériences de Stas de 1872 et 1874 (*) ont établi
que AgCI caséeux ou pulvérulent se dissout dans l'eau
pure à raison de 13 milligrammes par litre, et que ce
chlorure dissous n'est précipité que par trois fois son
équivalent de nitrate d'argent ou de chlorure alcalin. Stas
a en même temps observé la différence d'aspect des deux
précipités. Quand on l'obtient par le chlorure, il est opaque,
jaune et brillant; celui obtenu par l'argent est blanchâtre
et translucide. Ce dernier a donc les qualités extérieures
de AgCl précipité. La raison de cette différence n'a pas
été recherchée. Voici une explication qui se présente
naturellement.
Stas a toujours ajouté les chlorures en excès à .sa solu-
tion d'argent. Les produits de la réaction entre KCI et
AgNOs sont KNO3 et AgCI. Quand on ajoute KCI à un
mélange contenant KNO3 et AgCI dissous, 3 KCI réagissent
sur un KNO3 et forment le composé 3 KCI -h- K; le résidu
NO5 mis en liberté va se fixer sur Ag de AgCI et donne
ainsi AglNOg, tandis que Cl en liberté se combine à K de
5 KCI H- K. Il y a alors dans la solution 4 KCI, dont une
molécule, réagissant sur AgNOg nouvellement formé,
(*) ^nn, de chim. et de phys., t. XXV, p. 22, et t. III (1874),
pp. 145 et 289.
( 474 )
précipite le chlorure d'argent qui était dissous, et la « limite
du sel » est atteinte lorsqu'il ne reste plus de AgCl à
précipiter. Mais comme 5 KCl sont nécessaires pour préci-
piter un AgCI, cet excès n'est évidemment précipité que
par 3 AgNOg. La différence d'aspect des deux précipités
s'explique par la présence de 3 KCl -f- K.
Le réactif devant être en triple excès pour que l'une ou
l'autre des deux limites soit atteinte, il est évident que la
conclusion de Mulder est erronée; car il résulte néces-
sairement de ce fait que la moyenne adoptée sera trop
grande. C'est pour ce motif que la dernière détermination
de Stas, celle de 1882, est la plus inexacte, car il l'a faite
d'après la conclusion de Mulder. En 1860, il s'était con-
tenté de chercher la limite du sel, et avait trouvé la pro-
portion 69,105; en 1882, il trouva 69,11903 ("), ce qui
donne une différence de 0,01603. Or 69,103 — 0,01603
= 69,08697, chiffre qui représente presque exactement la
proportion réelle.
Quand on établit les poids moléculaires au moyen des
nombres entiers, les volumes moléculaires étant Ag = 52 ;
KCl et iNaCl = 16; LiCl = 8; NH4CI = 4 volumes, on
trouve que le nombre de molécules représentées par
Ag 108 est 3,I50d56
KCl 74,5 est 3,128346
NaCI 58,5 est 3,152913
LiCI 42,5 est 3,129
NH4CI .... 55,5 est 5,13425
C'est pourquoi, avec les chlorures de potassium et de
(*) Ann. de chim. et dephys. t. VII (1886), p. 515.
(47J5)
lilhiiim, l'argeni esl en excès, tandis que pour les chlorures
de sodium et d'ammonium, c'est le sel.
La solution de nitrate d'argeni, à laquelle Slas ajoutait
le chlorure sec, était constituée par un minimum de
35 litres et un maximum de 50 litres d'eau. Le minimum
dp AgCI soluble était donc 35 x 0^013 = 0^455 et le
maximum 50 x 0^015 = 0^65. Ces quantités corres-
pondent respectivement à 0^',3425 et 0^',4893 d'argent.
Dans toutes les expériences de Slas, l'excès à précipiter,
multiplié par 3, était de beaucoup inférieur à la quantité
de AgCl soluble qui existait dans l'eau. Comme la quantité
de réactif nécessaire à la précipitation esl la même pour
le sel et l'argent, et comme AgCI réellement dissous était
toujours inférieur à trois fois la quantité soluble, le sel
ajouté nous offre dans tous les cas une mesure pour l'excès
réel, que cet excès soit d'ailleurs constitué par le sel ou par
l'argent.
F^a précipitation du chlorure d'argent dissous exige trois
fois l'équivalent de sel ou d'argent ; mais quand cette quan-
tité de KCl a été ajoutée, il y a dans la solution 4 KCI à
cause de la décomposition d'un KiNOg, et l'excès n'est plus
un tiers, mais un tiers moins g x J = ^. Dans le cas de
KCl et de LiCI, pour lesquels l'argent est en excès, on
obtiendra la véritable proportion en défalquant de l'argent
l'excès observé réduit à |^. Pour déterminer la proportion
KCl : Ag, Slas a fait six séries d'expériences; lui-même a
écarté la première; voici donc le résultat des cinq autres.
Deuxième série : 69,35822 KCl; 100,54012 Ag; excès
de Ag 0,1775 x % = 0,15162; proportion 69,35822
X 100: 100,3945 = 69,0857.
( 4.76 )
Troisième série : 18,453 KCI; 26,75062 Ag; excès de
Ag 0,0469 X II = 0,04006; proportion 18,455 x 100 :
26,71056 = 69,085.
Quatrième série : 3,83415 KCI ; 3,55823 Ag; excès de
Ag 0,0097 X l-g == 0,008285; proporlion 3,85415x100 :
5,55 = 69,0845.
Cinquième série : 16,81259 KCI ; 24,37227 Ag; excès
de Ag 0,0429 X ~= 0,03644; proportion 16,81239
X 100 : 24,35583 = 69,0855.
Sixième série : 7,25682 KCI; 10,51995 Ag; excès de
Ag 0,0 194 X I =0,01657; proportion 7,25682 x 100:
10,50358 = 69,0904.
La moyenne entre tous ces résultats est 69,0862, KCI
occupe 16 volumes; mais, comme le démontre le poids
spécifique, il est formé par condensation de 1 volume en
deux tiers, par conséquent son poids n'est pas 1, mais
J|||. Mais l'excès de sel en solution, déterminé par titrage,
est proportionnel au nombre des molécules, quel que soit
d'ailleurs leur poids, et quand son équivalent est déduit
de l'argent, on obtient la proportion correspondant au
poids = 1 .
Pour les quantités LiCI = 42,5 et Ag = 108, l'excès
d'argent est si petit que la réduction de l'excès observé à ^
ne l'influence pas d'une manière appréciable. Les trois
observations de Stas donnent : 25,771 56 LiCI ; 65,4896 Ag ;
excès de Ag 0,0121 x ^8 = 0^0^034; proporlion 25,77156
X 100 : 65,47926 = 59,558. Stas a trouvé le même
chiffre.
(477 )
Comme tous ses rapports peuvent se calculer à l'aide de
ces résultats, on peut conclure que, par analogie avec
3 KCI + K, il y a formation des composés 3 LiCI -+- Li;
3NaCI -h Na;3NH4CI -h NH4.
Avec NaCI et iNH4CI, le sel est en excès; l'excès égal à
l'argent sera donc plus petit et il faut le réduire de 777-^,
OU au ^; la proportion réelle s'obtient en défalquant du
sel employé l'excès ainsi réduit.
Voici le résultat des dix observations de Stas pour
NaCI : 85,03122 NaCI; 156,98096 Ag; excès de NaCI
0,06516 X H =0,06278; proportion 84,96844 x iOO:
156,98096=54,1266. En 1 860, Slas avait trouvé 54,2078;
en 1882, il aboutit à 54,2046. S'il était vrai, comme il
l'aflirme, que l'argent est toujours en excès, il est de toute
évidence que le chiffre de 1882 aurait été supérieur à celui
de 1860, comme c'est le cas de KCI, et non pas inférieur.
Voici maintenant le résultat des neuf dernières observa-
tionsde Stas pour NH4CI : 1 26,25085 NH4CI; 254,82766 Ag;
excès de NH4CI = 0,154608 X {| = 0,14897; propor-
tion 126,10186 X 100 : 254,82766 = 49,4852. Stas a
obtenu 49,5944.
La proportion exacte de NaCI est la seule qui puisse
servir immédiatement à la détermination des poids molé-
culaires, car ce chlorure est le seul qui occupe 16 volumes
sans condensation en deux tiers. Ce fait résulte de l'exac-
titude même de toutes les expériences : les poids molécu-
laires de Stas donnent pour 100 NaCIOs = 54,9296 NaCI;
Penny a trouvé par voie analytique 54,9295. La transfor-
mation du chlorate et du chlorure en nitrate donne pour
100 NaCIOs: 79,8823 NaNOj; pour 100 NaCI : 145,4132
NaNOj; la proportion pour cent de NaCI en NaCIOj est
donc 79,8823 x 100 : 145,4152 = 54,9347; en la calcu-
lant au moyen des nombres entiers, on obtient 54,95292.
( 478 )
Le rapport exact Ag : NaCI est 54,1259, et 54,95292
se combinant avec 45,06708 0, 54,1259 : 54,93292
X 45,06708 = 44,40504 exprime l'oxygène qui se trouve
combiné à tous les chlorures, les bromures et les iodures,
correspondante 100 Ag.
100 Ag == 69,08674 KCI + 44,40504 0 donne la pro-
portion pour cent 60,8738 KCI -^- 39,1262 0 = 100. De
100 KCIO3 Penny a obtenu 82,5 KNO3. Si ce poids repré-
sentait du chlorure ou du chlorate, et si le chiffre était
exactement 82,50388, il se combinerait avec 82,50388 :
60,8738 X 39,1262 = 53,028620. En ajoutant ce résultat
à 82,50388, on obtient 135,5325. Enfin, en multipliant ce
dernier chiffre par [|||, on trouve 135,654, ce qui repré-
sente la quantité de nitrate que Stas a obtenue de 100 KCI.
Le poids de ce chlorure étant j^^ au lieu de 1, le nombre
des molécules dans un poids déterminé est de :^^ plus
grand que dans le même poids de KCIO5. 82,50388 X 100 :
135,654 donne la proportion centésimale 60,81936 KCI;
la moyenne entre ce chiffre et la proportion centésimale
réelle 60,8738 est 60,84658; et si la varialion existe réel-
lement, on doit arriver à ce chiffre. Or il a été trouvé non
seulement par Stas, mais par tous les autres expérimenta-
teurs. Il y a là, à notre avis, une démonstration irréfutable
de la petite variation de poids que subit KCI.
Dans un composé occupant 4 volumes, le poids des
éléments est, par suite de la variation, plus grand que dans
un composé qui occupe 16 volumes, et au moyen de la
proportion de NH4CI, qui occupe 4 volumes, on peut déter-
miner le poids du chlore. A cet effet, on calcule le poids
correspondant à 4 volumes au moyen du poids de Toxygène
dans le chlorate, qui occupe 16 volumes g| X 44,40504
= 44,88253; de cette quantité '^~ ou 16,83095 exprime
(479)
le poids de NHiCt la proporlion exacte 49,479 — 16,85095
donne le poids du chlore occupant 4 volumes = 52,648;
ce qui pour 16 volumes donne |^^ X 512,648 = 52,508.
Les poids de l'oxygène et de l'ammonium étant bien établis,
celui du chlore est également certain. Dittmar et Mac
Arthur ont prouvé (') qu'en chauffant le bichlorure de pla-
tine PtCla jusqu'au point de fusion du plomb, on obtient
le monochlorure PtCl. Cela étant, la vérification expéri-
mentale du poids de Cl en KCI et PtCI doit être très pos-
sible, et dès lors on peut déterminer directement les poids
de K et Pt, indépendamment de tout autre poids.
Les poids de Br et de I peuvent se déterminer à l'aide
du chlore et de l'oxygène d'une quantité de chlorate obte-
nue avec 100 Ag. Stas a trouvé dans 100 AgBrOs 20,55 0,
et il a obtenu au moyen de 100 Ag, une quantité de bro-
mure de 174,081 ; par conséquent, 03 = 44,4765. Sa pro-
portion pour cent de 0 est presque rigoureusement exacte,
mais celle de AgBr est trop élevée à cause de la variation
de poids. La proportion centésimale 0 = 20,54012 donne
44,40504 0 combiné à 175,9076 AgBr.
Dans 100 AglOj Stas a trouvé 16,9747 0 et ses syn-
thèses donnent 100 Ag = 217,5552 Agi, avec lesquels se
combine O3 = 44,4757. Les proportions centésimales
85,05808 Agi -+- 16,961920 donnent 44,405040 combiné
à 217,5875 Agi. Les chiffres déduits des synthèses sont
donc trop élevés, et la différence est due à la variation de
poids; avec des poids plus grands, la proporlion centési-
male de 0 aurait été plus petite, et ceux de Stas sont déjà
trop grands.
(*) Journ. Soc. Chem. Induslry, vol Vf, p. 805.
( 480 )
100 Ag donnent 132,84522 AgCI (Slas donne le chiffre
132,8445). Celte quantité de chlorure est constituée par
100,53522 Ag et 32,308 Cl. Comme 100 Ag seulement ont
été employés, la différence 0,53522 s'explique par la varia-
tion de poids. Br est 173,9076 — 100,53522 = 73,37238;
I est 217,3875 — 100,53522 = 116,85228.
K et 69,08674 — 32,308 = 36,77874, ce qui avec
73,37237 Br donne, par rapport à 1 00 Ag, 1 10,151 12 KBr.
Le résultat plus élevé de Stas est dû à la variation de poids.
100 Ag étant combinés dans le chlorate avec 44,4050406,
si 0 = 8, le NjOg correspondant est || X 44,40504
= 57,35651. En ajoutant 100,53522 Ag, on obtient
157,89173 AgNjOe. Stas ne donne que 157,472, et la
différence entre ces deux chiffres est due à une variation
de poids. On trouve la même variation dans PbNsOe, mais
dans KNjOc et NaNjOg elle est double.
Calcul des proportions diaprés les nombres entiers.
Les données expérimentales fondées sur les observa-
lions de Stas correspondent rigoureusement aux poids
publiés le 3 novembre 1884 dans Nature (p. 45). Afin
de montrer la raison et la réalité des variations de poids,
il est indispensable d'expliquer comment je suis arrivé aux
poids dont je me sers. Tous ont été calculés d'après les
nombres entiers de la colonne S; ils sont exacts dans la
mesure de l'exactitude de ces nombres entiers eux-mêmes.
Chacun de ceux-ci représente le poids de 9 molécules à
l'élat gazeux; ils sont uniquement basés sur l'expérience.
Or, des recherches minutieuses ont prouvé que plusieurs
doivent être corrigés, les nombres entiers des éléments
( 48i )
suivants étant F = 57; Yt= 136; La = 140; Ce=U4;
Di = 148; Yb = i74.
La loi d'Avogadro nous apprend que des volumes égaux
de gaz contiennent des nombres égaux de molécules.
Quoique cela soit vrai pour un état déterminé, il est
cependant manifeste que cette donnée ne peut pas servir
à la détermination des poids moléculaires. Personne
n'ignore, en effet, qu'un volume gazeux de soufre, pris à
une haute température, est 52, tandis qu'à une tempéra-
ture plus basse il est 96. Par conséquent, alors que pour
un certain état des volumes égaux de gaz contiennent
chacun 5 molécules, la molécule de soufre est constituée
à une haute température par le composé S.2, et à une tem-
pérature moins élevée par Sj^î- De la même façon, on a
0 = 16 = 3O2 ; 0 = 24 (ozone) = 3O3 ; N = 14 == 3N3.
Il est évident que le nombre des molécules contenues
dans l'unité de volume est fonction de l'élasticité molécu-
laire. Cette élasticité est différente, non seulement pour
les différents éléments, mais encore pour les divers états
d'un même élément. Il y a quatre classes d'éléments diffé-
rant par l'élasticité moléculaire. Les gaz élémentaires con-
tiennent 3 molécules dans un volume gazeux; le brome
liquide contient le même nombre de molécules en 2 vo-
lumes non gazeux, l'unité étant le volume du poids spéci-
fique en rapport avec celui de l'eau = 1 ; de sorte qu'un
volume gazeux = 2 volumes non gazeux. Les métaux
alcalins ont seuls une plusgrande élasticité moléculaire, car
3 molécules = 4 volumes non gazeux. Pour tous les autres
éléments, l'élasticité est plus petite; le volume gazeux
contient 3 molécules, mais chacune de celles-ci est cepen-
dant, dans tous les cas, un agrégat de 2 ou de plusieurs
molécules simples. Cl, Br et l diffèrent sous ce rapport des
( 482 )
gaz élémentaires : ils sont constitués, comme la chaleur
spécifique le démontre, par condensation en deux tiers,
c'est-à-dire | -*- | -+- I = 'l volume ou 3 molécules.
Les molécules élémentaires de Mg, Sr, Ba, Pb, Ag et Cs
sont également constituées par condensation en deux tiers,
mais il y a ultérieurement combinaison à volume constant.
Dans ce cas, le poids moléculaire = 5 molécules occupe
deux volumes au lieu d'un seul. Lorsqu'il y a combinaison
avec condensation, il y a d'abord combinaison à volume
constant 1:1=2 volumes, suivie de condensation 2-4-1
= 2 volumes. L'élasticité moléculaire du poids d'un
volume devient par là égale à celui de deux.
Il y a une relation intime et directe entre les variations
de l'élasticité moléculaire et les changements de poids; à
chaque augmentation d'élasticité correspond une diminu-
tion proportionnelle dans le poids des molécules, la masse
étant constante, de sorte que les molécules atteignent le
maximum de leur poids dans l'état gazeux. On a trouvé
que le poids de 9 molécules des gaz élémentaires, qui est
toujours représenté par un nombre entier, est 9 : 9,4
quand ils occupent un volume de 16 volumes non gazeux,
et l'unité H = 1 est dans ce cas : 1 — ^g = 0,9574468.
Du rapport à l'état gazeux il suit que pour 8 volumes
le poids est 9 : 9,3; pour 4 volumes 9 : 9,2; pour 2 volumes
9 : 9,1 = 1 volume gazeux ; pour 32 volumes 9 : 9,S; pour
64 volumes 9 : 9,6, etc. Si l'on fait 9,4= 9 -+- x, il faut
augmenter x de 0,1 chaque fois que le volume est doublé;
pour l'état non gazeux, il faut l'augmenter de 0,05 puisque
1 volume gazeux = 2 volumes non gazeux. En cas de con-
densation, la masse s'accroît de \; par conséquent, x aug-
mente de 0,05 pour l'état gazeux et de 0,025 pour l'étal
non gazeux.
( 485 )
L'élasticité des métaux alcalins étant 5 molécules, 4 vo-
lumes, 9 -+■ X, qu'on peut appeler le coefficient de varia-
tion, est pour cette classe d'éléments et l'état de 16 volumes,
9,5. Pour les six corps simples dont les molécules sont
constituées par condensation, le coefficient est de 9,34166,
chiffre intermédiaire entre 9,5 et 9,4; le 0,05 dû à la
condensation est, par suite de la combinaison ultérieure à
volume constant, réduit à 0,05 X g = 0,04166. Pour tous
les autres éléments, c'est-à-dire pour le plus grand nombre,
l'élasticité moléculaire est inférieure à celle des gaz élé-
mentaires, et 9 -h X est pour tous 9,6; c'est aussi le
coefficient de Cl, Br et I, j; = 0,4 ayant augmenté de moi-
tié par suite de la condensation.
De ces données on peut déduire, au moyen des nombres
entiers de la colonne S, le poids de la molécule simple de
tous les éléments et de tous les composés dans tous leurs
états. Si S représente le nombre entier de la colonne S, ce
poids est donné par S : 9 -+- x. Pris à l'état de 16 volumes
sans condensation, 9 -+- x est
9.5 pour Li, Ca, Na, K, R;
9,54166 pour Mg, Sr, Ba, Pb, Ag, Cs;
9,4pourH, N, 0, F;
9.6 pour tous les autres éléments.
Pour 8 volumes, on doit diminuer de 0,05 le 9 -^ x de
16 volumes; les poids sont alors ceux de l'état non gazeux;
pour 4 volumes, la diminution est de 0,1 ; tandis que pour
52 ou 64 volumes, etc., il faut augmenter 9 h- x de 0,05
chaque fois que le nombre des volumes est doublé. En cas
de condensation, la diminution ou l'augmentation de 9 h- x
est de 0,025.
Voici maintenant les résultats de Stas calculés d'après
les nombres entiers. Dans l'argent 5 volumes, non gazeux
( 484 )
sont condensés en 2 volumes qui contiennent 5 Agj, et le
poids moléculaire est 32 = 3 Ag 48. Le poids d'une molé-
cule simple, exprimé en unités H, est 324 : 9,39166
= 54,49768. Cela étant, 400 Ag = 2,898663 molécules.
Si nous exprimons ce chiffre par n, dOO Ag sont équi-
valents aux poids suivants du chlorate, qui n'occupe
que 16 volumes : (524 x «) : 9,34166 = 100,53522 Ag
-4- {\00 X n) : 9,6 == 32,308 Cl =- 132,8432 AgCl
-I- (24 X 6 X n) : 9,4 == 44,40504 Oe- Stas a trouvé
100 Ag = 132,8445 AgCI.
100 Ag se combinent avec (243 x «) : 9,6 = 73,3724 Br
+ 100,53522 Ag = 173,9076 AgBr ; et avec (387 x n) :
9,6 = 116,8524 I h- 100,53522 Ag = 217,3876 Agi. Ces
chiffres indiquent les quantités de bromure et d'iodure
qu'on trouve dans les bromates et les iodates en cherchant
la proportion centésimale de 0.
L'équivalent de KCIOe pour 100 Ag est (118 x n) : 9,3
= 36,77874 K -^ 32,308 C 1=69,08674 KCI +44,40504 Oc-
D'après les données de Stas, on obtient 69,0862 KCl.
L'élasticité moléculaire de KCl à l'état libre est 3 molé-
cules = 4 volumes; 3x4 = 8 volumes = Z...^; 2x8
= 16 volumes 3 (KC1)6. L'augmentation de masse due à
la condensation est, par suite de la combinaison ultérieure
à volume constant, -^^ (9 -+- a- = 0,025), et le poids d'une
molécule simple est 118 : 9,30833 = 12,67681 K + 107 :
9,60833= 11,13642 Cl =23,81323 KCl. Le poids molé-
culaire du nitrate est 3(KN30e)8 = 32 volumes sans conr
densation; le poids d'une molécule simple est 118 : 9,35
= 12,62058 K -4- (3 X 62) : 9,45 = 19,68254 N3O6
= 32,30512 KNsOe et 100 KCl correspondent à (32,50512
X 100) : 25,81525 = 155,652 KN-^Oe. Stas a obtenu
155,6455.
( 485 ;
L'équivalent de iXaCIOe pour 100 Ag est (70 X n) : 9,5
= 21,8179 Na + 52,308 Cl =54,1259 NaClH-44,405040c.
D'après les données de Stas, on obtient 54,1 266 NaCi. La
molécule simple de NaCI est 54,1259 : n= 18,672715.
L'élasticité naoléculaire du nitrate est 4 volunries = 5 mo-
lécules; 3x4 = 8 volumes = 3.. .3; 2x8 = 16 volumes
= 3...6; 2 X 16 = 32 volumes = 3(NaN50o),2. 9 h- x
étant 0,025, l'augmentation de masse par condensation
est 32 volumes -^^ = 0,004166; par conséquent, le
poids d'une molécule simple est 70: 9.5541 66=7,4833 Na
+ (5x62) : 9,4541 66=19,67394 N506=27,i5724 NaNsOg
et lOONaCI correspondent à (27,15724x100) : 18,672715
= 145,4581 NaNsOc- Stas a obtenu 145,4526.
N3H4CI occupe 4 volumes et 100 Ag correspondent à
(5 X 18 X '0 : 9,4 — 0,1 = 16,85095 H4N3 -t- (107 x ") :
9,6 — 0,1 = 52,6481 Cl = 49,479 H4iN3CI. D'après les
données de Slas, on obtient 49,4852
LiCI occupe 8 volumes et 100 Ag correspondent à
(22 X «) : 9,5 — 0,05 = 6,89412 Li -^- (107 x n) : 9,6
_ 0,05 = 52,4771 7 Cl = 59,57129 LiCI. D'après les résul-
tais de Stas, on trouve 59,558.
Les poids de AgNgOe et de PbNsOe correspondent à
l'état de 5x8 = 16 volumes; à savoir 100 Ag = (524x«) •"
9,54166 -t- 0,025 = 100,26689 Ag -h (5 x 62 x n) : 9,4
-+- 0,025 = 57,20458 N,0, = 157,47127 AgNsOe- Stas a
trouvé 157,472.
Le poids moléculaire de Pb occupe 16 volumes et le
poids de la molécule simple est 506: 9,541 66— 52,756467,
donc 100 Pb = 5,052855 molécules. Si nous représentons
ce chiffre par m, 100 Pb rapportent (506 x m) : 9,54166.
H- 0,025 = 99,7551 Pb -+- (5 x 62 x m) : 9,4 h- 0,025
=60.2469 i\306= 159,98 PbN306. Slas a trouvé 159,9704.
5"" SÉRIE, TOME XXVI. 52
( 480 )
l/acide nilrique à l'élal de 16 volumes sans conden-
sation est (5 X 02 X «0 : 9,4 = 60,4071, dont les |
on 46,7668 apparliennenl à Og ; par conséquent, O4
= 51,177866 = (5 X o2 X ni) : 9,4, qui, en se comhi-
naMtà(48 X m) : 9,6 = 15,26416 S donnent pour 100 Pb
146 442027 PbS04. Le chiffre de Stas : 146,4275 est trop
|)i'lil parce que son plomb contenait des traces de métaux
alcalins et qu'il n'a pas corrigé l'inexaclilude qui devait
en résulter.
Le poids spécifique de AgS est 7,02, ce qui, multiplié
par 32, donne 224s',64. La molécule simple est 2s%7o9;
donc le poids moléculaire est 3 (AgS),? = 32 volumes.
L'élasticité moléculaire est 4 volumes = 3 molécules;
3x 4 = 8 volumes = 3.. .5; 8x5 = 16 volumes = 5...,,;
5 X 16 = 52 volumes = 5(AgS)wj7. L'élasticité moléculaire
des gaz élémentaires est 4 volumes=3...2; dans AgS l'élas-
ticité et, par conséquent, le ()oids spécifique sont réduils
de moitié, et les 32 volumes équivalent par rapport au
|)oids à 16 volumes. Il y a condensation en Ag, el de la
condensation finale de AgS résulte, par rapport à 9 -4- x,
une augmentation de -^^Ç-. Donc 100 Ag équivalent à
(524 xn) : 9,34166 + o'.0 125 = 100,4009 Ag+ (48 x "):
9,6125 = 14,4745 8= 114,8754 AgS. Stas a obtenu
114,8522; Coake donne 114,888; enlin Berzelius, Svan-
berg el Slruve 114,875.
Le poids spécifique de LiNjOe est 2,442, ce qui multiplié
par 52, donne 78'''',144. La molécule simple pèse is',5268
el le poids moléculaire 52 volumes = 5(LiN30c)i8- L'élas-
ticité moléculaire est 4 volumes = 5 molécules; 3x4 = 8
vo!umes = 3 ..5;2x 8 = 16volumes = 3...6;3x16 = 32
volumes = 3;^LiN30c)i8-
( 487 )
Par suite des deux condensations, la masse de l'unité de
volume est doublée. L'élasticité moléculaire 4 volumes
= 5 molécules est deux fois aussi grande que celle de N
et (le 0; par conséquent, le poids spécifique est réduit de
moitié, et les 52 volumes sont, sous le rapport du |>oids,
équivalents à 16 volumes. L'augmentation de 9 -i- x pour
16 volumes est pour la condensation finale — ^ et pour
celle qui la précède -j^; par conséquent, 100 Ag équi-
valent à (22xw) : 9,5270855 = 6,85714 Li + (5 x 62 x n):
9,4270855 = 57,19175 NjOg = 64,02889 LiNjOe; et
iOO LiCI donnent (64,02889x1 00): 59,57 126 =162,6284
LiNjOc. Stas a obtenu 162,5955.
Le poids spécifique de NaBr est 2,952, ce qui, mul-
tiplié par 8, donne 25^',216. La molécule simple pèse
2s^2755; par conséquent, le poids moléculaire est 8 vo-
lumes = 5 (NaBr)^, et l'élasticité moléculaire 4 volumes
= 5 molécules, comme pour Na. Donc 9 -f- .x est 9 : (9,5
— 0,05 -H 0,025) et 100 Ag équivalent à (70 x n) : 9,275
= 21,8767 Na -+- (245 x n) : 9,575 = 75,564 Br
= 95.4407 iNaBr- Stas a obtenu 95,44062 (').
Le poids spécifique de HiNjEr est 2,579, ce qui,
nuiliiplié par 8, donne 19^',052. La molécule simple
pèse 2=',1654; le poids moléculaire est donc 8 volumes
= 5 (H4N3Br)3, et l'élasticité moléculaire 4 volumes
= 5 molécules ; elle est donc deux fois aussi grande
que celle de H4N3, et par conséquent le poids spécifique
est diminué de moitié; les 8 volumes ne comptent donc,
par rapport au poids, que comme 4 volumes; et 9 -t- a; est
pour 114^3 = 9,5. En ajoutant ^^ pour la condensation
(■) V/i«. dechim. et de pliys., l. VII (18G6), p 817.
( 488 )
finale, on voit que 100 Ag équivalent à (3 X 18 X n) :
9,3125 = 16,80836 H4N5 + (243 x «) : 9,5125
= 74,0473 Br = 90,85566 H4N3Br. Stas a obtenu
90,831 (*).
Le poids spécifique de AgBr est 6,5534, ce qui, multi-
plié par 16, donne IOP',65. Le poids de la molécule simple
est 4^',15; le poids moléculaire est donc 16 volumes
= 3 (AgBrjg, et les 2 volumes contiennent 3 molécules,
comme c'est le cas pour le brome. Les synthèses de Stas
démontrent que, dans le bromure et l'iodure, l'argent ne
subit pas de condensation; 9 -h x est donc pour 16 volumes
= 9,34166 — 0,0166 et 100 Ag = (324 x n) : 9,325
= 100,7149 Ag -f- 73,3724 Br = 174,08733 AgBr; et
100,7149 Ag+1 16,8524 1 = 217,5673 AgL Stas a trouvé
174,081 pour le bromure et 217,5345 pour l'iodure.
Le brome ne subit pas de condensation dans KBrel
100 Ag correspondent à (118 x w) : 9,3 = 36,77874 K
-4- (243 x w) : 9,6 - 0,025 = 73,564 Br = 1 1 0,34274 RBr.
Slas a trouvé 110,3463,
Nous avons examiné toutes les observations de Slas.
Il ne nous reste qu'à formuler la conclusion qui résulte de
nos investigations. La voici :
Il aurait été difficile de faire un choix d'expériences plus
malheureux pour la détermination des poids moléculaires;
mais les données si minutieusement exactes que Stas nous
a fournies sont inappréciables quand il s'agit de prouver la
variation de poids. Le plus exigeant ne pourrait demander
une plus complète évidence pour ce fait important et fon-
damental.
(*) Ann dechim.etdeplnja., t. Vil (1886), p. 517.
( 489 )
Déterminations chronométriques relatives à la régénéra-
tion des nerfs ; par C. Vanlair, professeur à TUniversilé
de Liège.
Les différentes phases de la régénération des nerfs sont
aujourd'hui suffisamment connues pour qu'on puisse se
faire une idée assez nette de l'ensemble du processus. On
sait qu'à la suite de toute section nerveuse il se produit en
premier lieu un travail de prolifération, une sorte de dra-
geonnement très actif dans la portion libre du bout cen-
tral. Les fibres nouvelles issues de cette prolifération se
mettent ensuite à croître dans le sens périphérique, tout
en se multipliant à leur tour. De ces jeunes éléments, les
uns se développent dans une direction parallèle à l'axe du
cordon, tandis que d'autres, affectant un trajet oblique,
perforent la gaine lamelleuse des névricules et, leur exode
une fois accompli, forment un véritable manchon nerveux
autour des faisceaux primitifs.
Lorsque ces deux espèces de fibres ont dépassé le moi-
gnon central, elles se confondent — sans cesser de pour-
suivre leur multiplication — en une masse neuro-con-
jonctivale feutrée, laquelle constitue, avec le renflement
terminal du segment supérieur, ce que l'on a désigné sous
le nom de névrome de régénération. Certaines fibres restent
comme égarées dans le lacis inextricable dont se compose
la formation névromateuse. D'autres réussissent à s'en
dégager, mais pour se perdre latéralement dans les tissus
circonvoisins. Il en est enfin qui, plus favorisées, rencon-
trent le moignon périphérique, pénètrent dans la voie toute
( 490 )
tracée que leur offrent les espaces endoneuriaux élargis
par l'atrophie dégénérative des vieux éléments, et finissent
par atteindre avec ces derniers l'extrémité terminale du
nerf.
Si, au lieu d'être très rapprochés Tun de l'autre, les
deux moignons restent séparés par un intervalle assez
considérable, le processus ne diffère pas essentiellement
de celui qui vient d'être décrit. Seulement, ici, le renfle-
ment névromaleux se résout, avant d'atteindre le moignon
périphérique, en un tractus plus ou moins ténu, com-
posé de fibres qui tendent à se paralléliser. Kl même
lorsque le filament présente une certaine longueur, ses
éléments affectent une disposition plus ou moins fascicu-
lée; en sorte que déjà avant sa jonction avec le segment
périphérique on peut y constater parfois l'existence de
névriciiles rudimentaires (1).
Mais si, considérée <lans ses grandes lignes, l'évolution
analomique du processus n'offre plus guère d'obscurité,
la fixation du temps employé à son accomplissement et
surtout celle de la durée comparative de ses différentes
phases n'ont pas encore, jusqu'à présent, fait l'objet d'une
étude méthodique.
El cependant, pour ne parler que de ses applications
cliniques, cette détermination n'est pas sans présenter
une assez grande importance, il est en effet des circon-
stances où la fonction d'un nerf accidentellement divisé
tarde à se rétablir. A un moment donné, le chirurgien devra
(1) Vanlair, De la réycnération des nerfs périplieriques par le
procédé de la suture tuhulaire. Archives dk Biologie, p. 371), 188'2.
( '19I )
donc se demander s'il peut encore compter sur un retour
spontané de l'aclivilé nerveuse ou s'il lui faut délinilive-
ment renoncer à cet espoir. Dans la ()remière éventualité,
l'inlervenlion opératoire, surtout si elle doit consister en
une section nouvelle, serait absolument inopportune, car
elle aurait pour résultat inéluctable de retarder et peut-être
d'ajourner indéfiniment le rétablissement de la fonction.
Dans le second cas, au contraire, toute temporisation serait
préjudiciable au malade, puistju'eile lui ferait attendre inu-
tilement une guérison facile à obtenir par une opération
nouvelle. Car souvent il suffira, en pareille circonstance,
de diviser le nerf à nouveau ou de faire disparaître un
enclavement cicatriciel pour rendre possible l'achèvement
du travail réparateur.
Au point de vue physiologique., les évaluations dont il
s'agit soulèvent également une question intéressante: celle
de l'influence des milieux ou, si l'on veut, des conditions
mécaniques susceptibles d'accélérer ou de ralentir la crois-
Pour arriver expérimentalement à la détermination (jlo-
bale du temps nécessaire h. la reproduction complète d'un
nerf, on dispose de deux méthodes : la méthode histologique
et la méthode pfiijsiologiqiie.
La première consisterait à prati(iuer simultanément sur
une série d'animaux la section d'un nerf déterminé, tou-
jours le même; puisa sacrilier les animaux néviotomisés
à des dates assez rapprochées et régidièrement échelonnées
pour soumettre ensuite les nerfs à un examen comparatif
minutieux. Dans les cas où la présence des fibres nouvelles
serait constatée jusque dans les ramifications terminales
du nerf, la solution serait donnée par la mesure du temps
le plus court écoulé ,entre l'opération et l'autopsie.
( 492 )
Mais cette façon de procéder offre d'assez grandes
difficultés pratiques. El d'autre pari, on peut se demander
si l'on est bien en droit de considérer l'existence d'un
certain nombre seulement de fibres vivantes dans l'extré-
mité tout à fait périphérique du nerf comme l'indice
positif d'une restitution complète, et par suite d'un réta-
blissement fonctionnel intégrai
La seconde méthode échappe à ces objections. Pour les
nerfs moteurs, il suffira en effet d'explorer fréquemment
le domaine musculaire ressortissant au cordon sectionné,
le retour des mouvements marquant exactement le terme
du processus. Mais s'il s'agit d'un conducteur centripète et
que l'on prenne pour base les variations de la sensibilité,
le résultat ne saurait être obtenu d'une façon aussi simple
et aussi directe; car il faut ici tenir compte de l'enche-
vêlremenl habituel des territoires cutanés sensitifs. Il
devient alors nécessaire de procéder à une étude préalable
toute particulière de ces diverses circonscriptions. Dans
les recherches que j'ai faites naguère sur la distribution
tégumentaire du sciatique chez le chien (1), je suis par-
venu à délimiter, à côté de certaines zones desservies à la
fois par les deux poplilés (zones mixtes), une surface assez
restreinte exclusivement innervée par le sciatique poplité
interne. Cette région, sorte de territoire réservé, est le
coussinet plantaire. C'est, en effet, la seule partie du pied
qui, sauf de rarissimes exceptions, devient complètement
insensible quand on pratique la section du poplité interne
à la partie moyenne ou inférieure de la cuisse. Si donc,
(1) Recherches critiques et expérimentales sur l'innervât toti indirecte
de la peau. Archives de biologie, t. VII, i886.
( 493 )
en opérant sur le scialique, on constate à un moment
donné que le coussinet perçoit de nouveau les impressions
douloureuses, ou peut être assuré que les fibres nouvelles
ont réellement pénétré jusqu'à l'extrémité périphérique du
nerf. Ceci est d'autant plus vrai que, par une circonstance
toute spéciale et particulièrement avantageuse pour ce
genre de recherches, cette même partie est celle qui tou-
jours, ainsi qu'on le verra plus lard, se ranime en dernier
lieu, alors même que la division du poplité interne aurait
provoqué l'anesthésie de toute la surface plantaire. En
conséquence, il suffira d'explorer à de courts intervalles,
après la section du poplité interne, la zone dont il s'agit
pour fixer — et cela d'une manière indubitable — le
moment précis où s'est définitivement accomplie la restau-
ration du nerf.
La méthode physiologique est encore susceptible d'une
autre application. Il existe des nerfs dont l'importance est
telle que leur destruction bilatérale pratiquée coup sur
coup entraîne fatalement la mort. Tel est le cas pour !e
pneumogastrique. Mais si, au lieu de faire simultanément
la section des <leux neifs, on opère cette double division
à des époques différentes, on peut obtenir une survie
véritablement illimitée, il faut seulement, pour cela, que
l'intervalle ménagé entre les deux sections soit assez long
pour permettre la reproduction du nerf priujilivement
divisé. Pour déterminer la durée globale du laps néces-
saire à la régénération, on n'aurait simplement qu'à couper
sur une série d'animaux d'abord l'un des pneumogastriques,
puis l'autre, en laissant entre les deux sections des inter-
valles variables d'abord très longs, puis de plus en plus
réduits, et à noter le délai minimum au bout duquel la
( 494 )
survie aura élé réalisée. Ce délai correspondra exacleinenl
au temps requis pour la régénéralion du nerf.
Ces nnêmes mélhodes peuvent encore servir à l'évalua-
tion chronomélrique des différents stades de la régénéra-
lion. Mais l'application cesse d'en être aussi simple.
Le procédé histologiqiie exigerait ici non seulement
l'examen des extrémités terminales, mais encore celui de
toute la lor)gueur du nerf, y compris les changements qui
s'opèrent au voisinage même de la section. Car il n'existe
pas d'autre moyen de constater, pour chacun des nerfs
opérés, les progrès accomplis depuis l'instant de la section.
Celte circonstance, jointe à l'obligation d'expérimenter
sur un très grand nombre d'animaux, rend la mélhode
histologique à peu près impraticable.
La mélhode physiologique ne comporte pas les mêmes
inconvénients. Elle nécessite toutefois des opérations assez
compliquées. Ici, en effet, la simple section devient insuf-
fisante, il faut encore y recourir, mais en la réduisant pour
ainsi dire au rôle de témoin. Supposons qu'il s'agisse d'ex-
périmenter sur le sciatique considéré comme nerf sensilif.
Tandis que, d'un côté, le poplilé interne d'un animal sera
soumis à une section simple en ayant soin de réaliser une
coaplation aussi parfaite que possible, on pratiquera sur
le poplilé interne de l'autre membre des névrotomies ou
des névreclomies de niveau, de nombre et (ïétendue
variables suivant la phase dont on se propose de déter-
miner la durée.
Pour fixer les idées, désignons par D la durée globale de
la reproduction. Appelons d le temps consacré à la proli-
fération el à l'expansion exodique des fibres, d' le laps
qui correspond à la formation et à l'achèvement du Iracius
( «8)
intercalaire, et (î celui qu'emploient les élémenls nouveaux
à parcourir dans toute son étendue la portion périphérique
du nerf.
Étant admis que par une juxtaposition immédiate des
bouts la longueur du tractus intermédiaire et par consé-
quent la valeur ded'se trouvent réduites à zéro, si l'on vient
à pratiquer sur le sciaiique droit, par exemple, deux sec-
tions à des niveaux différents en utilisant comme témoin
le sciatique gauche divisé, lui, en un seul point, que l'on
note ensuite de part et d'autre le moment où la restaura-
tion fonctionnelle est devenue complète, et la différence
des dates indiquera la durée du travail préliminaire qui
s'accomplit dans le bout central immédiatement après la
section, c'est-à-dire la valeur de d.
Pour arriver à connaître celle de d', il suffira de prati-
quer d'un côté une section simple avec coaptation exacte
des deux bouts, et de l'autre une résection plus ou moins
étendue en maintenant les moignons à une distance déter-
minée. En comparant les délais nécessaires à la réeslhésia-
tion complète de l'un et de l'autre nerf, on obtiendra la
valeur de d' pour un écartement donné.
Veut-on savoir enfin avec quelle rapidité les fibres nou-
velles se propagent dans le bout périphérique, on divisera,
par exemple, le poplité interne droit à la partie supérieure
de la cuisse et le poplité interne gauche près du jarret, de
manière à établir entre les deux sections une différence
de niveau de plusieurs centimètres. Puis on attendra le
retour complet de la sensibilité à droite et à gauche en
notant avec soin l'intervalle séparant les deux restaura-
tions. Cet intervalle une fois connu, on arrivera, par un
calcul des plus simples, à fixer la vitesse de progression
des fibres nouvelles dans le segment périphérique. La troi-
( 496 )
sifiine et dernière inconnue d sera par là même déter-
minée.
Je ne veux pas prétendre que celle méthode clironomé-
Iriquesoità l'abri de toul reproche. Il est évident que l'un
ou l'autre des temps successils de la reproduction sera
tantôt activé, tantôt ralenti par des conditions générales
individuelles dont l'influence ne saurait être numérique-
ment appréciée.
Il peut se faire aussi que, malgré les soins donnés à
l'opération, la juxtaposition des nmignons ne soit pas aussi
parlaile dans un cas que dans l'autre; ou bien encore que
le traumatisme, toutes choses égales d'ailleurs, provoque
une réaction locale plusou moins intensesuivant l'animal sur
lequel on opère. On n'est pas non plus en droit d'affirmer
que la croissance centrifuge des fibres dans le segment
périphérique suit une marche absolument régulière. Il est
même certain, d'après mes propres observations, que celle
propagation s'efl'ectue avec beaucoup moins de rapidité
dans les ramifications extrêmes du nerf que dans la por-
tion proximale du segment périphérique : pour n'en citer
qu'un exemple, la réeslhésialion du coussinet plantaire ne
s'opère d'habilude, dans les expériences sur le sciatique,
qu'avec une remarquable lenteur.
Mais parmi ces circonstances difl'érenliellcs, il en est
plusieurs que l'on peut considérer comme négligeables,
attendu qu'elles se rencontrent dans tous les essais de
vivisection. Ce ne sont pas, au surplus, des causes d'erreur :
en raison ménje de leur contingence, elles communiquent
à l'ensemble des résultats un caractère d'objectivité sans
lequel ces derniers ne présenleraienl qu'une valeur pure-
ment théorique. Quant au l'ait de la progression inégale
des fibres, il n'empêche uullemcnl d'établir une moyenne;
( '^97 )
et si l'on veut d'aillenrs une précision plus grande, rien
n'empêche de décomposer le processus : on pourra tou-
jours, comme je l'ai fait en plusieurs circonstances, évaluer
séparément la vitesse dans le tronc du nerf et dans ses
ramifications tout à fait terminales; il sufllra pour cela de
suivre de très près les progrès de la réestlié^iation.
On ne saurait se dissimuler non plus — et ceux qui se
sont livrés à ce genre de recherches ne manqueront pas
d'en faire la remarque — que l'exploration de la sensibilité
laisse souvent place au doute. J'ai constaté personnelle-
ment, de la façon la plus positive, qu'à quelques jours et
même parfois à (]uelques heures d'inlervalle, des parties qui
semblaient réesthésiées perdaient à nouveau leur impres-
sionnabililé pour ne la recouvrer qu'un certain temps
après. Mais ces variations ne portent jamais que sur des
périodes relativement courtes et ces incertitudes passagères
n'arrivent pas à fausser les résultats généraux de l'obser-
vation.
Voici maintenant la relation des expériences que j'ai
pratiquées en m'en tenant à la méthode physiologique, la
seule qui m'ait paru répondre aux exigences du pro-
gramme.
I. — Évaluation de la durée totale du délai requis
pour 1.1 reproduction d'un nerf.
Cette première série d'expériences a porté :
1° Sur un nerf moteur : le /acïa/j
2° Sur un nerf dont la section bilatérale simultanée est
incompatible avec l'existence : le pneumogastrique ;
3° Sur un nerf mixte étudié en tant que conducteur
sensilif : le sciaiique.
( 498 )
1" Nerf facial.
Les recherches onl élé faites sur le lapin adulle.
Expérience I. — Le 14 novemhre 1888, le facial droit
est divisé au sortir de la parotide, la section portant seu-
lement sur les deux branches inférieures du nerf (1). Les
bouts sont exactement suturés. A la suite de cette opéra-
lion, on constate que les vibrisses du côté droit sont
réellement devenues immobiles, que la moitié droite des
deux lèvres est frappée d'inertie et que la narine droiie
est affaissée.
Le 15 juin 1889, donc sept mois après la section du
nerf, on observe pour la première fois quelques légers
mouvements darTs les régions primitivement paralysées.
Un mois plus tard, chez l'animal au repos, on remarque
encore une certaine dépression de la narine droite et les
moitiés droites des lèvres restent encore entr'ou vertes.
Mais les régions primitivement inertes présentent déjà des
(1) Ici, comme dans la plupart des expériences ultérieures, le nerf
a élé divisé sous la narcose morphino-chloroformique ou simplement
morphinique. Le funicule nerveux a clé tranché nettement et d'un
seul coup, après la pose préalable d'un fil de soie sublimée destiné
à la suture. J'ai donné la préférence à la soie parce que le catgut
aurait pu, par sa dissolution prématurée, céder à la force rétractile
du nerf et maintenir par là même insufïlsamment les deux bouts. La
coaplation, dans les cas où elle était indiquée, a toujours été exécutée
de la façon la plus soigneuse. Toujours enfin les muscles et la peau
ont été suturés séparément, soit au fil de soie, soit au catgut, et la
plaie a été badigeonnée au collodion iodoformé.
( 499 )
mouvements volonlaires et réflexes qui toutefois n'oul
pas la même inslanlanéilé m la même étendue qu'à
gauche.
Il s'est donc |)roduil ici un iélablissen)enl lonclionnel à
peu près complet après un intervalle de huit mois.
Expériences II et III. — Le 14 novembre 1888, sur
deux lapins adultes, on pratique la section des branches
inférieures du facial et l'on juxtapose soigneusement
les bouts. Les animaux succombent le 14 juin et le
lo juillet 1889 sans qu'on ail observé le moindre retour de
la motiiilé. Ici donc, après des intervalles de six mois et
demi et de sept mois et demi, les fibres nouvelles n'avaient
pasencoreatleinl les muscles énervés,oudu moins n'avaient
pas nmené leur restauration fonctionnelle.
D'après cela, on peut fixer à huit mois environ le délai
minimum requis pour la revivificatiou du facial.
La dislance entre le point sectionné et les lèvres était
en moyenne de 7 centimètres. La reproduction s'opère
donc à raison de 9 millimètres environ par mois, soit
5 décimillimèlres par jour. On verra plus loin que celte
vitesse est très notablement inférieure à celle que j'ai con-
stalée pour d'aulres nerfs, notamment pour le vague et le
scialique. Cette difl'érence provient sans doule de ce que
le facial, presque aussitôt après son émergence paroti-
dienne, se résout en des ramifications extrêmement
nombreuses et dirigées dans tous les sens. Certaines
observations — que l'on trouvera mentionnées ulté-
rieurement — permettent en effet d'attribuer à cette cir-
constance une influence défavorable sur la progression
centrifuge des fibres. Il est vraisemblable aussi que la
reconstitution des plaques motrices — dont on n'a pas à
( 500 )
tenir compte pour le scialiiiue en tant que nerf sensilif —
exige un temps assez long et retarde par là même la
restauration fonctionnelle.
2° Nerf pneumogastrique (1).
Expérience IV. — Sur un chien adulte, le 27 juin 1889,
on pratique la section du vago-sympalhique rfroï7 au lieu
d'élection, c'est-à-dire vers le milieu du cou. Les bouts
sont soigneusement suturés.
Un an plus tard, on soumet le pneumogastrique gauche
à la même opération, laquelle ne provoque aucun accident
sérieux. Tenu en observation pendant les dix mois sui-
vants, l'animal ne présente pendant toute celle période
aucun phénomène morbide.
Chez le même animal, le 5 août 1891, j'ai soumis à une
seconde section le pneumogastrique droit. Après quelques
troubles initiaux, le sujet s'est complètement rétabli.
Six mois et demi plus tard, sa santé était encore parfaite.
Les deux vagues avaient donc subi l'un et l'autre une
restitution assez complète pour permettre une survie illi-
mitée.
Quelles sont maintenant les inductions chronométriques
que Ton peut tirer de ce fait? On sait que dans la vagolomie
double opérée coup sur coup, l'animal succombe — à très
peu d'exceptions près — à une lésion pulmonaire occa-
sionnée non par la suspension définitive de l'influence iro-
(1) On trouvera le détail de ces expériences — considérées à
un autre point de vue — dans un travail intitulé : Survie après la
division successive des deux vagues, publié dans les Bulletins de V Aca-
démie royale de Belgique, 3« sér., t. XXV, 1893, page 240.
{ 501 )
phiquH (lu vague, mais par la paralysie laryngée. Celle-ci
permet aux corps étrangers venus des voies digeslives de
pénétrer dans le larynx et dans les bronches, et la présence
de ces corps étrangers amène rapidement une broncho-
pneumonie mortelle. Or, c'est le récurrent qui préside à
l'action des muscles protecteurs des voies respiratoires.
Lors donc que l'animal survit à la destruction successive
des deux vagues, c'est que l'un des deux récurrents au
moins s'est complètement régénéré. Il y a lieu en consé-
quence de prendre ici pour utiique base de nos calculs
chronométriques la longueur du récurrent depuis le
point de section jusqu'au larynx.
Chez le chien dont il vient d'être question, cette distance
était de 25 centimètres pour le côté droit et de 32 centi-
mètrespnurifcôlégauche, différence résultantnon pasd'une
inégalité dans le niveau des sections, mais de cette circon-
stance que le récurrent droit se réfléchit sous la sous-cla-
vière, alors que du côté gauche il doit contourner la crosse
aortique.
D'autre ()art, ainsi qu'il a été dit, le délai observé embras-
sait un peu plus d'une année pour le pneumogastrique
droit, un peu moins de dix mois pour le pneumogastrique
gauche. D'après cela, si l'on confond tous les stades du
processus pour obtenir une évaluation globale, on arri-
vera à cette conclusion que la reproduction du vague
s'opère avec ime vitesse d'un peu moins de trois centi-
mètres par mois, ou, si l'on veut, de près d'un millimètre
par jour (1).
(i) Celle évaluation ne dépasse nullement celle que j'ai obtenue
pour le scialique. il n'est donc pas exact de dire, comme l'a fait
Vulpian, que le pneumogastrique se reproduit beaucoup plus lente-
ment que les autres nerfs.
3°" SÉRIE, TOME XXVI. 33
( 502 )
Si l'on compare la rapidité de cette marche avec la len-
teur relative de la reproduction du facial, on doit en con-
clure que les conducteurs centrifuges croissent beaucoup
plus vile dans le premier nerf que dans le second. Il est
bien vrai que le récurrent renferme des fibres trachéales
serisitives don! la restitution participe peut-être au réla-
hlissement fonctionnel, et qu'en raison du trajet plus court
qu'elles ont à parcourir et de l'absence des plaques
motrices, ces fibres exigent moins de temps que les filets
musculaires pour effectuer leur restauration intégrale.
Mais leur imporlance, au point de vue de la préservation
du poumon, est loin d'égaler celle des ramifications qui
président à l'innervation motrice des cordes vocales.
Expérience V. — Le 12 juin 1890, chez un chien adulte,
le vago-sympathique druit est divisé au milieu du cou, puis
exactement suturé. Pas d'accidents.
Le 5 avril 1891, donc environ dix mois après la vago-
lomie droite, on fait, dans les mêmes conditions, la section
du neri gauche. Six mois plus tard, la santé de l'animal ne
laissait encore rien à désirer. ,
A cette épo(|ue, le vague droit est de nouveau divisé en
vue de constater si la reproduction du pneumogastrique
gauche s'était ou non effectuée dans l'intervalle.
L'animai succombe à celte seconde opération.
Le récurrent droit, le seul qui se fût reprotluit, mesurait
54 centimètres depuis le point de section jusqu'à l'extré-
mité supérieure du larynx. Sa restauration ayant été con-
statée après un laps de dix mois, on trouve qu'ici la revivi-
fication du nerf a progressé à raison d'un peu plus de
3 centimètres par mois.
Il convient toutefois de remarquer que, dans les expé-
( 505 )
riences précédentes, la régénération pouvait être achevée
depuis assez longtemps déjà lorsque je l'ai constatée : en
sorte que le délai observé ne correspondrait pas exacte-
ment au minimum du temps nécessaire à la reproduction.
Il importait donc de procéder sur d'autres chiens à des
vagoiomies doubles, en laissant entre les deux sections des
intervalles moins considérables.
Les expériences suivantes ont été instituées pour élu-
cider ce point.
Expérience VI. — Le 10 juin 1891, la section du pneu-
mogastrique droit est pratiquée au milieu du cou. Pas
d'accidents. Le 17 octobre 1891, le nerf gauche est divisé
à son tour. Aussitôt après l'opération, l'animal est pris de
dyspnée asphyxique et succombe le lendemain à un œdème
bilatéral. La longueur du récurrent droit était ici de 56 cen-
timètres. On voit qu'un délai de quatre mois et demi n'a
point suffi pour en opérer la reproduction.
Expérience VU. — Le 15 avril 1891, on fait la section
du pneumogastrique droit au milieu du cou. L'animal sup-
porte bien l'opération. Le 16 octobre de la même année,
le vague gauche est coupé à son tour. L'animal meurt
quatre jours plus tard d'une broncho- pneumonie bila-
térale.
Le nerf droit ne s'était donc pas reproduit après une
attente de six mois. Le récurrent droit mesurait ici 52 cen-
timètres.
Expérience VI U. — [.e 24 avril 1889, section du vago-
sympalhique droit au lieu d'élection.
L'opération occasionne une dyspnée assez intense, accora-
( 504 )
pagnée bientôt d'un flux diarrhéique. L'animal finit néan-
moins par se rétablir. Le 2 décembre de la même année,
on procède à la section du nerf gauche. Le lendemain de
celte opération, le chien est emporté par une stase hémor-
ragique du poumon droit. Un délai de près de sept mois
et demi n'a donc pas été suffisant pour obtenir la revivifi-
cation du récurrent droit, dont la longueur était ici de
28 centimètres.
On doit induire de tous ces faits que la reproduction du
pneumogastrique ou plutôt du récurrent, depuis le milieu
du cou jusqu'à son extrémité laryngienne, exige un laps
variant entre sept mois et deiid et dix mois. Mais il reste
encore à savoir si avec un délai de dix mois l'on peut tou-
jours compter sur la restauration complète du nerf. L'ex-
j)érience suivante permet de résoudre cette question par
la négative.
Expérience IX. — Le 27 juin 1889, on sectionne le
pneumogastrique droit au milieu du cou. Le 20 juin 1890,
donc un an plus tard, le pneumogastrique gauche est
divisé à son tour. Au bout de quelques jours l'animal se
met à vomir et à tousser ; il gagne de la diarrhée et meurt
le sixième jour après l'opération. Le récurrent droit
mesurait ici 24- centimètres.
5° Nerf sciatique.
[)ans toutes les expériences dont il va être question, je
n'ai considéré la régénération comme complète qu'à dater
du moment où le coussinet plantaire lui-même a récupéré
partout sa sensibilité normale. Je me suis servi, comme
moyen d'exploralion, du coiiraul faradique et quelquefois
aussi, en guis' de contrôle, des piqûres à l'aiguille.
( 503 )
Chez certains animaux, j'ai pratiqué de simples névroto-
mies avec alfrontemenl des bouts. Chez d'autres, le nerf
a subi soit une simple section, soil une rescision plus ou
moins étendue, mais en maintenant les bouts à dislance.
Première série. — Section simple avec coaptalion.
La division du nerf a été généralement pratiquée au
milieu de la cuisse, la distance moyenne entre le lieu de
la section et le coussinet plantaire pouvant être évaluée à
30 centimètres.
Pour les six sections opérées, le délai de reproduction
a varié, en chiffres ronds, de huit à treize mois; la moyenne
a été de onze mois. La régénération du nerf a donc marché
avec une vitesse de prés de trois centimètres : soit, plus
exactement, ^\73 par mois, chitire presque identique à
celui qu'ont fourni mes recherches sur la reproduction du
vague.
Ici se place une observation intéressante en ce qu'elle
met en pleine lumière l'influence qu'exercent les conditions
mécaniques sur la reproduction des nerfs. Si l'on compare
en effet les dates respectives de la revivificalion des orteils
et du coussinet, on trouve entre les deux termes un écart
relativement considérable que l'on peut évaluer en moyenne
à trois mois. El cependant le coussinet — dont la réesthé-
siation s'opère toujours en dernier lieu — occupe un
niveau plus élevé (de 2 '/2 centimètres environ) que l'ex-
trémité des orteils. D'autre part, j'ai vu constamment la
surface plantaire, celle sur laquelle repose le coussinet, se
ranimer avant les orteils et par conséquent beaucoup plus
tôt que le coussinet lui-même. D'où l'on doit conclure que
la position excentrique de ce dernier apporte à la jiéné-
( 506 )
iralion des fibres nouvelles un obstacle mécanique qui
reste longtemps insurmontable.
Une autre remarque faite sur un de mes cbiens mérite
également de fixer l'attention. Ayant pratiqué sur le scia-
tique régénéré une seconde section à 1 centimètre au des-
sous du premier niveau, j'ai vu la deuxième restauration
s'opérer eu un temps sensiblement plus court que la pre-
mière. Alors que celle-ci avait exigé un délai de dix mois,
l'autre n'a demandé que sept mois et demi. Il semble,
d'après cela, qu'un premier effort de régénération rende
plus facile le travail nécessaire à une restauration ulté-
rieure.
Seconde série
Sutures à distance.
La plupart du temps, l'opération a été pratiquée sur le
tronc tout entier du nerf, quelquefois seulement sur le
poplité interne.
Tronc du scialique.
J'ai consigné dans le tableau ci-dessous les résultats de
ces expériences.
EXPÉRIENCES.
DISTANCE DES BOUTS.
DURÉE DU DÉLAI.
X.
Centimètres.
Va
Mois.
14»/,
XI.
f V.
12
XII.
^
19 Vi
XIII.
"2
21
XIV.
;i
28'/,
(307)
Ainsi qu'on pouvait le prévoir, la réeslliésiation se
trouve relardée par la disjouclion des deux bonis el s'eiîec-
lue, en ouire, avec d'aulant plus de lenteur que l'écarte-
ment des moignons est plus considérable : on voit en effet
que le délai a varié du simple au double pour une diffé-
rence de V2 à 5 centimètres.
Je dois cependant faire observer qu'au point de vue
chronomélrique, les résultats des névreclomies sont assez
inconstants. Chez certains animaux où la résection avait
porté sur une longueur de 5 centimètres, la réesthésialion
faisait encore défaut après un intervalle de trente et un
mois. Chez d'autres, la revivification du nerf ne s'est
jamais effectuée. Enfin, je ne suis parvenu en aucun cas à
obtenir un succès complet lorsque les bouts ont été main-
tenus à une distance de 4 centimètres.
Dans tous les essais névrectomiques, j'ai eu l'occasion
de constater un fait assez |)arliculier. Alors que dans les
sections simples, le retour parfait de la sensibilité suit
ordinairement d'assez près, pour une région donnée, l'ap-
parition des premiers indices du rétablissement fonction-
nel, il s'écoule constamment entre les deux périodes, dans
les cas de résection, un inlervalle relativeinenl long. De
plus, à mesure que s'accroît la dislance des moignons on
voit augmenter la durée de ce même intervalle. Pour une
résection de Va cenliinèlre, par exemple, l'écart ne dépasse
guère six mois, tandis qu'il atteint en moyenne une dizaine
de mois lorsque la solution de continuité est de 2 centi-
mètres, [/explication de celte particularité doit être cher-
chée, sans aucun doute, dans la persistance prolongée
d'une insuffisance numérique des libres. Plus l'éloignemenl
des moignons sera considérable, moins grand sera le
chiffre inilial des fibres nouvelles qui réussissent à gagner
( 508 )
le bout périphérique; et c'est seulement quand une mul-
tiplication ultérieure de ces fibres, soit dans le tractus
intercalaire, soit dans le segment périphérique lui-même,
aura comblé le déchet, que la région primitivement
anervée pourra récupérer sa sensibilité normale.
Poplité inlerne.
Expériences XV etXVL — Deux chiens ayant subi une
résection de 1 centimètre, avec fixation (Jes bouts à cette
même distance, ont retrouvé la sensibilité complète du
coussinet plantaire après des délais respectifs de dix et de
onze mois. Les distances entre les points de section et le
coussinet étaient de 30 et de 28 cenlimèlres. La division
du poplité inlerne avait élé pratiquée au milieu de la
cuisse, en un point où ce nerf se trouvait encore accolé au
poplité externe.
IL — Détermination clironométrique des diflérenles phases
dn processus régénérateur.
Il n'était possible ici d'arriver à un résultat valable
qu'en comparant les sciatiques droit et gauche d'un même
animal. Encore convenait-il de s'assurer préalablement si
les deux nerfs, soumis au même traitement, se comportent
d'une manière identique au point de vue de la réesthésia-
tion. Pour cela, j'ai pratiqué chez un chien, à la même
hauteur et à la même date, la seclion bilatérale du scia-
tique dont j'ai eu soin d'affronter exactement les bouts, et
j'ai vu, en suivant pas à pas les progrès de la sensibilité,
celle-ci reparaître presque simullanémcnl dans les régions
correspondantes des deux extrémités. On peut ainsi con-
( 509 )
sidérer comme suffisamment comparables les données
chronomélriques lournies par la siclion des sciaiiques
droit et gauche^d'un même animal.
i" Délai affecté à la prolifération initiale
et à l'expansion exodique des fibres.
Pour arriver à cette détermination, il fallait, toutes
choses égales d'ailleurs, établir une différence nnmérique
entre les sections pratiquées à droite et à gauche. Il
importait aussi, afln de simplifier autant que possibi<^ le
problème, de supprimer de part et d'autre la formation
d'un traclus intercalaire, et cela en opérant une intime
coaptation des deux bouts.
Ce programme a été réalisé dans les expériences sui-
vantes.
Expérience XVII. — Le 18 juillet 1888, le poplité
interne dfoit est coupé en un seul point, tandis que du
côté gauche le même nerf est divisé en trois endroits
différents, de centimètre en centimètre. Le niveau de la
section unique correspond aussi exactement que possible
à celui de la section su|)érieure de l'autre côté.
La distance entre la section la plus élevée et le cous-
sinet plantaire était de 28 cenlimèlres.
Le 3 décembre de la même année, on constate déjà au
membre droit le retour de la sensibilité dans la face plan-
taire des orteils et du pied. Mais le coussinet reste encore
absolument insensible. Du côté gauche, la sensibilité n'a
pas encore atteint le niveau du coussinet.
Le 10 janvier 1889, le tubercule latéral interne du
( 540 )
coussinel droit commence à réagir, L'aneslhésie du cous-
sinet gauche est toujours complète (1).
Le 29 mars, l'éminence latérale externe du coussinet
droit est devenue sensible à son tour.
Le 7 avril, le lubcrculc médian du même coussinet
réagit faiblement. A gauche, le tubercule latéral interne
commence à se sensibiliser.
Le 17 avril, on n'observe d'autre changement, à droite,
qu'une réeslhésiation plus marquée du tubercule médian.
Le coussinet gauche est toujours insensible dans ses
portions médiane et externe.
Le 7 juin, il existe encore une différence très appré-
ciable, du côté droit, entre le tubercule médian et les
tubercules latéraux. Du côté gauche, la tubérosilé latérale
interne manifeste une légère sensibilité.
Le 28 septembre, le tubercule médian du coussinet
droit est devenu presque aussi impressionnable que les
autres. A gauche, pas de changement.
Le A novembre, la réesthésialion du coussinel droit est
complète. A gauche, la sensibilité reste toujours limitée
au tubercule latéral interne.
Le 4 décembre, l'animal succombe accidentellement.
Par le fait de ce décès inattendu, l'expérience n'a pu
(1) Pour celle observa lion comme pour les suivantes, l'examen du
membre a été pratiqué beaucoup plus fréquemment que ne le ferait
supposer le nombre relativement restreint des dates qui s'y trouvent
spécifiées. Ces dernières correspondent seulement aux époques où
l'on a pu constater quelque changement significatif, FI eût été superflu
de mentionner celles où l'exploration n'a fourni que des résultats
négatifs ou douteux, et celles également qui n'ont été marquées par
aucune modification appréciable dans l'état de la sensibilité.
( 5il )
être poursuivie jusqu'au boul. Elle ne saurait donc fournir
de données différentielles relatives au délai nécessaire à
la réeslhésialion complète du coussinet. Mais, à défaut de
ce repère, on peut comparer le début de la sensibilisation,
à droite et à gaucbe, des parties homologues du coussinet.
Or, le tubercule latéral interne du côté gauche n'a
commencé à réagir que trois mois environ après celui du
côté droit. Il a donc fallu tout ce^laps de temps pour voir
s'effectuer la prolifération des bouts inférieurs des deux
tronçons du poplilé gauche. Ce qui permet d'évaluer
approximativement à quarante-cinq jours le délai requis
pour l'accomplissemenl de la première phase du processus
dans une simple section nerveuse.
Expérience XVIII. — Le 1" février 1892, on fait la
section simple du poplilé interne droit. A gauche, le même
nerf est divisé en deux points distants de 2 centimètres
l'un de l'autre.
Ici encore on a fait en sorte que la section proximale
de gauche occupât le même niveau que la section unique
de droite.
La distance entre ce point et le coussinet était de
36 centimètres.
\\ juillet 1892. A droite, la portion de la face infé-
rieure du pied et la surface plantaire des orteils — insen-
sibilisées par l'opération — commencent à réagir, le
coussinet restant inexcilable.
A gauche, la moitié antérieure de la plante du pied, la
face plantaire des orteils, et à plus forte raison le
coussinet ne fournissent encore aucun signe de sensibilité.
2 août. A droite, le tubercule latéral interne du cous-
sinet présente déjà une certaine impressionnabilité.
( 512 )
A gauche, la plante du pied et les orteils sont redevenus
sensibles.
\" septembre. Le tubercule externe du coussinet droit
ainsi que la pointe antérieure de la tubérosité médiane
réagissent au courant, mais seulement lorsque l'excitation
esi énergique.
A gauche, le tubercule interne a cessé d'être insensible.
16 octobre. A droite, la sensibilité du coussinet est
devenue générale; mais elle reste encore assez faible dans
la région réeslhésiée en dernier lieu. A gauche, l'impres-
sionnabilité de la tubérosité interne s'accuse davantage; le
tubercule médian réagit, mais seulement dans une partie
de son étendue, la portion culminante du tubercule et sa
partie postérieure demeurant toujours insensibles.
Le tubercule externe e>l également inexcitable.
24 novembre. A droite, le coussinet est partout
impressionnable, mais encore inégalement. A gauche, le
tubercule externe commence à se sensibiliser; la partie
calcanéenne de l'éminence médiane ne donne encore
aucune réaction.
28 décembre. Les deux coussinets sont partout exci-
tables. Mais on constate encore une différence très sensible
dans leur degré d'impressionnabilité.
26 février 1893. Les deux coussinets ont atteint le
même degré de sensibilité.
On voit, d'après les notations chionologiques qui
précèdent, que le début de la réesthésiation du coussinet,
— ou plus exactement de la réesthésiation des parties
homologues de celte région, — a été constaté un mois plus
tard pour le côté gauche que pour le côté droit.
Dans la première expérience, l'intervalle avait été de
quarante-cinq jours. Lécart lient sans doute à cette
( Î*I3 )
circonstance que, chez le premier animal, on avail pratiqué
trois sections au lien de deux, et cela à une moindre
dislance. On sait, en effet, qu'un certain nombre de fibres
nouvelles s'égarent avant d'atteindre le segment périphé-
rique, si faible que soit l'intervalle entre les deux bouts :
la multiplicité des sections entraînera donc toujours un
déchet que le bourgeonnement ultérieur des fibres ne par-
viendra à combler qu'au prix d'une perte de temps plus
ou moins considérable. D'autre part, la brièveté relative
des tronçons réduit ici le champ de prolifération des élé-
ments nouveaux : de là un abaissement du nombre des
fibres susceptibles de participer à la revivification péri-
phérique et, par suite, un retard inévitable dans la restau-
ration des parties anervées du coussinet.
Pour ce qui regarde la réesthésiation totale du coussinet,
on constate également une différence d'un mois et quelques
jours entre les deux côtés. Mais il a fallu un temps à peu
près double pour que le coussinet gauche atteignît le
même degré de sensibilité que le droit. Ce retard tient
sans doute encore à la déperdition nerveuse qui s'est faite
au niveau de la seconde section, laquelle n'a pu être
compensée que par une prolifération tardive.
En combinant les données relatives aux réesthésialions
partielle et totale du coussinet chez les deux chiens opérés,
on arrive à une moyenne d'environ quarante jours.
2° Vitesse du parcours dans le segment intercalaire.
Pour évaluer cette vitesse, il suffit de pratiquer d'un
côté une division simple du nerf avec coaplation des Itoiits,
et de l'autre une rescision ou même une simple section
( 5U )
avec maintien des moignons à une distance déterminée;
puis de comparer les délais endéans lesquels seffeclue de
part et d'autre lafréinnervation des extrémités.
Expérience XIX. — Le 4 avril 1888, iJ est procédé du
côté droit à une division simple du poplité interne avec
juxtaposition des segments. A gauche, au même niveau, on
divise également le nerf, mais en s'abstenant ici de rappro-
cher les deux moignons, dont l'écartement — causé par
la rétraction — se trouve être précisément d'un centi-
mètre.
La distance entre le niveau de la section et le coussinet
est de 27 centimètres.
Le 8 septembre de la même année, la face plantaire du
pied et des orteils droits commence à réagir, le coussinet
restant inexcitable. A'gauche, on voit persister l'anesthésie
complète des orteils et d'une grande partie de la plante,
ainsi que du coussinet.
7 novembre 1888. L'application du courant ne révèle
encore aucune sensibilité dans le coussinet droit; du côté
gauche, les orteils et la face plantaire du pied sont devenus
excitables; mais le coussinet demeure insensible dans
toute son étendue.
Pendant les mois suivants, il ne se produit aucun chan-
gement bien appréciable.
13 mars 1889. A droite, on cooslate une certaine
inipressionnalùliié dans le pourtour du coussinet. A gauche,
cette dernière région est toujours anervée.
17 avril. Le coussinet droit réagit, mais encore fai-
blement, dans toute son étendue. A gauche, la région
basale du coussinet donne quelques signes de sensibilité.
7 juin. A droite, le coussinet a récupéré partout soq
( SIS )
excilabililé normale; à gauche, loule la surface du coussi-
net est devenue sensible, mais à un plus faible degré qu'à
d roi le.
26 juin. La sensibilité du coussinet gauche atteint à son
tour son taux physiologique.
L'animal meurt le 25 octobre 1889.
F.nlre les phases identiques de la réinnervatioa par/îe//e
du coussinet il s'est donc écoulé un intervalle d'un peu
plus d'un mois. Pour la réesthésiation totale, la différence
a été de 1 mois et 21 jours, et pour la restauration par-
faite, de 19 jours.
En établissant la moyenne entre les deux premiers
résultats, ceux qu'il convient surtout de prendre en con-
sidération, on trouve, en chiffre rond, tin peu moins de un
mois et demi. L'écartement des deux bouts mesurant à
gauche 1 centimètre, on voit qu'ici les libres nouvelles ont
marché dans le segment intercalaire avec une vitesse d'un
peu moins de 2 '/a décimillimètres par jour.
Expérience XX. - Le 28 janvFer 1892, le poplité
interne droit est divisé vers le milieu de la cuisse et les
deux bouts sont maintenus rapprochés par une suture.
A gauche, on pratique sur le même nerf une résection de
1 centimètre en gardant les bouts à cette distance.
Il existait entre la section et le coussinet un intervalle
de 29 centimètres.
1" juillet. A droite, la face plantaire des orteils et du
pied anesthésiée par l'opération est redevenue sensible;
le coussinet reste complètement inexcitable. A gauche, les
orteils et le coussinet sont encore insensibles, mais la par-
tie de la plante située derrière le coussinet commence à
réagir.
( ol6 )
26 juillet. Les doux lubérosilés latérales du coussi-
net droit sont excitables; l'éminence médiane elle-même
présente une certaine impressionnabilité, mais seulement
tout à fait à son pourtour. A gauche, l'état ne s'est point
modifié, sauf que la plante du pied tout entière, y compris
les orteils, est redevenue sensible.
10 août. A droite, la sensibilité s'est étendue à la plus
grande partie du tubercule médian du coussinet; il reste
cependant encore une zone insensible occupant la portion
la plus proéminente de cette tubérosité. A gauche, tout le
coussinet reste anervé.
25 août. Une légère sensibilité commence à se mani-
fester à gauche dans le lubercule interne du coussinet,
ainsi qu'au pourtour du tubercule médian.
La zone insensible du coussinet droit a diminué
d'étendue.
15 septembre. Au coussinet droit, la surface insen-
sible est réduite à quelques millimètres carrés. A gauche,
les tubercules externe et médian sont toujours inexci-
tables.
16 octobre. A droite, le lobe médian du coussinet
réagit partout, mais encore plus faiblement dans sa zone
centrale qu'ailleurs. A gauche, pas de changement.
10 novembre. A droite, la réesthésiation de la zone
centrale des coussinets est à peu près parfaite. A gauche,
le lubercule médian s'est sensibilisé dans la plus grande
partie de sa surface; le centre cependant reste encore
anervé, ainsi que l'éminence latérale externe.
28 décembre. A droite, la réinnervation est parfaite.
A gauche, le coussinet réagit partout; mais il existe encore
une diflérence ass(z marquée, comme degré, entre les
deux coussinets.
(517)
15 janvier 1893. La sensibilité est normale des deux
côtés.
Les délais différentiels ont donc été les suivants: un
mois pour la réesthésiation partielle ou, si l'on veut, le
début de la sensibilisation du coussinet; deux mois et
douze jours pour la réesthésiation totale; dix-sept jours
pour la réinnervation parfaite.
La moyenne entre les deux premiers délais peut donc
être évaluée à une cinquantaine de jours, ce qui donne
encore ici une vitesse de 2 décimillimètres par jour pour
le parcours dans le segment intercalaire. ^
Expérience XXI. — Le 16 mai 1888, même opération
que dans l'expérience XX. La dislance entre la section et
le coussinet mesure ici 15 centimètres.
30 juillet. On constate une légère sensibilité dans les
orteils à droite. A gauche, les réactions sont nulles.
10 septembre. Les deux orteils médians ont récupéré
leur sensibilité normale. Les orteils de gauche sont tou-
jours inexcilables.
L'animal meurt quelques jours plus tard (le 15 sep-
tembre).
L'expérience est donc restée ici forcément imparfaite.
On peut seulement en conclure que, quarante jours envi-
ron après la réesthésiation des orteils droits, celle des
orteils gauches ne commençait pas encore à se manifester.
Si donc, à défaut d'observations portant sur le coussinet,
on adopte pour base des calculs l'intervalle en question,
en le majorant des quelques journées supplémentaires
qu'eût exigées sans doute la réinnervation des orteils
gauches, on arrive encore à attribuer aux fibres nouvelles
une vitesse d'un peu plus de 2 décimillimètres par jour
dans le segment intercalaire.
3""* SÉRIE, TOME XXVI. 34
(518)
Expérience XXII. — Au lieu de faire ici une simple
section d'un côté et une résection de l'autre, on pratique
une rescision à droite comme à gauche, mais en enlevant
à droite un segment de 1 centimètre et à gauche un
tronçon de 2 centimètres.
L'cpéralion a été faite le 8 janvier 1892.
La distance entre le niveau supérieur des résections et
le coussinet était de 35 centimètres.
20 juillet. A droite, on constate la sensibilisation de
la face plantaire des orteils et de toute la plante du pied,
hormis le tiers antérieur de la surface située derrière le
coussinet. Celui-ci est encore tout à fait insensible. A
gauche, on n'observe aucune apparence de réesthésiation
dans ces mêmes parties.
\^' septembre. A la patte droite, la sensibilité a envahi
toute la surface plantaire, sauf un espace d'environ
2 centimètres derrière le coussinet. A gauche, les orteils
commencent à réagir, ainsi que la région postérieure de la
plante. Des deux côtés le coussinet se montre encore
insensible.
6 octobre. Toute la surface plantaire droite est exci-
table, à l'exception d'une zone très étroite située immédia-
tement derrière le coussinet. A gauche, la plante ne réagit
encore que dans sa moitié calcanéenne.
Pendant la (in d'octobre, le mois de novembre et une
partie de décembre, on n'observe aucun changement bien
appréciable. Durant cette période, le sujet a considérable-
ment maigri; le train de derrière présente une véritable
atrophie et ne soutient plus qu'imparfaitement l'animal
qui se laisse choir à chaque instant. Il semble donc que la
régénération ail subi, pendant ces quelques mois, un temps
d'arrêt par le fait de la dénutrition générale et locale.
( 519 )
28 décembre. A dioile, l'élal ne s'esl pas modifié;
le coussinet resle toujours complètement insensible. A
gauche, la zone excitable s'étend jusqu'à la moitié de la
siiiface plantaire derrière le coussinet.
3 février 1893. Les deux coussinets sont encore insen-
sibles, A droite la zone réeslliésiée s'est encore étendue :
elle atteint presque la base calcanéenne du coussinet. A
gauche, il reste encore derrière le coussinet une région
insensible occupant à peu près le tiers antérieur de l'es-
pace séparant le coussinet du talon.
17 février. La sensibilité de la surface plantaire située
en arrière du coussinet est devenue complète à droite; à
gauche, elle arrive à 3 4 centimètres de la base de cette
éminence.
8 mars. A droite, toute la surface du tubercule latéral
externe du coussinet commence à réagir. A gauche, la
base seulement de cette tubérosilé ainsi que celle de
l'éminence médiane donnent également des signes de sen-
sibilité. Mais toujours il reste à gauche une zone anesthé-
siée — de 2 centimètres environ — derrière le coussinet.
16 mars. Le coussinet droit est sensible dans toute son
étendue. 11 en est de même du coussinet gauche. Ici tou-
tefois le bord calcanéen et la zone plantaire qui l'avoisine
en arrière, et dont les dimensions ne dépassent plus 1 cen-
timètre, se montrent encore anesthésiés.
28 mars. La réesthésiation est complète à gauche comme
à droite.
Si l'on compare les dates de la sensibilisation totale de
la zone plantaire située derrière le coussinet, on trouve
une différence de 30 jours, chifîre légèrement inférieur à
celui que j'ai noté dans l'expérience XXI pour la réesthé-
siation des orteils. D'où il résulte que les fibres nouvelles
( 520 )
auraient marché dans le segment intercalaire à raison de
2,8 décimillimèlres par jour.
Maison constate un écart beaucoup moins considérable
pour la réinnervation totale du coussinet; ici l'intervalle
n'a pas dépassé treize jours; on pourrait même le réduire
à huit jours, si l'on faisait abstraction du retard observé
pour l'espace presque linéaire occupé par le bord calca-
néen de l'éminence médiane du coussinet gauche. Le délai
différentiel a donc été presque insignifiant, bien que la
dislance entre les deux bouts fût de 1 centimètre à droite
et de 2 centimètres à gauche.
Pour expliquer celle sorte d'anomalie, il me paraît
indispensable de rappeler ici certaines données relatives à
la régénération des nerfs. Toutes les observations cliniques
et la plupart des faits expérimentaux semblent confirmer
cette proposition que la restauration fonctionnelle s'ac-
complit d'autant plus promptement que les bouts du nerf
divisé sont plus rapprochés l'un de l'autre. Autrement dit,
la rapidité de la guérison serait en raison inverse de la
distance qui sépare les deux moignons. L'analyse appro-
fondie du procès régénérateur montre cependant que celle
règle n'a rien d'absolu. Elle ne s'applique en réalité qu'aux
cas ordinaires, c'est-à-dire à ceux où la reproduction du
nerf se trouve abandonnée à elle-même. Il est bien vrai
que si l'on divise ou résèque un tronc nerveux dans toute
son épaisseur, sans user d'aucun artifice opératoire, la
restauration se fera d'autant moins attendre que l'inter-
valle entre les segments sera moins considérable. Mais si,
au lieu de laisser les deux moignons complètement isolés
l'un de l'autre, on les fixe par une suture à distance, on
verra déjà, comme Assaky et d'autres l'ont démontré, la
régénération s'achever après un plus court délai. Que l'on
( 5-^1 )
interpose, ainsi que je l'ai fait moi-même, un drain d'os
décalcifié entre les deux bouts, et la restauration s'effec-
tuera avec plus de promptitude encore. Il suffira, en
d'autres termes, d'entourer les éléments nouveaux d'une
sorte de tutelle pour activer leur progression centri-
fuge (1).
Or, chez le chien qui fait le sujet de l'expérience XXH,
on n'avait pas sectionné le scialique tout entier, mais seu-
lement le faisceau constituant le poplité interne : en sorte
que le poplité externe demeuré intact a pu non seulement
servir de guide aux fibres nouvelles, mais encore et surtout
maintenir devant elles une voie largement ouverte en
empêchant à ce niveau l'oblitération de l'interstice aponé-
vrotique. Dans ces conditions, il a fallu certainement, pour
obtenir à droite comme à gauche la jonction des deux
bouts, moins de temps que si l'on avait pratiqué la section
du tronc même du sciatique (2). D'où cette conséquence
que l'écart chronométrique entre la restauration du cous-
sinet gauche et celle du coussinet droit a dû se traduire
par un chiffre plus faible ou, si l'on veut, par un rappro-
chement relatif des dates différentielles.
D'autre part, dans mes essais sur la tubo-suture, j'ai
pu me convaincre que la partie inférieure du traclus nou-
veau, lorsque celui-ci mesurait une certaine étendue, ten-
(1) De la régénération des nerfs périphériques par le procédé de la
suture tubulaire. Archives de biologie, t. III, 1882, p. 486.
(2) Il résulle en effet des expériences XV et XVI, comparées
aux expériences X et XI, que la restauration après résection s'ac-
complit avec plus de rapidité lorsque, au lieu de névrectomiser le tronc
même du sciatique, on se contente de pratiquer une rescision d'égale
étendue sur le poplité interne.
( 522 )
dail à se névriculiser à la façon d'un nerf normal, alors
que sa partie supérieure conservait la structure confuse
d'un produit névroiiiateux. Cette fasciculation régulière
du segment distal du tractus, caractérisée par la rectifica-
tion et la parallélisation des libres, est évidemment de
nature à faciliter leur progression. Il s'ensuit que la
seconde portion du funicule mettra moins de temps à
s'organiser que la première, de telle sorte que le laps
employé à la formation du segment intercalaire ne sera
nullement proportionnel à la dislance des deux bouts. A
vrai dire, celte donnée ne s'applique qu'aux cas où le
tractus en question trouve devant lui un espace libre.
Mais c'est précisément ce qui se produit quand, au lieu
de trancher le nerf tout entier, on se borne à diviser un
des faisceaux du tronc nerveux. Elle ne concerne pas non
plus ceux où l'écartement des moignons dépasse 2 centi-
mètres, comme c'était le fait pour plusieurs des expé-
riences relatives au délai global. On doit tenir compte, en
effet, dans ces derniers cas, de la condensation progressive
du tissu conjonctif qui tend à combler l'interstice. Plus
on s'éloignera du moment, ou, ce qui revient au même, du
niveau supérieur de la section, plus cette masse deviendra
résistante et plus les fibres nouvelles auront de peine à la
traverser. H en résulte que si les libres progressent avec
une plus grande rapidité dans la région moyenne d'un long
segment intercalaire, elles reperdront et au delà cette
avance loisqu'il s'agira pour elles de franchir la partie
inférieure du tractus en question.
L'anomalie apparente rencontrée chtz notre chien ne
fait donc, en somme, (juc justifier une lois de plus l'im-
portance du rôle attribué aux influences purement phy-
siques dans l'évolution régénératrice des nerfs.
( 523 )
Si l'on écarle les chiffres relatifs à la réeslhésiation du
coussinet chez noire animal par la raison qu'ils indiquent
la vitesse des lihres dans la seconde partie seulement et
non dans l'ensemble du segment intercalaire, on arrive
à une moyenne d'un peu plus de 2 V2 décimillimètres par
jour.
50 Progression des fibres clans le segment périphérique.
Pour déterminer cette vitesse, j'avais à pratiquer des
deux côtés une section simple avec coaptation parfaite,
mais à des niveaux différents.
Expérience XXllL — Le 31 octobre 1888, le poplité
interne gauche est divisé vers le milieu de la cuisse; à
droite, la section porte sur le tibial postérieur, à peu près
au milieu de la jambe.
La distance entre la section gauche et le coussinet
plantaire était de 25 centimètres. A droite, elle mesurait
16 72 centimètres. Il existait donc entre les deux sections
une différence de niveau de 8 V2 centimètres. En d'autres
termes, le bout périphérique gauche comptait 8 '/2 centi-
mètres de plus que le droit.
A la patte droite, le coussinet seul se montre anesthésié ;
à gauche, l'insensibilité occupe un espace un peu plus
étendu.
7 juin 1889. Le pourtour du coussinet droit, à l'excep-
tion de la pointe du tubercule médian, commence à réagir,
tandis que le coussinet gauche reste totalement insensible.
29 juillet. Le coussinet droit a récupéré partout sa
sensibilité; mais il faut user d'un courant énergique pour
obtenir la réaction. A gauche, le pourtour seul du cous-
sinet manifeste une légère sensibilité.
( 524 )
A partir de ce moment, la réeslhésiation cesse de pro-
gresser; l'animal très amaigri est pris de diarrhée et
succombe le 9 janvier 1890.
De cette expérience incomplète, on peut seulement
conclure que la réinnervation partielle du coussinet gauche
s'est opérée cinquante-deux jours après celle de son con-
génère. Les fibres nouvelles ont donc marché dans le bout
périphérique avec une vitesse de 1'"'",6 par jour.
Expérience XXIV. — Le 10 février 1892, on coupe le
faisceau du scialique formant le poplité interne gauche à
la partie supérieure de la cuisse. A droite, le même nerf
est divisé à 4 centimètres plus bas. La distance de la pre-
mière section au coussinet était de 56 centimètres.
5 juillet. A droite, la plante du pied tout entière,
au-dessus du coussinet, fournil des signes positifs de sen-
sibilité. Le coussinet lui-même et les orteils sont encore
anervés. A gauche, la plante du pied se montre encore
inexcilable.
26 juillet. La plante et les orteils droits, à l'exclusion
du coussinet, réagissent, mais encore assez faiblement. A
gauche, les orteils, le coussinet et le tiers antérieur de la
plante sont insensibles.
1" août. Le coussinet droit sent légèrement dans le
tubercule latéral interne. A gauche, les orteils médians,
le tiers antérieur de la plante et le coussinet sont encore
totalement insensibles.
10 août. La base du cône médian du coussinet droit
commence à se sensibiliser. Pas de changement à gauche.
15 septembre. A droite, le tubercule externe et la
partie culminante du lobe médian du coussinet droit sont
encore inexcitables. A gauche, ou observe la réeslhésiation
( 525 )
de loule la plante, des orteils médians et du pourtour du
coussinet.
16 octobre. A droite, le coussinet réagit dans toute
son étendue, mais moins fortement dans sa région cen
traie. A gauche, les tubercules latéraux sentent nettement
mais l'éminence médiane reste encore anervée.
i*' novembre. Pas de changement à droite. A gauche
le centre seul du tubercule médian se montre inexcitable
24 novembre. Le coussinet gauche tout entier com-
mence à réagir, mais encore plus faiblement qu'à droite
3 février 1893. La réesthésialion atteint le même degré
à droite et à gauche.
En comparant ici les notations chronologiques, on
trouve pour la réesthésiation générale des orteils une dif-
férence de 49 jours : d'où l'on doit conclure que les libres
ont progressé dans le bout périphérique à raison de
Qnim g2 par jour. Pour la réinnervation tolale du coussinet,
le laps différentiel n'a pas dépassé 59 jours, ce qui donne
une vitesse de 1 millimètre par jour.
Enfin, en ce qui concerne la restauration sensitive
parfaite de la surface du coussinet, pour laquelle le délai
a été de 70 jours, on arrive au chiffre de O'"™,^? par
jour.
Expérience XXV . — Le 14 novembre 1888, le péronier
est divisé au milieu de la cuisse à droite, tandis qu'à
gauche la section porte sur l'endroit précis où le nerf
contourne le péroné. La distance entre les deux sections
est de 5 centimètres.
On constate après l'opération, des deux côtés, l'anesthé-
sie de toute la face dorsale du pied y compris celle des
orteils et du bord externe.
( 526 )
25 février 1889. Le dos du pied gauche a déjà récu-
péré sa sensibilité qui resle seulemeiil assez faible vers
son bord externe. A droite, cette partie est encore insen-
sible dans la région des orteils et dans toute sa zone
externe.
25 nriars. Le bord externe du pied gauche est rede-
venu aussi sensible que le reste. A droite, l'extrémité des
orteils et le bord externe sont encore inexcilables.
24 avril. La réesthésiation est générale à droite comme
à gauche; seulement il existe encore une ditTérence notable
dans le degré d'impressionnabililé des deux surfaces, au
moins pour la région des orteils.
29 juin. On ne constate plus de différence entre les
deux côtés au point de vue de l'intensité des réactions
sensilives.
De ceci l'on peut conclure que la réesthésiation totale
a exigé pour s'accomplir un laps de deux mois, soit une
vitesse de 0""",8 par jour, et que la restauration parfaite
s'est exécutée à raison de 0"'"',76.
En établissant une moyenne entre toutes les données
fournies par les expériences XXIII, XXIV et XXV, on
arrive au chiffre rond de 1 millimètre, lequel se trouve
être très notablement supérieur à celui qui représente la
vitesse observée pour les deux autres phases du processus.
Si maintenant l'on compare entre elles les indications
relatives aux deux dernières phases de la régénération
nerveuse, on constate que les fibres nouvelles parcourent
le bout périphérique avec une vitesse à peu près quin-
tuple de celle qui règle leur marche dans le segment
intercalaire.
L'explication ou, si l'on veut, la justification de cet écart
doit être cherchée dans une différence de milieu.
( 527 }
Enlrc les deux segmenls, les éléments de nouvelle for-
malion errenl pour ainsi dire sans guide dans l'espace
inleraponévrolique ; ils accomplissent des détours inu-
tiles, comme le démontrent du reste la structure feutrée
du névrome et les flexuosités des faisceaux nerveux. La
masse conjonctive qui s'organise dans l'intervalle des bonis
vient encore accroître, par sa réticulation capricieuse,
l'obstacle opposé à la croissance en ligne droite des élé-
ments nerveux qui doivent péniblement chercher leur
voie au milieu de cet inextricable lacis. Dans le bout péri-
phérique, au contraire, ils rencontrent des interstices recli-
lignes tout prêts à les recevoir, et l'on comprend qu'ils s'y
propagent avec une facilité et par conséquent aussi avec
une rapidité beaucoup plus grandes.
Cela est tellement vrai que si, par une circonstance
fortuite, le segment distal du nerf vient à subir une altéra-
tion structurale plus ou moins profonde, qu'il présente, par
exemple, un certain degré de sclérose cicatricielle résultant
d'une lésion locale, la marche des fibres dans le bout
périphérique s'en trouvera ralentie et le retard é( rouvé
par elles sera parfois assez considérable pour renverser en
quelque sorte l'ordre naturel de leur progression. Au lieu
de voir se réesthésier en premier lieu celui des deux
coussinets qui théoriquement devrait se sensibiliser avant
l'autre, c'est au contraire la restauration du second cous-
sinet qui se produira tout d'abord.
Témoin le fait suivant qui me semble absolument
démonstratif.
Expérience XXVI. — Le 5 mars 1888, dans le but de
fixer le temps nécessaire à la prolifération initiale, j'avais
coupé le poflité interne droit en un seul point et le poplité
( 528 )
interne gauche en trois points différents; les deux tronçons
mesuraient ici chacun i centimètre. La coaptation avait
été faite avec le même soin des deux côtés.
10 janvier 1889. A droite, le coussinet est encore abso-
lument insensible; à gauche, sa surface est déjà légèrement
excitable.
13 mars. Le coussinet droit réagit faiblement, mais
nettement, excepté dans la partie culminante et la pointe
antérieure du tubercule médian.
A gauche, la sensibilité est devenue très vive dans toute
l'étendue du coussinet.
17 avril. A droite, la surface tout entière du coussinet
donne des signes de sensibilité, mais cependant encore
moins récusés qu'à gauche.
28 juin. Les deux coussinets réagissent aussi vivement
l'un que l'antre.
11 y avait dans ces résultats quelque chose de para-
doxal : on devait s'attendre à une réeslhésiation plus
prompte du coussinet droit, puisque de ce côté le nerf
n'avait subi qu'une simple section. Mais l'animal portait au
membre droit une [raclure consolidée des os du métatarse
en un point \oisin de l'articulation tarso-métatarsienne,
fracture que décelait la présence d'un cal volumineux
avec une déviation très apparente de l'extrémité du pied.
Les ramifications pédieuses du tibial postérieur, altérées
dans leur structure et déviées de leur direclion normale
par le lait de la fracture, devaient naturellement présenter
une résistance anormale à la propagation des fibres. Ainsi
s'expliquait tout naturellement, par des circonstances
purement physiques, la remarquable interversion constatée
chez notre animal.
( 529 ;
Il m'a paru intéressant de comparer les données ressor-
tissant à la durée individuelle des diverses phases du pro-
cessus avec celles qui se rapportent à la reproduction prise
dans son ensemble, une concordance môme approximative
des chiffres devant fournir la preuve mathématique de leur
exactitude.
ï>a moyenne du temps affecté à la prolifération initiale
et à l'expansion exodique a été évaluée à quarante jours. La
vitesse moyenne du parcours dans le segment périphérique
s'élève à \ millimètre. Si l'on adopte le chiffre de 50 cen-
timètres comme exprimant la longueur moyenne de la
portion du nerf située en dessous de la section, on arrive
à un total de trois cent quarante jours. Or, j'ai constaté que,
pour le pneumogastrique ramené à une longueur de 30 cen-
timètres, le délai global minimum était de trois cents jours,
et que le sciatique, en attribuant les mêmes dimensions à son
segment distal, exigeait également une dizaine de mois pour
effectuer sa régénération complète. La différence entre les
résultats fournis par les deux groupes d'expériences est
donc seulement de quarante jours, différence négligeable
si Ion songe qu'il suffirait, pour en renverser les termes,
de majorer d'un centimillimètre la vitesse des fibres
dans le bout périphérique.
Ceci s'applique aux sections simples avec coaplalion des
bouts.
Lorsque les segments restent écartés, il faut tenir
compte, en plus, de la marche des éléments nerveux
dans le système intercalaire. Admettons de part et d'autre
la distance d'un centimètre pour rendre possible la compa-
raison. La vitesse desfibresquivont du bout central au bout
périphérique atteignant 2 décimillimètres par jour, le laps
nécessaire à la jonction nerveuse des deux segments pourra
( 530 )
êlre évalué à une quarantaine de jours : ce qui portera à
trois cent seplante-cinq jours le délai affecté à l'ensemble
de la reproduction. Et l'on a vu précédemment que pour le
sciatique, la durée globale moyenne du processus était
d'environ quatre cents jours, lorsque les bouts se trou-
vaient écartés l'un de l'autre d'un cenlimèlre.
Ici encore les deux résultats ne diffèrent que d'une
quantité négligeable.
Il y a donc lieu de considérer comme véritablement adé-
quates les données numériques relatives aux trois pbases
du procès régénérateur, dont la détermination consti-
tuait le principal but de mes recherches. —
Mais, indépendamment des observations sur lesquelles
sont basées ces évaluations chronométriques, j'ai pu noter
au cours de mes investigations quelques laits d'ordre sub-
sidiaire qui me paraissent présenter un certain intérêt.
Si l'on suit pas à pas les progrès de la réesthésiation du
pied après la section du poplité interne, on constate que
cette dernière s'effectue dans un ordre régulier indiqué
dans les propositions suivantes :
1" La plante du pied lout entière, y compris la face infé-
rieure des orteils, se ranime constamment avant le coussi-
net (i).
2" Toujours ou presque toujours la partie culminante
du lobe médian du coussinet est celle qui se réeslhésie en
dernier lieu. D'ordinaire aussi, c'est par la tubérosité
interne que commence la restauration sensilive.
(î) Cette règle n'a comporté qu'une seule exception, et encore
très relative : celle qui s'est présentée chez le chien soumis à l'ex-
périence XXII. Ici, en effet, il restait encore à la face plantaire du pied,
derrière le coussinet gauche, une petite zone insensible alors que le
coussinet lui-même avait récupéré toute son excitabilité.
( ^31 )
3° Entre le débul de la réinntMvalion du coussinet et le
retour de la sensibilité dans toute sa surface, il s'écoule
généralement un laps proportionnellement plus long que
pour les autres parties de la jambe ei du [)ied.
C'est encore dans une intervention des conditions méca-
niques qu'il convient de chercher la raison de ces particu-
larités.
J'ai déjà fait voir, après Ranvier, que la direction des
fibres nouvelles est uniquement déterminée par l'état
physique des milieux. Je puis ajouter maintenant que
la rapidité de leur progression dépend des mêmes cir-
constances. Toutes les fois qu'en suivant le trajet des
anciens faisceaux les fibres nouvelles seront obligées de
changer avec eux de direction, on les verra subir un temps
d'arrêt ou tout au moins un ralentissement marqué dans
leur évolution centrifuge, c'est-à-dire que la croissance des
libres s'effectue avec d'autant plus de rapidité que leur
parcours est plus direct. Ce qu'on pourrait exprimer sous
une forme plus concrète en disant que les éléments nou-
veaux aiment à pousser droit devant eux. Lors donc qu'il
leur arrivera de rencontrer en chemin une bifurcation
nerveuse, au niveau surtout d'une émission collatérale, ils
passeront beaucoup plus facilement dans le faisceau direct
que dans les branches qui s'en détachent. Si le coussinet
tarde tant à se sensibiliser, c'est que précisément il occupe
une position en quelque sorte excentrique; et bien que les
libres nouvelles aient à fournir un trajet sensiblement plus
long pour atteindre l'extrémité des orteils, on voit la
réesthésiation de ces derniers organes s'opérer beaucoup
plus tôt que celle du coussinet.
Il semble, en outre, que cet arrêt — imposé par l'angula-
lion des filets collatéraux — ait pour effet de déprimer la
vitalité des fibres, attendu qu'il s'écoule un intervalle rela-
( 532 )
livement considérable entre le début et rachèvemenl de
la restauration sensitive du coussinet. Peut-êire aussi que
la compacité relative du tissu dont se compose la masse
du coussinet exerce de son côté une influence inhibitrice
sur la progression des éléments nerveux.
Quant à la restauration tardive de la portion culminante
du lobe médian du coussinet, elle s'explique tout naturel-
lement par cette circonstance que les fibrilles destinées à
la zone en question viennent de la profondeur (1), et
qu'elles ont, par suite, un plus grand es|)ace à parcourir
pour en atteindre la surface.
Enfin, c'est bien évidemment à la direction légèrement
oblique en dehors du nerf plantaire qu'il y a lieu d'attri-
buer la réesthésiation précoce du tubercule interne du
coussinet.
Conclusions.
Chez le chien, et sans doute aussi chez l'homme, la régé-
nération nerveuse idéale, — j'entends par là celle qui
s'opère dans des conditions telles qu'aucun obstacle acci-
dentel n'en vienne entraver la marche, — s'effectue, au
moins pour les nerfs à long trajet direct, avec une régu-
larité chronologique presque parfaite.
En ne considérant que le délai global requis pour une
restauration complète, on peut évaluer la vitesse moyenne
des fibres à \ millimètre par jour.
Si l'on fait porter les déterminations sur la durée rela-
tive de chacune des phases du processus, on arrive aux
chiffres suivants:
(1) Voira ce sujet mes expériences sur l'innervation indirecte de
lu peau. {Archives de bioloyie, t. VII, 1886, pp. 519 et 520.)
( 533 )
Le temps moyen nécessaire à rachèvemenl du premier
slade (prolifération initiale et expansion exodiqiie) est
d'environ quarante jours. Celui qui répond aux deux autres
phases varie naturellement d'après la distance des bouts
dans le cas de résection et d'après la longueur du segment
périphérique. Mais si, par le calcul, on ramène les évalua-
lions à une base commune, on trouve que, pour une résec-
tion d'un centimètre, les fibres nouvelles marchent dans le
système intercalaire à raison de 2 '/a décimillimètres par
jour. Si la distance entre les moignons s'élève à 2 centi-
mètres, la vitesse augmente dans une proportion très sen-
sible. Si, au contraire, l'écartement des bouts dépasse cette
dernière limite, la marche moyenne des libres se ralentit,
et cela à peu près en raison directe de la longueur de
l'intervalle.
Quant à la progression des éléments nouveaux à travers
le bout périphérique, elle se fait avec une vitesse de
1 millimètre par jour, vitesse de beaucoup supérieure à
celle de leur parcours dans le segment intercalaire. Cette
différence a sa raison d'être dans les conditions mécaniques
au milieu desquelles s'accomplissent la croissance et la
propagation des fibres.
C'est aux mêmes influences qu'il convient de rapporter
certaines particularités assez remarquables observées au
cours de la reproduction du poplilé interne, à savoir : 1° la
réesthésiation de la face plantaire des orteils avant celle du
coussinet; 2° l'ordre topographique constant dans lequel
s'opère la sensibilisation de cette dernière partie; 3° la lon-
gueur relative du délai qui sépare le début de la restaura-
lion sensitive du coussinet de sa réinnervation totale.
3"* SÉRIE, TOME XXYI. 35
( SU)
Action de la chaleur sur la dypnone ;
par Maurice Delacre.
Dans une précédente communicalion (*), j'ai décrit la
dypnone ™3> CH = CH . CO . C^H^ et démontré que
c'est un premier pas vers la chaîne benzinique qui se forme
par l'action de l'acide chlorhydrique gazeux sur l'acéto-
phénone. Frappé de la facilité avec laquelle cette acétone
donne naissance à la triphényibcnzine par différentes réac-
tions, j'ai été amené à étudier la genèse de cet hydrocar-
bure; cette étude m'occupe depuis plus de cinq ans. Suffi-
samment développée, elle constituerait une donnée
importante pour l'histoire de la benzine. En effet, aucune
réaction n'a permis encore d'arriver à un noyau benzi-
nique d'une façon graduelle, en saisissant le point exact où
la chaîne se ferme, et permettant de conclure delà consti-
tiiiion d'une chaîne arborescente à celle d'une chaîne hexa-
gonale.
Poursuivant donc la solution de ce problème, je me suis
attaché à étudier l'action du zinc-éthyle sur la dypnone;
j'ai commencé par là, à cause de la possibilité que j'entre-
voyais de modérer l'action du réactif et de l'étudier gra-
duellement. Ces recherches m'ont ainsi conduit à la série
des dypnopinacones; les trois dypnopinacones isolées jus-
que maintenant et les sept dypnopinacolines, donnent par
diverses réactions de la triphényibcnzine. Une partie de ce
{') Biill. de V.'lcad. roy. dr Belgique, 5^sér., t. XXII, p. 470, 1890.
( 53S )
travail a été publiée clans ce recueil; je présenterai bientôt
à l'Académie une seconde communication sur ce sujet
Bien que désireux de poursuivre aussi loin que possible
ces recherches, qui demanderont certainement encore une
longue série d'années pour conduire au résultat que j'es-
père, je ne me suis 'pas privé de chercher à résoudre en
mêm<; temps la question de la synthèse de la benzine d'une
manière plus simple, f.e zinc-élhyle, em|)!oyé pour la pré-
paration des dypnopinaconcs, n'est pas seulement un agent
de déshydratation, c'est avant tout un hydrogénant, et
j'avais espéré atteindre le but plus facilement, quoique
d'une manière moins sûre, en me servant d'un réactif sim-
plement déshydratant, tel que HCI. Ces tentatives ont été
jusqu'aujourd'hui absolument infructueuses; malgré de
nombreux essais, il m'a été impossible d'isoler par ce
moyen un intermédiaire entre l'acétophénone et la (riphé-
nylbenzine. C'est à la suite de ces insuccès que je me suis
demandé si la conception de M. Baeyer pour la synthèse
de la benzine était bien exacte ; il est vrai que l'oxyde de
mésiiyle (par simple analogie avec la dypnone) constitue un
premier intermédiaire; mais la phorone constitue-t-elle un
second degré pour arriver à une chaîne cyclique? C'est ce
qui n'est pas encore prouvé, et qui me paraît actuellement
sujet à caution; à tel point que je me suis proposé d'étudier
la formation de la benzine à partir de la dypnone, sans
addition d'une molécule nouvelle d'acétophénone.
J'ai fixé mon choix sur l'action de la chaleur. C'est en
octobre 1892 que commençaient ces recherches ; j'obtenais
un produit cristallisé en magnifiques paillettes fondant à
lOS^S, et donnant spontanément à l'air, en solution alcoo-
lique, un produit blanc pulvérulent; j'analysai ces produits,
mais ces résultats isolés ne me parurent pas motiver la
publication d'une note spéciale. Sur ces entrefaites, parut,
( 536 )
dans les Bulletins de la société chimique de Berlin, un tra-
vail de MM. C. Engler et L. Dengler (*), décrivant le pro-
duit en paillettes nacrées fondant à 109°. Les auteurs le
préparent en soumettant l'acétophénone à l'action de la
chaleur en vase clos; or, d'après leurs recherches, il se
forme ainsi de la dypnone, il n'y a donc rien d'étonnant à
ce que nous ayons obtenu l'un et l'autre le même produit.
Cependant, outre les recherches des savants allemands, les
quelques essais que je mentionne plus loin prouvent que
ce produit cristalisé est bien un dérivé de la dypnone plu-
tôt que l'acétophénone. M. C. Engler, avec une courtoisie
parfaite à laquelle je me plais à rendre hommage, a bien
voulu m'abandonner l'étude de ce corps; je tiens à lui
témoigner ici toute ma gratitude.
Le résultat de l'action de la chaleur sur la dypnone
dépend essentiellement des conditions dans lesquelles on
opère; la présente note a pour objet seulement de les pré-
ciser.
Dans les premiers essais (**) j'ai opéré la distillation de
la dypnone dans une cornue; en distillant très lentement,
on obtient principalement de la triphénylbenzine; c'est le
résultat que j'ai mentionné dans mon premier travail; les
produits liquides passant avant n'avaient pas attiré mon
attention.
En reprenant cet essai l'an dernier et distillant un peu
plus rapidement, j'ai obtenu un mélange semi-solide qui
contenait le corps décrit par MM. Engler et Dengler; ce
moyen paraissait même très avantageux pour préparer
cette substance, mais des essais ultérieurs n'ont pas con-
duit à des résultats constants.
C) Berkhte Jahrg., XXVI, p. 1444.
("j Bull, de l'A Cad. rot/, de Belgique, o« scr., t. XX, p. 464, 1888.
( S57 )
Enfin, on peut arriver à distiller rapidement la dypnone
dans une cornue sans qu'elle subisse de décomposition
nolable; c'est ainsi que j'ai distillé ISO grammes de dyp-
none dans une cornue de oOO centimètres cubes avec un
triple bec de Bunsen; il reste à peine 10 à 15 grammes de
résidu gommeux. Le produit distillé était liquide et conte-
nait quelques gouttelettes insolubles; j'ai ajouté de l'acide
acétique pour rendre le mélange homogène, puis distillé
dans le vide. A part un peu de triphénylbenzine restée
comme résidu, je n'ai pu isoler que de la dypnone, et une
petite quantité d'acélophénone.
Je n'ai pas continué mes essais de cette manière. Ceux
que je viens de mentionner suffisent à prouver qu'il faut,
pour obtenir des résultats constants, observer strictement
les mêmes conditions; cela n'est guère possible dans une
cornue. Tous les essais suivants ont été faits dans un
simple ballon à distillation dont le col, de 20 centimètres
de haut, possède en son milieu un tube incliné légèrement
qui sert de réfrigérant et débouche dans un tube à essais
où s'accumulent les produits condensés. La température
est donnée par un thermomètre plongeant dans la masse;
on chauffe sur une simple toile métallique (*).
Première série d'expériences. — a) 98 grammes de dyp-
none sont chauffés à 3o0°; il distille pendant ce temps un
liquide qui contient dans les premières portions de l'eau,
mais devient bientôt homogène; après quatre heures, on
élève la température à 410° jusqu'à ce qu'il ne distille plus
rien, on recueille 42 grammes de produit liquide.
(*) Le dégagement de gaz est un fait constant dans les essais que
je mentionne dans la suite de ce travail; je ne me suis pas occupé de
les caractériser.
( 538 )
b) 250 grammes de dypnone; en chauffant à o80''-400°
jusqu'à ce qu'il ne distille plus rien, on recueille 86 gram-
mes de produit desséché à CaCl^. Le résidu chauffé dans
une cornue donne un peu d'un produit liquide qui n'a pas
été déterminé et de triphénylbenzine; il reste dans la cor-
nue 85 grammes de charbon.
Le produit liquide obtenu dans les opérations de ce
genre, dont je viens de mentionner deux types, était celui
dont rétude m'intéressait et auquel j'attachais à ce moment
de l'importance, espérant trouver une réaction analogue à
celle du dypnopinalcolène ou des dypnopinacolines. Son
étude ne m'a pas permis d'en isoler les constituants, et
moins encore de lui assigner un rôle précis dans l'étude
que je poursuis.
Ce mélange, privé par CaCI'^ des gouttes d'eau qu'il con-
tient, bout sans arrêt de 90-200°, en laissant un résidu
d'acide benzoïque; il possède une oJeur forte et spéciale,
et s'empare du brome avec une grande énergie.
La partie bouillant à 185"- 200 est probablement com-
posée en grande partie d'un mélange d'hydrocarbures â
point d'ébullition inférieur et d'acide benzoïqiif, car,
traitée par KOH, elle bout presque toute .'ous 185".
La portion bouillant à 160-185", rectifiée plusieurs fois,
a donné à l'analyse les chiffres consignés en I; le même
échantillon traité par KOH et rectilié a servi à l'analyse IL
Substance .... 0,1554 0,0902
Eau 0,1132 0,07:24
i 0,4389 0,289.^
Acide carbonique . . j ^ q^^^ ^ ^^q^q
C«/o 89,19 «••>,52
H"/, 9,29 8,92
( 539 )
Ces analyses suftisenl à démonlrer que le corps analysé
n'élail pas pur; elles conduisent à 98,48 el 98,24 au lieu
de 100, el cela mènerait à une substance oxygénée dont
la loimule aurait une grandeur manifestement trop furie,
vu son point d'ébuliition. Des rectifications dans un appa-
reil à boules n'ont pas conduit à un résultat plus satis-
faisant.
Les résidus des reclificalions précédentes, traités par
l'acide acétique et la phényihydrazine, ont donné de belles
aiguilles légèrement jaunes.
I. fus. 151° — a été préparé uniquement avec les pro-
duits bouillant sous 160".
II. fus. 155°.
Substance .... 0,0988 0,148-2
Eau 0,0600 0,0876
( 0,286-2 0,4294 ,^ ,^ ,
Acide carbonique . . j ^^^^^^^ ^^ ,3^^^^ C"H'*N
C -/o 80,^22 79,f)0 80,00
H "/o 6,75 6,56 6,6
Cette hydrazone ne peut être identidée à celle de l'acé-
lophénone qui fond à 105°, ni à celle de la phénylacétaldé-
hyde qui fond à 58°.
Deuxième série d'expériences. — La dernière série
d'expériences que j'ai eflectuées a eu principalement pour
but d'étudier le rôle du composé cristallisé isolé antérieure-
ment. Les recherches dans cette voie sont encore ina-
chevées, mais je crois qu'il est bon de les mentionner pour
montrer en quoi elles diffèrent de celle de MiM. Engler el
Dengler.
( UO )
75 grammes de dypnone sonl chauffés comme précé-
demment à 300" pendant un nombre d'heures variable,
inscrit dans la deuxième colonne du tableau ci-après. Pen-
dant ce temps, il distille une quantité de liquide indiquée
dans la troisième colonne en centimètres cubes ou
grammes. Le produit ainsi chauffé est distillé au bain de
chlorure de zinc sous la pression de 16 millimètres; on
sépare par fractions ainsi qu'il est indiqué.
1
1
j
1
Î
î
'S
Î
j
■M
I.
31
!2
12
33
3
4
12
?
II
o|
(j
9
24 11
2
4
12
4
(4,9)
III.
9
8
8
IT (4,8)
7(3,3)
i
6
17
7
IV.
30
40
8
8 (2)
6
22
H
40(2,9)
V.
50
10 1
-'
6
6
4
8
30
10
Jusqu'à 200° il passe d'abord un produit liquide, puis de
l'acide benzoïque; plus on chauffe longtemps et plus la
quantité de liquide diminue; dans l'opération 1 la fraction
complète est liquide. Il semi-solide, 111 et les suivantes, de
plus en plus solide. Cette diminution du liquide, qui est
probablement un hydrocarbure, est intéressante.
Les fractions 200-220 et 220''-2o0» renferment le pro-
( 541 )
duil cristallisé menlionné précédemmenl. On peut voir
que son poids, indiqué entre parenthèses, passe par un
maximum à l'opération III et diminue ensuite à mesure
qu'augmente la triphénylbenzine (290-540°).
Pour isoler le produit solide, on en sépare la dypnone
par fillration dans le vide et on le fait cristalliser dans
l'alcool à l'abri de l'air. Les analyses que j'ai faites sont
d'accord avec celles de MM. Engler et Dengler pour l'aire
adopter la formule O^W^O.
Substance .... 0,1692 0,1827
Eau 0,0864 0,0956
., . ( 0,5386 0,5791
Ac.de carbonique. . | ^ ^^^^ ^^^^^^
Calculé.
C»/o 87,57 87,19 87,27
H •/„ 5,67 5,65 5,45
Le produit qui a servi à ces analyses l'an dernier fon-
dait à 108°,5, celui dont je viens de mentionner la prépa-
ration par essorage fond à IIO^S.
La détermination cryoscopique conduit à la formule
moléculaire en C*^.
Benzine 17,5798 gr. Cong. 2»,903
2»,900 moyenne 2°,902
Substance . . . 0,2259 0,5577 0,5105 0,6509 0,7677
Congélation . . 2°,58 2",404 2%21 2°,055 1°,868
Poids moléculaire. 202 206 212 209 213
La solution alcoolique de C'^H'-O dépose peu à peu un
produit blanc insoluble et dont l'existence a été seulement
mentionnée par les savants allemands. Ce produit est
II.
0,0987
0,0458
0,2878
0,0064
C"H«0'
81,29
81,35
5,16
5,08
( 542 )
formé de 1res petites aiguilles; il fond vers 250° et est inso-
luble dans la plupart des dissolvants ordinaires; il commu-
nique aux chlorures d'acélyle et de benzoyle une magnifique
coloration vert-émeraude et se dissout mieux à chaud
qu'à froid dans ces véhicules. Il cristallise également assez
bien dans l'aldéhyde benzoïque; la solution prend une
iielle coloration rougeâtre fluorescente.
I.
Substance .... 0,1418
Eau 0,0655
, .^ , . \ 0,41 S3
Acide carbonique • • ) n oo88
C«/„ 81,56
H »/o 5,13
L'analyse I a été faite avec un produit obtenu par conser-
vation à l'air d'un mélange d'alcool de C'^H'^O pur; on a
lavé soigneusement à l'alcool bouillant. Le produit de
l'analyse 11 a été cristallisé dans le chlorure de benzoyle.
Dans mes premières expériences, faites le plus souvent
au contact de l'air, j'avais cru devoir attribuer un rôle à ce
produit dans la formation de la triphénylbenzine; aussi
avais-je essayé sur lui l'action de la chaleur en en distillant
5 grammes à feu nu; cela n'a donné qu'une substance
charbonneuse, à part un peu d'acide benzoïque et d'un
liquide mobile. Mes dernières expériences m'ont démontré
que ce corps ne se forme pas en quantité appréciable dans
l'action de la chaleur seule sur la dypnone, et que par
conséquent il n'intervient pas dans la synthèse dont je
poursuis l'étude.
La fraction SSO^-SBO est, dans les premières opérations,
formée principalement du C'^'H'^O; lorsque l'on chauffe
(5i5)
plus longtemps, au lieu d'èlre cristalline, elle est antiorphe
et de consistance semi-solide.
Les fractions suivantes sont formées de triphénylbenzine.
Le résidu III est brun-acajou ; il ne contient pas de char-
bon, et se réduit facilement en poudre cristalline; en IV
et V la masse est noire, bien qu'il paraisse encore possible
d'en retirer de la triphénylbenzine.
Il serait prématuré, sans aucun doute, de vouloir tirer
de ces expériences une conclusion certaine. Cependant
deux faits semblent corrélatifs : d'une part l'augmentation
de la Iriphénylbenzine, d'autre part la diminution de
C'H'^O et du produit liquide distillant avant l'acide ben-
zoïque. Si l'on se rappelle les analyses données plus haut
du corps volatil vers 170°, n'est-il pas permis de prévoir
une réaction comme celle qui suit :
Avant de terminer celte note, je mentionnerai deux
produits qui pourraient devenir intéressants pour mes
recherches; il répondent à la formule minimum C^H'^O et
fondent tous deux à 162°- 163". L'un s'obtient par distilla-
tion de l'isodypnopinacoline a, l'autre, comme produit
secondaire, dans la préparation de la dypnone au moyen du
zinc-élhyle. Tous deux possèdent des réactions nettement
différentes.
Université de Gand, laboratoire de chimie analytique.
ELECTION.
La Classe se forme en comité secret pour procéder à la
discussion des litres des candidats aux places vacantes et
à la présentation de candidatures nouvelles.
( 544 )
GL4SSE DES LETTRES.
Séance du 6 novembre 1895.
M. Ch. Loomans, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. le chevalier Edm. Marghal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alph. Wauters, A. Wagener, P.Wil-
lems, S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Polvin, J. Stecher,
T.-J. Laray, L. Vanderkindere, AI. Henné, le comte Goblet
d'Alviella, F. Vander Haeghen, J. Vuyisteke, Ém. Banning,
A. Giron, le baron J. de Cheslret de Haneffe, memôres;
Alph. Rivier, associé; G. Kurlh, Mesdach de ter Kiele et le
chevalier Descarnps, correspondants.
M. Gevaert, membre de la Classe des beaux-arts, assiste
à la séance.
CORRESPONDANCE.
M""' Leemans, née de Virieu, annonce la mort de son
mari, M. le docteur Leemans, ex-directeur du Musée royal
néerlandais des antiquités, à Leyde, associé de la Classe,
décédé à Leyde le 14 octobre 1893.
Une lettre de condoléance sera adressée a M""' veuve
Leemans.
— M. Giron remet pour V Annuaire de 1894 le manu-
scrit de sa notice sur Ch. Faider, ancien membre de la
Classe. — Remerciements.
( 545 )
— M. le Minisire fie l'Intérieur et de l'Inslruclion
publique envoie, pour la Bibliolhèque de l'Académie, un
exemplaire des ouvrages suivants :
1 ° Bibliothèque de la Compagnie de Jésus : Bibliogra-
phie, tome IV ;
2° Annales de la Société d'archéologie de Bruxelles,
tome VII, 4* livraison;
3" Bethléem sive Cœnobii Bethleemitici canonicorum
regularium ordinis sancti Auguslini; par F. Timmermans.
— Remerciements.
— M. le secrétaire perpétuel présente, au nom de la
Commission de la Biographie nationale, le second fasci-
cule du tome XII de la Biographie, qui sera incessamment
distribué.
Ce fascicule clôt la lettre L et comprend une Table
alphabétique des notices contenues dans les douze pre-
miers volumes,
— Hommages d'ouvrages :
1° Miscellanées chinois; par le chevalier C. de Harlez;
2" Des gardes champêtres. Discours; par M. Detroz;
5° a) Deux stubers d'Ernest d'Aspremont-Unden; h) Les
monnaies de Philippe II frappées à Maeslricht en 1580 et
après, etc.; c) Moyens à employer pour vulgariser la science
numismatique; parle vicomte B. de Jonghe;
4° a) Essais littéraires, o" recueil; b) Letteroefeningen
van het taalminnend genootschap ; par les Sociétés de litté-
rature française et de littérature flamande du petit sémi-
naire de Saint-Trond (présentés par G. Monchamp, avec
une note qui figure ci-après).
— Remerciements.
( 546 )
— Travaux manuscrits à l'examen :
i° La frontière linguistique en Belgique et dans le nord
de la France (grand prix de Slassarl). Revision de la
seconde partie, par God. Kurlh. — Commissaires : MM. Le
Roy, Willems et Vanderkindere;
2° Étude historique sur l'organisation, les droits, les
devoirs et l'influence des corporations d'ouvriers et d'artistes
chez les Romains, par P.-J Wallzing (revision). — Con)-
missaires : MM. Wagener, Willems et Vanderkindere.
NOTE BIBLIOGKAPHIQUE.
J'ai l'honneur de faire hommage à la Classe de deux
volumes d'essais littéraires, publiés par les Sociétés de
littérature française et de littérature flamande du petit
séminaire de Saint-Trond. Antérieurement, ces Sociétés
(elles se recrutent parmi les élèves des classes supérieures)
ont fait paraître chacune deux recueils de ce genre, et le
public lettré les a accueillis avec faveur. A notre époque,
où il n'est pas rare de rencontrer des jeunes gens à l'âme
blasée, on est bien aise de constater qu'il en est aussi qui
sont épris de l'idéal. Et si l'une ou l'autre de ces composi-
tions laisse voir des traces de juvénilité, les Zoïles seront
seuls à gourmander les jeunes auteurs :
Quod si deficiant vires, audacia ccrte
Laus erit: in magnis el voluisse sat est (1).
(1) Properce, 1. M, eleg. 10.
(347)
Dans ces pièces, d'ailleurs, il y a bien plus que des
bonnes inlenlions, el nous croyons que parmi ces écrivains
de dix-huit à vingt ans, plus d'un pourrait dire avec le
poète que nous venons de citer :
Surge, anime, ex humili ; jam, carmina, sumlte vires :
Piérides, magni nune erit oris opus (1).
Georges Monchamp.
RAPPORT.
La Classe entend la lecture du rapport de MM. Wauters
el Vander Haeghen, sur une lettre du Cercle archéologique
du pays de Waes, relative à la reproduction de la grande
carte d'Europe de Mercator (édition de '1572). — Copie de
ce rapport sera transmise à M. le Ministre de l'Intérieur et
de l'Instruction publique.
(1) Properce, I. II, eieg. 10.
( 548 )
CLA^SSE l>ES BEA^UX-ARTS.
Séance du 9 novembre 1895.
M. Ad. Samuel, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. J. Stallaert, vice-direcleur ;
Éd. Félis, Ernest Slingeneyer, A. Gevaert, God. Guffens,
Jos. Schadde. Th. Radoux, Jos. Jaquet, J. Demannez,
P.-J. Clays, G. De Grool, Gustave Biot, Henri Hymans,
Th. Vinçotte, H. Beyaerl, Alex. Markelbach, Max. Rooses,
J. Robie, G. Huberti, A. Hennebicq, Éd. Van Even,
membres-, le comte Jacques de Lalaing, Alb. De Vriendt et
P. Génard, correspondants.
M. Ad. Pauli, indisposé, s'excuse de ne pouvoir assister
à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'intérieur et de l'Instruction publique
et M. le Ministre des Affaires Étrangères ont remercié pour
les invitations qui leur ont été adressées pour la séance
publique du 29 octobre dernier.
M. le Ministre de l'Intérieur avait fait savoir qu'il assis-
terait à celle solennité.
— MM. Florimond van Duyse, René van Bastelaer et
Paul Busschmann, lauréats du concours annuel de la
( 549 )
Classe, remercient pour les distinctions qui leur ont été
accordées.
— M. le comte Henri Delaborde, associé, fait hommage
d'une notice sur la vie et les ouvrages de feu le graveur
Henriquel, notice qu'il a lue dans la séance publique
annuelle de l'Académie des beaux-arts de l'Institut.
— Remerciements.
COMMUNICATION ET LECTURE.
ISofe sur un portrait du Musée d'Anvers; par Pierre
Génard, correspondant de l'Académie.
En 1884, le Musée d'Anvers fit l'acquisition d'un por-
trait au sujet duquel différents articles parurent dans les
journaux et les feuilles artistiques.
Le personnage représenté est un homme du monde — on
en fit à tort un jésuite — placé près d'une colonne; il est
habillé de noir et se détache sur un fond gris avec dra-
peries jaunâtres.
Celte toile, exposée à côté du portrait de Scaglia, d'An-
toine Van Dyck, offre plus d'un rapport avec cette dernière
œuvre.
Quel est le personnage représenté? Il paraît qu'on s'en
inquiéta fort peu, car nous n'avons vu nulle part qu'on se
soit préoccupé de cette question. Un examen attentif du
tableau nous prouva qu'il n'était pas impossible de la
résoudre. En effet, sur le [)iédeslal de la colonne sont
peints des armoiries d'or à la croix engrelée de gueules;
3"* SÉP.IE, TOME XXVI. 56
( 550 )
brisure : dans le franc canton à dexlre, une hure de
sanglier de sable, — incontestablement les armoiries d'un
membre de la famille de Hennin ou Haynin.
En consultant les inscriptions funéraires de la cathé-
drale d'Anvers, nous trouvons mentionné le tombeau
d'un riche seigneur qui porte des armoiries identiques.
Sous la statue de l'apôtre saint Paul, on lisait autrefois
l'inscription suivante :
D. 0. M. S.
D. Adrianus de Hemsin
NOBld-I GENERE ORIUNDUS H. S. E.
QUI DOMI ET FORIS SEMPER PROBUS
IN ADVERSIS CONSTANS
MANSUETUS AC PlUS
AD WELIOREM VITAM TRANSIIT
DIE VIII Decembris CI3.DC.XIV.
DEFUNCTO LECTOR FAVE ET PREC1BUS JUVA.
Cet Adrien de Hennin, originaire du Cambrésis, laissa
plus d'une trace de son passage à Anvers. Serait-ce lui
que représente le portrait? Nous n'oserions l'assurer, mais
du Icslamenl que le hasard vint mettre entre nos mains,
résulte clairement que ce seigneur fut un protecteur
éclairé des beaux-arts.
Adrien de Hennin était fils de Claude. Il épousa Barbe
de Creton et testa pour la première fois le 17 novem-
bre 1607, devant Jacques Marchand et Salomon Druet,
notaires publics et royaux à Valenciennes; il renouvela
cet acte à Anvers, le 18 août 1612, devant le notaire
Pierre Fabri.
Dans ce testament, qu'il modifia plus tard, Adrien de
Hennin demandait la sépulture dans l'église Notre-Dame
d'Anvers, et que « a ung des pilliers delà ditte nef d'icclle
( 551 )
église, au plus près de sa sépulture, soit mis et érigé une
imaige d'ung des douze apostres taillée en pierre » ; c'est
le monument que nous venons de citer plus haut et qui
lut orné de la statue de saint Paul.
En remplacement d'une largesse de huit mille florins
à l'église Saint-Géry, à Cambrai, pour a subvenir aux
frais de la construction et édification de la croisure d'icelle
esglise » il donna 21 ,000 florins pour parfaire cette « croi-
sure » payables par sommes de 3,000 florins; en cas de
refus cl non-acceptation desdits legs, ces largesses
devaient être changées en 8,000 florins pour la construc-
tion de l'église de Saint-Vaasi, à Cambrai, 5,000 florins
pour l'achèvement du chœur de l'église des Dominicains,
à Anvers, et 4,000 florins pour l'achèvement de la nef de
l'église des Carmes dans celte dernière ville; si le chœur de
l'église des Dominicains ne devait plus être bâti, 4,000 flo-
rins passaient à la construction de l'église du cloître des
frères Auguslins d'Anvers. La date de la construction
de plusieurs éditices remarquables est révélée ainsi à la
fois et nous mettra à même de faire plus lard quelques
iniéressantos découvertes archéologiques.
La branche de la famille de Hennin à laquelle apparte-
nait le testateur était assez nombreuse. Du testament
résulte qu'Adrien de Hennin avait plusieurs frères et
sœurs; d'abord :
i" Claude de Hennin, qui eut un fils qui porta le même
nom et vécut à Anvers;
2" Antoine de Hennin, ci-devant pasteur à Ypres, plus
tard chanoine à Cambrai;
3" Jacques de Hennin ;
4° Catherine de Hennin;
5" Anne de Hennin, qui épousa un sieur Van der
Bequen et laissa une fille;
( 552 )
Il avait un cousin nommé Simon de Hennin, fils de Jean.
De tous ces personnages, deux ont, comme nous l'avons
dit, vécu à Anvers: Adrien et son neveu Claude, fils de
Claude.
C'est donc l'un de ces deux derniers seigneurs que
nous croyons voir représenté dans le portrait du Musée;
comme, de l'avis de plusieurs commissions d'artistes, cette
œuvre est remarquable, même réputée « un très beau
Van Dyck, » nous nous sommes permis de signaler notre
découverte à la Classe des beaux-arts, dont quelques-uns
des membres ont été consultés lors de l'acquisition de ce
tableau.
Extrait des ProtocoUes du notaire P. Fabri, 1611-14.
Le dix-huyliesme jour d'Aougsl l'an xvi'= et douze, com-
parut en sa personne, honnourable homme Adrien de Hennin,
filz de feu aussy honnourable homme Claude de Hennin,
demourant en cesle ville d'Anvers, lequel, joyssant de ses bons
sens, mémoire et entendement, a dit et déclairé, que de sa
certaine science, franche et libre volunté, il a approuvé et
confirmé, approuve et confirme, par cesles, le testament et les
dispositions de dernière volunté que par cy-devant, le dix-
scpliesme jour de Novembre l'an mil six cens et sept, il a fait
et passé par-devant Jacques Marchant et Salomon Druet,
notaires publicqz et royaulx à Valenchicnncs, et avec eulx
Marc Le Cat, hommes de fief, veuillant et requérant qu'icelluy
son testament sortisse son plain et entier effect en tous ses
poinctz et clausules, saulif que, s'il vient à trespasser en ceste
ville, il requiert que son corps mort soit enterré en la nef de
l'esglise Noslre-Dame et que à ung des pilliers de la dittc nef
d'iccUe esglise, au plus près de sa sépulture, soit mis et érigé
une imaige d'ung des douze Apostres taillée en pierre. Item
( 553 )
en lieu des hiiyl mil florins que par le dit testament il a
donné et légué à la fabricquc de l'esglise de Sainct-Géry à
Cambray, pour subvenir aux fraix de la eonstruclion et édifica-
tion de la eroisure d'ieelle esglise, il donne et lègue par cestes
la somme de vingt-et-ung mil florins à vingt patars le florin,
pour parfaire la ditte eroisure, et ce que de la ditte somme
sera de surplus, estre employé à la construction de la nef de
la ditte esglise, payable la ditte somme de vingt-et-ung rail
florins par trois mil florins àchascun coup après que Messieurs
les chanoines ou administrateurs de la ditte esglise Sainct-
Géry auront fait apparoir et soulïisaraent reluyre chascun
payement de trois mil florins avoir esté employé en œuvre de
massonnerie et carpentaige bonne et suftisante servant à la
ditle eroisure et nef, si seront les dits chanoines ou adminis-
trateurs tcnuz et subjeclz de, cndedens ung an après le décès
de luy donateur, déclairer s'ilz acceptent la ditte donation à la
cliarge susdilte ou non, et en cas de refuz et nonacceptation,
seront les dits vingt-et-ung mil florins distribuez et donnez,
scavoir huyt mil florins en avancement de la construction de
l'esglise parochiale de Sainct-Vaast au dit Cambray, item cincq
mil florins en advancement de la construction du chœur de
l'esglise des Frères-Prescheurs ou Dominicains en ceste ville
d'Anvers, en cas que lors icelluy chœur ne fut faict et basty,
item quatre mil florins à avancement du bastiment de la nef
de l'esglise des Carmes en ceste ditte ville, et les restans quatre
mil florins, ensemble les dits quatre mil florins destinez à
basiir le ehœur de Tesglise des Frères-Prescheurs, en cas
qu'icelluy chœur lors fust basty, pour le bastiment d'esglise
au cloistre des Frères Augustins en ceste ditte ville d'Anvers,
et en cas que la ditte donation au prouffit de la ditte esglise
Sainct-Géry soit acceptée, le dit donateur vcult et entend que
Sire Anlhoine de Hennin, son frère, liccntié en théologie et
par cy-devant pasteur à Ypre et à présent chanoine à Noslre-
Dame au dit Cambray, et nul aultre, aura la superintendance
du bastiment et ouvraige à en faire, et par son trespas, Symon
( 554 )
de Hennin, filz de Jehan, son cousin, dcmouranl au dit Cam-
bray, auquel, en ce regard et s'il vient à cmprendre la dilte
charge, il donne et lègue trois cens florins telz que des^us, Item
le dit Adrien de Hennin donne et lègue aux couvents des dits
Frères Augustins et des Sœurs de l'Annonciation en cesie ditte
ville, à chascun vingt florins, à la charge de prier et dire par
chaseun couvent ung service ou obit pour son âme, Item à
Damoiselle Marguerite vandcr Bequen, fille de sa sœur Anne,
il donne et lègue deux cents livres de gros monnoye de
Flandres, moyennant qu'elle ne se marie sinon du gré et par
consentement du dit Sire Anthoine, son fi ère, et point aultre-
ment, Item à Damoiselle Catherine de Hennin, sa sœur, une
rente de cincquante-ung florins par an qu'il al sur la maison
ditte den HoUanlschcn Thui/n, assise en reste ville près la
Mallestrate et vingt florins par an sur la maison ditte Teste de
Sarasin en la Corfcnjjeuslrate, saulf que le ca|)ital des dilles
rentes sera déduict à la somme de deniers comptants que par
son dit testament il a légué à sa dilte sœur Catherine, et que
après le décès d'icelle les dittes deux rentes appartiendront et
succéderont aux deux plus jeusnes filles de la ditte Damoiselle
Anne de Hennin, sa sœur, Et au lieu du droict que Damoiselle
Barbe de Creton,sa femme, polroit avoir ans dittes deux renies,
aura icelle sa femme et luy donne et lègue une rente de
septante-six florins par an qu'il a sur la maison dilte le Griffon
à Cambray, donne et lègue en oultre à icelle sa femme tous
ses accouslremens et argenterie ou vaisselle, et plus, sa vie
durante, et en cas qu'elle ne se remarie point, trois cens florins
par an qu'il a en huyt parties sur des aultres maisons à Cam-
bray, lesquelz il veult et ordonne que après le décès ou
remariement de sa dilte femme appartiendront à ses frères et
sœurs, tant germains que demy-germains, ou à leurs enfans
par re|)résenlalion, Ilem il veult et ordonne que, s'il se trouve
que six mcncaudcs de terre des douze mcncaudes gisans en
deux pièces autour de Valenciennes que par son dit teslament
( 555 )
il a donné à Jacques de Hennin, son frère, apparlicnssenl et
dcussent suyr à la ditte Damoisellc Barbe, sa femme, icelluy
Jacques, en lieu des mcsmes six mencauldes, aura et luy donne
cl lègue par cestes cent livres de gros monnoye de Flandres,
Plus il vcult et enlend que tous ses anllres frères cl sœurs et
leurs enffans, les représentants, laissent à Claude de Hennin,
aussy son frère, et à Claude de Hennin, son filz, paisiblement
et sans dcstourbicr quelconque, joyr et possesser des terres
et censés que at au villaige de Beaumez en Artois, à Liévin en
Artois susdit, ensemble des terres à Cautin gouvernance de
Duay, et si quelcun de ses dits aultres frères et sœurs ou
leurs enfans à ce s'opposassent, ou aus dits Claude, père et filz,
donnassent quelque empeschement, qu'icelluy ou ceulx qui
s'opposeroicnt perdionl et auront moins chascun trois cens
livres de gros de la somme et deniers comptans que par son
dit testament à eulx est et sont donnez et léguez, desquelles
dittes censés et terres à Beaumez, Liévin et Cautin la ditte
Barbe sa femme joyra, et luy lairronl son dit frère Claude et
son filz joyr sa vie durant et usufructuairemcnt de la moitié
des fruictz et proufïitz que en proviendront, si comme icelle
sa femme j)areillement joyra sa vie durant et usufructuaire-
ment comme dessus de tous auItrcs fiefz que durant leur dit
mariaige plus sont et seront acqucstcz, selon la coustume des
lieux là ou iceulx sont et seront assis et gisans, Donne et
lègue au surplus le dit Adrien de Hennin à la ditte Damoisellc
Barbe, sa femme, la somme de deux cens cincquanle livres de
gros monnoye de Flandres en deniers comptans, plus trois
lictz à son cliois, six oreillicrs. six couvertes, douze pairs de
linceulx, toutes les nappes, serviettes, l'estain et ouvraige de
euyvre, tout servant à mesnaige, que après son Irespas à sa
maison mortuaire il aura délaissé, le tout pardessus le douaire
à elle pourparlé par leur traicté de mariaige. Ce que dessus le
dit Adrien de Hennin dit et déclaire estre son codicile et
disposition de dernière volunté, veuillant et requérant que
( 556 )
avec son dit testament (pour aultanl que ce n'est contraire) il
subsiste et soit de valeur, soit par droict ou forme de testa-
ment, codicii, donation à cause de la mort, ou par telle aultre
forme et manière que mieulx subsister et valoir poira, réser-
vant à soy à le changer, augmenter, diminuer, casser et
révocquer comme bon luy semblera, requérant au surplus à
nous, notaires, sur ce estre fait et délivré instrument publicq
ung ou plusieurs. Que fut ainsy faicl et passé à sa maison
assise à la ruediite Coepoorlstrate enla ditte ville d'Anvers, par-
devant nous Pierre Smit dit Fabri et Pierre Wouters, notaires
et tabellions publicqz approuvez et admis par le Conseil pro-
vinciel de Leurs Allèzes ordonné en Brabant, résidens au dit
Anvers, en présence de Abraham de Hertogbe, marchant et
bourgeois de ceste ville et de Remy Marsille filz de Martin,
, comme tesmoingz ad ce requiz et priez.
P. Fabri IVotarius ss'. Adrian de Hennin.
P. Wouters IVots ad. Abraham de Hertoghe.
Remy Marsille.
ELECTIONS.
La Classe se forme en comité secret pour prendre con-
naissance de la liste des candidatures aux places vacantes
présentées par les sections.
( ,^57 )
OUVRAGES PRESENTES.
Harkz {Le chevalier C. de). Miscellanées chinois. [1893];
extr. in-S" (22 p.).
. (le Jonghe {Le vicomle Baudouin). Deux slubers d'Ernest
d'.Aspremonl-Lynden, comte de Reckheim (i 605-36). Bruxelles,
1893; extr. in-8'' (8 p.).
— Les monnaies de Philippe II frappées à Maestricht en
1580 et après, à propos d'un sol, patard ou trentième de
daelder forgé, en 1S80, dans cet atelier monétaire. Amsterdam,
[1893]; extr. in-8'' (5 p.).
— Moyens à employer pour vulgariser la science numisma-
tique. Bruxelles, 1895; extr. in-S" (4 p.).
Timmennuns (F.). Bethléem sive Coenobii Bethleemilici
canonicorum regulariuni ordinis sancti Auguslini. Louvain,
1893; in-8°.
Detroz. Des gardes champêtres. Discours prononcé à l'au-
dience solennelle de rentrée de la Cour d'appel de Liège, le
2 octobre 1893. in-8° (62 p.).
Congrès flroisièmej international d'anthropologie criminelle,
tenu à Bruxelles en 1892. Actes. Rruxelles, 1893; in-8°.
Bibliothèque de la Compagnie de Jésus : Bibliographie,
tome IV, nouvelle édition, par C. Sommcrvogel, S. J. Bruxelles,
Paris, 1893; vol. in-4°.
Ministère de l' Agriculture, de l'Industrie et des Travaux
publics. Notice sur la désinfection publique. Bruxelles, 1893;
in-8'' (54 p.).
Bruxelles, Musée royal d'histoire naturelle de Belgique.
Catalogue général des hémiptères; par L. Lethierry et G.
Scverin, tome V : Hétéroplères, Penlatomidae. Bruxelles, 1893;
iii-8''.
( 558 )
Bruxelles, Société d'archéologie. Annales, tome VII, qua-
trième livraison. 1893; in- 8".
Gand. Kon. vlaainsclie Académie. Gcbruik der naamvallen,
tijden en wijzen in den « Héliand »; door J. Van de Ven. 1893;
in-S".
Archives de biologie, tome XIII, fascicnle 1. Gand; in-8°.
Huy. Cercle des naturalistes. Bulletin n° 2, 1893. In-8°.
Saint-Tro.nd. Séminaire. Essais littéraires, 5°* recueil. Liège,
1893; in-8°. — Lelteroefeningen van het laalminnend genoot-
schap, 3"* bundel. Saint-Trond, 1893; vol. in-8».
Allemag.\e et Autriche-Hongrie.
Lessku {F.). Bekanntmachung einer neucn Inlelgraformel.
Debreckzin, 1893; in-i" (5 p.).
Tischner [Augusi). L'astronomie et les astronomes. Leipzig,
1893; 10-8» (44 p.).
Pertsch {D'' Wilhelm). Die orientalischen Handschriften der
hcrzoglichen Bibliotliek. zu Gotha, mit Ansnahmc der Persi-
selien, Turkischen und Arabischen. Gotha, 1893; in-8''(66 p.).
Bergbohm[Julius). Entwurf einer ncuen Integrairechnung
auf Grund der Potential-Logarilhmal- und Numcralrechnung,
2. Hefl. Leipzig, 1893; in-8°.
Berlin, Verein fur Geschichte der Mark Brandenburg.
Forschungcn, Band VI, 2. 1893; in-8°.
Hanovre. Historischer Verein fiir Niedcr-Sachsen. Zeit-
schrift, 1893. In- 8».
Klagenfurt. Landes-Muséum. Jahrbuch, Heft 19 und 20.
Diagramme der Beobachtungen. 1889. In-8o.
Magdebourg, Nulurwissenschafllicher Verein. Abhandlun-
gen, 1892, In-8»,
WiESBADEN. IVassauischer Verein fur IVaturkunde. Jahr-
bùcher, Jahrgang 4G. 1893: in-8".
( 559 )
VVuRZBOURG. Historischer Verein. Jahres-Bericht, 1890 uiul
J89I. _ Archiv, 54. und 55. Band. ln-8».
France.
Delaborde{Le comte Henri). Notice sur la vie et les ouvrages
de M Henriquel. Paris, 1895; in-4°(19 p.).
Paris, Bulletin scientifique de la France et de la Belgique^
tome XXV, 1" partie. 1893; in-8°.
Grande-Bretagne, Irlande et Colonies britanniques.
Coghlan (T.-A.). A statistical account of the seven colonies
of Australasia. Sydney, 1893; vol. {0-8".
Brisbane. Royal Society of Queensland. The proceedings
vol. IX. 1893;in-8»
Brisbane. Royal geographical Society. Proceedings, vol. VllI.
1895; in-8".
Halifax. JVova Scotian Institule of science. The proceedings,
vol. I, 2. 1892; in-8".
Londres. Royal Instorial Society. Transactions, new séries,
vol. VU. 1895; in-8».
Sydney. Association for the advancement of science. Report
of the fourth meeting, held at Hobart, 1892. 10-8".
Department of mines. Geological map of new South Wales
(Pittinan). 1895; 2 feuilles in-plano.
Pays divers.
Hildebrandsson [H.] et Hagstr'ôm (K.-L.). Des principales
i.'iclhodes employées pour observer et mesurer les nuages.
Ipsiil, 1895; in-8°(54 p.).
( 560 )
Pihl [0. - A. -L.). On occuUing micrometers and their value
as applied lo exact astronomical measurements. Christiania,
1895^0-4" (71 p.).
Kammermann{A.). Résumé météorologique de l'année 1892
pour Genève et le Grand-Saint-Bernard. Genève, 1885; in- 8°
(156 p.).
Bergen. Muséum. Aarbog for 1892. In-S".
Berne. Société helvétique des sciences naturelles. Matériaux
pour la carte géologique, septième livraison. Beitrage zur
Karte, Lieferung 21 und 32, mit Atlas und Karte Blatt XI
1895; iu-4°.
Copenhague. Institut météorologique. Annuaire pour 1890,
"2'^' partie, et 1892, 1" partie. In-i".
MiTAu. Gesellschaft fiir Litteratur und Kunst. Silzungs-
Berichle, 1892. In-8».
BULLETIIN
L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
i893. — JNo 12.
CLASSE DES SGIEIVGES.
Séance du 2 décembre 1895.
M. Ch.Van Bambeke, directeur, président de l'Académie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MiM. Mourlon, vice-directeur ; P.-J. Van
Beneden, le baron Edm. de Selys Longchamps, G. De-
walque, E. Candèze, A. Brialmont, Éd. Dupont, Edouard
Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alpli. Briart, Fr. Cré-
pin, J. De Tilly, Alfr. Gilkinel, G. Van der Mensbrugghe,
W. Spring, Louis Henry, P. Mansion, J. Deibœuf, P. De
Heen, C. Le Paige, Ch. Lagrange, F. Terby, J. Deruyls,
membres; E. Catalan, Cb. de la Vallée Poussin, associés;
J.-B. iMasius, A, Renard, L. Errera, J. Neuberg et Alb.
Lancasler, correspondants.
3""* SÉRIE, TOME XXVI. 37
( 56^2 )
M. Van Bambeke, en ouvrant la séance, fait savoir que
le 28 novembre dernier a eu lieu, à l'École noilitaire,
rinaugiiralion du monument élevé au lieutenant général
Liagre. Il ajoute que îe général Brialmont a rappelé, dans
un brillant discours, les services rendus à l'Académie par
son ancien secrétaire perpétuel. Bien que le général
De Tilly ail déjà remercié le président du Comité, c'est un
devoir pour l'Académie, dit M. Van Bambeke, d'exprimer
à celui-ci toute sa reconnaissance. — Applaudissements.
M. Van Bambeke offre, en même temps, au nom de
M. Brialmont, un exemplaire de son discours, pour la biblio-
Ibèque de l'Académie. — Bemerciements.
COBBESPONDANCE.
F.e comité pour la manifestation qui a eu lieu récem-
ment à Berlin, en l'bonneur de M. Bud. Virchow, associé
de l'Académie, fait hommage d'un exemplaire en bronze de
la médaille qui a été frappée à cette occasion. — Remer-
ciements.
— M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un
exemplaire de l'ouvrage suivant :
La Cellule, tome IX, second fascicule. — Remercie-
ments.
— Hommages d'ouvrages :
1° Les Juifs russes. Extermination et émancipation, avec
une lettre-préface de Th. Mommsen ; par Léo Errera;
( 563 )
2° A. A seqnel to Eiiclid; B. A trealise on the analytkal
geomelrij ; par feu John Casey. Nouvelles éditions consi-
(lérablemenl augmentées par Patrick Dowling et J. Neu-
berg (présentés par M. Paul Mansion, avec une note qui
ligure ci-après);
5" Essai sur runificalion internationale de l'heure;
par J. de Rey-Pailhade;
4° Sur quelques modifications... à l'obtention de cultures
pures de saccharomi/ces, par J. Van Laer;
5° De l'utilité des collections d'histoire naturelle régio-
nale ; par Emile Hublard ;
6° Rapport du jury chargé de conférer le prix Guinard
de 10,000 francs pour la période quinquennale 1887-1892.
Extrait du Moniteur offert par F.-A. Robyns, lauréat du
concours.
— Remerciements.
— Travaux manuscrits à l'examen :
i° Quelques essais d'embryologie pathologique expéri-
mentale (communication préliminaire) ; par P. Francotte.
— Commissaires : MM. Plateau, Éd. Van Beneden, Van
Bambeke ;
2° Nouvelle synthèse graduelle de la benzine ; par
Maurice Delacre. — Commissaires : MM. L. Henry et
W. Spring ;
3° Formation de l'opale noble par l'action de l'acide
hydrofluosilicique sur le verre; par G. Cesàro. — Com-
missaires : MM. de la Vallée Poussin et W. Spring;
4° Constitution du camphre et de ses dérivés; par
C. Gillet. — Commissaires : MM. W. Spring et L. Kenry;
5° La température du moût de vin pendant la fermen-
tation; par Chavée-Leroy. — Commissaires : MM. Gilkinel
et L. Henry.
( 564 )
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
J'ai l'honneur de présenter à l'Académio, de la part de
MM. Dowling el Neuberg, de nouvelles éditions, considé-
rablement augmentées, de deux ouvrages de feu J. Casey,
F. R. S : A scqiiel to Euclid el Analytic Geomelry. Une
partie considérable des additions introduites dans ces deux
traités, classiques aujourd'hui en Angleterre, est relative à
la géométrie récente et est due à notre confrère M. Neu-
berg, dont la compétence en cette matière est exception-
nelle. La théorie des invariants, des coniques, est aussi
traitée dans la deuxième édition de VAnah/tic Geometry
de Casey d'une manière plus complète que dans les autres
manuels. P. Mansion.
ÉLECTIONS.
La Classe procède au renouvellement de sa Commission
spéciale des linances pour l'année 1894; les membres sor-
tants sont réélus. M. Mourlon remplacera M. Maus,
décédé.
Elle s'occupe ensuite de la formation d'une liste de
quatorze noms pour le choix, par le Gouvernement, du jury
chargé de juger la neuvième période quinquennale du con-
cours des sciences mathématiques et physiques qui sera
close le 31 décembre prochain. — Cette liste sera commu-
niquée à M. Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction
publique.
( 565 )
JUGEMENT DU CONCOURSDE LA CLASSE POUR 1895.
Conformément à rarlicle38 du règlement général, il est
donné lecture des rapports sur deux des mémoires soumis
au concours pour l'année actuelle. La Classe se prononcera
dans sa prochaine séance sur les conclusions de ses rap-
porteurs.
RAPPORTS.
Sur l'avis exprimé par M. Éd. Van Beneden, la Classe
autorise M. P. Francotte à ajouter un posl-scriptiim à son
travail sur l'œil pariétal, etc.
— La Classe décide le dépôt aux archives :
r D'une note de M. Jouveneau {Sur un phénomène
optique nouveau que l'on doit observer si l'éther ne parti-
cipe pas au mouvement de la Terre);
2° Du rapport fait sur ce travail par M. Ch. Lagrange.
Sur l'ordre de substitution de l'/ujdrogène par le chlore
dans l'oxyde de méthyle et le méthylal; par A. De Sonay,
assistant au laboratoire de chimie générale de l'Univer-
sité de Louvain.
KapporI dv n. tjottis iient'y, pfeênier cointni»»niê'e,
< Les composés monocarbonés sont les plus simples
de tous ceux que forme le carbone; ce sont, peut-on dire,
les microbes de la chimie organique.
C'est dans les organismes les plus simples, à quehiue
règne qu'ils appartiennent, fju'il convient d'étudier les
( 566 )
faits qui consliluenl l'aclivilé intime des êtres du monde
créé et les lois qui la régissent.
A mon sens, l'exposé méthodique de la chimie du car-
bone, tant au point de vue descriptif qu'au point de vue
dynamique ou réactionnel, doit s'ouvrir par les dérivés
monocarbonés.
Malgré les travaux nombreux et importants dont ils ont
été l'objet jusqu'ici, notre connaissance des composés
monocarbonés est bien loin encore d'être complète, et
leur catalogue présente de nombreuses et graves lacunes.
J'en ai repris l'élude depuis quelques années, autant que
mes moyens et mes forces me le permettent, c'est-à-dire
dans une mesure relativement restreinte. A diverses
reprises, j'ai eu l'honneur de faire connaître à l'Académie
le résultat de mes recherches sur ce terrain.
Dois-je dire combien je suis heureux d'accueillir les
rares collaborateurs que les circonstances m'amènent pour
recueillir avec moi des matériaux, dans l'ordre objectif,
pour l'édification de la chimie rationnelle de l'atome du
carbone?
Mon assistant, M. De Sonay, ayant à préparer une dis-
sertation pour l'obtention du titre de docteur en sciences
chimiques, je lui ai confié la tâche d'étudier l'action du
chlore sur l'oxyde de méthyle, dans le but de déterminer
l'ordre de substitution, dans ce composé, de l'hydrogène
par le chlore.
Cette question se rattache de fort près à la question
plus générale des modifications que détermine, dans l'apti-
tude réaclionnelle d'un élément donné, le voisinage d'élé-
ments étrangers qui constituent avec lui la molécule. On
aperçoit tout de suite toute l'importance qu'a la résolution
de ce problème au point de vue de la dynamique des élé-
ments à l'état de combinaison.
( 567)
Étant constitué de deux groupements méthyle - CH3,
distincts, mais identiqurs, reliés par un atome d'oxygène,
le problème de l'ordre successif de chloruration se pré-
sente, dans l'oxyde de mélhyie, dans les conditions de
maximum de simplicité. A l'étude de ce composé sous ce
rapport, M. De Sonay a joint spontanément celle du
méthylal, au même point de vue.
La question de l'action du chlore sur l'oxyde de mélhyie
n'est pas nouvelle. Elle fut l'objet d'un travail magistral
de Regnault, en 1839, à l'aurore de la théorie des substi-
tutions. Regnault fit connaître un dérivé bichloré, un
létrachloré et l'aboutissant final de cette réaction, le dérivé
perchloré.
Trente-huit ans plus tard, en 1877, M. Friedel signala
le premier terme de la série, l'oxyde de méthyle mono-
chloré H5C-O-CH2CI, le plus malaisé de tous à obtenir
directement, l'attaque de l'oxyde de méthyle par le chlore
étant, à l'origine, fort vive et délicate à conduire.
J'ai moi-même indiqué, il y a peu d'années, une méthode
commode et expéditive pour préparer ce dérivé mono-
chloré, à savoir l'action de l'acide chlorhydriquc gazeux sur
le méthanal en solution aqueuse en présence de l'alcool
mélhylique. C'est ce composé qui, en fait, a été le point de
départ des recherches de iM. De Sonay. Elles en ont été
ainsi singulièrement facilitées et abrégées; par là, en effet,
est supprimée la période la plus diflicile de la chloruration
de l'oxyde de méthyle, période d'ailleurs sans intérêt, puis-
qu'elle ne peut aboutir qu'à un dérivé unique de son
espèce. Le problème de la localisation du chlore dans la
molécule de l'oxyde de méthyle ne se pose pour la pre-
mière fois qu'à l'occasion du dérivé bichloré.
PHPI
A part le dérivé penlacidoré 0 <nri ^, qu'il n'est pas
( 568 )
parvenu à isoler, M. De Sonay a obtenu la série complète
(le chloruration à partir de l'oxyde de méthyle mono-
chloré :
a) Un dérivé hichloré bouillant à 'I00''-103»;
b) Un dérivé iricbloré bouillant à ISO^-ISS";
c) Un dérivé lélrachloré bouillant à 145"';
(/) Finalement le dérivé percbloré bouillant à 98°.
Il était absolument nécessaire de se renseigner sur la
constitution de ces composés. Dans ce but, M. De Sonay
s'est adressé à leur décomposition par l'eau et à la nature
des produits qui en résultent.
Trois sortes de chaînons peuvent dériver du groupe-
ment oxy-méthylc 0 - CHj par chloruration
0-CHjCl
0-CHCIj
0 CCI3.
L'j groupement monochloré 0 - CH2CI est méUnjlé-
nique ; par l'action de l'eau, il doit donner de l'aldéhyde
méihylique H2C = 0. Le groupement bichloré O-CHCL
esl méthénylique ow for mi que ; l'eau doit le transformer
en acide formique.
Cela étant, M. De Sonay prouve que l'élher méihylique
bichloré, qui donne exclusivement de l'aldéhyde for-
mique, se constitue exclusivement du dérivé symétrique
p. /GHjCl
Le dérivé trichloré qui en résulte par l'action ultérieure
du chlore ne peut être que 0<pu J..
Quant au dérivé lélrachloré, qui fournit de l'acide for-
mique, il est constitué en presque totalité par le dérivé
cv\c\
symétrique <^<rj|Qp deux fois bichloré.
( 569 )
Les dérivés penlachloré et hexachloré sont chacun
uniques de leur espèce.
De l'ensemble de ces constatations résulte cette consé-
quence générale que le chlore, en entrant dans la molé-
cule de l'oxyde de méthyle, remplace de préférence l'hy-
drogène du chaînon carboné le plus riche en cet élément.
cwc\
Le dérivé bichloré dissymétrique 0<r.„ - n'a pas pu
être constaté; quant au dérivé tétrachloré dissymétrique
m
aussi, 0< pri çx-, il ne se forme qu'en minime quantité.
Je ne m'arrêterai pas à faire remarquer ce que présente
d'intéressant, sous d'autres rapports, la série de chlo-
ruralion de l'oxyde de méthyle, et j'arrive à la seconde
partie du travail de l'auteur, concernant le mélhylal.
Le mélhylal renfermant deux groupements - CH3 fixés
sur le groupement > CH, par l'intermédiaire de l'oxygène,
la question de l'ordre de substitution du chlore à l'hydro-
gène dans ce composé est plus complexe et, à certain
point de vue, plus intéressante encore (|ue dans l'oxyde
de méthyle.
M. De Sonay nous fait connaître, dès à présent, deux de
ces dérivés de chloruration :
fl. Le mélhylal monochloré, bouillant à 95°;
b. Le mélhylal bichloré, bouillanl ù 127°.
L'action de l'eau sur ces composés lui a permis, ici
encore, d'en délerminer la structure.
Donnant exclusivement de l'aldéhyde formiqtie, ils
répondent respectivement aux formules H2C <^Qru'
^1 u r y O'^rLiLl
et H,G<Q(.j^-(,,.
Dans le mélhylal, comme dans l'oxyde de méihyle, le
chlore exerce donc de préférence sou action substituante
sur les chaînons carbonés les plus riches en hydrogène.
(370)
Le mélhylal bichloré symétrique H2C < r)pii^(-| ren-
ferme exclusivement le groupement méthylène >CH2,
mais dans des conditions diverses: dans l'un, l'hydrogène
est exclusivement sous l'influence de l'oxygène; dans les
deux autres, il est sous l'influence simultanée de l'oxygène
et du chlore.
Il eût été intéressant de connaître sur lequel de ces
groupements le chlore exercerait désormais son action.
Il est regrettable que l'état de la santé de M. De Sonay
ne lui ait pas permis de pousser jusque-là ses recherches
et d'aborder la résolution de ce problème. Je fais des
rœux, qui seront certainement partagés par l'Académie,
afin qu'il puisse reprendre plus tard ce travail interrompu
justement au point où il paraît ofl"rir le plus vif intérêt. Je
tiens à faire remarquer en même temps que ces recherches
sont vraiment du genre de celles que l'on peut qualilier
de pénibles; de plus, alors que Ton est entré dans la phase
d'une chloruration avancée, elles ne peuvent guère se faire
qu'en été, au moment où l'on est gratifié d'un plein soleil.
Quoi qu'il en soit, le mémoire de M. De Sonay consti-
tue, dans son état actuel, une contribution intéressante
et d'une importance réelle à l'étude des composés mono-
carbonés.
J'ai l'honneur de proposer à l'Académie d'en décider
l'impression dans ses Bullelins. »
M. Spring, second commissaire, se rallie bien volontiers,
dit-il, aux conclusions de son éminent confrère.
La Classe décide l'impression au Bulletin du travail de
M. De Sonay.
( 571 )
Sur de nouveaux procédés permetlanl de déceler les huiles
végétales et animales; par W. De la Iloyère, ingénieur,
répétiteur à l'Université de Gand.
napt'ot'l tte 9i . r.oui« MÊeitry, premie»' conttttissaii'e,
<r Les solutions aqueuses, fort étendues, de fuchsine,
décolorées par les alcalis caustiques, reprennent leur
coloration primitive par les acides.
Sur ce fait, M. De la Royère a basé une méthode propre
à déceler la présence des huiles grasses, végétales et ani-
males, dans les huiles minérales.
Celles-ci ne modiflent pas la solution décolorée de la
fuchsine; les huiles grasses, au contraire, font réapparaître
instantanément la coloration primitive.
Le procédé opératoire est des plus simples et le réactif
d'une remarquable sensibilité.
Celui-ci consiste en une solution d'un 72 gramme de
fuchsine dans un litre d'eau, liqueur rendue incolore par
la soude caustique en quantité strictement suffisante.
L'essai se pratique comme il suit :
On verse dans une soucoupe ou une capsule de porce-
laine quelques gouttes de l'huile à examiner; puis on y
fait tomber deux gouttes du réactif et l'on agite vivement
à l'aide d'une baguette en verre, La coloration rose appa-
raît instantanément et va en s'accentuanl au cours du
temps; elle est durable; son intensilé est d'ailleurs en
rapport avec la richesse de l'huile minérale en huile
grasse; elle apparaît encore, selon l'auteur, dans un pétrole
qui ne renferme qu'une quantité d'huile grasse comprise
entre 3 et 1/4 -/o-
Les huiles grasses examinées sont celles de co!z;i, de
chanvre, de lin, d'olive, d'arachide, d'œillette, de coton, d(;
^ 372)
palme, de ricin, de croton, (Kainande, de sésame, de pied
de bœuf, de foie de morue, elc.
Ce n'esl pas la première fois que la fuchsine apparaît
dans le domaine de l'analyse; l'inlensilé de sa coloralion,
la facililé avec laquelle celle-ci disparaît pour réapparaître
ensuite, font, à mon sens, de ce corps, un des réactifs
appelés à rendre les services les plus signalés.
On peut juger quel parti avantageux vient d'en tirer
M. De la Royère pour l'essai des huiles minérales.
J'ai lu son mémoire avec un intérêt qui sera partagé
par tous les chimistes (]ui s'occupent de cette sorte de
recherches; j'ai pu constater par des expériences person-
nelles l'exactitude de ses assertions en plusieurs points.
Je ne fais aucun doute de croire que toutes méritent une
pleine confiance.
J'ai l'honneur de proposer à l'Académie de décider l'in-
sertion dans le Bulletin du mémoin) de M. De la Royère. »
M. W. Spring, second commisf=aire, se rallie bien volon-
tiers aux conclusions du rapport de son éminent confrère.
La Classe décide l'impression au Bullelin de la note de
M. De la Royère.
Contribution à la faune des Diptères fossiles de Cambre
tertiaire; par F. Meunier.
Rapiiori de M. Dupottt, ftt'etnie»' cotntnis»nii'e.
« C'est à M.Candèze, second commissaire, qu'il appar-
tiendra d'apprécier dans ce travail la valeur des tableaux
laxonomiques|et l'originalité des dessins, avec une compé-
tence d'autant plus grande «pie notre savant confrère
( 573 )
s'occupe spécialement de l'élude des Diptères. Je n'abor-
derai que l'examen de quelques points de vue séparés.
La rédaction du titre même du mémoire — et elle se
retrouve en plusieurs endroits du texte — semble tout
d'abord indiquer une connaissance tout au moins peu
sûre de la géologie, car des organismes, par le fait qu'ils
proviennent de « l'ambre tertiaire », sont forcément a fos-
siles ».
On lit, dans le travail de M. Meunier, à propos des
Diptères découverts, suivant ses expressions, dans « les
terrains liasiques et jurassiques de l'époque secondaire >,
l'appréciation suivante : « Les observations qui ont rap-
D |»ort aux Diptères sont insuffîsantes, parce qu'elles ont
» été faites avec des documents souvent très incomplets
» et par des spécialistes n'ayant pas les connaissances
» zoologiques et géologiques indispensables pour se livrer
ï avec succès à des recbercbes paléontologiques. »
Or, parmi les auteurs ainsi appréciés, (ignrenl notam-
ment, dans les listes des ouvrages cités par M. Meunier, le
nom de Geinitz, qu'il n'est pas admissible d'entendre qua-
lifier de cette manière.
Ce n'est pas le seul nom respecté de la science entière
que nous voyons traiter avec désinvolture.
Dans une première note de bas de page, l'auteur déclare
(|u'il ne s'occupera pas des travaux de Heer et de Loew
pour des motifs qu'il indiquera dans une note critique.
On trouve, en effet, dans une autre note de bas de page,
l'extrait d'une lettre adressée à l'auteur par un savant très
autorisé et relative aux tiavaux d'Oswald Hecr sur les
Diptères fossiles. Mais c'est dans le corps du travail que
nous trouvons l'exposé des motifs qui ont fait écarter
Loew, le savant considéré comme l'un des premiers Dip-
lérologistes du temps, et dont les publications sont la base
(574)
des connaissances sur les Diptères de l'ambre de la Bal-
tique : a Le mémoire de Loew, dit M. Meunier, a été
B rédigé au moyen de riches matériaux d'études, mais
» malheureusement il ne mentionne ordinairement que
» des citations de familles et de genres, et n'est accom-
» pagné d'aucune figure facilitant l'explication du texte. »
W. Meunier ne s'occupe cependant à son tour que de
familles et de genres.
Voici une dernière citation qui expose les vues de
l'auteur sur le développement des règnes organiques :
« Enfin nous déclarons que nous partageons les idées
» actuelles sur les belles doctrines du transformisme [en
V note : nous parlons du transformisme restreint et sem-
» blable à celui de l'illustre paléontologiste, M. A.Gaudry),
» tout en disant qu'elles ne sont encore, dans l'état de la
» science, que de très séduisantes hypothèses présentant
» d'immenses hiatus; dont la solution ne pourra se faire
» que lorsque l'homme aura plus profondément scruté
» les merveilleuses entrailles du globe, en se basant sur
» des observations concluantes, et non sur d'ingénieuses
D mais simples vues philosophiques, »
Le travail qui nous est soumis, eût-il quelque valeur
entomologique, réclamerait évidemment d'importants
complémenls de préparations et de méditations.
Je ne saurais engager l'Académie à le publier. »
napitoft tie Hïï. f'antlèz^, dettaciènte coinntissaire,
« L'auteur annonce dans la préface une vue d'ensemble
sur les Diptères kainozoïqiies, ce qui ferait supposer qu'il
donne une revue ou une liste des espèces ou, au moins,
des genres reconnus comme existant dans l'ambre.
(875)
Un lel travail sérail utile si la critique des espèces y
était faite, ou si les espèces connues étaient décrites de
nouveau d'après les types, et accompagnées de ligures
originales bien dessinées.
Notons qu'une liste bibliographique a déjà été donnée
en 1892 par M. Scudder, où (igurenl les travaux de Lœw,
lesquels contiennent la plus grande partie des espèces
connues.
M. Meunier commence par exclure les travaux de Lœw,
bien que ce dernier soit considéré à juste titre comme l'un
des premiers diptérologistes de l'époque. Il n'est pas per-
mis de mettre de côté des travaux aussi importants.
Je suis même d'avis qu'il serait indispensable, avant
d'écrire l'histoire des Diptères de l'ambre, de revoir les
types de Lœw qui se trouvent au musée de Berlin, de les
redécrire au besoin et de les figurer. Sans ce travail pré-
liminaire, une vue d'ensemble sur les Diptères de l'ambre
est imparfaite.
Au dire de l'auteur, ses tableaux présenteront des
diagnoses simples et rigoureuses. Or, les phrases qui en
tiennent lieu ne sont ni des diagnoses, ni même des
tableaux dichotomiques comme leur faciès le ferait croire
à première vue.
M. Meunier choisit, pour les tableaux de familles et de
genres, les diagnoses de Schiner {Fauna-austriaca); il les
traduit littéralement, et les numéros qui se trouvent en
tête de ces phrases leur donnent l'apparence de tableaux
dichotomiques, rien de plus.
Je passe aux planches.
Celles-ci, au nombre de dix-sept, contiennent soixante
et une figures d'ailes, d'antennes et parfois de têtes, non
dénommées.
( S76)
Ces dessins sont destinés à compléter les diagnoses du
tableau des genres.
Cependant, deux genres cités dans cette table font
défaut, ce sont : 1" le genre Holopogon, décrit en 1847
par Lœw, qui ne l'a pas figuré, et 2° le genre Paleoascia
Meunier, 1893, nouveau genre créé pour les Ascia fossiles
qui diffèrent des AsrAa actuels.
Ce dernier eût été particulièrement à sa place dans les
dessins.
Mais ces figures n'ont pas été faites d'après nature.
Elles ont été copiées — pour la plupart au moins, — dans
l'ouvrage de Meigen, dont les six volumes ont paru de
1820 à 1827. Un certain nombre de ces dessins ont été
mal ou incomplètement reproduits. On est étonné d'y voir
figurer le genre Diaplwrus (fig. 38), qui n'est pas men-
lionne dans le tableau et dont on ne connaît du reste
aucun représentant fossile. A noter aussi le manque de
méthode dans le choix des dessins.
Par exemple, pour le genre Pipunciilus, une seule
espèce fossile a été décrite assez clairement pour pouvoir
la comparer à une espèce actuellement existante, apparte-
nant à la première section établie par Meigen. M. Meunier
a figuré, à propos de ce genre, une antenne et une aile
appartenant, l'une à une espèce de la première section,
l'autre à une espèce de la troisième.
Le travail de M. Meunier est loin d'ajouter quoi que ce
soit à nos connaissances sur les Diptères fossiles, et je suis
d'avis qu'il ne doit pas figurer dans les publications de
l'Académie. »
La Classe décide que le travail de M. Meunier sera
déposé dans les archives de l'Académie.
(S77 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Essai sur les variations de latitude; par F. Folie,
membre de l'Académie.
CHAPITRE PREMIER.
Expression complète des variations de latitude.
Durant la première moitié du siècle, on ne connaissait
ù l'axe du monde qu'un mouvement, celui de précession
et de nutation, ou du moins ce mouvement était le seul
qu'on fît entrer dans les formules de réduction de la posi-
tion des astres à leur lieu moyen.
Les formules de Laplace renfermaient bien les expres-
sions de deux autres mouvements de cet axe : celles de
la nutation initiale ou eulérienne, et celles de la nutation
diurne.
Mais, quant à la première, le grand géomètre avait dit :
« Si elle était sensible, on le reconnaîtrait par les varia-
lions journalières de la hauteur du pôle; et, puisque les
observations les plus précises n'y font reconnaître aucune
variation de ce genre, il en résulte qu'elle est insen-
sible (') » ; et, quant à la seconde : a Nous pouvons négli-
ger les deux premiers termes de cette expression (c'est-à-
dire la nutation diurne), parce qu'ils sont insensibles en
(*) Méc. cet., 1" partie, liv. V, art. 4.
5°" SÉRIE, TOME XXVI. 38
( 578 )
eux-mêmes, et que d'ailleurs ils n'augmentent point par
l'intégration f). »
Bessel a voulu rechercher si la nutation initiale n'était
pas sensible; W. Struve également. Mais c'est Peters qui,
le premier, est parvenu à en démontrer l'existence au
moyen des variations apparentes de la hauteur du pôle,
qu'il avait observées à Poulkova, quoiqu'il n'énonce lui-
même qu'avec beaucoup de réserve le résultat qu'il avait
obtenu {**).
Nyrén l'a suivi dans cette voie, mais il a été peu satis-
fait de la concordance entre ses résultais et celui de
Peters (***).
D'autres astronomes également, Downing ('^), van de
Sande-Bakhuysen (^), etc., se sont occupés de celte
recherche; enfin elle a suscité des travaux très remar-
quables de la part des astronomes américains, parmi
lesquels nous aurons à citer en première ligne Chandler,
Comstock, Gould et Ne\vcomb(^'').
Aujourd'hui encore, la question fait l'objet d'études
poursuivies depuis plusieurs années suivant un plan et
dans un but déterminés, et peut-être n'est-elle pas encore
sur le point d'être résolue.
Quant à la seconde nutation, négligée par Laplace, nul
astronome ne s'en est occupé; tous ont pensé qu'elle est,
en réalité, absolument insensible, et l'un des géomètres
modernes les plus éminents a même démontré tout
(■) ii/e'c. cél., l"^' partie, liv. V, art. A.
(*■) Bull, de l'.Jcad. de Saint- Peter sbour y, 1844.
("*) Mcm. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, t. XIX, 1871.
C) Monthly Notices, vol. XL.
(V) Aslr.Naehr., 1891.
(^') Voir surtout A slronomical Journal, 1890-181)5.
( ^79 )
récemment qu'il en est ainsi pour une Terre solide (*),ce
que j'avais, du reste, déclaré moi-même depuis très long-
temps (")•
Aussi, l'existence de la nulalion diurne étant pour moi
amplement démontrée (*'*), j'en ai conclu à la fluidité
du globe sous son écorce solide; et, par suite, à l'inexacti-
tude de la période de 305 jours, attribuée par les astro-
nomes à la nutation initiale, période qui ne serait cor-
recte que si la Terre était solide.
J'ai, le premier, cherché la longueur réelle de cette
période, en m'aidant des déterminations faites par Peters,
par Nyrén, par Downing et par moi-même, de l'angle
compris, à un moment donné, entre le méridien de l'axe
instantané et celui du lieu d'observation ('^); et j'avais
trouvé, au lieu de la période de 305 jours, une période de
337 jours, qui faisait très bien concorder entre eux ces
difl'érents angles f ).
Cette période, cependant, était encore beaucoup trop
courte. Chandler en a déterminé une de 427 jours, et je
pense que cette détermination est la plus cerlaineque nous
possédions jusqu'à présent. C'est elle qui, appliquée aux
observations de Peters, m'a fourni les meilleurs résultats,
supérieurs même de beaucoup à ceux que Chandler a
(*) TissEUAXD, Mec. céL, t. II, p. 4-25.
("*) Théorie des mouvements diurne^ annuel et séculaire de l'axe
du Monde. Mém. de l'Acad. roy. de Belgique, t. XLV, lf<84..
(*") Annuaire pour i890, p. 292. Bull, de l'Acad. roy. de
Belgique, 1895.
('^) Annuaire pour 1892.
(^) Il est vrai que la détermination, faite par Downing, de
l'angle P est entachée d'une erreur de 180», comme me l'a fait
remarquer M. Niesten, l'astronome anglais ayant appliqué par
mégarde aux colalitudes de Greenwich la formule des latitudes.
( 580 )
déduits de sa formule, dans laquelle il a introduit un
terme annuel de variation de la latitude {').
La longueur de cette période de 427 jours, comparée à
celle de 305 jours qui serait exacte pour une Terre solide,
est un argument décisif en faveur de la fluidité intérieure
de celle-ci, comme en laveur de l'existence de la nutation
diurne {*').
Fait surprenant, lorsque je voulus réduire les excel-
lentes observations de latitude faites à Honolulu, une
période de 398 jours parut cependant y satisfaire mieux
que la période de 427 jours de Chandier, comme on le
verra dans un travail de M. Niesten, qui a calculé avec
le plus grand soin ces observations.
Lorsque je publiai la réduction des observations de
Honolulu (""), ma conviction relativement à la période de
Chandier n'était pas encore faite; elle ne l'a été que quand,
dans le courant de la présente année, j'appliquai aux
observations de Peters l'une et l'autre période successive-
ment.
Pourquoi donc la période de 598 jours donnait-elle de
meilleurs résultats que celle de 4-27 dans la réduction des
observations de Honolulu?
Voici, je pense, l'explication de ce fait.
Comme on le verra dans la suite de cet essai, j'avais
toujours cru, jusqu'à présent, à l'invariabilité de la hau-
teur du pôle d'inertie ('^), ne pouvant soupçonner aucune
raison théorique d'une variation annuelle de cette hauteur,
(') ^«/iMa/repour 1891, p. 271.
(**) Annuaire pour 1891, p. 272.
(***) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, décembre i892, Annuaire
pour 1893, p. 515.
('^) Ibid. et Annales de la Société scientifique de Bruxelles, 1893.
(381 )
aflirmée depuis plusieurs années par Comslock et Chandier,
lorsqu'un travail récent du premier de ces astronomes sur
la latitude de Washburn Observalory (Madison) m'obligea
à reconnaître cette variation annuelle, qui s'y manifeste
de la façon la plus indiscutable.
C'est encore au moyen de la fluidité intérieure du globe
que je parvins à m'expliquer théoriquement cette variation.
M. Helmert avait déjà recherché l'efl^et que produirait,
sur le déplacement du pôle d'inertie, l'accumulation d'une
grande quantité de neige sur les continents de l'hémi-
sphère boréal, et avait trouvé que cet efl'et était absolu-
ment insensible, mais toujours dans l'hypothèse d'une
Terre solide (*).
J'ai trouvé que, même si l'on suppose à l'écorce ter-
restre une épaisseur égale à la dixième partie du rayon de
la Terre, l'accumulation d'une masse de neige représen-
tant 30 centimètres de hauteur d'eau sur la partie du conti-
nent boréal comprise entre les parallèles de 55" et de 70°,
produirait une déviation du pôle d'inertie de 0".06 vers
l'Amérique du Nord.
Peut-être ai-je supposé une masse de neige un peu trop
considérable ; mais, d'autre part, j'ai donné également une
épaisseur beaucoup trop grande à l'écorce et négligé la
neige qui tombe entre 55° et 60° de latitude.
La démonstration de ce dernier point ne sera peut-être
pas superflue.
Admettons que les neiges qui tombent en Amérique,
entre les méridiens de 235° et de 285° de longitude E de
Greenwich, sont équilibrées par celles qui tombent en
Europe et en Sibérie entre les méridiens de 55° et de 105°.
(•) Hohere Geodasie, B. Il, 5, 423.
( S82 )
Il restera à considérer les quantités de neige accumulées
en Sibérie, entre les méridiens de 105° et de 135°, et, en
Europe, entre ceux de 15° et de 55°, celles qui tombent
au delà du parallèle de 135° étant censées équilibrées par
celles qui tombent sur le Groenland.
On ne commettra pas d'erreur bien sensible en suppo-
sant que la quantité de neige qui s'accumule dans ces deux
régions est la même; car si celte quantité est, d'une part,
plus considérable en Europe à raison de son étendue et de
la hauteur probablement plus grande de la neige, d'autre
pari, le climat y est plus doux, et l'on doit faire abstraction
de la Baltique et des mers avoisinantes.
Le centre de gravité des neiges qui tombent en Sibérie
est sur le méridien de 120°; en Europe, sur celui de 55°.
Le centre de gravité de la masse totale tomberait donc
vers le septante-septième degré de longitude E de Green-
wich; mais ce calcul approximatif ne nous servira qu'à
lixer les idées, et c'est à l'astronomie qu'incombera la
recherche de ce dernier méridien.
Calculons celte masse de neige N, en supposant que
celle qui s'acccumule depuis le commencement de
l'automne jusqu'au cœur de l'hiver équivaut à une hauteur
d'eau de O^.oO.
La superficie sur laquelle elle tombe comprend 70° en
longitude, soit les ~ de la zone comprise entre 5b° et
70° de latitude, ou 0.04347tR2, R désignant le rayon de la
Terre; d'oîi la masse IV = aii^rÊôo "^ ^^•
Prenons l'épaisseur de l'écorce égale à j^, valeur certai-
nement exagérée, et sa densité égale à 3.
La mécanique démontre que l'addition d'une masse N
de latitude <I> sur un sphéroïde de moments d'inertie C, A,
a pour efifel de déplacer le pôle d'inertie d'un angle
A (J> = 2 c=h ^'" - ^^*' ^^^ l'anliméridien de N.
( 583 )
A défaut (le données plus précises, admettons que, pour
l'écorce comme pour la Terre, — ^== 0.005; la valeur
1000 NR* . NR*
sin:24' = 136.5
G C C
C = ^frhh = ù/r'drih == — R«(l — 0.9^) = 0.98;rR\
La valeur de l'angle est donc oTsWgtToOÔ-'
laquelle, réduite en secondes, donnera
A* = 0".Oo85.
Le pôle d'inertie, qui est le point de référence dans nos
formules rappelées ci-dessus, s'avancerait donc, depuis
l'été jusqu'en hiver, de 0".06 vers l'Amérique du Nord,
selon les données précédentes, et il reculerait d'autant, en
sens inverse, du cœur de l'hiver au cœur de l'été. L'ampli-
tude de ce mouvement est probahlement bien plus consi-
dérable; car nous avons attribué à l'écorce une épaisseur
exagérée.
Sans pouvoir préciser aucunement l'effet de l'accumu-
lation des neiges en Sibérie pendant l'hiver, il ne semble
donc pas douteux que cet effet ne soit appréciable.
Admettons, en conséquence, que le pôle d'inertie de la
Terre s'avance, pendant l'hiver, vers l'Amérique du Nord
sur le méridien de iOO" environ de longitude W. de
Greenwich.
Il en résultera qu'en hiver les hauteurs du pôle (d'inertie)
vont augmenter, en tous les points de l'hémisphère boréal
situés sur ce méridien, d'une quantité précisément égale à
ce déplacement du pôle, et diminuer de la même quantité
dans l'hémisphère austral (relativement au pôle austral,
( 584- )
bien entendu); qu'en été, cette augmentation ou celte dimi-
nnlion de la hauteur du pôle sera remplacée par une
diminution ou une augmentation; que les phénomènes
inverses se passeront sur le méridien de 280° de longitude
W de Greenwich;
Que, sur les autres méridiens, les variations de la hau-
teur du pôle auront lieu dans le même sens, mais seront
amoindries en raison du cosinus de l'angle compris entre
ces méridiens et celui des pôles d'inertie;
Qu'elles seront nulles, par conséquent, sur le méridien
perpendiculaire à ce dernier.
Il serait extrêmement difficile, à cause du peu de données
certaines que nous possédons relativement aux quantités
de neige qui tombent dans les latitudes un peu élevées,
d'en déterminer le centre de gravité. C'est à l'astronomie
de rechercher quelle peut-être la position de ces deux
méridiens sur lesquels les variations de la hauteur du pôle
(d'inertie) sont, ou un maximum (positif ou négatif), ou
absolument nulles.
Il existe donc une cause annuelle de variations réelles
de la hauteur du pôle (d'inertie), qui produira ses plus
grands effets sur le méridien suivant lequel a lieu le
déplacement annuel de ce pôle (méridien d'inertie), et
n'en produira aucun sur le méridien perpendiculaire. Et
pour pouvoir déterminer, d'une manière un peu précise,
les effets de cette cause, il est indispensable que des
déterminations de latitude soient effectuées, non seulement
en des points distants en longitude de 180% mais en
d'autres points encore, à 90° de distance surtout, et dans
les deux hémisphères.
Retournons maintenant à notre point de départ, et
recherchons pour quelle raison une période de la nutation
initiale estimée égale à 598 jours a donné de meilleurs
( 585 )
résultais dans la réduction des observations de Honolulu
que la période plus exacte de Chandier, qui est de
427 jours.
Indépendamment des variations apparentes de latitude
occasionnées par la nulation initiale, il peut y avoir à
Honolulu des variations réelles dues au déplacement du
pôle d'inertie.
Et ces variations, les apparentes aussi bien que les
réelles, se produiront en sens inverse à Berlin, comme les
observations l'ont parfaitement confirmé. Or, les varia-
tions apparentes ayant une période de 4-27 jours, les
réelles une période de 365, la combinaison des deux sem-
blera donner une période unique de 396 jours, approchant
très fort de la période de 398 jours qui m'avait paru
vérifier, mieux que celle de Chandier, les déterminations
de la nulation initiale faites (*) par différents astronomes.
M. Preston a trouvé, pour les variations de latitude
qu'il a observées à Waïkiki (Iles Sandwich), une période
de 386 jours, intermédiaire également entre la période de
Chandier et l'année (**).
Ces résultats semblent confirmer l'existence de varia-
tions annuelles de latitude, révélées déjà, pour plusieurs
astronomes, et particulièrement pour Comstock, Gould cl
Chandier, par un grand nombre d'observations, mais dont
nous avions douté jusqu'à ce jour, parce qu'on ne leur
assignait aucune cause bien plausible.
Cette cause, nous l'avons trouvée dans l'accumulation
des neiges hivernales, combinée avec l'hypothèse de la
fluidité intérieure du globe.
(*) On a vu que l'une de ces déterminations est erronée de 180".
(**) Astronnmkal Journal, n" 50fi. p. 137.
( 586 )
Si, comme cela ne nous semble pas douteux, telle est
bien la source des variations réelles de la latitude, voilà un
nouvel argument en faveur de la fluidité intérieure du
globe et de l'existence de la nutation diurne.
Aux trois mouvements de l'axe du monde établis par
Laplace (précession et nutation bradiéenne, nutation ini-
tiale, nutation diurne), mais dont il a négligé les deux
derniers, comme insensibles, dans le développement de
ses formules, il est donc opportun d'en ajouter un qua-
trième, le mouvement annuel du pôle d'inertie.
Les expressions des variations A0 et AX du plan de
l'équateur (perpendiculaire à l'axe d'inertie), provenant
des trois mouvements considérés par Laplace, peuvent
s'écrire
I A9 = Nq — ysin(y-+-/^-+-(5) -+- ^(SâSin^Jî) -+- i],cosi2v),
I siiieA). = N>— ri'os(-;> + ;<-+-(3) — ;'(ï,sin^2» — i:,cos2^),
si nous désignons par Ne la nutation en obliquité, N;^ la
précession et la nutation en longitude, par y et (3 les con-
stantes de la nutation initiale (en supposant nul son
second terme, qui a B — A pour facteur), par v le coefficient
de la nutation diurne. 2^ et S, sont des fonctions dont on
trouvera plus loin les expressions.
Ces formules prennent le pôle d'inertie comme point
de référence.
Parmi tous les géomètres qui ont traité du mouvement
de rotation de la Terre, un seul a cru devoir préférer le
pôle instantané, afin d'éliminer les termes de la nutation
initiale.
J'ai démontré la double incorrection de ce procédé :
incorrection analytique d'abord, incorrection astronomique
( 587 )
plus grave surtout; car le pôle instantané, variant ù
la surface de la Terre, ne permet plus de définir le méri-
dien, ni, par conséquent, l'heure, dont la notion est fondée
sur celle d'un plan absolument fixe à la surface de la
Terre (*).
Montrons jusqu'où peut aller cette dernière incorrection,
dont les astronomes ne semblent pas encore avoir reconnu
l'importance.
Le coefficient de la nulation initiale approche de O'M ;
celui de la variation annuelle de latitude est peut-être plus
considérable pour certains observatoires; admettons qu'il
soit égal aussi à 0".l au maximum, c'est-à-dire que la
distance du pôle d'inertie au pôle géographique soit égale,
en hiver par exemple, à O'M. Il arrivera un moment où,
sur le même méridien, le pôle instantané sera distant du
pôle d'inertie de O'M dans le même sens et à la même
saison; en sorte que le pôle instantané ou astronomique
s'écartera de 0".2 du pôle géographique.
Pour un observatoire situé à une latitude 0 sur le méri-
dien perpendiculaire à celui qui passe par ces trois pôles,
l'azimuth AA du méridien aslronomique sera donné par
AA=0".2sectt», c'est-à-dire à 0".52 déjà sous la latitude
de 51", quantité qui n'est certes pas négligeable.
Or, six mois après, l'azimut du méridien aslronomique
sera à peu près égal et de signe contraire, car la demi-
période de la nutation initiale, qui est de 212 jours envi-
ron, ne diffère pas beaucoup de la moitié de l'année.
(*) Acta Mathtmalica, 4892. Annuaire, 1893. Voir aussi: W. Foer-
STER, Ueber die Ragcn-Acnderungen der Erdaxc, (Mitteil. der
VEREI.\. VON FrEUDEN DER ASTRONOMIE, ttcft 8 U. 9, S. 131.)
( 588 )
Entre les deux méridiens astronomiques déterminés à
ces deux époques, il y a donc un écart de 0".6; et l'on
constatera, entre les AR d'une même étoile, observées dans
le méridien astronomique à ces deux époques, une diffé-
rence correspondant à cet écart azimulal, et qui n'est
certes pas assez peu sensible pour pouvoir être négligée.
Mais, afin de pouvoir en tenir compte dans la réduction
des observations, il faut en revenir aux formules qui pren-
nent un pôle fixe comme point de référence.
La question, du reste, est bien tranchée aujourd'hui.
Dans le tome II de sa Mécanique céleste, M. Tisserand
(quoiqu'il ait adopté la définition de la latitude relative-
ment au pôle instantané (*), ce qui me semble une inconsé-
quence) a donné les formules de la nutalion en les
rapportant, comme Laplace, au pôle d'inertie.
S'il avait jugé que le choix du pôle instantané fût préfé-
rable, il n'eût certes pas manqué d'adopter ce dernier
comme point de référence, et serait resté conséquent avec
sa définition de la latitude.
Aux trois mouvements précédents, nous avons à ajouter
celui du pôle d'inertie à la surface de la Terre.
Afin de pouvoir représenter ce mouvement, nous pren-
drons pour point de référence le pôle géographique, point
fixe, servant à déterminer le méridien et l'heure, et qui est
le lieu moyen des pôles d'inertie.
Et nous pourrons nous borner à calculer ce mouve-
ment le long du méridien d'inertie même, puisque,
comme nous l'avons vu, il suffira, en obliquité, de le pro-
jeter sur un autre méridien quelconque pour en connaître
la valeur sur celui-ci, en obliquité également.
(*) Page 580, fin.
( 589 )
Il n'est pas douteux que le premier méridien (celui qui
passe par l'axe principal X) ne se déplace également en
vertu de la même cause.
Mais, dans cette étude sur les variations de latitude,
nous ne nous occuperons nullement, n'ayant aucune
donnée numérique sur laquelle nous puissions nous
appuyer, du mouvement annuel des axes principaux
autres que l'axe polaire.
Dès lors, il n'y aura aucune modification à faire subir
aux formules précédentes, qui représentent tous les mou-
vements du pôle d'inertie, à l'exclusion de son mouvement
annuel, et ce dernier s'introduira parla variation annuelle
de latitude qu'il occasionne.
C'est seulement quand, par l'étude suivie de ces varia-
tions, combinée avec celle de la répartition des neiges sur
l'hémisphère boréal, on sera parvenu à se faire une idée
un peu exacte de la masse de ces neiges et de la position
de leur centre d'inertie, que l'on pourra aborder avec
succès 1 élude des variations annuelles des trois axes prin-
cipaux d'inertie de l'écorce terrestre.
Mais elle n'est nullement indispensable dans un travail
sur les variations de latitude.
11 ne nous reste donc qu'à faire entrer dans nos formules
l'expression de ces variations, réservant pour la suite de ce
travail l'étude de Tinfluence qu'elles peuvent exercer sur
la position apparente des astres.
Désignons par p' la valeur maxima (positive ou négative)
du déplacement du pôle d'inertie relativement au pôle
géographique, sur un méridien dont nous désignerons par
M la longitude occidentale par rapport au méridien de
Greenwich, pour le cas du maximum, par 180° -h M pour
le cas du minimum ; de sorte que cette dernière longitude
( 590 )
est celle du demi-méridien sur lequel tombe le centre de
gravité des neiges accumulées pendant l'hiver sur l'hémi-
sphère boréal.
Au cœur de l'hiver, c'est-à-dire au moment où celle
accumulation est le plus considérable, on doit donc
avoir, sur le méridien M, A<ï> = p', et, au cœur de l'été,
A<t>= — p, en appelant û$ la variation réelle de lati-
tude sur ce méridien.
Cette variation n'est probablement pas une fonction
continue du temps; elle doit être à peu près nulle pendant
quelques semaines, en hiver comme en été. Il n'est pas
possible cependant de la représenter autrement que par
une fonction continue dont la période est l'année, et dont
la forme sera p' cos ( — A + 0), forme qu'ont déjà employée
Comstock et Chandler dans leurs formules empiriques;
A ne nous semble pas devoir s'écarter beaucoup de 300°
sur notre hémisphère, de 120° sur l'hémisphère opposé.
Pour un lieu de longitude occidentale G par rapport à
Greenvvich, la formule serait :
p'cos(M — G)cos( — A-t-O) ou pcos( — A-*-©).
Si l'on trouve une valeur de A voisine de 300° et p
positif sur notre hémisphère, c'est que le pôle (d'inertie)
se trouvera, en hiver, à moins de 90° de longitude
(E ou W) de Greenwich; si la valeur de p est négative
dans les mêmes conditions, c'est qu'il sera à plus de 90°
de ce point.
Le coefficient p sera nul, comme il a déjà été dit, pour
G = M±90°.
Lorsque les observations de latitude, faites sur un grand
nombre de méridiens différents, seront de nature à nous
indiquer approximativement sur lequel de ces méridiens
( 591 )
les variations annuelles sont nulles, nous connaîtrons
approximativement la valeur de M, qu'il serait difficile
d'établir à priori.
Occupons-nous maintenant de la recherche des formules
propres à déterminer ces variations, en négligeant toujours
les mouvements annuels des axes principaux x et y, et
dans le cas des observations méridiennes seulement; et
considérons en premier lieu le passage supérieur.
Il importe d'abord de remarquer que les formules (I)
sont celles du mouvement du pâle d'inertie, que nous
appellerons simplement pôle, comme nous appellerons
équaleur le grand cercle perpendiculaire à l'axe d'inertie;
lorsqu'il s'agira de leurs positions moyennes, nous y ajou-
terons le qualific:itif géographique.
Soit <ï> la hauteur (constante) du pôle géographique en
un certain lieu; la hauteur du pôle (d'inertie) y sera,
d'après ce que nous venons de voir, <î> -+- p cos ( — A -f- 0),
Pour un passage supérieur, nous aurons
z = <{. -t- c cos ( — A -+- O) — S,
0 étant la déclinaison apparente de l'étoile rapportée à
l'équateur (perpendiculaire à l'axe d'inertie), comme nous
venons de le faire remarquer au sujet des formules (I).
Si B„ est la déclinaison apparente calculée par les astro-
nomes, qui ne tiennent compte, dans leur calcul, que des
termes Ng et N^ de ces formules, nous aurons à écrire
AS étant la variation en déclinaison qui provient de la
nutation initiale et de la nutation diurne, et qui est égale,
( 592 )
en général, à
Aâ= — rcos{U -+- Po — a)
-f- V j cos « (cos 'ifli — sin 2'j;2:,) -+- sin a (sin SyZ^ -t- cos ^ySi) j (*).
Pour les réductions d'une seule étoile, celte formule
s'écrit plus simplement
Aâ^= — r cos(U-t-[3 — a) ■+■ V cos (253 — a)2j — ysin(25J — a)2,;
et, dans le méridien, selon qu'il s'agit d'un passage supé-
rieur ou inférieur,
Aâ = ^: 'ycos{n 4- p) -+- y'cos(2L -+- a)^^ — vsin(2L -t- a) 2,.
Rappelons que, dans ces formules,
\t représente 9 h- U, (f = f + L, (3 = ,80 -t- L,
/ = 308'' par an (période de Chaudler)(');
Y et V sont les coefficients numériques de la nuiation ini-
tiale et de la nutation diurne; Sj et X^ désignant les fonc-
tions suivantes, exprimées en longitudes vraies :
2, = - 4.155 — 0.1 34 cos Q + 0.558 cos20
-t- 0.82 cos 2C -+- 0.14cos(2(C— Q) — 0.15cos((C— r').
^2 = — 0.1 80 sin Q -*- 0.590 sin^O
+ 0.888sin2C -+- 0.18sin(2(;— Q),
en négligeant les termes inférieurs à 0.1 (**).
Pour un passage supérieur, nous aurons donc, en appe-
lant <[>„ la latitude astronomique égale à z -h 8,, :
•fo = * -4- p ces ( — A -»- O) -+- y cos {it -+- p)
-t- vsin(2L -4- a) 2, — vcos(2L -*- ix)l^,
(*) annuaire de l'Observatoire de Belgique, 1893, p. 280.
(**) Loc. cit., p. 312, où CCS expressions sont plus complètes.
( 593 )
ou, en faisant
psinA = r, pcosA = s, ysinp==M, rcos(3 = v,
ysin(2L -+- a) = f, i/cos(2L -t- a) = ij :
(1)^ = <i, H-scosO -+- rsinO -+- vcosit — t^sin/ï-+- Ç2, — tfij.
Soit <ï>„ la moyenne des latitudes astronomiques
observées,
*o "tm = W> * *m = ^»
on aura enfin
n = z -*- scosQ ■*- rsinO-H rcos/f — usimt -*- Ç2i — *i^i-
Pour un passage inférieur, on s'assurerait aisément
qu'il sulTit de changer les signes de i et de r\.
C'est au moyen de celle simple remarque que j'ai pu
déterminer la nutalion initiale indépendamment de toute
erreur de réduction (*), comme Chandier l'a fait égale-
ment (*').
Il est à remarquer que, pour la réduction de la décli-
naison d'une étoile, on aurait des équations absolument
analogues.
Cette équation renferme déjà 7 inconnues; elle est
cependant encore fort incomplète : elle devrait renfermer,
en effet, surtout quand il s'agit de calculer un terme
annuel, la correction de la constante de l'aberration ainsi
que la parallaxe; puis, s'il s'agit d'une étoile de très forte
déclinaison, les termes du second ordre de l'aberration
systématique, qui deviennent sensibles dans ce cas (***);
(") Annuaire pour 1892.
(*') Astronomical Journal, n» 287, 1893.
(•") Au moyen de ces termes, nous avons, le premier, déduit des
observations de Gyldcn, par un calcul direct, la direction et la
3°" SÉRIE, TOME XXVI. 39
( 594 )
enfin, si l'on voulait en faire usage pour le calcul de la
nulalion diurne, la correction des termes en 20 de la
formule de Peters, termes dont le cotiricient n'est certai-
nement pas le même pour l'écorce que pour la Terre
solide.
Il faut donc arriver à réduire le nombre des incon-
nues.
Tout d'abord, on laissera de côté la dernière ainsi que
les deux inconnues relatives à la nulation diurne, et enfin
la parallaxe et l'aberration systématique.
Restent encore six inconnues.
Nous pensons qu'il est possible de les réduire à cinq
dès aujourd'hui, et à quatre dans un avenir assez rap-
proché.
Quant à la nutalion initiale, les deux inconnues
M = Y sin [ii et u = y cos p se réduisent à une seule y,
en admettant que l'angle p est connu, ce que l'on verra
confirmé ci-dessous.
El quant au terme annuel, les inconnues r = p cos A,
5=p cos A pourront bientôt être réduites à la seule
inconnue p, car A ne tardera pas à être connu avec une
approximation suffisante.
Cherchons à déterminer a priori la valeur de l'angle p.
Dans ce but, nous recourrons à un certain nombre de
déterminations qui en ont été faites en employant la
période de Chandier.
vitesse du mouvement systématique. Nous avons trouvé, pour l'as-
cension droite de l'Apex, 277», valeur qui concorde parfaitement
avec celle que l'on a déduite des mouvements propres des étoiles; et,
pour la vitesse projetée sur l'équateur, une valeur égale au double
de celle de la Terre. {Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 1895.)
( 595 )
1° Nous avons donné (*) les valeurs suivantes de la
constante de la nutation initiale et de Tangle P, déduites
des jR de la polaire observées par Struve à Dorpat,
l'origine étant le 1" avril de chaque année :
Années. ... 1825 .1824 1825
r 0.080 0.075 0.083
p 257° 247» 254°
On en déduit, pour le 1" avril 1824, [3 = 246»; et
pour le {"janvier, en adoptant la période de Chandler,
169°; valeur qui, ramenée à Pouikova, devient :
p = 165».5 Pouikova 1824 0.
2° Des observations de Pelers, en y appliquant la
période de Chandler, j'ai déduit :
p = l«.5 Pouikova 1842.0.
5° Nyrén a trouvé, mais en appliquant la période de
305 jours, ce qui rend la détermination beaucoup moins
sûre, et en faisant usage des observations de W. Struve
dans le premier vertical :
^ = 224" Pouikova 1850.0.
À" Newcomb a donné p = 0 pour 1 864.94 Washington ;
d'où
p= 18».5 pour 1865.0 Washington
etp = 271" pour 1865.0 Pouikova.
(*) Annuaire de l'Obs. de Belg., 1891, pp. 2-16 et suivantes et
p. 271. Nous ferons remarquer que les observations portant seule-
ment sur un intervalle de temps de Irois mois, l'erreur provenant
de l'inexactitude de notre période est insignifiante.
^ Ji96 j
5" Des dix années d'observation de la latitude de Green-
wich, résumées par Downing, j'ai déduit :
1868.0 p = 278".3 Greenwich = 248».3 Poulkova
1875.0 p = 351 ".8 — =32!».5 —
6° Des observations de Honolulu, M. Nieslen a déduit:
1891 0 ^ = 300° Honolulu = 153».2 Poulkova.
Comme les deux déterminations résultant des observa-
lions de Downing ne concordent entre elles qu'à 13° près, si
l'on admet l'accroissement annuel de 308°, concordance déjà
fort belle cependant, nous en prendrons la moyenne, soit
p = 285» 1870.5 Poulkova
ou ^ = 151° 1870.0 — (*).
Nous voici en présence de cinq résultats qui peuvent
nous inspirer confiance. Ils sont tous rapportés à Poul-
kova.
N° 1 N» 2 N" 3 N" 4 N" 5
Années 1824.0 1842.0 1865.0 1870.0 1891.0
165".5 1».5 271» 131» 153»
Pour vérifier jusqu'à quel point ils concordent entre eux,
nous passerons de l'un à l'autre en s\ipposant un accrois-
sement de 300° -f- X.
(*) On en déduirait 27» pour 1872.0, tandis que Downing donne
175». Si la différence n'est pas de 180», cela tient à ce que Downing
avait fait usage de la période de SOS jours. (Voir la note antérieure
sur ce sujet.)
(597)
Les différeoles combinaisons nous donneronl, par
1 et 2: 1G5.5 -t- i8x = 561.5, x = 'I0».9
1 et 5 : 165.0 -4- 41 x = 571.0, a; = 9*.9
1 et 4 : 165.5 -t- 46 x = 631.0, a; = 10''.0
1 et 5 : 165.S -t-67x = 747.5, x = llM
2 et 5 : 1.5 -t- 25 x = 211.0, x= 9».2
2 et 4 : 1.5 + 28 x = 371.0, x = 13».2
2 et 5 : 1.5 -t- 49a: = 553.0, x = ll».5
3 et 4: 2710-*- 5 x = 431.0, .r = Sa-.O
3 et 5 : 271.0 -t- 26 x = 613.0, x = 13M
4 et 5 : 151.0 -t- 21 x = 313.0, x= 8».7.
L'une de ces valeurs est absolument à rejeter, si l'on
admet que la période de Chandler approche de l'exacti-
tude : c'est celle de oS" résultant de la combinaison des
détermination 3 et 4.
Mais il n'est guère possible de décider d'après ce
tableau si c'est 5 ou 4- qu'il faut rejeter.
Si on les rejette loutes deux, il ne restera que les
valeurs
xr^rrlO^O, ll°.l, 11 ".ô; moycHne : 1 1 '.1 .
Si l'on ne rejette que la combinaison des détermina-
tions 5 et 4, qui sont séparées entre elles d'un intervalle
de cinq ans seulement, on a :
x = 10".9, 9".9, lO^O, IIM, 90.2, 15<'.2, ll°.5, 15M, 8«.7^
moyenne : x = 10°.9.
Si l'on rejette enfin la détermination 4 seule, qui
semble la moins sûre, comme nous le verrons, on trouve
x = i0°.9.
On peut donc considérer avec confiance la valeur de
( 598 )
311" (au lieu de 308°, Chandier) comme celle de l'accrois-
semenl annuel de l'angle (3 ; ce qui répond à une période
de 425 jours (au lieu de 427) que Chandier lui-même et
d autres astronomes avaient considérée comme la véri-
table.
Si maintenant on cherche à déterminer l'angle ê pour
Pouikova 1890.0 au moyen de chacune des déterminations
précédentes et de l'accroissement annuel de 311°, on
trouve que la valeur déduite de la quatrième détermina-
tion est en discordance complète avec les autres. Ces der-
nières donnent
t2-2°.5, IGO^S, 125° et 182"; moyenne 150» (*)•
Et pourGreenwich, 1890.0, (3== 120°.
Cette valeur paraît exacte à une vingtaine de degrés
près et pourra servir à éliminer l'inconnue [3 de l'équa-
tion pour une époque et un lieu quelconques, en employant
l'accroissement annuel de 31 1°, et celui de 1° par degré de
longitude occidentale par rapport à Greenvvich.
Un fait important et très satisfaisant ressort de cette
discussion : c'est que la période de la nutation initiale est
bien constante, quoi qu'en aient pu dire quelques astro-
nomes et physiciens des plus éminents, puisqu'elle nous a
fourni des résultats concordants depuis 1 824 jusqu'en 1891 .
La recherche de la nutation initiale n'est toutefois pas
terminée encore; la constante angulaire n'en est pas suffi-
samment connue, la constante numérique moins encore.
Le second terme de la nutation initiale, qui entre dans
(*) En parlant de la valeur de Nyrén, § == 224» Pouikova 1850.0,
on trouverait, pour 1890,84° qui diffèrent de 66» de notre moyenne.
( 599 )
les formules de Laplace et que nous avons provisoirement
négligé parce qu'il a B — A pour facteur, esl-il insen-
sible?
Sa recherche serait, en (ous cas, actuellement préma-
turée.
Indépendamment de la variation apparente de latitude
qui en provient, et de la variation réelle produite par le
déplacement annuel du pôle d'inertie à la surface de la
Terre, exisle-t-il des variations séculaires, comme Pergola
croit l'avoir démontré (*) ?
Cette importante question encore ne sera pas résolue
avant longtemps. Pour pouvoir l'aborder avec succès, il
faudra avoir obtenu des déterminations de latitude exemptes
des deux grandes.causes d'erreur que nous venons de citer,
et de celle qui réside dans l'inexactitude probable de la
constante de l'aberration (**).
Jo laisse de côté la nulalion diurne, dont la période la
plus importante est semestrielle, qui n'a qu'un coefTicient
numérique v = 0".0o environ, et qu'on pourrait introduire
dans le calcul en prenant, de plus, la longitude orientale
du premier méridien L égale à 0 ou 12 heures pour Green-
vi'ich.
(*) Dcterminazionc délia lalitudinc di Capo dcl Monte.
(**) Comme la période de l'aberration est également annuelle, afin
d'éviter que les coclïicients de sa corrcclion ne soient à peu près les
mêmes que ceux de la variation réelle de la latitude, ce qui condui-
rait à une quasi-indétermination, il sera très utile de faire porter les
observations sur des étoiles dont l'ascension droite est voisine de celle
qui résulte de la formule cos (Q-t-P) =±sin (O — A), dans laquelle
cos (O -+- P) représente symboliquement le facteur périodique de
l'aberration en déclinaison.
( 600 )
CHAPITRE II.
Expressions complètes des variations de coordonnées des
ASTRES PAR RAPPORT A l'ÉQUATEUR GÉOGRAPHIQUE.
Nous avons démontré précédemment que l'on ne peut
pas, sans se mettre en contradiction avec la délinition
capitale de l'heure, prendre pour point de référence, dans
les formules astronomiques, le pôle instantané de rotation
de la Terre, puisque ce pôle déterminerait un méridien
qui se transporterait, en deux cents jours environ, de sa
position extrême orientale à sa position extrême occiden-
tale, ou vice versa, et que l'amplitude de ce mouvement
dépendrait, pour chaque observatoire, de la latitude de
celui-ci.
En admettant l'invariabilité du pôle géographique à la
surface de la Terre, nous avons donné les formules com-
plètes de la nutation de ce pôle, que nous supposions être
le pôle d'inertie.
Depuis lors, comme on l'a vu, nous avons été amené à
reconnaître une variation réelle du pôle d'inertie, que nous
avons expliquée par l'accumulation des neiges, pendant
l'hiver, sur les continents de l'hémisphère boréal, com-
binée avec l'hypothèse, bien démontrée aujourd'hui, de
la fluidité intérieure du globe au-dessous de son écorce
solide.
Les preuves astronomiques de cette fluidité intérieure
sont les suivantes :
a. C'est en partant de cette hypothèse que nous avons
démontré l'existence et déterminé les constantes de la
nutation diurne:
( 601 )
b. Comme conséquence de celle exislence, nous avons,
le premier, conclu que la période de la nulalion iniliale,
évaluée correclement à 505 jours pour une Terre solide,
devrail êlre irop courle;
c. Nous avons enfin déduit de la fluidité intérieure du
globe que l'accumulation des neiges hivernales sur notre
hémisphère a pour effet de déplacer le pôle d'inertie vers
l'Amérique du Nord, et expliqué ainsi ces variations
annuelles de latitude que Comslock, Gould et Chandier
avaient inlroduiles empiriquement dans leurs formules.
Nous nous proposons d'exposer ici, aussi complètement
que possible, les formules des variations de coordonnées
des étoiles, en tenant compte des trois nutalions de l'axe
d'inertie (nulation bradiéenne, natation eulérienne et
nutation diurne) ainsi que du mouvement du pôle d'inertie
dont nous avons démontré l'existence.
Nous appellerons pôle géographique la position moyenne
occupée par le pôle d'inertie entre ces deux positions
extrêmes.
Les observations témoignent que la distance du pôle
d'inertie au pôle géographique ne doit guère excéder 0".2.
Il en résulte que nos précédentes formules, qui se rap-
portent, en toute rigueur, au pôle d'inertie, sont appli-
cables au cas où le pôle géographique est pris comme point
de référence, à la condition d'y faire entrer la variation
que nous venons de prouver.
A la vérité, la cause qui produit cette variation a égale-
ment pour effet de déplacer les axes des moments d'iner-
tie A et B; mais elle n'altérerait la valeur de ceux-ci que
dans une proportion minime.
La seule conséquence appréciable qui en résulterait
serait un déplacement périodique du premier méridien
( fi02 )
^l s'accuserait seulement dans les formules qui renferment
sa longitude, c'est-à-dire surtout dans celles de la nulalion
diurne. C'est là, pour cette théorie, une source nouvelle de
difficultés que nous chercherons à éliminer dans les appli-
cations.
Ici nous pourrons, vu la petitesse des termes que nous
cherchons, supposer B = A pour l'écorce, en sorte que la
position de l'axe X est indifférente.
Soit 1 l'angle que fait, à un instant quelconque, avec le
premier méridien passant par cet axe, le méridien
d'inertie, dans le sens duquel s'avance le pôle d'inertie de
l'été à l'hiver; les projections de la vitesse de rotation n
de la Terre autour des trois nouveaux axes z, x, y, seront
ncosA^ = n, wcoslA*, nsinlA*,
AO représentant, à cet instant, la distance du pôle
d'inertie au pôle géographique.
Les composantes / et m de la vitesse de rotation autour
des axes primitifs principaux des X et des Y étant très
petites, leurs projections autour des nouveaux axes x et y,
qui ne s'écartent des premiers que d'une quantité de
l'ordre A<ï), resteront égales à ces composantes mêmes.
Les trois vitesses angulaires /, m, n se conservent donc
sans altération autour des nouveaux axes qui ont pour
pôle le pôle géographique.
Et nos formules précédentes, dans lesquelles nous con-
sidérions le pôle géographique comme un pôle d'inertie
invariahie, sont applicahles au nouveau cas que nous
considérons; mais nous avons à y ajouter les termes pro-
venant des deux vitesses nouvelles que nous venons de
trouver.
( 603 )
Celles-ci produisent des variations en obliquité et en
longitude données, comme on sait, par
do
— = »A<i) ( — ces I cos }) -4- sin I si n y)
0)
= — n cos(I ■+■ y) At.
dp
— sinâ — == nA<i) (cosl sin? -+■ sini cosp)
= n sin(I ■+■ y) A*.
A<ï> pourra se représenter par f cos ( — A-hO) Du moins
n'esl-il pas possible de représenter autrement cette fonc-
tion, quoiqu'elle soit peut-être discontinue, en ce sens
qu'elle pourrait ne pas varier durant un certain temps,
au cœur de l'été comme au cœur de l'biver.
La substitution de cette valeur et celle d'une somme de
cosinus à leur produit, dans les formules précédentes,
donneront :
dô nil <j> -*-l — A -+- O y -♦- 1 4- A — O )
— = { cos h cos
dt '■Il 2 2 i
(2) ;
d^ nii , a-i-I — A-t-0 . f -H 1 -f- A — ©j
— sinô— -= — sm --t-sin— — — -
dt "I { 2 2
L'intégration donnerait lieu, comme on le voit immé-
diatement, à des termes d'une période bidiurne.
Mais ces termes sont tellement faibles que l'astronomie
ne pourrait les déterminer séparément.
Nous devrons donc ici négliger, comme l'a fait Laplace,
le mouvement du soleil vis-à-vis du mouvement diurne;
et nous pourrons admettre de plus, pour la même raison,
que le premier de ces mouvements a une vitesse uniforme.
( 604 )
L'intégration donnera alors simplement
t( . «>-t-I — A-4-0 . ji-ï-I-f-A— O
Ae = {sm H sin
4| 2 2
i
(5) \ = — -sin(î)-t-l)cos( — A -f-o); et, de même,
— sineA-^ = — - 005(53 -♦-I)cos(—A-t-0).
D'où l'on tire, en appelant yj l'angle horaire de l'astre,
égal à t — a, et en faisant = L-f-f, L-4- I = M:
A^ = — - cos { — Ah- O) cos (M -4- >/),
cot(?Aa= â^^^( — A-4-0) sin (!Vl-4-iy) (*).
Dans le méridien, selon qu'il s'agit d'un passage supé-
rieur ou d'un passage inférieur, on a vj = 0 ou >? = 12 heu-
res ; et, par conséquent,
/ î
(S).
Ac? = ^ - cosM cos( — A-»-0),
cotJAa = =b -sin M cos( — A-*-0),
les signes supérieurs et inférieurs se rapportent aux pas-
sages de même nom.
Lorsque les latitudes sont déterminées au moyen des
déclinaisons observées, on voit qu'on pourra éliminer les
variations annuelles de latitude par la combinaison :
1° De deux observations pour lesquelles les longitudes
du Soleil diffèrent entre elles de 180°;
(*) L'omission au terme indépendant de tg S est voulue, comme
nous l'avons dit, {Annuaire pour 1893, p. 510.)
( 60.^ )
2° De deux observations faites à la même date en deux
lieux dont les longitudes diffèrent entre elles de 180°.
Cette variation annuelle de la latitude produit donc des
effets analogues à ceux de la nutation initiale, ce qui
résulte de ce que sa période est diurne, comme celle de
cette dernière.
Mais elle a, sur la nutation initiale, cet avantage pré-
cieux que, sa période étant exactement connue, on peut
éliminer cette variation par la combinaison de deux obser-
vations laites à six mois de dislance.
Les termes qui précèdent sont à ajouter à ceux que
nous avons développés dans une notice antérieure (*).
Dans le résumé qui suit, nous commencerons par repro-
duire les formules qui résultent de celles de Peters, si l'on
y substitue, comme nous avons démontré qu'il faut le faire
dans une intégration rigoureuse, au facteur j^, employé
uniformément dans tous ses termes, le facteur
et comme — sin6A<ï> intervient dans les formules de réduc-
tion plutôt que — A6, c'est celte première expression
dont nous donnerons la valeur numérique.
Indépendamment de celle modification exigée par la
rigueur, nous en introduirons une autre, fort avantageuse
en pratique : nous convertirons les longitudes moyennes
de la Lune, dont Peters a fait usage, en longitudes vraies,
en nous bornant à écrire
sin ^ sin ^_ sin sin
C= 2(r + o.ii (^4-r')-o.n (5f — r').
ces cos ces ces ^
(*) Annuaire pour 1893.
( 606 )
Nous nous sommes assuré que les termes en cos(3C,— F'),
qui ne sont pas négligeables dans les formules de Peters,
disparaissent ainsi presque entièrement, comme le font, du
reste, ceux en (3 0„ — T).
Les formules de Peters, ainsi modi-fiées, seront (1900)
Ao = 9.2'24cosQ — 0.090cos2Q-4-0.553cos20
-\- 0.009 CCS (O -♦- r) — 0.007 ces (2© — Q)
-+- 0.003 cos(30 — r) -+- 0.092 ces 2(;
-+-0.018cos(2C — Q).
(6) / — sineA^ = wl -t- 6.868 sinQ — 0.082 sin2Q -4- 0.508 sin 2©
— 0.051 sin(© — r) -♦- 0.008sin(o + r)
— 0.005 sin (2© — Q) -+- 0.002* sin (3© — r)
-t- 0.088 sin2C — 0.028 sin(C — r')
H- 0.01 56 sin (2C-Q)-*- 0.005 sin (C-t-r')
A ces formules, qui se rapportent au pôle ou à l'équa-
teur géographique, nous avons encore à ajouter celles de
la nutation initiale, de la nutation diurne et de la varia-
tion annuelle de la latitude.
Nous donnerons ces dernières directement en AK et en
déclinaison (*) :
(7)
àS = — ycos {il H-p+i}) — vsin(L'.
A + ©).
■+-fj) — vsin(L'
cos(M-i-ij) CCS
col ^Aa = y sin {it
2)ï)S, -4-vcos(L'-t-2i?)2i
2.})Sj — >'C0s(L'^-2.,)X,
sin(M-t-ij) cos (— A-4-©).
(*) Pour le calcul des deux premiers termes, voir V Annuaire
pour 1893, pp. 309-3 H.
( «07 )
Dans ces formules, y, v el i sonl les coefficients respec-
tifs de la nulation initiale, de la nutalion diurne et de la
variation annuelle de latitude, P = po -•- '^> Po ^^^^^ ""^
constante arbitraire, L la longitude orientale du premier
méridien par rapportai! lieu d'observation; L' = 2L ■+• a^
n = t — a,t désignant l'heure sidérale; M el A sont des
constantes; M == I -+- L variera, comme p, avec la longi-
tude de l'observatoire; S, el S.2 sont des fonctions dont
nous avons donné antérieurement les expressions en longi-
tudes vraies.
A ces termes, nous ajouterons encore les expressions
que nous avons trouvées de ceux du second ordre, prove-
nant, soil de la nutation, soit de l'aberration, soit de leur
combinaison, soil enfin de la combinaison de l'aberration
annuelle et de l'aberration systématique (*).
Au moyen de ce dernier terme, nous avons pu déduire
des hauteurs du pôle observées par Gyidén à Pouikova, la
direction {A\ = 277°) et la vitesse (double de celle de la
Terre) du système solaire (**).
C'est la première lois que ces quantités sonl détermi-
nées directement par le calcul.
Nous représentons par A„a, A„ô la réduction au lieu vrai,
par A«, A5 lescoefficienlspériodiquesdela réduction au lieu
apparent due à l'aberration annuelle, par Aa = A„a-t-/cAa,
A8 = A„5 + kXs les termes du premier ordre delà réduc-
tion complète au lieu apparent; ceux du second ordre
(*) Nous avons donné ces expressions dans notre Traité des réduc-
tions stellaircs, el sommes parvenu depuis lors à les mettre sous une
forme plus simple.
(**) BiiU. de l'Acad, roy. de Belgique, 1895.
( 608 )
seront
A*(y= — icot(?(Aaf-t-A: cosOAâ— |sin2Jcos*<y(A^a)'.
A*jc=- (i— ico.sV)AaA(î— tg(îcot0A/i.
sin2(î
Les termes périodiques de l'aberralion systématique
sont, si l'on désigne par h! sa constante réduite (à l'équa-
teur), par A' VM de l'Apex :
!A'§ = /:'sin(Jsin(A' — a)A|j,.
r 2 I
a; = k'sec§ cos(A' — a) A ^— ; sin (A' — a) Aj
I sinJo J
Les formules (6), (7), (8) représentent, comme nous
l'avons fait remarquer dans l'article cité (*), le mouvement
du ciel par rapport à Véquateur géographique considéré
comme fixe; et leur application à de bonnes observations
confirmera cette fixité.
Maintenant que nous avons prouvé la variabilité même
du pôle d'inertie, qui était considéré comme le centre du
mouvement du pôle instantané, nous pouvons répéter, avec
plus de confiance encore, les lignes qui terminent cet
article; nous y substituerons seulement le nombre trois au
nombre deux, dans la mention des nutalions à courte
période, en considérant comme telle dans les formules,
conformément à la remarque que nous en avons faite, la
variation annuelle du pôle d'inertie :
« On a vu que la théorie rigoureuse de la nutation
(*) vc/miuaiVe pour 1893, p, 307.
( 609 )
n exige impérieusement que l'on prenne le pôle géogra-
» phique comme point de référence, et que, par suite, on
» ajoute aux formules habituellement employées par les
» astronomes les trois nutations à courte période.
» Après avoir lu ces quelques pages, les astronomes-
» géomètres se demanderont, non sans un certain éton-
» nement, comment ils ont pu se laisser entraîner, par
» Oppoizer, à perdre de vue la saine interprétation que
» nous venons de donner des formules d'Euler et de
» Laplace, et à substituer en conséquence la notion com-
» pliquée du pôle astronomique, dont on n'est pas en
» mesure de fixer la position, à la notion simple et bien
» définie du pôle géographique. »
Il y a dans les formules (7) et (8) bien des inconnues,
sans nous occuper de celles qu'il y aurait à introduire
dans les formules (6), où les coefficients des termes dépen-
dant des longitudes du Soleil et de la Lune devront être
modifiés à raison de la fluidité intérieure du globe, ni de
la correction inévitable de la constanle de l'aberration,
dans le calcul de laquelle il n'a pas encore été tenu
compte ni des trois nutations à courte période (7), ni de
l'aberration systématique (8).
Quant à la nutalion initiale et à la variation annuelle
du pôle d'inertie, nous répéterons ce que nous avons
dit de la première et confirmé par les applications : c'est
qu'on les déterminera, en éliminant toutes les autres
corrections, par l'observation de passages supérieurs
et inférieurs consécutifs.
Pour la nutation diurne, il faudrait surtout pouvoir
observer, à six heures d'intervalle, des étoiles distantes de
quelques minutes seulement du pôle.
Nous laisserons celle-ci provisoirement de côté; elle
3"" SÉRIE, TOME XXVI. 40
( (îiO )
est, pensons-nous, moins considérable que les deux
autres, et, surtout, elle touche de beaucoup moins près à
la grande question à l'ordre du jour : celle des variations
de latitude.
Occupons-nous donc spécialement des termes suivants
de la formule (7) :
(9) Aâ = — r cos (/< -f- (3 -+- n) — - cos (M -+- n) cos (A -t- ©),
(10) colc?Aa= r^in('/-+-(3-H") -+--sin(M-f-w)cos(Â-+-0),
et plus particulièrement de la formule (9), qui se rapporte
au mode d'observation le plus usité pour la détermination
des latitudes, et qui s'écrira pour le passage supérieur,
observé dans ce mode :
(M) A^= — r cos(/f-4- p) — -cosMcosf— A h- O).
Cette formule renferme cinq inconnues, y, v, t., (3, /cos M
et A; y, i et A sont constantes pour tous les observatoires,
à la condition de faire varier A de 480° pour l'hémisphère
austral; ^ augmentera de 1° par degré de longitude occi-
dentale; M de même, et, par suite, i cos M variera d'un
observatoire à l'autre.
t est égal à Y» T étant la période de la nutation ini-
tiale.
Nous venons de la déterminer aussi exactement que
possible par les observations, de même que l'angle Ç>; le
nombre des inconnues se réduirait ainsi à trois, parmi
lesquelles l'une, A, ne tardera pas à être connue. Il ne
restera plus alors que les inconnues y et /cos M. Encore
( ()M )
pourra-t-on éliminer celle dernière par la combinaison de
couples d'observations faites à six mois d'intervalle.
Il sera intéressant toutefois de la déterminer dans plu-
sieurs observatoires différant entre eux en longitude de
une à six heures, ou davantage; on pourra ainsi lixer
approximativement la position du méridien d'inertie, sur
lequel les variations annuelles de latitude seront un maxi-
mum (positif on négatif), tandis qu'elles seront nulles sur
le méridien perpendiculaire à ce dernier.
Il va de soi, comme nous l'avons fait remarquer, que
ces variations annuelles, comme celles qui proviennent de
la nutalion initiale, sont égales et de signes contraires sur
deux méridiens opposés, puisque (3 et M)? diffèrent de 180";
celle déduction a été, on le sail, parfaitement confirmée
par les déterminations simultanées de latitude qui ont été
effectuées à Berlin et à Honolulu.
Cherchons la formule complète de réduction de ces
observations, abstraction faite toutefois des erreurs pro-
bables que nous avons signalées dans la réduction au lieu
apparent, que nous supposerons correcte.
La formule (H) s'écrira, en appelant <ï> la hauteur du
pôle géographique, z la distance zénithale observée, et
en posant y sin (3 = u, y cos (3 = y, ^ cos M sin A == r,
2 cos M cos A = s, £ -J- 0 = <î)„ qu'on appelle la latilude
astronomique ••
(12) <i) == <^„ + usinit — vcos/t — rsinO — .scosQ-
Si nous faisons <ï)„ = 4)^ h- «, <^ = ^^ ^ z, nous
obtiendrons
0 == ;} -+- M sin/? — fcos/f — rsin© — s cos© — z,
équation à cinq inconnues, en admettant que t soit connu.
( 612 )
Si |3 l'est aussi, le nombre des inconnues se réduira à
quatre, et l'on aura (11)
(j5) 0 = n — rco^i't + P) — rsin© — scos© — z.
Quand A sera aussi connu, en posant ^ cos M = /i, on
aura simplement
(i4) c = n — y cos(<f -t- p) — //cos( — A -t- ©).
Telle est la forme simple que l'on pourra bientôt donner
à l'expression des variations de latitude.
Comme il a été dit, toutes nos formules se rapportent
au pôle ou à l'équateur géographique.
On aura remarqué l'importance que nous attachons à ce
point.
Et on la comprendra aisément si l'on songe que, seul, le
pôle géographique permet de définir un méridien fixe, et
que de cette fixité dépend la détermination correcte de
l'heure et de l'ascension droite.
Aussi l'une des premières nécessités d'un observatoire
où l'on veut déterminer avec précision les AX, est-elle une
bonne mire très stable, dont on puisse considérer l'azimut
comme absolument constant.
Ce procédé est beaucoup plus sûr que celui qui consiste
à déterminer l'azimut de la mire par des observations de
la polaire, puisqu'on ne possède pas de formules correctes
pour leur réduction : la variation annuelle du pôle, la
nutation diurne, l'aberration systématique, la correction
indubitable de la constante de l'aberration, autant de
quantités qui n'entrent pas dans ces formules et qui
doivent y entrer, comme nous venons de le démontrer.
(615)
Nous ne parlons pas de |la nulation initiale, puisque les
astronomes prennent le pôle astronomique pour point de
référence. Mais à quel prix, nous l'avons dit : au prix
d'une détermination incorrecte de l'heure, puisque le pôle
instantané ne détermine pas un méridien fixe.
Aussi, tandis que nous avons pu effectuer une détermi-
nation très exacte de la nutation initiale en utilisant les
observations de la polaire à Dorpat, où F.-W. Struve a
certainement fait usage d'un méridien fixe, n'avons-nous
rien pu tirer à cet égard des observations de Pouikova, où
l'on déduit l'azimut de la mire des observations journa-
lières, en négligeant la nulation initiale, c'est-à-dire en
prenant pour point de référence le pôle instantané.
CONCLUSION.
Pour déterminer exactement l'heure et pour avoir des
formules de réduction absolument correctes, il faut en
revenir au pôle géographique et aux formules de Laplace,
qui sont aussi celles de Poisson, Peters, Serret et Tisse-
rand, complétées par les termes dont nous avons donné
ci-dessus les expressions (7) et (8).
Et le premier soin de l'astronome doit être la détermi-
nation des constantes qui entrent dans celles-ci.
C'est seulement quand ces constantes seront assez
exactement connues qu'on pourra décider si le pôle géogra-
phique est sujet à des variations séculaires, comme croit
l'avoir établi Fergila, l'un des promoteurs des recherches
sur les variations de latitude, et si l'écorce terrestre est
plastique, comme le pensent W. Thomson et G. Darwin.
( 614
Bolides remarquables dans la nuit du 6 au 7 novembre i893 ;
par F. Folie, membre de TAcadémie.
Dans la nuit du 6 au 7 de ce mois, j'ai aperçu à Uccle,
vers W '/2 heures, un très beau bolide descendant verli-
calementau travers du carré de Pégase.
Je n'en aurais pas entretenu l'Académie, si je n'avais
reçu, peu de jours après, une lettre du baron Fallon, habi-
tant le château de Roumonl, près Baconfoy, lettre dans
laquelle il me signalait plusieurs bolides aperçus dans la
même nuit : l'un à 2 heures du matin, dans la Grande
Ourse; un autre à 2''55'", entre les deux Ourses; un troi-
sième à 4 heures du malin, près de l'étoile polaire; le
bruit de la détonation de ce dernier était très perceptible,
et, au même instant, le bolide s'est dispersé en étincelles.
Deux d'entre eux étaient assez brillants pour éclairer
tous les environs.
Un grand nombre d'étoiles filantes ont été vues égale-
ment la même nuit.
Comme la date du 6 au 7 n'est pas mentionnée parmi
celles qui ont été signalées comme remarquables par leurs
bolides, j'ai cru utile de publier ces observations fort
intéressantes.
Je mentionnerai également une observation du même
genre, faite le 30 octobre par M. Pascal Lohest, à Ouffel.
Il a vu, malgré le temps pluvieux, une lueur qui n'a
duré que quelques secondes, dans la direction du nord;
elle était probablement produite par un bolide d'un vif
éclat.
(6IS)
Recherches sur les composés monocarbonés;
par Louis Henry, membre de l'Académie.
VI. — Action des hydracides halogènes sur le mélhanal.
Le mélhanal H2C = 0, comme tel ou en solution
aqueuse, à l'état d'hydrate H^C-IOHja, représente une
base métallique, mais une base faible, l'hydrogène seul
communiquant au carbone du groupement W2e//j?//è«e HoG <
le caractère positif. Les hydracides halogènes doivent, par
conséquent, réagir sur ces composés comme sur les oxydes
et les hydroxydes métalliques basiques, avec toute la diffé-
rence qu'il y a entre une base faible et une base forte.
Je trouve dans l'action de l'acide bromhydrique sur ces
combinaisons le type de ce genre de réaction.
Je regrette de n'avoir pas été à même d'examiner l'ac-
tion de HBr sur le mélhanal lui-même. J'ai mis en expé-
rience son polymère, l'oxy-mélhylène (H2C = 0)„ et la
sohilion de CH2 = 0 dans l'eau ("), qui équivaut à l'hydro-
xyde H^G - (OHJa.
A. Oxyméthylène. — On lait arriver de l'acide brom-
hydrique gazeux et sec sur de l'oxymélhylène, placé dans
un ballon à fond plat.
L'absorption est aisée et s'accompagne d'un notable
dégagement de chaleur. L'oxymélhylène disparaît succes-
[*) De 40 o/o de Mercklin et Losekann.
(616)
sivemenl et se transforme en un liquide lourd, de couleur
rougeâtre,que surmonte une couche aqueuse, d'eau saturée
d'acide HBr.
Le produit de la réaction est de l'oxyde de mélhyle
HaC - Br
bibromé symétrique > 0 .
H2C - Br
2 H^C = 0 + 2HBr = 11,0 + {HJC)^OBr^.
Le rendement peut être regardé comme intégral :
50 grammes d'oxyméthylène,soit une molécule-gramme de
mélhanal H2G = 0, m'ont fourni HO grammes de produit
chargé d'acide HBr; la théorie en demande 102.
On agite le produit brut avec quelques fragments de
carbonate potassique calciné pour le débarrasser à la fois
de l'eau et de l'acide bromhydrique, et on le soumet à la
distillation qui le fournit à l'état de pureté dès la preujière
rectification.
H2C - Br
Uoxu-bi-bromure de méthylène > O ou Voxyde de
^ ^ H^C-Br
mélhyle bibromé symétrique (') constitue un liquide inco-
lore, d'une odeur piquante, d'une saveur piquante et dou-
ceâtre.
Sa densité à 20" est égale à 2,2015. Il bout, sons la
(*) Voxyde de mélhyle bibromé symétrique figure déjà dans le
grand Traité de Beilstein (3" édition), t. I, p. 293, comme ayant été
obtenu, à l'aide de la réaction que je viens d'indiquer, par un chi-
miste russe, M. Tischtschenko. On n'y indique que son point d'ébul-
lition: liS'S à Ibl-S.
Je ne connais ce travail, publié en russe, que par cette indication
sommaire.
(617 )
pression de 756 millimètres, fixe à 154"-155", loule la
colonne mercurieile dans la vapeur.
Refroidi dans un mélange de neige carbonique et d'élher,
il se congèle vers — SSMO" el se prend en une masse
cristalline, blanche, feuilletée, fusible à — 34% très dure.
Sa densité de vapeur a été trouvée égale à 6,90.
Substance Oe%i708
Pression baroinrtrique 707"""
Mercure soulevé 547"™
Tension de la vapeur 21'0™™
Volume de la vapeur 90",6
Température 100°
La densité calculée est 7,04.
I/oxy-bromure de méthylène est insoluble dans l'eau au
fond de laquel'i il tombe; il s'y détruit dès la température
ordinaire, lentement, en se dissolvant et en donnant de
l'acide bromhydrique et du méthanal.
Avec les alcools, il réagit énergiquement; avec l'alcool
mélhylique, il fournil du mélhylal.
Sa réaction avec le phénol, stimulée par un léger échauf-
femenl, est d'une violence extrême : il se dégage abon-
damment de l'acide bromhydrique, et l'on obtient une
masse solide, très dure, rougeâtre.
L'oxy-bromure de méthylène est insoluble dans l'acide
sulfurique H.2SO4, au fond duquel il tombe; il y reste de
plus inaKaqué, du moins à la température ordinaire. On
sait avec quelle facilité les élhers simples, et notamment
H C
uV>0» sonl absorbés et dissous dans l'acide sulfurique;
cette propriété a disparu totalement dans le dérivé bi-
bromé de ce composé.
(6t8)
L'analyse de ce produit a donné les résultats suivants :
I. 0^',5216 de substance, chauffés avec de l'eau, au bain
d'eau, en vase clos, ont fourni 0«',5925 de bromure d'ar-
gent.
II. O^'.SIOO de substance, dans les mêmes conditions,
ont fourni 0^',9406 de bromure argenlique.
Ces chiffres correspondent à
Trouvé o/o.
I. II.
Calculé o/o.
78,40 78,47
78,45
Br . . . .
Une remarque au sujet de ce composé, quant à la vola-
tilité :
Il y a une correspondance parfaite en ce qui concerne
la volatilité entre l'oxyde de méihyle d'une part et ses
dérivés chlorés et bromes, mono- et bi-substitués; d'autre
part, entre ces dérivés chlorés et bromes eux-mêmes.
||»C>0 Éb.-23-> iW>0Éb.-23.y
)83"v )l08"\
\43°/ \ 70'/
CHsCI-Sd» Œ^Bv + i'
Différence + 27°
•^'J;!!; > 0 60. '"■™'>0 85.-87-
Différence + 23° — 27°
C,c,i^>0 lO.» BrCH;>^ ^^^
Différence 52» ou 20° X 2.
( «19 )
B. Ihjdroxyde de mélhijlène U^C - (OHja- — Dans la
solulion aqueuse du mélhanal — à 40 "K — maintenue
dans un mélange réfrigérant de sulfate sodique et d'acide
chlorhydrique, on lait arriver jusqu'à saturation de l'acide
biomhydrique gazeux. Le liquide devient rougeâtre et il
s'y forme une couche inférieure d'un produit plus dense et
insoluble. Celui-ci représente le produit de la réaction de
l'acide bromhydrique sur l'bydroxyde de méthylène
H,C - (0H)„ + HBr = H,C < g " + 11,0.
Il n'en reste que peu dissous dans la couche aqueuse
saturée d'acide bromhydrique; de 100 grammes de solu-
lion aldéhydique, j'en ai recueilli 120 grammes, au lieu
de 148 qui représentent le rendement théorique; cela
équivaut à 81 "/o-
La solution aldéhydique nécessite d'ailleurs une énorme
quantité de gaz bromhydrique pour être saturée; 100 gr.
en absorbent 220 grammes, dont une grosse moitié, soit
112 grammes, se fixe sur l'eau.
L'analyse de ce produit a donné les résultats suivants :
\. 0^',3286 de produit (*), après avoir été chauffés avec
de l'eau en tube scellé, ont fourni 0«',6320 de bromure
d'argent.
IL 0^9321 de subslancp,dans Us mêmes circonstances,
ont fourni 0^',5471 de bromure argentique.
Ces chiffres correspondent à
Br
Trouvé o/o.
1. ^^" IL
Calculé »/<
72,5f. 7-2,28
72,07
(*) Il s'agit. du produit tel qu'on le retire directement de la solu-
tion du méthanal, après saturation par l'acide bromhydrique.
( 620 )
J'appellerai provisoirement ce corps Vhydroxy-bromure
de méthylène.
V! Iiydroxy -bromure de méthylène constitue un liquide
incolore, mais jaunissant rapidement à l'air et à la lumière,
d'une forte odeur piquante et répandant dans l'air ordi-
naire des fumées d'acide bromhydrique.
Sa densité à 12°,5 est égale à 1,92U.
Refroidi dans un mélange réfrigérant de neige carbo-
nique et d'étlier, il se congèle vers -72" en une masse
solide, microcrislalline.
il est insoluble dans l'eau, au fond de laquelle il tombe
et où il disparait, à la longue, dès la température ordi-
naire.
Ce corps présente peu de stabilité. Abandonné dans un
exsiccateur, sur de la chaux vive, dès la température
ordinaire, il disparaît en laissant un résidu solide de
méthanal polymérisé.
Soumis à l'action de la chaleur, sous la pression ordi-
naire, il se décompose rapidement. Dès 20°, il se dégage
de l'acide bromhydrique abondamment; la plus grande
partie du liquide passe de 14.0" à i55°. Ce produit n'est
autre chose que le composé précédent, Voxy-bromtire de
méthylène {H^Q^OBro. On y a trouvé 79,01 7o de brome,
au lieu de 78,43 7o> que deujande la formule. L'hydroxy-
bromure de méthylène renfermant les éléments de HgC = 0
et de HBr, composés dans lesquels la chaleur le dédouble
virtuellement, on s'explique aisément la formation de ce
produit méthylénique condensé.
Ce composé est incompatible avec l'eau; au contact de
ce liquide, au fond duquel il tombe, il se décompose rapi-
dement en acide bromhydrique et en méthanal.
Sa réaction sur les alcools présente un intérêt parti-
( 621 )
culier. Avec une quantité d'alcool suffisante, sous Taclion
d'une faible chaleur, elle aboutit linalemenl à donner de
l'eau, le bromure du radical de l'alcool réagissant et le
mélhylal correspondant :
H,C < ^f + 3[nO(CJI,„+,)] = ^"^O + C.,H2„+,Bi-
+ II,C = {OC„H,„+.V
Cette réaction est d'autant plus vive que le poids molé-
culaire de l'alcool est plus faible.
Elle est à son maximum d'intensité avec l'alcool méthy-
lique; les deux liquides commencent par se dissoudre l'un
dans l'autre; leur réaction s'établit déjà à froid ; le mélange
s'échauffe et se met à bouillir. Le refroidissement le sépare
en deux couches. L'eau en précipite provisoirement un
liquide piquant, plus dense et insoluble,qui n'est autre que
orFî
H2C< g ^; en même temps il se dégage du gaz CHsBr.
Par une ébullilion quelque peu prolongée de la masse, il
ne se forme, outre ce bromure méthylique,que du méthy-
lal H2C={0CH3)2, si aisément reconnaissable par son
pointd'ébullition,42°,et son insolubilité dans l'eau chargée
de CaCla-
J'ai encore essayé les alcools éthylique, propylique et
isobulylique. Avec celui-ci, la réaction ne s'accomplit que
sous le secours de la chaleur.
Quoi qu'il en soit, celte réaction présente deux phases
successives :
a. Dans la première, il se forme un élher mélhylique
mixte monobromé et de l'eau :
n,c < ^l^ + Hoc„H,„,. = H.C < g^^""-+' + ii.o.
( 622 )
L'hydroxy-bromure de méthylène se comporte dans celle
circonstance comme un véritable acide (*).
b. Dans la seconde phase, la réaction s'établit entre cet
éther monobromé et l'alcool présent pour former du mé-
Ihylal en même temps qu'un éther bromhydrique par la
réaction de l'acide HBr sur l'alcool :
Ces phénomènes se constatent aisément dans la réaction
de ce composé sur l'alcool propylique primaire. J'ai
mélangé 30 grammes d'hydroxy-bromure de méthylène avec
20 grammes d'alcool propylique; ce sont des quantités à
peu près équimoléculaires. Les deux liquides se dissolvent
l'un dans l'autre en s'échauffant modérément. Ils ont été
chauffés au bain d'eau, pendant quelque temps, dans un
appareil à reflux. Par le refroidissement, le liquide se
sépare en deux couches, dont l'inférieure est la plus con-
sidérable. La supérieure se constitue en partie d'eau.
Soumise à la distillation, l'inférieure passe en grande partie
à iSo" sous la pression ordinaire. C'est de l'oxyde de
Br
propyle et de méthyle monobromé H2C<qj^ jj mélangé
d'une certaine quantité de méthylal bi-propylique HaC -
(OC3H7),.
L'analyse de ce produit, que la constance de son point
(*) C'est évidemment ainsi que se forme l'cther mclhyliquc mono-
bromé H2C<QQ[^_ dans la réaction de l'acide HBr sur le méthanal en
solution aqueuse en présence de l'alcool mclhyliquc. Voir ma notice,
Bulletins, etc., t. XXV, 3« série, p. 443, 1893.
( 623 )
d'ébullilion (135°) aurait pu faire regarder comme un
composé défini, a fourni les résultats suivants :
I. 0^'^,2588 ont donné, après avoir été chauffés avec de
l'eau en tubes scellés, 0^%2470de bromure d'argent.
II. 0*',5204 du même produit, dans les mêmes condi-
tions, ont donné O^"", 3216 de bromure d'argent.
Ces chiffres correspondent à la composition centésimale
suivante :
I. II.
Bro/o 40,74 41,30
Le bromure de méthylène oxy-propylique HoG <r\r ri
renferme 52,28 "/o de brome.
Un mélange formé de trois molécules de ce composé
avec une molécule de méthylal bi-propylique
OQH./s ' ^ OC3H,
répond à 40, 60 "/o de brome.
Chauffé dans un appareil à reflux avec de l'alcool pro-
pylique, ce mélange se transforme en bromure de pro-
pyle et métliylal bi-propyliqiie. Ce sont les deux seuls
composés que l'on obtient en chauffant un mélange
d'hydroxy-bromure de méthylène et d'alcool propylique
en excès, au moins trois molécules. Le bromure de pro-
pyle bout à 70°; le méthylal bi-propylique, à 137°; celte
différence de volatilité, jointe à l'insolubilité du premier
de ces composés dans l'acide sulfurique qui absorbe aisé-
ment le second, permet de les séparer aisément.
L'action de l'alcool éthylique sur CHalOHjBr est ana-
logue à celle de l'alcool propylique, mait plus vive. Dès
( 624 )
la température ordinaire, le mélange équimoléculaire des
deux composés, d'abord homogène, se sépare à la longue
en deux couches : l'inférieure, la plus considérable, est un
mélange de H2C<q[.jj^ éb. vers + 105° et de mélhy-
lal bi-élhylique H2C=(OC2H2) -éb.+ ST"; la supérieure
est surtout constituée par de l'eau.
L'hydroxy-bromure de méthylène est insoluble dans
l'acide sulfurique, au fond duquel il tombe; il s'en sépare
inaitaqué, du moins à la température ordinaire. Dans le
produit qui avait été agité avec de l'acide sulfurique, et qui
était devenu rouseâlre et légèrement fumant, on a trouvé
OH
72,18 °lo de brome. La formule H2C<jjj, en demande
72,07 "/o.
Ce produit renferme les éléments du méthanal et de
l'acide bromhydrique, H2OO + HBr. Quelle en est, en
réalité, la signification chimique?
Est-ce une combinaison moléculaire, un bromhydrale
d'oxyde de méthylène analogue au composé que forme
l'acide HCl en s'ajoutant à l'oxyde de méthyle, com-
posé décrit par M. Friedel (*)? Ou bien est-ce une véritable
combinaison chimique atomique, l'hydroxy-bromure de
méthylène, c'est-à-dire l'alcool mélhylique mono-bromé
"2C<oH-
Je ferai remarquer avant tout qu'il ne peut y avoir de
doute sur la nature du produit qui résulte de l'action de
l'acide HBr sur l'oxy-méthylène (H C = 0)^.
(*) Bulletins de la Société chimique de Paris, t. XXIV, pp. ICO el
241 (1875).
( 6-28 )
Ce corps, quoique produit d'une réaction imparfaite
(le HBrsur (H2C = 0)„, est bien une combinaison cbimique
atomique; le fait est trop évident pour s'arrêter à le
démontrer. Cela étant, et tenant compte en même temps
de la différence d'aptitude réaclionnelle qui existe entre
les aldébydes et leurs polymères, dans le cas présent
entre H2C = 0aq et les polymères du niélhanal, on ne
peut admettre que le produit de l'action de HBr sur
HjC =-- 0 aq soit une combinaison moléculaire HoC = 0,
HBr, un produit de juxtaposition, alors que celui qui
résulte de l'action de ce même agent sur l'oxy-mclbylène
est un produit de réaction, une combinaison cbimique
proprement dite.
Le composé que je viens de décrire représente, à mon
sens, une véritable espèce cbimique, l'bydroxy-bromure de
méthylène ou Valcool mél/njlique monobrome H2C<r^„.
Le voisinage du brome détermine dans l'bydroxyle -OH
une modification profonde: d'alcool qu'il est dansHsC-OH,
il devient ici acide; j'ai montré le caractère étliéritiant de
ce com|)osé sur les alcools; c'est un nouvel et intéressant
exemple de la soliclarilé fonctionnelle dans les composés
carbonés. Le radical mélbyle H3C, de positif qu'il est
comme tel, devient négatif à la suite du remplacement
de H par Br, 1 en poids par 80; entre l'alcool méthylique
et son dérivé monobromé, il y a au fond les mêmes diffé-
rences qu'entre la soude ou la potasse caustique et l'acide
hypochloreux, qu'entre l'alcool méthylique et l'acide
forraique.
II5C - OH
K - OH
HOC - OH
CI -OH.
l.BrC - OH
3°" SÉRIE, TOME XXVI. 4i
( 6:26 )
Je dois faire remarquer loulefois que ce composé, que
j'assimile à l'alcool mélhylique monobromé, manifeste vis-
à-vis de certains réactifs auxquels les composés hydroxylés
sont en général fort sensibles, une véritable inertie, du
moins dès la température ordinaire; ainsi en est-il de
l'acide sulfurique concentré, du chlorure d'acétyle, du
tribromure et du pentachlorure de phosphore.
On est habitué à regarder comme incompatible vis-
à-vis du même atome de carbone la présence des corps
halogènes et de Thydroxyle - OH, J'avoue que ce principe,
auquel il serait fait ici une exception, me gêne peu; le
radical méthylène H2C< renfermant deux atomes d'hydro-
gène est le plus positif de tous les radicaux hydrocarbonés
polyatomiques, et en cette qualité est susceptible de retenir
plus fortement que tout autre les deux radicaux OH et Br;
ceux-ci, d'ailleurs, n'y tiennent qu'avec une force relative-
ment faible, puisque la chaleur détruit si aisément ce
système
II,C< pJ/ = H,C = 0 + nBr,
pour le ramener à son générateur HaC^O et HBr. Il en
serait ici comme des hydroxyles multiples qui, dans cer-
taines circonstances de composition, notamment dans le
voisinage de radicaux négatifs accumulés, sont retenus
d'une manière stable, du moins à la température ordi-
naire, sur le même atome de carbone. Exemples : djC
-CH(OH)2;(OH)3C-C(OH)5;etc.
Ces incompatibilités de (OH) et Br, CI, etc., de OH et OH
ne constituent que des principes d'une vérité relative; les
élever plus haut est, à mon sens, sortir de la vérité des
faits.
( 027 )
Je ne voudrais cependant pas leur enlever loul crédit,
comme je l'ai fait autrefois au pseudo-principe de Timpos-
sihilité de maintenir fixés sur le même atome de carbone
deux groupements CAz.
La responsabilité de ce prétendu principe me paraît
devoir être attribuée à M. Ad. Ciaus, qui est néanmoins un
chimiste de grand mérite. Voici ce qu'on lit dans un de ses
mémoires (Licbig''s Annalen der Chemie, t. CXCI, p. 34-,
1878) :
Œ Die in den folgcnden Aufsâtzen beschriebenen Unter-
» suchungen baben raich zu der Ueberzeugung gefiihrt,
» esalseinealIgemeingultigeCesetzmassigkeitanzusehen,
» dass nicbl mchr als eine Cyangruppe an dasselbe Koiilen-
» stoffatom angelagert werden kann und dass in den
» Fallen, in denen, sei es auf den Wege der Substitution
» sei es aul" deiu der Addition, eine Ankettung mebrerer
» Cyangruppen an das niimiiche KohlenstolTatom ver-
» sucbl vvird, enlweder eine Umiagerung im Moleciil,
» oder ein Zerfall des Moleciils, oder auch unler bestimm-
» len Umstànden gar keine Reaction einlritl. »
De là, cette proposition a passé dans des livres classiques.
Voici ce que je lis dans l'ouvrage, excellent d'ailleurs,
de M. Laubenbeimer, Grundzuge der organischen Chemie
(1884):
a Es isl sehr bemerkensvverth dass es nicbt gelingl,
B mebr als eine Cyangruppe mit demselben Kohlen-
» stoffatom zu verbinden und dass in den Fallen, in
» denen, eine Ankettung melirerer Cyangruppen an das
D nâmiicbe KobienstofTatom versuciit wird, enlvveder eine
» Umiagerung im Molekiil, oder ein Zerfall des IMolekiiles,
» oder gar keine Réaction. So giebt z. R. Aetbyliden
( 628 )
» Chlorid CH5-CHCI2 bei Einwirkung von Cyankalium
» das Nilril der Bernsleinsàure das Aelhylen Cyanid
CH2-CIV
I . »
En 1886, j'ai fait connaître le bicijanure de méthylène
H2C<pij ou dinUrile maloniqiie {'). Par là même était
démontrée expérimentalement la fausseté de cette soi-
disant loi. Un peu plus tard, mon fils, M. Paul Henry, a
fait connaître divers dinitriles et notamment le dinilrile
isosuccinique CH3-CH < ^u ou bicyanure d'élhylidène{*').
Les erreurs sont difficiles à extirper; il est étrange et
regrettable de voir figurer encore celte proposition dans
des ouvrages récents du plus grand mérite, et notamment
dans Die Syntheiischen Darstellungs McUtoden der Kohlen-
stoffverbindungen de K. EIbs, tome I, p. 152 (année 1889),
et dans la troisième édition du grand Trailé de Chimie
organique de Beilstein, tome I, p. So.
J'examinerai dans une prochaine communication l'action
des acides chlorhydrique et iodbydrique sur le méthanal.
(') Comptes rendus, t. Cil, p. ISDl.
('*) Bull, de l'Acad. roy. des sciences de Belgique, t, XVIII, 3« série,
1889. — Paul Henrv, Sur quelques dérivés du nitrilc malonique,
pp. 670 et suivantes.
( 629
Sur l'ordre de substitution de r/iydrogène par le chlore
dans l'oxyde de mét/iyle et le méthylal; par A. De Sonay,
assistant au laboratoire de chimie générale de l'Univer-
sité de Louvain.
En 1836, Malagnli entreprit l'éttide de l'action du
H ('
chlore sur l'éther mélhylique simple uY^OO- Les expé-
riences qu'il (it dans ce but restèrent sans résultat,
l'appareil dont il se servit ayant fait explosion.
Regnault reprit ce travail en i859(**), afin de voir si
tout l'hydrogène de cet éther peut élre remplacé par du
chlore. A cet elTel, il fit arriver avec précaution dans un
grand ballon deux courants bien secs, l'un de chlore,
l'autre d'éther méthylique. Il obtint ainsi le dérivé
bichloré C2H4CI2O et le tétrachloré C2H2CI4O.
En 1877, M. Friedel (*'*) lit connaître le dérivé mono-
substitué C2H5CIO.
A l'invitation de M. le professeur Louis Henry, j'ai exa-
miné l'action du chlore sur l'éther méthylique, et je me
suis efforcé d'en compléter la série de chloruration.
En même temps, j'ai entrepris de rechercher l'action du
chlore sur le méthylal : H2C <r\rv['
iMalaguti, en étudiant le forméthylal ('"), fît agir le
chlore sur le méthylal; il n'en obtint aucun dérivé de
(*) Annales de chimie et de physique, t. LXX, 1859, p. 579.
(••) Ibid., t. LXX, p. 590.
("*) Comptes rendus, t. LXXXIV, p. 248.
(") Annales de chimie et de physique, t. LXX, p. 390.
( 630 )
subslilulion, el conclut à la décomposition de ce corps en
acide foiinique et sesquiciilorure de carbone, par l'action
du chlore.
Mes recherches sur le mélhylal ont été fructueuses; j'ai
déjà obtenu les deux premiers dérivés chlorés de ce com-
posé : le méthylal monochloré et le mélhylal bichloré.
PREMIÈRE PARTIE.
Dérivés chlorls de l'éther méthylique 0<^rT^.
LH3
J'ai pris comme point de départ l'élher méthylique
raonochloré 0< ru'^ obtenu tout d'abord par M. Friedel.
Je l'ai préparé, par la méthode indiquée par M. Louis
Henry (*), c'est-à-dire en saturant d'acide chlorhydrique
gazeux et sec un mélange d'alcool mélhyli(iue et d'aldé-
hyde rormi(]uo en solution aqueuse (**), renCermé dans un
vase plongeant dans un mélange réfrigérant. L'opération
est très simple; l'élher méthylique monochloré vient sur-
nager; après décantation, il est distillé.
Le rendement de cette opération est très favorable : j'ai
toujours obtenu 80 7o environ de la quantité théorique
totale. En traitant le liquide résidu par du chlorure de
calcium en grande quantité, on parvient encore à extraire
une certaine quantité d'élher monochloré, ce qui porte à
85 7o le rendement final.
L'élher méthylique monochloré bout vers SS^-Gl". Sa
densité à 10"! est 1,0623.
(*) Extrait des Bull, de l'Acad. roi/, de Ddijique, o« série, t. XXV,
Ti»5, pp. 459-449 (1895).
{**) Solution aqueuse de 40 "/o de Mcrcklin et Lôsekann.
( 631 )
Cl
Action du chlore sur H2C<q^jj . — L'élher mélhy-
lique monochloré a été placé dans un ballon en communi-
cation avec un appareil à reflux; j'y ai fait arriver un cou-
rant lent de chlore sec.
Les phénomènes qui se passent alors sont analogues à
ceux observés par Malaguli (*) et par M. Louis Henry (**)
lors de la préparation de l'acétate de méthyle bichloré
n n
HC <n\r r\ cl monochloré UX <r „ n •
^CçjHsOa - C2H3U0
Au début, le chlore est entièrement absorbé et commu-
nique au liquide une teinte jaunâtre. Celui-ci ne larde pas
ù s'échauffer, distille et coule sur les parois du vase;
(le l'acide chlorhydrique se dégage en grande quantité.
J'avais d'abord opéré en exposant le ballon complètement
à la lumière directe et autant que possible au soleil; mais
dans ces conditions, la réaction est beaucoup trop vive et
détermine inévitablement l'explosion de l'appareil: c'est ce
qui m'est arrivé plusieurs fois au commencement de mes
recherches. Ces explosions sont accompagnées de particu-
larités assez intéressantes, me paraît-il, pour être relatées :
une flamme livide apparaît subitement dans le tube
adducteur du gaz, l'appareil se remplit en même temps
d'abondantes fumées blanches d'acide chlorhydrique et le
liquide esl presque chaque fois complètement décoloré.
Lors de la plus forte explosion qui soit survenue, il y
a eu carbonisation; le ballon s'est rempli de fumées noires,
et le liquide noirci s'est enflammé; en même temps, le
tube adducteur du chlore et le col du ballon se sont brisés
(■) Annales de chimie et de physique, t. LXX, p. 390.
(•*) Bulletin de l'Acwl. roy. de Belgique, 2« série, t. XXXV, p. 717.
( 632 )
el ont élé projetés violemment aux alentours. Pour éviter
ce désagrément, j'ai placé en avant du récipient un écran
afin d'intercepter les rayons directs du soleil; le liquide
s'échauiïe encore fortement, au point de devoir refroidir
le ballon en le plongeant dans un bain d'eau maintenue
froide.
J'ai fait passer du chlore pendant un temps assez long,
en ayant toujours soin de ne le laisser arriver que lente-
ment, bulle à bulle. Après en avoir arrêté le courant, j'ai
retiré insensiblement l'écran pour éviter l'accès subit de
la lumière qui décolore rapidement et complètement le
liquide resté jaune durant l'opération.
A divers moments de la réaction, j'ai pesé le ballon
renfermant le produit, dans l'intention d'arrêter la réac-
tion après le passage d'un atome-gramme de chlore; mais
après une légère augmentation de poids (10 grammes),
j'ai constaté dans les pesées suivantes une perte progres-
sive et très sensible, en rapport d'ailleurs avec la diminu-
tion du volume du liquide.
Ayant recueilli le gazqui se dégage,j'ai constatéqu'outre
l'acide chlorhydrique, il s'échappe encore, en grande
quantité, du chlorure de méthyle.
Le liquide ainsi obtenu est soumis à la distillation :
l'acide chlorhydrique est d'abord chassé, puis il passe une
certaine quantité d'éther raéthylique monochloré non
attaqué. Le thermomètre, après être resté stationnaire
vers 60°, monte rapidement jusque 90° et de là insensi-
blement jusque HO". Cette dernière portion est recueillie
el laissée quelques heures en contact avec du carbonate
de potassium calciné, pour la débarrasser de l'acide chlor-
hydrique qu'elle renferme.
Après quoi, le liquide est soumis à de nouvelles rectifi-
( 633 )
calions qui donnenl nnalemenl un produit bouillant
vers \0^°-\0'3°. A la (in de chaque distillation, le liquide
brunit, cliarbonnc et dégage de l'aldéhyde forraique, aisée
à reconnaître à son odeur piquante et au dépôt blanc que
son polvmère dépose à l'intérieur du tube réfrigérant.
Partant de H2C< q^jt , deux dérivés bichlorés peuvent
théoriquement s'obtenir suivant que l'hydrogène du frag-
ment CH, ou OCH3 est remplacé par le chlore, de façon à
avoir les éthers HC < ^^S^] ou 0 < ^fj^^] ^^K
Pour déterminer la nature du dérivé bichloré formé, je
me suis basé sur l'instabilité de ces corps en présence de
l'eau, et je suis parti de ce fait que a là où il y a le frag-
ment CH2, il y a formation d'aldéhyde formique; et là où
il y a le fragment CH, il y a formation d'acide formique. »
Le dérivé ([5) devait donc me donner de l'aldéhyde méthy-
lique exclusivement; le dérivé (a), de l'acide formique.
Action de l'eau, IhO. — Le produit placé avec de l'eau
dans une ampoule scellée a été chauffé plusieurs lieures
au bain d'eau. Au bout de ce temps, le corps, d'insoluble
qu'il était, a complètement disparu. Quand on ouvre
l'ampoule, de l'acide chlorhydrique s'échappe en assez
grande quantité. Le liquide obtenu est placé dans un
exsiccateur sur de la chaux; celle-ci enlève l'acide chlor-
hydrique qu'il renferme.
A la distillation : \. il se dégage, avec les premières
quantités d'eau, de l'aldéhyde formique en grande quan-
tité; le produit est recueilli. IL La seconde portion du
produit distillé est mise à part pour y chercher la présence
de l'acide formique.
L La première portion est placéedans un exsiccateur sur
( 634 )
de l'acide sulfurique;on obtient (inalement une poudre
blanciie : c'est de l'aldéhyde polymériséc. Traitée par une
solution ammoniacale d'oxyde d'argent, il s'est précipité
de l'argent qui, en se déposant sur les parois du tube, a
formé un miroir métallique.
II. I.a seconde portion peut renfermer de Tacide chlor-
hydrique et de l'acide formique en dissolution dans l'eau.
Je l'ai saturée par du carbonate sodique pur : une vive
effervescence accompagne le départ de l'acide carbonique;
après neutralisation complète, j'ai évaporé lentement le
liquide; il m'est resté une poudre blanche pouvant être un
mélange de chlorure et de formiate de sodium.
Je l'ai traitée par de l'alcool anhydre; le formiate devait
s'y dissoudre et le chlorure rester à l'étal insoluble. La
liqueur alcoolique n'a laissé aucun dépôt solide à la distil-
lation; je conclus de là à l'absence d'acide formique.
En conséquence, le dérivé obtenu est le composé symé-
r'FT PI
trique {(3) : 0 <ru"Yl' *^^i^ obtenu par Regnault.
Propriétés. — L'éiher mélhylique bichloré bout à
lOO^-lOS" sous la pression de 753 millimètres, toute la
colonne mercurielle plongeant dans la vapeur. Par la dis-
tillation, il se dégage de l'aldéhyde formique.
C'est un liquide limpide, incolore, assez peu mobile,
plus ou moins épais. Sa densité à 20° est égale à 1,515. Ce
corps exhale une odeur piquante et excite le larmoiement.
Il fume à l'air parce que, comme l'a déjà fait remarquer
M. L. Henry pour l'acétate de méthyle monochloré (*), la
vapeur d'eau le décompose et forme de l'acide chlorhydrique
(*) Bulletin de l'Acad. roy. de Belgique, 2« série, t. XXXV, p. 719.
( 65o )
qui se dégage. Ces vapeurs, qui renferment aussi de l'aldé-
hyde formique, en se répandant dans l'atmosphère, irritent
lorlemenl les yeux.
Sa saveur, d'abord faiblement sucrée, fait aussitôt place
à une sensation de picotement qui devient de plus en plus
intense.
Ce corps brûle avec une flainme jaune, colorée en vert
sur les bords.
Placé dans un mélange réfrigérant de sulfate de sodium
et d'acide chlorhydrique, il n'a pu être congelé.
L'analyse a donné les résultats suivants (méthode de
Carius) :
I. 0s%4884 de substance ont donné i6',l980 de chlorure
d'argent.
H. 0^',4981 de substance ont donné 1 ^',2001 de chlorure
d'argent.
Trouvé.
Calculé. I. II.
Chlore. . . 02,17 »/„ 61,65 "/o 61,85 V,
La densité de vapeur a été déterminée par la méthode
(l'Hoffman; elle a été trouvée égale à 3,94.
Substance
0BSO774
Pression alniosphérique. .
761-°'
Mercure soulevé ....
564°"»
Tension de la vapeur. .
197"""
Volurac de la vapeur. . .
80«,4
Température
100°
La densité calculée est :
3,97.
Action de l'acide bromhydrigiie sur l'ét/ier mélhylique
bichloré. — J'ai essayé de substituer le brome au chlore
( 636 )
afin d'obtenir le composé bibromé correspondant. A cet
effet, j'ai chauffé au bain d'eau une ampoule scellée ren-
fermant le produit et de l'acide bromhydrique en solution
concentrée.
Le produit obtenu, lavé à l'eau alcaline, décanté et des-
séché sur du chlorure de calcium, a été soumis à la distil-
la lion.
Mais je n'ai obtenu que de l'eau et de l'aldéhyde for-
mique CHaOqui se polymérisait en arrivant dans le flacon
récepteur. L'élher méthylique bichloré n'avait pas été
atteint par le brome; l'eau l'avait décomposé.
Action de l'alcool mélhijlique. — J'ai pris une molécuie-
c\\ n
gramme du produit 0 <ruY|i so'^ ^'^ grammes, et
trois molécules d'alcool méthylique, ou 96 grammes. Le
mélange de ces corps a été introduit dans un petit ballon
communiquant avec un réfrigérant ascendant et chauffé
au bain-marie pendant quelques heures. Il se dégage de
l'acide chlorhydrique et du chlorure de mélhyle en assez
grande quantité.
Deux couches se forment ; on les sépare à l'aide d'un
enfonnoir à robinet.
La couche inférieure est complètement soluble dans
l'eau : c'est un mélange d'alcool méthylique et d'éther
méthylique bichloré non attaqué.
La couche supérieure est lavée à l'eau alcaline, décan-
tée, puis desséchée sur du carbonate de potasse : ce con-
tact doit durer un certain temps alin de débarrasser le
liquide de l'acide chlorhydrique resté dissous et très diffi-
cile à éliminer complètement. Soumis à la distillation, ce
liquide passe entièrement entre 40° et 30°. En même
temps, il se dégage une grande quantité d'aldéhyde for-
( t)37 )
mique. En le recliliant, on oblienl facilement un produit
qui bout fixe vers 42". C'est du mélliylal CH, < QQfj'-
Je n'ai obtenu qu'une faible quantité de ce corps, ce qui
s'explique par ce fait que, pendant l'opération, le mélliylal
est détruit par l'acide chlorbydrique et transformé en
cblorure de mélbyle qui se dégage:
"^^ < 0GU3 ■*■ cm == "^^ < on -*- -^^"^^'•
Action du métlujlale de sodium. — Dans un ballon placé
sous un réfrigérant ascendant et renfermant 550 grammes
d'alcool mélbylique, j'ai introduit peu à peu 25 grammes
de sodium. La liqueur étant refroidie, j'y ai laissé tomber
goutte à goutte 60 grammes d'élber mélhyliquc bicliloré.
La réaction est très vive et s'accompagne d'une grande
élévation de température. Aussi faut-i! refroidir énergi-
quement. Cbaqne goutte d'éther bichloré détermine, en
tombant dans l'alcool sodé, un bruissement avec projection
du liquide. Celui-ci blancbit par la formation du chlorure
de sodium qui se précipite.
Le produit est filtré pour éliminer le sel qui s'est
déposé; puis il est soumis à la distillation fractionnée :
4. Une partie passe de 40° à 55°, le thermomètre res-
tant quelque temps stalionnaire vers 45°.
2° La seconde partie passe de 60° à 70" et reste assez
fixe vers 6G°. C'est de l'alcool méthylique que l'on rectifie.
La première portion est soumise à de nouvelles distil-
lations, qui donnent définitivement un produit bouillant
fixe à 42". C'est du méthylal CH, < qq}]^ j'en ai isolé
55 grammes à l'étal de pureté. Je n'ai pas jugé néces.saire
( 658 )
d'en déterminer la densité de vapeur, la réaction étant
tout à fait concluante.
La réaction qui se passe dans celle opération me paraît
être la suivante: il se forme d'abord, par la réaction du
méthylate sodique,de l'oxyde de méthyle bioxymélhylé:
CIÏ.CI NaOCH^ _ j. p, Cil, - OCH,
Celui-ci, avec l'alcool méthylique, se dédouble en eau et
en raélhylal :
CH, - OCll, HO - CH3 _ H 0 + ^CH <- ^^"^
/lc//o» de riodiire de sodium. — J'avais espéré obtenir
CVi I
de celle façon le dérivé biiodé correspondant : 0 < /-u"j'
Dans un ballon, j'ai introduit 130 grammes d'iodure de
sodium, que j'ai dissous dans cinq fois son poids d'alcool
méthylique. Après l'avoir placé sous un réfrigérant ascen-
dant, j'y ai laissé tomber goutte à goutte SO grammes
d'éther mélhylique bichloré. La réaction se fait à froid;
elle s'accompagne d'un grand dégagement de chaleur qui
nécessite le refroidissement du ballon.
Après filtration et séparation dVi NaCI formé, le liquide
obtenu est distillé:
1. Une première partie bout de 40' à 5C°; rectiliée,
elle donne du méthylal bouillant à 42°;
2° Une seconde portion, brunie par de l'iole, distille
au delà de 50°. Desséchée sur du carbonate de potasse,
elle se déshydrate et se décolore; rectifiée, elle ne produit
que de l'alcool méthylique.
( 639 )
La formation du mclhylal est due, sans nul doulc, à la
(H I
réaction du dérivé biiodé 0<rii'i sur l'alcool mélhylique :
0 < ^[]^J + 4(110 — CII3) = 2111 + H,0 + 2CH, < q[:[[\
Éther méthylique trichloré.
On dirige dans l'élher bichloré un courant de chlore
sec. Les faits se passent comme dans la préparation du
dérivé bichloré. Seulement la réaction est beaucoup moins
vive dès son début. Un faible dégagenient de chaleur
marque encore le commencement de l'action, qui va s'alfai-
blissanl graduellement. Aussi faut-il exposer le produit
entièrement à la lumière directe, afin de faciliter et
d'achever la substitution du chlore à l'hydrogène. Aucune
explosion n'est à craindre. Le liquide obtenu est traité par
le carbonate de potassium calciné et soumis à la distil-
lation.
Le thermomètre s'élève rapidement jusque vers 105°, et
de là insensiblement jusque 155", avec un long arrêt
vers i 30°.
J'ai recueilli et rectifié la partie du liquide qui passe
jusque 115° : c'est de l'éther bichloré non encore attaqué.
La seconde portion est soumise à de nouvelles distilla-
lions, destinées à séparer les éthers bi- et trichlorés qui
s'y trouvent mélangés.
On obtient définitivement un liquide qui bout fixe
à lo0°-152°; c'est de l'élher trichloré 0 < q^q^-
C'est un liquide limpide et incolore, épais et visqueux.
Il possède ui;e odeur piquante qui fait larmoyer. Sa saveur
piquante pioduil la sensation d'une brûlure qui persiste
assez longtemps, il fume à l'air, mais beaucoup moins que
l'élher bichloré.
( 640 )
Insoluble dans l'eau, il se dissout 1res bien dans l'alcool,
l'élher, la benzine, le sulfure de carbone.
Placé dans un mélange rélVigéranl de neige et de sel
marin, il ne se congèle pas.
Sa densité à 10»1 est 1,50G6.
L'éther mélhylique trichlorô bout fixe à 130°-132% sous
la pression de 765 millimètres, toute la colonne mercu-
rielle étant dans la vapeur.
A la (in de la distillation, il se dégage de l'aldéhyde for-
mique et le produit charbonnc.
Les analyses de ce produit ont donné les résultats sui-
vants (méthode de Carius) :
I. 0e^3099 de substance ont donné 0"',8921 de chlo-
rure d'argent.
il. 0s^286l de substance ont donné Os',8214 de chlo-
rure d'argent.
III. 0s%3257 de substance ont donné 0«%930I de chlo-
rure d'argent.
De là, il résulte :
Trouvé.
Chlore.
Calculé. 1. II. m.
ri,25»/, 7 1,1 S"/, TI.OS"/» 71,0870
La densité de vapeur, déterminée par la méthode d'Hoff-
le iiuuved égaie a u,v.i.
Poids de la substance . . .
0e%056l
Pression barométrique . .
770-"
Mercure soulevé ....
G45™»
Tension de la vapeur . . .
^27n.m
Volume de la vapeur . . .
71 «2
Température
100'
La densité calculée est de 5,13.
^ C41 )
Deux élheis mélhyliques irichlorés sont possibles ;
CH C\
venant de l'éllier bichloré symétrique 0 < priVi» '^
dérivé b est seul possible.
Éther méthylique tétrachloré.
J'ai repris l'action du cblore sur le dérivé trichloré. La
lumière diiïuse ne sulTil plus pour continuer la chlorura-
tion du produit. J'ai dû exposer le ballon au soleil et
même le cbaufTer pour faciliter la réaction.
C'est un li<juide incolore, épais, visqueux; il fume très
peu à l'air quand il est pur et possède une odeur très irri-
tante, plus accentuée encore que ses précédents. 11 est
insoluble dans l'alcool, l'élber, la benzine, le sulfure de
carbone.
Placé dans un mélange réfrigérant, il ne se congèle pas.
Sa densité à 18" est 1,6337.
Il bout vers 145", sous la pression de 761 millimètres
et distille sans décomposition.
Les analyses que j'en ai faites m'ont donné :
L 0s%5500 de substance ont donné le%0909 de chlo-
rure d'argent.
IL 0^^5272 de substance ont donné i«%0200 de chlo-
rure d'argent.
D'où:
Calculé.
Chlore. . . 77,17 «/o
3"" SÉRIE, TOME XIVI. 42
( ()42 )
La densité de vapeur, délerminée par la mélhode d'Hoff-
man, a été trouvée égale à 6,22.
Pression barométrique . . . 770°"°
Substance 0<5',0590
Mercure soulevé GOl"""
Tension de la vapeur . . 11 9°""
Température 100°
Volume de la vapeur .... G4",8
La densité calculée est de 0,35.
Deux dérivés létrachlorés peuvent se présenter : le
CHCI
dérivé symétrique 0 '^ruri'*^^ 'c dérivé dissymétrique
O / CCI3 ^
" ^ CHsCr
L'action de Tean indiquera encore auquel de ces deux
produits j'ai eu affaire.
Action de l'eau. — Le liquide a été placé dans un bal-
lon sous un réfrigérant à reflux et chauffé avec de Peau
pendant plusieurs heures. Au bout de ce temps, l'élher
s'est dissous dans l'eau. Pendant l'opération, il se dégage
une grande quantité d'acide chlorhydrique. Après refroi-
dissement du liquide, il s'est déposé au fond du vase de
petits cristaux, en faible quantité.
Je les ai séparés par filtralion, puis séchéssurdu papier
à filtrer et placés dans un exsiccateur à l'acide sulfurique.
Ils ont une forte odeur camphrée, sont insolubles dans
l'alcool. J'en ai déterminé le point de fusion : 182°. Ce
vvont des cristaux de sesquichlorure de carbone: CaCle.
Le liquide liltré a été distillé, — il passe entre 100° et
110**, — puis saturé par du carbonate de sodium pur.
Celui-ci neutralise l'acide chlorhydrique dissous et
l'acide formique qui esta rechercher; l'eau a été évaporée;
il reste une poudre blanche, mélange de chlorure et de
( 643 ;
formiate de sodium. Traité par l'alcool, le formiale se dis-
sout; on filtre, le chlorure reste sur le filtre. L'alcool est
ensuite distillé; j'en ai finalennenl obtenu une niasse
épaisse qui, desséchée sur l'acide sulfurique, donne une
poudre blanche que les réactions suivantes ont prouvé
être du formiate de sodium :
i" Avec l'acide sulfurique concentré à chaud, il s'est
dégagé un gaz qui brûle avec une flamme bleue; c'est de
l'oxyde de carbone CO ;
2° Chaufl"é avec une solution concentrée de nitrate
d'argent, j'ai obtenu d'abord un précipité blanc d'un sel
argentique, qui noircit rapidement en se décomposant;
l'argent est mis en liberté et donne un miroir brillant d'ar-
gent métallique sur les parois du tube; c'est du formiate
d'argent ;
5° Chaufl"é avec une solution concentrée de chlorure
raercurique HgCla, j'ai obtenu un précipité blanc de
HgjCIg, chlorure mercureux, par réduction;
4° Par addition de sesquichlorure de fer, FegCle, elle
prend une coloration rouge vif de formiale ferrique, qui
devient jaune par addition d'acide chlorhydrique.
Le dérivé tétrachloré, sous l'action de l'eau, s'est donc
dédoublé en sesquichlorure de carbone et acide formique.
CCI3
Donc, puisqu'il se forme I , le produit doit être un
CLI3
mélange de 0 < ^^u l.. et 0 < ç^ç\- , celui ci en majeure
partie.
Éther MÉTHYLIQUE HEXACHLORÉ 0 < çç,'
'5
J'ai repris l'action du chlore sur le dérivé tétrachloré
C2H2CI4O, sous l'inlluence de la lumière solaire et de la
chaleur.
( 64.4 )
J'ai distillé le produit; le thermomètre s'arrête peu
vers 110°, puis monte rapidement jusque 140° et s'élève
à 150°, qu'il ne dépasse pas. J'ai continué à faire agir le
chlore quelque temps encore et de nouveau distillé; le ther-
momètre s'arrête à 98°. Redislillé, le point d'ébullilion est
tombé à 90°. A d'autres distillations, j'ai successivement
obtenu des températures d'ébullilion de 85° et 79°. J'en
conclus que ce produit se décompose par distillation.
Les analyses que j'ai faites m'ont démontré que c'était
l'éther perchloruré : C^ Clg 0.
I. 0^',5214 de substance par la méthode de Carius, ont
donné 1«',0866 de chlorure d'argent.
II. 0^',2456 de substance, par la même méthode, ont
donné 0",8275 de chlorure d'argent.
De là, il résulte :
Trouvé.
Calculé.
T ""^ IL
84,18%
85,91 »/o 83,92%
Chlore . .
J'avais tout d'abord dosé le chlore dans cet éiher par le
nitrate d'argent et l'eau, sans intervention d'acide nitrique;
une partie du produit restée insoluble a été inattaquée.
Les résultats obtenus sont :
I. 0^',4683de substance ont donné 0^\5371 de chlorure
d'argent.
II. 0^',4429 de substance ont donné 0=',5123 de chlo-
rure d'argent.
Delà:
Trouvé.
1. 11.
Chlore. . . . 29% 28,76%
Ces chiffres m'expliquent la décomposition que subit le
corps: CaCIgO devient CCI2O, qui se décompose dans l'eau
( 645 )
et donne 2HCI el C0(0II)2 el formation du lélraclilorure
de carbone, CCI4, insoluble.
En effet, le chlore contenu dans CCI2O correspond
à 34 7o de la quantité totale de chlore de C2CI0O. Or, les
résultats obtenus dans les deux dernières analyses me
donnent un rendement de 29 %, <!"' ^^l précisément
les 54 °/o de la quantité totale de chlore. Ces chiffres me
montrent que la partie décomposée par l'eau est seule
analysée et correspond à CCI^O.
La partie restée insoluble dans l'eau répand une odeur
aromatique. Soumise à la distillation, elle bout fixe à 77°:
c'est donc du tétrachlorure de carbone : CCI4.
L'élher hexachloré a déjà été obtenu {*) par Regnault.
C'est un liquide incolore, épais; son odeur est extrême-
ment vive el suffocante.il irrite fortement les yeux. Sa
saveur est brûlante.
Sa densité à IS-'Sest i,5o8.
Il bout à 98° et se décompose partiellement par la distil-
lation en COCI2 et CCI4.
Sa densité de vapeur a été trouvée égale à 4,73.
Pression barométrique .
7G3'"-
Substance
Oe',0517
Mercure soulevé . . .
G38™™
Tension de îa vapeur . .
125™™
Volume de la vapeur . .
G9",2
Température ....
100»
Calculée, elle est de 8,75, dont la moitié est 4,37, ce
qui prouve, comme le fait remarquer Regnault, que
l'élher perchloré chauffé ne répond plus à l'élher mélhy-
(*) Annales de chimie et dephysique, t. LXXI, pp. 596-405 (1839).
( 646 )
iique primitif; mais sa molécule est dédoublée en COCI2 ei
en lélraehiorure de carbone CCI4.
J'ai encore continué raclion du chlore sur ce produit.
Finalement j'ai obtenu un liquide qui, traité par la
potasse pour en éliminer l'acide clilorhydrique resté
dissous, bout. vers 77''-79°. Je l'ai reconnu être du tétra-
chlorure de carbone.
COiN'CLUSION.
L'action du chlore sur l'élhcr méthylique donne les
divers degrés de cbloruration suivants :
0<^JÎ^ Éb. -25»
Cil
^<Ch'^^ Éb. 59°-6i»
«<cll:cl Éb.403«-104o
0<cHa Éb. 150»
«<cl!cl: Éb. 4450
0<ccl: Éb. 98»
Différence.
83°
45»
27»
15»
47»
On voit que le point d'ébullition s'élève d'une quantité
qui va en diminuant pour chaque nouvel atome de chlore
qui remplace un aiome d'hydrogène.
Arrivé à CoCIcO, le point d'ébullition baisse subitement
jusque 98°, ce qui provient de l'absence de l'hydrogène.
( 6" )
Le dérivé peiUachloré n'a pas été obtenu, ce que j'allri-
bue à son inslabililé, venant de ce fait que l'un des atomes
de carbone ne renlerme plus d'hydrogène. Le chlore, sur
C2H2CI4O, enlève directemeul les deux atomes d'hydrogène
restants pour donner l'hexachloré.
Enfin, tous ces corps se font remarquer par une odeur
très forte qui va en augmentant dans la série; ce qui con-
firme le fait que la présence du chlore et de l'oxygène dans
un même point des composés carbonés, leur communique
une odeur insupportable.
DEUXIÈME PARTIE.
Dérivés chlorés du méthylal H.jC < QrY{l'
Aclion du chlore sur le mélhylal. — Dans un ballon
placé sous un réfrigérant ascendanl,j'ai inlroduitSoOgram-
mes de mélhylal. Un courant de chlore sec arrive lenle-
menl dans le liquide. Les mêmes faits que ceux qui sont
énumérés dans mes opérations précédentes se constatent
encore ici.
Le chlore arrivant bulle à bulle jaunit d'abord le méthy-
lal en s'y dissolvant; la réaction ne tarde pas à se produire.
Le liquide s'échauffe fortement et se décolore; de l'acide
chlorhydrique se dégage en très grande quantité. La réac-
tion est plus rapide et plus énergique encore que celle qui
accompagne la formation de l'élher méthylique bichloré.
Aussitôt que de légères fumées blanches apparaissent
au-dessus du liquide et s'élèvent dans le col du ballon, il
est nécessaire de modérer l'action du chlore en intercep-
tant les rayons lumineux par un écran et en refroidissant,
au besoin, le ballon.
( 648 )
Au commencement de ces expériences, j'ai eu quelques
explosions en tout semblables à celles qui se produisent
par l'action du chlore sur l'élher méthylique mono-
chloré.
Comme précédemment, à divers moments de l'opération,
j'ai pesé le ballon, pour m'arrèter après l'introduction d'une
molécule-gramme de chlore. Mais la perte de volume — qui
est très sensible pendant l'opération — m'avait prévenu
pour les pesées suivantes : chaque fois, j'ai constaté une
perte de poids.
J'ai recueilli alors le gaz qui s'échappait, dans une solu-
tion de soude caustique. Outre l'acide chlorhydrique qui se
dissolvait, de nombreuses bulles de gaz venaient crever à
la surface. J'y ai facilement reconnu le chlorure de méthyle,
remarquable par sa combustibilité avec flamme verte.
Après quelques heures de traitement, le liquide est soumis
à la distillation. Après le départ de l'acide chlorhydrique,
le thermomètre s'élève rapidement jusque lOo". La partie
recueillie vers celte température a été lavée à l'eau pour
enlever l'acide chlorhydrique et le mélhylal qui aurait pu
y rester.
La couche inférieure est séparée par un entonnoir à
robinet et laissée quelques heures en contact avec du car-
bonate de potassium calciné, qui enlève l'eau et l'acide
chlorhydrique.
Le produit, soumis à de nouvelles distillations, donne un
liquide bouillant vers 9o".
Des 550 grammes de méthylal dont j'étais parti, j'ai
obtenu 200 grammes de produit; soit donc une dimi-
nution (le plus d'un tiers. Cette perte provient surtout
du chlorure de méthyle dégagé durant le cours de l'opéra-
tion.
( 649 )
Deux dérivés monochlorés distincts pouvaient s'être
formés :
P) CH, <0CH3.
L'action de l'eau m'a encore ici renseigné sur la nature
du produit obtenu.
Le dérivé a en présence de l'eau doit donner de l'acide
formique, puisqu'il renferme le radical méthényle ^CH;
le dérivé (3), renfermant le groupement >CH2 donnera de
l'aldéhyde formique.
Le produit a été chauffé avec de l'eau dans un ballon
sous un réfrigérant ascendant, pendant quelques heures.
Pendant l'opération, il se dégage de l'acide chlorhydrique
en grande quantité.
Le liquide obtenu a été traité par le carbonate de
sodium, comme dans les opérations précédentes, afin d'y
reconnaître la présence d'acide formique. Je n'ai pu con-
stater que la présence de l'aldéhyde formique seule. Il n'y
a donc que le groupement oxy-mélhy!e OCH5 qui ail
été attaqué et transformé en OCH^CI. Donc le méthylal
OCH2CI
I3 •
monochloré est le dérivé P : CH2 <rvpM^
Propriétés. — C'est un liquide limpide et incolore,
quelque peu épais. Il possède une odeur piquante; un
flacon ouvert pendant quelques instants dans une pièce, y
répand des vapeurs qui irritent fortement les yeux et font
larmoyer. Sa saveur est brûlante. Il fume à l'air, la vapeur
d'eau qui s'y trouve en suspension se combinant aux
vapeurs qu'émet le liquide. Il bout à 95°.
( 650 )
Il brûle avec une flamme jaune colorée en vert sur les
bords. Placé dans un mélange réfrigérant, il ne se congèle
pas. Sa densité à 12"8 est 1,3053.
Ce corps esl insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool,
l'élber, le chloroforme, la benzine et le sulfure de car-
bone.
L'analyse de ce produit a donné les résultats suivants :
I. 0^',2757 de substance, par la méthode de Carius, ont
donné Os',5625 de chlorure d'argent.
II. 0s',3154de substance, par la même méthode, ont
donné 0^^4155 de chlorure d'argent.
III. 0s%3467 de substance, par la même méthode, ont
donné O^'A^M de chlorure d'argent.
De là il résulte :
Trouvé.
Chlore.
Calculé.
32,48 "/„
32,59 Vo
II.
52,43 "/„
III.
32,47 «/„
La densité de vapeur calculée esl 3,818.
Lesdonnées de la densité de vapeur trouvée sont
Pression barométrique . .
761°"»
Poids de la substance. . .
Os',0509
Mercure soulevé ....
CIO-""
Tension de la vapeur . .
142™"'
Volume de la vapeur . . .
. 75'%4
Température
100»
Ce qui donne 3,82
Action du méllujlale de sodium, CH3 — ONa. — Dans un
ballon placé sous un réfrigérant à reflux et renfermant
une solution de méthylate de sodium dans l'alcool raéthy-
( 651 )
lique, j'ai laissé tomber goulle à gonlte 40 grammes de
mélhylal chloré : H2C<Q/^'r,- .
Le liquide s'échauffe l'orlemenlel doit être bien refroidi ;
il se forme du chlorure de sodium qui se dépose et il sur-
nage une couche d'élher en solution dans l'alcool méthy-
lique.
Le tout a été soumis à la distillation.
L Une première partie bout de 40° à 55", avec arrêt
vers 45°.
IL Une seconde partie bout de 55" à 70°; celle-ci est
reclidée; c'est de l'alcool mélhylique.
La première est traitée par le sodium, qui prend l'alcool
pour former du mélhylate de sodium. L'élher resté inal-
laqué est redistillé; on obtient ainsi un liquide qui bout
fixe à 42°. C'est du méthylal.
J'espérais obtenir par cette réaction l'oxyde de méthyle
HjC — OCH3
bi-oxyméthylé symétrique : > 0 à la suite du
II,C — OCII3
OPH C\
remplacement du chlore de H2C<Qpu- par le grou-
pement OCH3 du mélhylate CH3 — ONa; mais ce corps
paraît instable en présence de l'alcool méthylique, qui le
transforme en méthylal et en eau :
H,C - OCH3 onCH3 _ H 0 ^ t)CH <- ^^"^
Méthylal bichloré.
J'ai continué l'action du chlore sur le méthylal mono-
chloré. L'appareil doit être exposé complètement aux
rayons du soleil, parce que la lumière diffuse ne donne
aucun résultai.
( m'i )
On peut également chauffer le produit pour faciliter la
substitution. Après plusieurs distillalions, j'ai obtenu de ce
liquide un produit qui bout vers 127° : c'est le dérivé
bichloré.
Trois dérivés bichlorés peuvent se présenter :
«) CHCK^^IJf;
OCILCI.
p) LU, < 0CfI,Cl'
> P„ . OCIICi,
L'action de l'eau permet de déterminer la nature du
composé formé : les dérivés a et y avec l'eau doivent
donner de l'acide formique; le dérivé P), de l'aldéhyde
formique exclusivement.
Dans ce but, j'ai chauffé au bain-marie, dans une
ampoule scellée, une certaine quantité de produit bichloré
avec de l'eau. Au bout de quelques heures, le produit était
complètement dissous. En ouvrant l'ampoule, il s'échappe
une grande quantité d'acide chlorhydrique. Le liquide est
soumis à la distillation : il se dégage d'abord des vapeurs
d'acide chlorhydrique, puis un liquide épais: c'est de l'eau
chargée d'aldéhyde formique. Placé sous un exsiccateur
à l'acide sulfurique, il m'a donné une poussière blanche :
c'est de l'aldéhyde polyraérisée.
Le liquide resté dans le ballon peut renfermer de l'acide
chlorhydrique et de l'acide formique (s'il y en a). Je l'ai
neutralisé par le carbonate de sodium; la masse fait forte-
ment effervescence : preuve de la présence d'une grande
quantité d'acide chlorhydrique. Après neutralisation com-
plète, j'ai évaporé le liquide à siccité; il reste un sel
blanc pouvant être du chlorure et du formiale de sodium.
( 653 )
Je l'ai desséché cl iraîlé par l'alcool; le Ibrmiale de sodium
devant s'y dissoudre, le chlorure y est insoinhe. La liqueur
est fiilroe et lalcool est éliminé par distillation. Rien
n'est resté dans le ballon, donc absence de formiate de
sodium.
Le produit examiné ne renfermait pas d'acide lormique.
Donc le fragment OCH3 seul a été attaqué, et la formule
du composé formé est CIL2 <()Qfj'(^| •
C'est un liquide incolore, plus ou moins visqueux,
bouillant à 127°. 11 possède une odeur piquante. Sa saveur
est brûlante. Il donne des fumées à l'air.
Il est insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, l'élber,
le chloroforme, la benzine, le sulfure de carbone. Sa den-
sité à IS-'O est 1,4803.
Les analyses que j'en ai faites m'ont donné les résultats
suivants :
1. 0=':3U2 de substance, par la méthode de Carius, ont
donné 0,GI94 de chlorure d'argent.
IL 0"',34G4 de substance, par la même méthode, ont
donné 0,Gb'OG d'AgCI.
De là, il lésulte :
Trouvé.
Calculé. r^ ïir
Chlore . . . 48,9G % 48,90 "/o 48,87 "/o
La densité de sa vapeur a été trouvée 4,98.
{mtn
Pression barométrique . . . 758"
Substance OB^OoîiO
Tension de la vapeur . . . . 155°"
Mereure soulevé GSô""»
Volutue de la vapeur .... 63",2
Température 100"
Calculée, elle est de 5,01.
( C^U )
Ce travail a été fait au laboratoire de M. le professeur
Louis Henry, à Louvain.
Je suis heureux de pouvoir ici témoigner à mon savant
maître ma vive reconnaissance pour ses bienveillants con-
seils.
Sur de nouveaux procédés permettant de déceler les huiles
végétales et animales; par W. De la Royère, ingénieur,
répclileur à l'Université de Gand.
Le travail que j'ai l'honneur de présenter à l'Académie
n'est qu'une première communication relative à une étude
que je fais en ce moment sur les huiles industrielles, et au
cours de laquelle j'ai été amené à trouver un nouveau
réactif, la rosaniline en solution alcaline, permettant de
caractériser d'une manière très nette et instantanée une
huile végétale ou animale.
La sensibilité du réactif est telle qu'il permet de décou-
vrir de minimes quantités d'huile grasse mélangée à une
huile minérale.
Ce résultat m'a semblé suffisamment intéressant pour
en faire l'objet d'une communication à l'Académie, d'au-
tant plus que c'est, je crois, la première fois que l'on pro-
pose l'emploi d'une couleur dérivée du goudron de houille
comme moyen d'investigation dans l'analyse qualitative
des huiles.
( 655 )
Préparation du réactif.
On dissout un demi-gramme de fuchsine (chlorhydrate
de rosanihne) dans un demi-litre d'eau distillée portée à
l'ébullition; on ajoute ensuite, goutte à goutte, une solu-
tion de sonde caustique à 50 % environ jusqu'à complète
décoloration, en évitant avec soin de rendre la solution trop
alcaline, ce qui nuirait à la sensibilité du réactif (1); enfin
on porte le volume à un litre par addition d'eau distillée.
On conserve pour l'usage dans des (laçons bien bouchés.
Lorsqu'on emploie le réactif que je viens de décrire, on
n'obtient qu'un résultat négatif avec les huiles minérales
neutres.
Les huiles végétales et animales, agitées avec le réactif,
en observant les précautions que j'énumère plus loin,
prennent instantanément une coloration rose plus ou
moins foncée.
Enfin, les mélanges de pétroles et d'huiles grasses,
traités de la même manière, prennent, sous l'action du
nouveau réactif, une coloration rose qui se produit gra-
duellement, et qui finit par être d'autant plus foncée qu'il
y a plus d'huile non minérale en présence.
Les huiles minérales de provenance russe ou améri-
caine, mentionnées dans le tableau suivant, sont celles
sur lesquelles ont porté mes essais. Elles m'ont conslam-
(1) On peut employer l'ammoniaque au lieu de la soude caustique,
mais il convient de donner la préférence à celte dernière. En effet,
j'ai remarque que le réactif prépare à l'ammoniaque ne se conserve
pas aussi bien ; il perd assez rapidement une partie de son alcalinité
et tend à prendre alors une coloration rose.
( 656 )
ment donné des résultats conformes à ceux énoncés plus
haut.
DÉSIGNATION DE L'HUILE MINÉRALE.
Huile de pétrole russe raffinée. . . .
Diverses huiles de pétrole du commerce
Huile minérale russe raffinée ....
Huile de naphle
Distillât russe
Huile minérale dite Huile soleil . . .
— dite Colzaline ....
— russe no 1
— russe n» 2
— cjlindrine rouge n» 1 .
— — rouge extra .
— — verte . . .
— américaine
— verte d'Ecosse, etc. . .
0,8i4
0,8t)0
0,865
0,875
0,885
0,900
0,910
0,868
0,867
0,877
0,888
0,902
0,908
/0,9J0
/0,898
( 637 )
Les huiles non minérales qui ont été essayées sont les
suivantes : huiles de colza, de chanvre, de lin, d'olive,
d'arachide, d'œilletle, de colon , de palme, de ricin, de
croton, d'amande, de sésame, de pied de bœuf, de foie de
morue, etc. Ces huiles, épurées ou non, donnaient la réac-
tion annoncée plus haut.
J'ai de même essayé la graisse de bœuf et de mouton,
le saindoux, les acides palmitique, stéarique et oléique du
commerce.
Dans tous ces cas, j'ai toujours obtenu avec le réactif
des colorations roses d'une intensité remarquable.
Enfin, dans une nouvelle série d'expériences, j'ai opéré
sur les graines des huiles végétales. Quelques-unes des
huiles mentionnées ci-dessus, telles que les huiles de lin,
de chanvre, d'œillette et de colza, ont été extraites par
compression de leurs graines après mouture de celles-ci.
Une partie de chacune de ces huiles a été purifiée par l'a-
cide sulfurique, puis lavée à grandes eaux et enfin filtrée
après repos et décantation.
Voici maintenant comment il convient d'opérer un essai.
On se sert d'une soucoupe ou d'une capsule en porcelaine,
dans laquelle on verse deux ou trois gouttes de l'huile sou-
mise à l'analyse; on y fait tomber deux gouttes du réactif,
on agite vivement à l'aide d'une baguette de verre, et l'on
voit apparaître instantanément une coloration rose qui,
dans la grande majorité des cas, est très intense et ne fait
qu'augmenter après un certain laps de temps, surtout pour
les huiles de lin, de colza, d'arachide, de palme, d'olive et
de pied de bœuf, ainsi que pour l'acide oléique.
Cette coloration, pour toutes les huiles végétales et ani-
males soumises aux expériences, se maintient pendant
plusieurs heures et même pendant plusieurs jours.
S"' SÉRIE, TOME XXVI. 43
( 658 )
Les huiles minérales neutres Irailées de la même manière
ne donnent lieu à la production d'aucune coloration rose.
Néanmoins, lorsqu'un pétrole est resté acide par suite d'un
lavage défectueux, il donne, avec la solution alcaline de
rosaniline, une coloration rose qui n'est cependant jamais
aussi intense que dans le cas d'une huile non minérale. Je
me suis assuré de ce fait par une expérience plusieurs fois
répétée sur des échantillons différents. Ayant essayé une
huile minérale à l'aide du procédé nouveau et après avoir
constaté qu'aucune coloration rose ne se produisait, je l'ai
agitée avec quelques gouttes d'acide sulfurique. Un nouvel
essai avec la rosaniline m'a donné nne coloration rose très
appréciable. Cette huile acide a été ensuite vivement agitée
et battue, d'abord avec de l'eau pure, puis avec de l'eau
rendue alcaline par un peu de soude, ensuite avec de l'eau
de baryte pour enlever les dernières traces d'acide sulfu-
rique, et finalement avec de l'eau pure. Après repos el
séparation, cette huile minérale, redevenue parfaitement
neutre, ne donnait plus, en présence du réactif, aucune
coloration rose.
Ces faits prouvent que le procédé nouveau que j'indique
pour découvrir une huile végétale ou animale au sein d'une
huile minérale, pourra servir aussi à s'assurer de la par-
faite neutralité de cette dernière, même lorsque les autres
indicateurs de l'acidité ne donnent que des résultats dou-
teux, comme je l'ai moi-même maintes fois expéri-
menté.
Aucun de ces résultats n'est modifié si, au lieu d'opérer
à la température ordinaire, on fait les essais à la tempéra-
ture du bain-marie.
Si l'on a affaire à une huile de couleur foncée, il convient
de la diluera l'aide d'un dissolvant incolore et sans action
( 659 )
chimique sur l'huile et sur le réactif, tel que le sulfure de
carbone, la benzine, etc.
J'ai déjà dit que l'intensité de la coloration rose observée
est d'autant plus forte que la quantité d'huile grasse pré-
sente dans une huile minérale est plus grande. Cette
coloration est encore fort appréciable lorsqu'un pétrole ne
renferme plus que des quantités d'huile grasse comprises
entre 3 % et 74 °/o- Dans ce cas, l'apparition du phéno-
mène, tout en n'étant pas instantanée, se manifeste tou-
jours après un temps très court.
Le tableau suivant donne quelques résultats des expé-
riences qui ont été faites avec les principales huiles
examinées.
DÉSIGNATION
de
l'huile minérale.
1
DÉSIGNATION
de l'huile grasse
mélangée à l'huile minérale.
■S
H
<
Ol
TEMPS 1
approximatif 1
poar
développer
la coloration.
3
30"
Huile minérale russe raffinée.
0,873
Huile de colza ....
2
1
3
1'
1 à 2'
1'
Huile minérale russe raffinée.
0,863
Huile de lin
2
i
3
1 à 2'
30"
Huile de pétrole russe raffinée.
0,8-24
Huile de chanvre . . .
2
i
411"
30"
Huile minérale américaine. .
0,903/
/o,907
Huile d'oeillette ....
2
W
50"
( 660)
DÉSIGNATION
«5
DÉSIGNATION
^
TEMPS
•M
approximatif
de
H
de l'huile grasse
^
pour
z
•g.
développer
l'huile minérale.
a
mélangée à l'huile minérale.
<
la coloration.
3
30"
Huile minérale américaine. .
0,885/
/o,890
Huile de ricin ....
■^
1
1'
3
30"
Huile minérale russe raffinée.
0,875
Huile de pied de bœuf .
\
3
1'
l'30"
30" à 1'
Huile minérale russe raffinée.
0,S6o
Huile de foie de morue .
(
2
1
3
2
1'
Quelques
Huile de pétrole russe raffinée.
0,824
Acide oléique . . . . <
(
1
2
secondes
20"
Huile minérale russe raffinée.
0,875
Huile de palme ....
1
Va
3
30"
30"
Huile minérale russe raffinée.
0,86a
Huile d'arachide ...
2
1
1'
î
II est entendu que le temps nécessaire à la production
de la couleur, indiqué dans le tableau qui précède, se rap-
porte à des maximums d'intensité.
Je crois qu'il serait prématuré, dans l'état actuel de la
question, d'interpréter d'une manière déflnitive les faits
annoncés dans cette note.
(661 )
Cependant il semble résulter des expériences décrites,
que les huiles végétales et animales, toutes plus ou moins
acides, mises en contact avec la solution de rosaniline,
neutralisent une partie de l'alcali et mettent ainsi en
liberté une quantité correspondante d'un sel de rosaniline
(jui apparaît alors avec sa coloration rose plus ou moins
intense.
Indépendamment de la rosaniline en solution alcaline,
j'ai trouvé que d'autres couleurs dérivées du goudron de
houille pouvaient être employées comme réactifs plus ou
moins sensibles des huiles non minérales. Je citerai entre
autres l'acide picrique, la purpurine, l'acide rosolique et
l'éosine. Je suis occupé à déterminer dans quelles condi-
tions il convient de faire usage de ces réactifs, et j'espère
avoir l'honneur de pouvoir communiquer de nouveaux
résultats à l'Académie.
J'exprime ici toute ma reconnaissance à M. le profes-
seur Rottier, directeur du laboratoire de chimie indus-
trielle de l'École spéciale du Génie civil, pour la bien-
veillance qu'il n'a cessé de me montrer au cours de ce
travail.
( 662 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 4 décembre 1895.
M. Ch. Loomans, vice-directeur, occupe le fauteuil.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alph.Waulers, A.Wagener,P. Wil-
lems, S. Bormans, Ch. Piot, Ch. Polvin, T.-J. Lamy,
G. Tiberghien, L. Vanderkindere, Alex. Henné, le comte
Goblet d'Alviella, F. Vander Haeghen, J. Vuylsteke,
Ém. Banning, A. Giron, membres; Alph. Rivier, associé;
Paul Fredericq, Mesdach de ter Kiele, le chevalier
Descamps, D. SIeeckx et P. Thomas, correspondants.
M. J. Stecher écrit qu'il regrette de ne pouvoir assister
à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l'Intérieur et de l'Instruction publique
prie la Classe de lui soumettre une liste double de candi-
dats pour la composition du jury qui sera chargé de juger
la douzième période du concours triennal de littérature
dramatique en langue française.
— Le même Ministre envoie, pour la bibliothèque de
l'Académie, un exemplaire des ouvrages suivants :
1° Scènes de la vie judiciaire; par Edmond Picard ;
( 663 )
2° Bulletin de Folklore, 1892, deuxième semestre;
1893, deuxième fascicule. — Remerciements.
— M. le Ministre de l'Agriculture, de l'Industrie el des
Travaux publics envoie un exemplaire du Rapport sur les
sociétés de secours mutuels pendant les années 4888-1890^
— Remerciements.
— Hommages d'ouvrages :
i° Essais et études, 1"= série (1861-1875), par Emile de
Laveleye; offert par M""* de Laveleye;
2° A. Rapport historique sur les cinquante premières
années du petit séminaire de Saint-Trond ; B. Un corres-
pondant belge de Descartes : le père François Fournet, S.J.;
par Georges Monchamp, correspondant de l'Académie;
3" Geschiedenis tan liet nederlandsche volk; door P.-J.
Blok, deel II (présenté par Paul Fredericq, avec une note
qui figure ci-après);
A" A. Adud-ISirar, roi d'Ellassar; B. Les inscriptions
du pseupo-Smerdis et de l'usurpateur Nidintabel, fixant le
calendrier perse ; par Jules Oppert;
5° Le domicile de secours; par H. Pascaud;
6° De l'application de la suggestion hypnotique à la
pédagogie; parle D' L. Peelers;
7° A. Les grands domaines et les villas de l'Entre-
Sambre-et-Meuse sous l'empire romain; B. Les bagues
franques et mérovingiennes du Musée de Namur; par
Alfred Bequet;
8° Freya, poème lyrique; B. Cromlechs et dolmens de
Belgique; C. Les Èburons à Limboitrg : le véritable
Aduatuca; par E. Harroy;
9° De la revision constitutionnelle; discours prononcé
( 664 )
à la Cour d'appel de Gand; par M. le procureur général de
Gamond;
iO° Les sentences indéterminées et la législation belge;
par Paul Ollel;
i\° Un artiste brainois : André de Broecq ; par Erne&l
Mallhieu;
1 2° Rapport du jury chargé de conférer le prix Guinard
de 10,000 francs, pour la période quinquennale 1887-1892.
Extraits du Moniteur, offerts par F.-A. Robyns, lauréat du
concours;
15° Roses et violettes; pur Alexis Lemaitre.
— Reraerciemenls.
L' « American philosophical Society », à Philadelphie^
annonce que le prix Henry M. Phillips sera décerné
en 1895.
Les travaux doivent être soumis avant la fin de
Tannée 1894.
Un prix de 500 dollars est affecté à chacune des ques-
tions suivantes :
1. T/ie sources, formation, and dévelopment, of whatis
generally designated the Common Law of England ;
2, The tlieory ofthe Slate, Irealed historically, and upon
principle, ivith a discussion of the varions schools of
classical, mediœval, and modem thoug/it, upon the subject;
5. The hislorical and doctrinal relations of the Roman
Law and the English Law, illustrated by parallels and
contrasts.
Les travaux doivent être inédits et accompagnés d'un
pli cacheté avec devise et nom d'auteur.
Les mémoires de concours qui ne sont pas écrits en
anglais doivent être accompagnés d'une traduction dans
celle langue.
( 665 )
— La Classe renvoie à l'examen de MM. Wagener el
VVillems un travail inlilulé : Remarques sur quelques
passages de Térence el de Sénèque, par P. Thomas, corres-
pondanl de l'Académie.
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
J'ai l'honneur d'offrir à la Classe des lettres, au nom de
l'auteur, le deuxième volume de l'Histoire du peuple des
Pays-Bas [Geschiedenis van liet JSederlandsc/ie volk) par
M. P.-J. Blok, professeur à l'Université de Groningue (1),
dont j'ai présenté, l'année dernière, la première partie à
l'Académie (2).
Ce volume embrasse toute l'histoire des Pays-Bas
depuis le XIV% siècle que l'auteur, à la suite de M. Vander-
kiodere, appelle « le siècle des Artevelde », jusqu'à la
veille des guerres religieuses du XVl^ siècle.
L'auteur trace d'abord un tableau remarquable du
développement des institutions communales dans toutes
nos principautés. Il raconte ensuite leur annexion par les
princes de la maison de Bourgogne et par les Habsbourg,
leurs héritiers, en y rattachant l'histoire du Pays de Liège,
resté Étal autonome. Il termine par des éludes sur les
institutions centrales du XV" et du XVl" siècle, sur la
situation de la noblesse, de l'Église, du commerce et de
l'industrie, des aris, des lettres et des sciences.
(i) Groningue, J.-B. Wolters, 1893, in-S", 580 pages.
(2) Séance du iô juin 1892, Voir les Bulletins, 5"= série, t. XXIIF,
pp. 848-849.
( 666 )
Comme dans le premier volume, M. le professeur Blok
a ajouté un savant appendice sur les sources de l'histoire
des Pays-Bas pendant la période correspondante (1500-
1559).
Ce second volume, plus nourri et plus réussi encore que
le précédent, intéressera davantage les historiens belges,
parce que ce sont surtout les principautés méridionales des
anciens Pays-Bas qui forment le centre de l'œuvre. Pour
la première fois, nous avons ici une histoire complète de
toutes nos régions du Nord et du Midi qui, jusqu'aux
guerres religieuses, forment un ensemble inséparable, ce
que les historiens modernes ont presque toujours perdu
de vue jusqu'à présent.
Paul Fredericq.
ÉLECTION.
La Classe procède au renouvellement de sa commission
spéciale des finances pour l'année 1894,
Les membres sortants sont réélus.
— Elle s'occupe ensuite de la formation d'une liste de
dix noms pour le choix, par le Gouvernement, du jury
chargé de juger la douzième période du concours triennal
de littérature dramatique en langue française.
Cette liste sera envoyée à M. le Ministre de l'Intérieur
et de l'Instruction publique.
. 667 )
RAPPORT.
Sur les corporations d'artistes et d'ouvriers à Rome;
mémoire couronné par la Classe en 1889 (revision), par
M. Walizing.
Hapito»'! de m. %\'age»tcti'y pfcntief cotntnia^air».
« Dans sa séance du 6 mai 1889, la Classe des lelires a
décerné un prix de huit cents francs à M. Walizing, à celle
époque professeur à l'Alhénée de Liège, pour son mémoire
sur les corporalions ouvrières chez les Romains. Mais,
d'après les conclusions de voire premier rapporteur, aux-
quelles s'élaienl ralliés MM. Willems el Vanderkindere, il
fui décidé que le travail de M. Walizing, avant de pouvoir
figurer dans les publications de l'Académie, devrait être
non seiilemeni revisé au point de vue de la forme, mais
aussi sérieusement remanié et surtout écourlé dans cer-
taines parties.
D'un autre côté, d'accord avec vos rapporteurs, vous
avez, Messieurs, engagé l'auteur, d'abord à compléter son
mémoire par un recueil de toules les inscriptions connues
relatives aux collèges romains et par une table détaillée
des matières; ensuite, à donner à son travail une trame
plus serrée et à supprimer un grand nombre de notes, en
rejetant à la fin, sous forme d'appendice, la liste des cor-
porations, avec des explications sommaires sur la nature
de chaque métier.
Le mémoire de M. Walizing nous revient aujourd'hui,
après un délai de quatre ans, remanié et complété d'après
les désirs de la Classe.
( 668 )
Tl comprend acluellemenl trois parties principales :
i" le mémoire proprement dit; 2° le recueil des inscrip-
tions; 3" les indices.
Dans sa forme nouvelle, le travail qui nous est soumis
comprend près du triple des pages dont il se composait
primitivement.
M. Wallzing n'a pas jugé nécessaire de tenir compte,
d'une manière ahsolue, de toutes les modifications récla-
mées par votre premier rapporteur. Celui-ci considérait
comme peu utile la partie du chapitre I" où l'auteur
avait cru, pour mieux marquer le caractère propre des
corporations professionnelles, devoir s'étendre assez lon-
guement sur les collèges religieux, les clubs politiques et
les cercles d'amusement.
Mais, dans sa lettre d'envoi à la Classe, M. Waltzing
demande grâce pour l'ensemble du chapitre préliminaire.
Il est, dit-il, si souvent question de toutes ces corporations
dans la suite du mémoire, que les détails qui les concer-
nent devraient nécessairement être insérés ailleurs si on
les retranchait de l'introduction. Il lui paraît donc préfé-
rable de les réunir dans la première partie de son travail.
I/auleura peut-être raison, et je n'insiste pas.
La seconde partie, oij les collèges d'artisans sont étu-
diés en leur qualité d'associations privées, a été maintenu,
sauf l'adjonction des faits nouveaux constatés depuis 1889,
et les quelques modifications indiquées dans le rapport de
vos commissaires.
Parmi ces modifications, il en est une qu'il me sera
permis de rappeler,
A l'exemple de MM. Waddington-Lebas et de Rossi,
M. Waltzing avait cru trouver à Hiérapolis une institution
( 669 )
charitable, organisée par une corporation de teinturiers
en pourpre. Il se basait sur l'inscription suivante :
xQ'.-ïé'knie xal tw o-oveSptw
tTiç Ttpoaoeiai; twv Tiop'-pupo-
pâtpwv X.T.X.
Or, dans mon rapport, j'avais fait remarquer, confor-
mément à ce que j'avais déjà dit en 1868, dans la Revue
de l'instruction publique en Belgique, qu'on ne pouvait
pas raisonnablement admettre l'existence d'un comité de
l'indigence des teinturiers en pourpre,en supposant même
qu'on eût le droit de donner au mot Tipocroeia, qui ne
se trouve pas dans les dictionnaires, la signiflcation d'mrfi-
gence.
Je proposais, en conséquence, d'après les indications
d'une autre inscription d'HiérapoIis, découverte par moi,
de remplacer ttï; -poorôsiaç par tt.ç Trposopîaç, ce qui
substituait à cet étrange comité d'indigence, un bureau
chargé de la présidence des teinturiers. Eh bien, la même
inscription d'HiérapoIis a été, depuis 1868, revue par
M. Ramsay, le célèbre auteur de VHistorical geographij of
Asia Minor, et celui-ci, sans connaître ma conjecture, a
déclaré dans VAmerican Journal ofArc/ieology, III, p. 348,
qu'il avait vu sur la pierre les mots -rriç Tuposopiaç. Ce
que j'avais supposé en 1868 a donc été pleinement con-
lirmé par l'original.
Le premier chapitre de la troisième partie, où l'auteur
examine le rôle des collèges d'artisans considérés comme
institutions officielles, a été complètement remanié. Ce que,
dans ces deux cents pages, M. Waltzing a réuni de faits
de tout genre est vraiment étonnant. D'ailleurs, comme
( 670)
ces faits ont été toujours soigneusement contrôlés oi
groupés avec ordre, ils nous donnent une idée parfaite-
ment claire de la nature précise des services publics conGés
à ces collèges.
Ainsi que nous l'avions demandé, l'auteur a résumé le
paragraphe relatif à Vannona, en ne conservant que les
détails indispensables à l'intelligence du rôle des collèges
attachés à cette partie de l'administration.
Les chapitres II-V, sur lesquels nous n'avions pas cru
devoir présenter d'observations critiques, ont été mainte-
nus sans subir de changements importants.
Le premier appendice du mémoire de M. Waltzing
comprend le recueil de toutes les inscriptions grecques et
latines relatives aux corporations romaines que l'auteur
a pu rassembler. Il comprend environ neuf cents pages.
L'ordre suivi est celui du Corpus inscriptionum lalina-
rum, c est-à-dire l'ordre géographique. Avant d'adopter
celle classification, l'auteur avait bien voulu me demander
mon avis personnel. Je n'ai pu que l'engager à se con-
former au système du Corpus, qui a été généralement
approuvé.
Ce que le Corpus spécial de M. Waltzing a coûté de
recherches, malgré les recueils similaires déjà élaborés
par MM. Trangolt Schiess et Liebenam, ceux-là seuls
peuvent s'en rendre compte qui ont entrepris eux-mêmes
de composer des recueils de ce genre.
L'auteur a eu la bonne fortune d'être aidé dans son
travail par des savants de premier ordre. MM. Eugène
Bormann, Otto Hirschfel et Karl Zangemeisler ont eu, en
effet, la grande amabilité de compléter et de revoir les
inscriptions qui n'ont pas encore paru dans le C. /. L.
(Ombrie, France, Belgique, Allemagne). M. Bormann a
même poussé la complaisance jusqu'à communiquer à
(671 )
iM.Wallzing les numéros, que les inscriptions de l'Ombrie
porteront dans le Corpus (XI, 2).
Nous croyons que le vaste recueil forme par M. Walt-
zing sera très favorablement accueilli par les savants de
tous les pays et deviendra en quelque sorte une œuvre
classique.
Et cependant, malgré le zèle étonnant dont l'auteur a
fait preuve, il n'a pas réussi à recueillir d'une façon com-
plète toutes les inscriptions relatives à l'objet de son
mémoire.
Dans un volume très intéressant, récemment publié à
Vienne sous le titre bizarre û'Eranos Vinci obonensis^ à
l'occasion du quarante-deuxième Congrès de philologues
allemands qui vient d'avoir lieu dans celte ville, on trouve,
aux pages 276 et suivantes, un article de M. J. Oehiersur
les Corporations de f Asie-Mineure et de la Syrie. Nous
apprenons par cet article que l'Académie de Vienne va
probablement faire paraître sous peu un Corpus inscrip-
tionum Asiœ Minoris, et que M. Oebler, appelé, avec
d'autres, à rassembler les matériaux de ce Corpus, a eu
l'occasion de recueillir toutes les inscriptions grecques de
TAsie-Mineure et de la Syrie qui se rapportent aux corpo-
rations. Eh bien, dans le travail de M. Oehier, je n'ai pas
relevé moins de vingt-cinq inscriptions qui ne se trouvent
pas, je crois, dans le Recueil de M. Waltzing.
Ces inscriptions concernent l'industrie de la laine (êpto-
TikuToi, Xavâpt-oi, PaçeiTç, yva^peLç); du lin (kivoopyoi, Xivû^oi,
XivoTTwXai); du bronze (yjxk-Kzïq, yjxkxo-zuTzoi) ; l'orfèvrerie
(âpyupoxô-ot.); l'armurerie (jj.a'^a'.po-o'.oO; l'architecture
(o^xo5ô{jio!,); la fabrication de tentes ( a-xriverTai ) ; le com-
merce par caravanes (<Tuvoo{a) ; les bouviers (PouxôÀot,) ; les
jardiniers (x-ifiiioupoi); les portefaix ( o-axxo'^ôpo!. duo loù
( 672)
[xexp-riTOU, (7.>.t|aeveirTai, cpopr/iyol 'A^xX-rjUiao-raC , (p.Tiepl tôv
,3erxov) .
Parmi ces inscriptions non mentionnées par M. Walt-
zing, plusieurs offrent un sérieux intérêt. Ainsi à Flavio-
|)olis,en Cilicie, on a découvert une inscription chrétienne
du Ili" siècle, où l'on fait un vœu pour le salut de !a
modeste corporation (eûreXeç ffuvépy.ov) des foulons, et où
l'on demande pardon à Dieu pour les péchés commis.
Ainsi encore, on constate qu'à Abydos, les fabricants de
lentes et les ouvriers figurent dans une inscription com-
raémorative à côté de l'assemblée du peuple {^~r\u.oq) et
des Romains établis à llion.
^otons encore qu'à propos d'une contestation qui
s'était élevée à Sardes entre un entrepreneur de bâtisses
et ses ouvriers, le magistral s'adresse au collège des
constructeurs de maisons (oûoo6pi.o'.) pour lui demander
communication du règlement public (orijudata xavovuà) qui
détermine les obligations réciproques des entrepreneurs et
des constructeurs. Des articles de ce règlement, qui méri-
terait une étude spéciale, sont mentionnés dans le Code de
Juslinien(IV,59,VIlI,10, 12§9).
Si la Classe, comme je l'espère, ordonne l'impression du
mémoire de M. Waltzing, celui-ci ne manquera certaine-
ment pas de tenir compte de l'article de M. Oehier.
Le deuxième appendice du mémoire revisé contient les
Indices. La haute utilité, je dirai même la nécessité de
faire suivre un Corpus d'une série d'index nombreux et
détaillés, a été démontrée par le C. L L.
Yoici la liste de ceux qui sont annexés au mémoire et
au Recueil de M. Waltzing : 4° Collèges professionnels,
a) de Rome et d'Ostie, b) de l'Italie et des provinces;
2» Collèges militaires et collèges de vétérans; 3° Collèges
( 675 )
religieux privés; 4° Collèges funéraires; 5° Collèges dont
la nature est incertaine; 6" Composition, hiérarchie et
administration des collèges; 7° Fonctionnaires et servi-
teurs des collèges; 8° But et rôle des collèges; 9" Religion
et funérailles; iO° Finances.
A ceux qui aiment à pénétrer dans la vie intime des
corporations ouvrières de l'antiquité, les index de M. Walt-
zing fourniront une mine en quelque sorte inépuisable de
renseignements authentiques.
Qu'il me soit permis de citer un seul exemple à l'appui
de ce que je viens de dire. Sous la rubrique Culte des morls,
nous trouvons, au n° 9, la liste, assurément très curieuse,
des nombreuses fondations qui recommandaient d'apporter
sur la tombe des défunts, à des époques déterminées, des
roses, des violettes ou des couronnes. Quelques-unes de
ces fondations sont perpétuelles. Généralement, détail
caractéristique, on y stipulait qu'à toutes les personnes
qui, aux jours indiqués, apporteraient sur les lombes des
couronnes ou des fleurs, on distribuerait des sportules en
pain et en vin.
A Ossigi, dans la Bétique, un soldat de la huitième
cohorte prétorienne supplie ses collègues et ceux qui leur
succéderont de veiller à ce qu'une lampe perpétuelle brûle
sur la tombe de sa fille, a afin, dit-il, que pareil malheur
n'arrive à aucun de vous ».
M, Waltzing a compris dans ses Indices non seulement
des collèges mentionnés dans les inscriptions, mais aussi
ceux que nous ne connaissons que par les auteurs. C'est
une idée heureuse que nous approuvons pleinement.
Indépendamment de ses index, le mémoire de M. Walt-
zing contient ou contiendra la table des villes (noms
anciens et modernes) où les inscriptions ont été trouvées;
S""* SÉRIE, TOME XXVI. 44
( 674 )
une liste des recueils cités à côté du C. I. L. ; une liste de
concordance entre ces divers recueils partiels et \e Corpus;
enfin une table des matières.
Celle-ci n'a pas encore été faite et n'a pu l'être; il
est, en effet, évident qu'on ne pourra renvoyer aux pages
du mémoire et de ses appendices que lorsque le tout sera
imprimé.
A vrai dire, la rédaction du travail de M. Waltzing, telle
qu'elle nous est soumise, n'est pas, à tous égards, définitive.
Il reste à faire passim de petites retouches, à supprimer
un assez grand nombre de notes devenues inutiles à cause
du Recueil des inscriptions et des Indices, à en ajouter
quelques autres. Mais nous pouvons, je crois, nous en
rapporter à l'auteur pour opérer ces divers changements
dans le cours de l'impression.
En résumé, je suis d'avis que, moyennant les légères
réserves que je viens d'indiquer, le mémoire de M. Walt-
zing, dans sa forme actuelle, peut figurer dans un des
recueils de nos publications académiques.
Ce sera, si je ne me trompe, le travail de beaucoup le
plus complet publié jusqu'ici sur les corporations romaines,
et il fera, je n'en doute pas, honneur à la Belgique.
Assurément, de nouvelles inscriptions viendront se
joindre à celles que contient le Recueil de M. Waltzing;
quelques-unes des assertions du mémoire seront pro-
bablement contestées. Mais il n'en constituera pas moins
un standard work, destiné à faire époque dans l'histoire
des corporations. »
La Classe a adopté ces conclusions, auxquelles ont sous-
crit MM. Willems et Vanderkindere.
( 675)
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
De l'emploi des termes « style gothique d et a style ogival »;
par Alphonse Wauters, membre de l'Académie.
Je n'ai pas l'inlenlion de m'élendre longuement sur
cette question, qui a déjà occupé tant d'hommes voués au
cuite des beaux-arts et désireux d'en éclaircir les origines:
Faut-il dire le style gothique ou le style ogival? Ce dernier
terme, qui semblait avoir pris faveur en France et en
Belgique, paraît dédaigné aujourd'hui, et l'emploi du mol
gothique devient de plus en plus général, bien que, hâtons-
nous de le dire, on ne l'emploie qu'à regret. C'est ce dont
convient, entre autres, l'un de ceux qui se sont occupés
des productions du moyen âge : je veux parler de Louis
Gonse, l'auteur du splendide in-folio publié récemment à
Paris, sous le titre de l'Art gothique {Vâùs, Quentin). Ni
au propre, ni au figuré, on ne peut en admettre l'usage.
Qu'y a-l-il de commun entre la nation gothique, dont la
domination s'est éteinte en Italie au VP et en Espagne
au VIll® siècle, et la triomphante architecture qui, sortie
de l'Ile-de-France au Xlh siècle, se répandit rapidement en
Belgique, en Angleterre, sur les bords du Rhin, pénétra
plus tard en Italie et en Espagne, et domina dans ces diffé-
rentes contrées jusqu'à l'époque où reprit faveur le mode
de construire adopté par l'antiquité. On ne saurait établir
(676)
de rapports entre elles; en effet, on ne saurait trouver
aucune ressemblance entre la Sainte-Chapelle de Paris, les
cathédrales d'Amiens, de Reims et de Cologne, et les
temples plus modestes, plus simples, élevés à la religion
chrétienne au temps où une partie de l'Europe obéissait à
des rois goths. Les Espagnols sont bien plus dans le vrai
lorsqu'ils réservent le nom de gothique pour les édifices
d'architecture romane {\).
Au figuré, l'emploi du mol gothique est plus défectueux
encore. Dire d'un monument, d'un objet d'art, qu'il est
gothique, c'est sous-entendre qu'il est d'un goût suranné,
d'une manière qui est tombée dans le discrédit, C'est ainsi
que l'entendaient les meilleurs écrivains de la France, et
c'est la signification que donnent à ce mot, entre autres,
Boileau, Félibien et d'autres auteurs de l'époque de
Louis XIV. On ne désignait pas de la sorte les productions
de style ogival seulement; comme l'indique le Dictionnaire
de Trévoux (t. III, col. 277), on enveloppait dans la même
réprobation toutes les productions de l'art au moyen âge,
aussi bien les plus anciennes, « massives, pesantes et gros-
sières, » que les plus récentes, « plus délicates, plus légères
et d'une hardiesse à donner de l'étonnement ». L'ancienne
architecture gothique, ajoutent les auteurs du Dictionnaire,
est celle que les Golhs ont apportée du nord. Inutile de
le faire remarquer, ce dernier membre de phrase n'a rien
d'exact. En fait d'art, les Goths n'ont rien amené de la
Germanie, et les édifices qui ont été construits à l'époque
(1) Demnin, Encyclopédie des beaux-arts plastiques, t. I, p. iS. Le
même peuple désigne les édifices d'architecture gothique, c'est-à-dire
ogivale, par l'épithète A'aleman. Ibidem, p. 789.
(677 )
de leur domination, dans le midi de l'Europe, sont dus
probablement à des artistes de celte contrée, de même
que rarchileclure lombarde est née plus lard, dans la vallée
du Pô, non pas à la suite de l'invasion des Lombards, mais
comme conséquence du réveil de l'arcbileclure, et de la
prospérité de l'Italie du Nord dans les temps qui suivirent
la domination de ce peuple et la réunion du royaume des
Lombards à la monarchie carlovingienne.
Je ne parlerai pas de l'opinion qui lait de l'Allemagne
la patrie du style ogival (1), si ce n'est pour proclamer que
(1) Voir HoPE, Histoiri; de l'arclntccture, t. I. Quelques pages de
Boisserée, qui ont été traduites en français et publiées dans la Revue
universelle des arts (t. XVlll, p. 526) ont propagé cette thèse, mais
les arguments que l'auteur cite ne seraient plus admis de nos
jours. Signalons ici, au nombre des ouvrages où la même opinion
est défendue, celui de Demnin, que nous avons cite plus haut, et où
Ton peut relever des assertions singulières. Ainsi, pour assurer à
TAllemagnc la gloire d'avoir vu naître le style ogival, on y rencontre
les lignes suivantes : « Les plus anciennes constructions ogivales exé-
cutées en Europe sont : l'église de Mulcborn, en Thuringe, élevée
en 99Sj l'inlérieur delà cathédrale de Naun bourg, bâtie dans les
dernières années du X« siècle; la cathédrale de Hlinden, achevée
en 1000; rinlérieur de la cathédrale de Mersbourg, terminée sous
Henri 11, de 1015 à 1021, et les baies de la cathédrale de Paderborn,
qui datent de 1080 environ; sans compter les cathédrales de Schwe-
rin, de Brandenbourg. de Dobbern, et autres constructions en terres
cuites, souvent ornées de parties émaillées, et dort les portions
gothiques appartiennent presque toutes à la seconde moitié du
XI* siècle. Viennent ensuite le portail de Saint-Denis, achevé en
1 140; celui de Chartres en 1145, etc. » (Demmn, (oc. cit., t. f, p. 838.)
Pour montrer le danger qu'il y a à édifier des considérations de ce
genre et les réduire complètement à néant, il suffît d'observer que
les fameuses cathédrales en ogive de Schwerin,de Brandenbourg, etc.,
( 678)
celle opinion, jadis si répandue, n'est plus guère admise
aclueilement, et que la cathédrale de Cologne, autrefois
reconnue comme le type du style allemand et chrétien,
n'est plus considérée que comme une imitation, imitation
admirable du reste, des grandes églises du nord de la
France.
Je n'entreprendrai pas de discuter ici comment l'archi-
lecture,dans la seconde partie du moyen âge, a pris un tout
autre caractère en adoplanl l'emploi de l'ogive comme
courbe génératrice ; je me bornerai à faire remarquer que
l'usage de l'ogive imprime un caractère tout spécial aux
monuments de celle époque : d'un coup d'œil, le specta-
teur peut caractériser un édifice de ce genre sans que rien
vienne égarer son appréciation. Ensemble et détails, tout
porte le même caractère; si des formes cintrées ou qua-
drangulaires se montrent dans quelques détails, elles sont
tellement noyées dans les ogives qu'elles ne produisent
aucun contraste choquant.
Je dois cependant faire remarquer que l'architecture
romane-ogivale, ou de la transition, présente, sous un
rapport, un caractère essentiellement différend de celle
ne peuvent être du commencement du Xlh siècle, puisqu'à celle
époque le sol sur lequel elles s'élèvent ne connaissait pas la foi
chrétienne. Le christianisme n'y a été importé qu'après l'an il47,
lorsque les Allemands s'emparèrent, sur les Slaves, de Brandenbourg,
et de 1 148 à 1 160, lorsqu'ils firent, sur le même peuple, la conquête
du Mecklembourg (voir De Borcgraeve, Histoire des colonies belges
en Allemagne, pp. 112 et 143), Quant aux autres églises citées, l'his-
toire de leur édification devrait être soigneusement étudiée. Ici on
confond évidemment le temps de leur édification première et celui de
leur reconstruction en style ogival.
( 679 )
que l'on a appelée ogivale-primaire. Dans celle dernière,
toutes les voiiles d'un leinple, même celles du chœur et
de la nef centrale, sont en ogive, ce qui donne à l'édifice
une élévation, une hardiesse que l'on ne soupçonnait pas
d'abord. La voûte en ogive jouissant de la propriété
d'exercer centre ses appuis une poussée bien moindre que
la voûte en plein cintre (1), celle hardiesse offrait moins
de danger, d'autant plus que l on substitua au système des
conireforts-pilaslres soutenant l'extérieur des murailles,
de puissants arcs-boutants qui, en assurant la solidité des
monuments, ajoulèrenl une nouvelle beauté à leur aspect.
Que l'on contemple tous nos édifices de style roman, on y
remarquera, à côté d'une absence complète ou presque
complète d'arcs-boulants de l'espèce, un genre tout diffé-
rend de voûtes. Celles-ci n'ont été construites que dans
les derniers siècles, en remplacement de plafonds ou de
voûtes en bois. Exemples : Notre-Dame de Tournai,
Soignies, Nivelles, Maestricht. Parfois, comme à Sainte-
Gudule et à Notre-Dame de la Chapelle à Bruxelles, une
voûte à arc à tiers-point est superposée à une colonnade
romane; mais, dans ce cas, c'est que le style s'est modifié
pendant la construction de l'édifice. Le directeur des
travaux a harmonisé le style nouveau avec les construc-
tions dues à ses devanciers.
Rien donc n'est plus propre à désigner le style qui a
régné dans l'Europe occidentale du XII' au XVI* siècle que
le nom de style ogival, et c'est avec regret que l'on verrait
en répudier l'emploi. J'ai dit plus haut les raisons qui sont
[i) Demainet, Mémoire sur l'archilcclure des églises, p. 18.
( 680 )
contraires à l'usage du mot gothique (i). Il en est une
autre sur laquelle on me permettra de reproduire quelques-
uns des arguments que j'ai déjà fait valoir ailleurs et
dans une autre assemblée (2). C'est que le mot : style
gothique serait plus rationnellement adopté pour désigner
l'architecture romane des premiers temps, c'est-à-dire
celle du V* siècle et des siècles qui suivirent.
Au déclin de l'Empire romain, ses provinces furent en
proie aux plus terrihies fléaux, à la guerre et à la dévasta-
lion. Elle furent parcourues en tous sens par des tribus
germaniques qui s'y disputèrent la domination et qui ne
ménagèrent pas les populations vaincues. Une quantité
d édifices, tant sacrés que profanes, furent incendiés ou
détruits. Mais ces mêmes tribus, bientôt converties au
christianisme, ne tardèrent pas à s'approprier les bienfaits
de la vie matérielle, telle que les Romains la comprenaient,
et en même temps à relever et à orner pour leur propre
usage les monuments qui avaient d'abord souffert de leurs
attaques. Le peuple qui se distingua le plus dans cette
œuvre réparatrice fut le peuple goth, dont la domina-
lion s'exerça pendant quelques générations depuis le
détroit de Gibraltar jusqu'au Danube et de l'embouchure
de la Loire jusqu'en Sicile : à l'ouest du Rhône, sous le
(1) L" Allgemeine Encyclopàdie der Wisscnschaficn und Kmist,
d'Erscti et Gruber, t. I, pp. 75-76 (Leipzig, 1892, in-4»), emploie
encore le mot golhischc Buukunst. T/œ Encyclopediu Britannica
(neuvième édition, Edimbourg, 1 879, in-^», 1. 1) se tait sur cet emploi
du mot gothique.
(2) Dans la séance de la Société d'archéologie de Bruxelles, du
18 avril 1889. Voir Annales de la Société d'archéologie de Hruxelles,
t. III, p. 217.
( 681 )
nom deVisigolhs ou Golhs occidenlaiix; à l'esl de ce fleuve,
sous celui d'Ostrogolhs ou Golhs orientaux. Deux rois
surtout contribuèrent à la grandeur de celte race : le roi
des Visigolhs Euric, qui soumit à ses lois l'Espagne, et
qui régna de 465 à 484, et le roi des Oslrogoths Tliéo-
doric, qui gouverna l'Italie de 493 à 526.
Euric joua un rôle marqué dans l'œuvre de répara-
tion dont je viens de parler. Il fil bâtir notamment deux
églises dans la ville de Clermont en Auvergne, la pre-
mière dédiée à saint Laurent et saint Germain, la seconde
à saint Julien [i); on se servit dans cette occasion de
l'architecture des Romains, de l'architecture à colonnes.
Celte architecture romaine, il ne faut pas s'y tromper, c'est
l'art romain de la décadence, tel qu'on le pratiquait alors à
Rome et à Ravenne; c'est l'art qui distingue les plus
anciennes basiliques chrétiennes et qui conserve la trace
indélébile de son origine dans le nom même qui lui est
resté attaché à travers les siècles, Vart roman, en un
mol.
J'ai signalé un fait qui prouve, d'une manière inconles-
lable, que les Golhs ont contribué à le répandre dans la
Gaule septentrionale, dont Clovis avait achevé la conquête
peu d'années après la mort d'Euric, et qui jouissait, sous
le règne des fils de ce prince, d'une tranquillité relative.
L'église Saint-Pierre-le-Vif, depuis appelée Sainl-Ouen, à
Rouen, fut construite vers l'an 536 par « une main
gothique, » manu gothica, en pierres équarries, et avec un
art admirable [miro opère), par ordre du roi de France
Clotaire I". C'est ce que nous apprend un ancien auteur
(1) Historia I-rancortim, L. Il, c. 20.
( 682 )
appelé Frédégide, qui vit encore debout celte construc-
tion (1). Par ce terme de mnnus gothka, main gothique,
l'écrivain désigne évidemment, il est inutile, je crois, d'en
faire la remarque,rintervention d'un ou de plusieurs archi-
tectes venus des pays soumis alors aux Goths,soit de l'Italie,
soit de l'Espagne, soit de la partie de la Gaule qui avait
les mêmes maîtres que cette dernière contrée. Ces archi-
tectes n'étaient probablement pas golhs d'origine, mais
étaient compris parmi les sujets des rois de celte nation,
et appartenaient, selon toute apparence, à l'ancienne popu-
lation, plus habituée aux arts de la paix que ses domina-
teurs.
Ij'exemple de Clotaire l^"" eut des imitateurs. A la même
époque, nous voyons un haut dignitaire ecclésiastique,
dont la domination spirituelle s'étendait sur une partie de
notre pays, solliciter également pour ses travaux d'art
l'intervention d'hommes du Midi. Dans une lettre adressée
par Rufus, évêque â'Oclodurum, aujourd'hui Martigny-en-
Valais, à Nicetius, évêque de Trêves, le premier de ces
prélats annonce au second qu'à sa demande il lui envoie
des artistes qu'il avait mandés d'Italie sous la foi de la
promesse faite pour leur sécurité {harum porlîlores arti-
fices, de partibus llaliœ accitos ac sacramenloriim lega-
tioni seciiritale traditos, ad vos, Ueo ducente, transmisi). Il
déclare avoir chargé du soin de les accompagner le prêtre
Amabilis, et ajoute que s'il avait pu les suivre, il n'en
aurait été empêché ni par la longueur de la distance à
parcourir, ni par l'état déplorable des chemins, ni par la
(i) Jeta suncloriun, t. IV seplembrix, p. 818.
( ()83 )
masse des eaux tombées du ciel (ou les plaies), ni par
crainte des brigandages (1).
Ce Nicetius, qui songeait à orner son église el ne recu-
lait pas devant les immenses sacrifices que lui imposait le
concours d'artistes venus de pays éloignés, vivait au
milieu du VI* siècle (de 532 à 563), et Rufus est cité
comme ayant assisté en 541 au concile d'Orléans, en 549 à
ceux tenus dans la même ville et à Clermonl en Auvergne.
Trêves fut embellie par les soins de Nicetius, comme
l'attestent ces deux vers que le poète contemporain Fortu-
natlui adresse :
Templa vetusla Dei renovasti in culinme prisco
El floret senior, te réparante, domiis.
La ville se relevait alors des dévastations que les Francs
y avaient commises en s'en emparant au siècle précédent,
et était, en même temps que Metz, Tournai et Maestricht,
une des cités d'où la foi cbrélienne commençait à se
propager dans les campagnes environnantes. L'interven-
tion d'un évêque du Valais s'explique par le fait que cette
contrée est contiguë à l'Italie, alors possédée par les
Oslrogoths, et avoisine la vallée du Pô. Or, c'est au nord
de ce fleuve, de l'autre côté des Alpes, que l'on trouve la
grande cité de Milan, un des centres de la civilisation
romaine dans l'Italie septentrionale, et la ville de Côme,
dont les habitants, sous le nom de magislri comacini ou
commacini, avaient la réputation d'être maçons habiles,
comme on le voit dans la Loi des Lombards (I. I, tit. 9,
§ 9 et 10).
(1) Du CfiESfiE, f/isloriœ Francoriim scnptores, l. I. p. 863. — Dom
Bouquet, Rfcucil des historiens de France, t. IV, p. 7S.
( 684 )
Les deux lexles dont je viens.de me servir en témoignent.
Dans la Gaule septentrionale, à Trêves comme à Rouen,
c'est à un pays possédé et habité par les Golhs que
les chefs de l'épiscopat demandèrent des hommes en état
de rendre aux monuments religieux leur ancienne splen-
deur, ou d'en construire de nouveaux dignes de rivaliser
avec les anciens. Sur les bords de la Moselle, on faisait
appel aux Italiens, comme sur ceux de la Seine on deman-
dait la coopération d'un Goth. C'est un fait qui n'offre rien
d'extraordinaire en lui-même. Notre pays et les contrées
voisines sortaient à peine des calamités qu'avaient entraî-
nées des incursions dévastatrices, et enfin une invasion à
main armée; quoi d'étonnant que les arts, et l'architecture
en particulier, y fussent délaissés? L'Italie, au contraire,
s'était relevée de ses désastres sous le règne du puissant
Théodoric; comme l'atteste la correspondance du célèbre
Cassiodore, l'un des ministres de ce prince (I), on y avait
pris fréquemment des mesures pour réparer les dégâts
causés aux édifices publics. Ravenne, où Théodoric avait
sa résidence habituelle, ainsi que Rome, la capitale de la
catholicité, s'embellissaient constamment de monuments
somptueux. Ici la situation était tout autre, et l'on com-
prend qu'elle se soit maintenue telle après l'invasion de
l'Italie par les Lombards en 560, sinon dans les campagnes,
du moins dans les villes principales de ce pays.
Celte circonstance est d'autant plus importante à établir
que, au VII' siècle, on constate l'opposition dans la Gaule
(i) J'ai accumule les preuves de ce fait dans un travail intitulé :
L'architecture romane dans ses divo-ses transformations, dans les
Annales de la Société d'aiiciiéoi.ogie de Bruxelles, loc. cit., p. 242.
( 685 )
(l'un double arl archileclural, l'arl romain, et l'art gaulois,
que l'on juge bien inférieur au premier. Le mode romain
se reconnaissait à l'emploi d'un appareil extrêmement
régulier. Comme on le remarquait à la cathédrale de
Cahors, élevée par saint Didier de 637 à 660, ce temple
fut élevé, « suivant la manière des anciens, en pierres
» équarries et polies, non pas suivant le mode gallican
» en usage dans le pays, mais à l'imitation des vieilles
» enceintes de murailles, en pierres grandes et carrées (1).»
l/église Saint-Ouen, à Rouen, qui fut incendiée par les
Normands en 842, et dont nous avons signalé la construc-
tion au VI' siècle, était également en pierres équarries
{quadris lapiclibus). C'est évidemment l'élégant mode
architectural que l'on remarque dans les fortifications
encore existantes de Carcassonne, de Bordeaux, ou de
mainte autre cité romaine, cet arl dont la tradition
subsista longtemps en Italie. L'histoire de l'Angleterre à
cette époque fournit aussi des preuves nombreuses des
mêmes faits. Le vénérable Bède, dans son Histoire ecclésias-
tique, en fournit d'autant plus irrécusables qu'il était
contemporain. A cette époque, on construit des églises
à la romaine; on se rend à Rome pour assurer le succès
des entreprises tentées dans ce but. C'est encore dans le
style romain [rnore Romanoriim,) qu'était bâtie l'ancienne
cathédrale de Cantorbéry, d'après le moine Gervais (2).
(i ) Denique primam inibi more antiqimrum basilicarum praecipiens
quadris et dedolatis lapidibns œdi/icavit, non quidem 7iostro gallicano
more, sed sicut antiqiiorum murorxim ambitus magnis quadrisque saxis
extrui solet fundamentis. Dom Bouquet, toc. cit., t. lit, p. 551.
(2) De combustioiie et rcparatione ecclcsiœ Dorobernensis , dans
TwvsDEN, Hisloriœ Anglicœ scriptores X, t. II, col. 1289.
( 686 )
En opposition avec le style roman, le mode gaulois se
reconnaissait au choix moins sévère des matériaux, à
l'irrégularité de leur disposition dans la maçonnerie. On
doit donc y rattacher les constructions pour lesquelles on
n'a employé que des lits de briques et quelquefois un blo-
cage irrégulier, et, en particulier, les murs primitifs de
l'abbaye Saint-Bavon de Gand, formés de tout ce que l'on
a pu rassembler en pierres, briques, tuiles, morceaux de
plomb, etc., le tout noyé dans un mortier extrêmement
dur, et tellement solide que l'on a pu établir sur et à tra-
vers ces débris d'autres constructions qui n'en ont pas
ébranlé la solidité.
Il est facile de comprendre comment la nécessité où
Ton se trouva, dans le nord des Gaules, d'entreprendre
rapidement des travaux de défense contre les incursions,
et le peu de ressources qu'olTrait une contrée où la civili-
sation n'avait fait que de rares progrès, durent maintenir
longtemps l'emploi d'un art plus primitif. L'emploi de
Vopus gallicum s'était répandu en Italie, et dans plus d'une
église de ce pays on a constaté l'existence, à l'intérieur des
maçonneries régulières, d'un noyau intérieur en blocage,
formé de gros cailloux et de débris de pierres, liés
ensemble par un mortier hydraulique d'une dureté excep-
tionnelle. Cette manière de bâtir resta longtemps en
vigueur dans la Belgique, et j'en ai vu un exemple frap-
pant lorsqu'on démolit, il y a peu d'années, les premières
travées de la nef de l'ancienne église de Laeken, dont on
n'a conservé, comme on ne l'ignore pas, que les dernières
travées, outre la partie postérieure. Celte église est de siyle
gothique primaire et est construite en partie de pierres du
pays, de petite dimension, très bien appareillées. Ces
pierres ne constituent qu'un revêtement extérieur, au
(687)
milieu duquel existe un blocage du genre de ceux dont je
viens de parler. Il est à regretter qu'au cours des travaux
de démolition et de réparation de la nef on n'ait pas songé
à laisser apparente la disposition primitive. C'était une
occasion, occasion qui se rencontre rarement, de montrer
comment on bâtissait jadis dans notre pays.
En Belgique, le dualisme en matière archileclonique
put également se manifester. Car c'est une grosse erreur
de croire qu'à celte époque on ne construisit chez nous
ou à nos portes que peu de chose. Au VIP siècle surloul,
on y vit s'élever un grand nombre de constructions, sinon
somptueuses, du moins considérables. C'est alors que s'or-
ganisèrent les chapitres de chanoinesses de Nivelles, de
Maubeuge, de Mouslier, d'Andenne; les abbayes de Sainl-
Vaast, de Saint-Amand, de Saint-Omer, de Lobbes, de Sta-
velot, de Prum, d'Echlernach, de Saint-Trond, etc. Les
châteaux de Herslal, de Jupille, de Chèvremont, étaient
aussi sans doute luxueux et vastes, et les demeures
des évêques ne leur cédaient en rien sous l'un et l'autre
rapport. Le palais de Liège, notamment, semble avoir
été tout à fait remarquable, a Le toit en était couvert
» de tuiles de diverses couleurs, des fenêtres nombreuses
» et garnies de vitres y répandaient une lumière abon-
j> dante,sur les voûtes un habile pinceau y avait prodigué
j> les dessins et les couleurs, des lambris garnissaient les
» murailles décorées de peintures (1). x> A en juger par le
haut rang des personnalités qui en furent les fondateurs,
par l'importance de leur dotation, les abbayes et les autres
établissements nouveaux furent souvent en état d'entre-
(i) PiRENNE, Sedulius de Liège (dans les Mémoiues de l'Académib
ROYALE DE BELGIQUE, Ïn-S», t. XXXIII), p. 48.
( 688 )
prendre de grands travaux, et il nous en serait resté plus
d'un témoignage sans les ravages exercés dans notre pays
par les guerres et par l'action continue du temps.
Dans tous les cas, il subsiste un témoignage frappant
des progrès qu'avait accomplis l'art de bâtir au temps de
Charlemagne. Dans une lettre écrite à ce prince par le
pape Adrien I", dans les années 774 à 781, le souverain
pontife prie le monarque de faire en sorte que les poutres
accordées par Charles pour la restauration de l'église Saint-
Pierre, de Rome, soient prêtes au l"' août(l). Il demande
en outre l'envoi d'un maître architecte qui fût en état
d'inspecter le temple et de le remettre dans son ancien
état, et d'examiner surtout la toiture ou la partie supé-
rieure de l'édifice (2).
De ce qui précède on peut conclure que l'impulsion
donnée en Gaule à l'art de l'architecture vint surtout de
(1 ) Sîcul direxisli nobis nostram pelilionem adhnpleri pro trabibus
ad restaurationcm sanclœ ecclesiœ, poscimus vestram a Deo promotam
exccllentiam, ut Icaletidis Augusti hic ad limina Beati Pétri, fauloris
vestri, si ficri potest, paralœ inveniantur, ut cxinde sempiterna memo-
ria vestra et hic et in futurum permaneat. Du Chesmî, Hisloriœ Fran-
corum scriptores, t. 11!, p. 784. — Dom Bouquet, Recueil des historiens
de France, t. V, p. 559.
(2) Ad renovandum in basiUca Benti Pétri apostoli,nulritoris vestri,
prius nobis umim dirigite magistrum, qui considerare dcbeat ipsius
ligamen, quid ibidem necesse fuerit, et sicut unliquilus fuit, ita valeat
renovari. Et tune per vestrœ regalis prœcellentiœ jussione dirigelur ipso
magister in parlibus Spoletœ, et demandationem ibidem de ipso faciat
ligamine, quod in prœdicla hypochartesi, hoc est camerado, necesse
fuerit, quia in noslris finibus taie ligamen minime rcpcritur.
Et pro hoc sanctissimus frater noster Walcharius archiepiscopus
nnnc minime faligatur venire, dum ipsum ligamen per semetipsum
siccetur, quia, dum viride est, non audimus cxinde opéra qualiacumque
faccrc.
( 689 )
l'Italie. Les restes, qui subsistent encore, à Trêves, de
l'ancienne ca'''0(irale et que l'on attribue à l'évéque
Nicétius, en sont encore un témoignage, notamment les
puissantes colonnes de granit qui faisaient partie de cette
construction et qui ont été encastrées dans les murailles
lors de la réédification du temple au XI^ siècle. Pour les
autres basiliques élevées dans le pays et en Angleterre, on
s'efforça d'adopter la même ornementation. Une des plus
curieuses constructions du VHP siècle était, sans contre-
dit, l'abbaye de Saint-Riquier, dans le Ponthieu; élevé à
la limite des deux pays, la France et l'Angleterre, dans un
site qui était à celte époque très fréquenté par le com-
merce, Saint-Riquier fut orné par son possesseur,
Engilbert, parent de Cbarlemagne, de tout ce qui pouvait
rendre ce monument imposant et remarquable. D'après la
vue que l'on en a conçervée, l'église abbatiale était remar-
quable par son double chœur, occupant les extrémités de
la nef. Des coupoles, des baies et des arcades cintrées en
formaient extérieurement la décoration. Dans des con-
structions plus modestes, telles que l'église Saint-Saturnin
à Saint-Vandrille (dans la Seine-Inférieure), tout est
simple : un seul vaisseau en forme de croix et dont les
bras sont arrondis, des embrasures laissant pénétrer à
l'intérieur un jour douteux, l'appareil en pierre ou, en
partie, Vopiis spîcatum. C'est le temple populaire, l'ora-
toire des campagnes, par opposition aux cathédrales et aux
monastères luxueux. On a, par ces exemples, une idée
sommaire de ce qu'était l'architecture au VII* et au
VHP siècle.
Je crois en avoir dit assez pour établir que le nom de
gothique ne convient pas à Tarchiteclure du moyen âge.
C'est un terme que l'on doit réserver à l'art roman dans
3"* SÉRIE, TOME XXVI. 45
( 690 )
sa première effervescence, lorsque de Raveiineet de Rome
il s'éiendil dans toute l'Europe occidentale, sous l'influence
des rois golhs. L'Italie et l'Espagne et une grande partie
de la France méridionale doivent renfermer encore des
temples bâtis à cette époque et qui, à cause de leur situa-
lion retirée, de la pauvreté des localités où ils se trouvent,
ont échappé à la fois, d'une part, aux guerres et aux
révolutions, et, d'autre part, à la manie de reconstruction
et de réparation qui a indirectement ou insciemment
causé tant d'actes de vandalisme.
D'un catalogue général des bibliothèques publiques; par
F. Vander Haeghen, membre de l'Académie.
Messieurs et très honorés Confrères,
La bibliographie a, depuis un demi-siècle surtout, rendu
de grands services; des matériaux considérables sont mis,
grâce à elle, à la disposition des chercheurs érudits qui
s'efforcent de frayer des voies nouvelles à la science,
à l'histoire, à la littérature. Pourtant, les spécialistes
les plus rompus au travail ne peuvent embrasser qu'au
prix d'investigations longues et souvent frayeuses la série
entière des ouvrages ayant trait à une spécialité. Des diffi-
cultés plus grandes encore se présentent lorsqu'il s'agit
de connaître les dépôts publics où se rencontrent des
livres devenus rares par suite de circonstances qui peu-
vent variera l'infini.
Les bibliothécaires, que leurs fonctions astreignent, en
vue de faciliter les éludes d'autrui, à des explorations de
toute nature dans le vaste domaine de la bibliographie,
savent le mieux combien de temps et de peines il faut
sacrifier à certaines recherches.
( 691 )
La dilficullé de conlrôler un texte ou de recueillir le
témoignage d'un écrivain dont l'œuvre n'est plus repré-
sentée que par un nombre restreint d'exemplaires, n'existe
pas seulement lorsqu'il s'agit d'auteurs anciens; pour tel
livre ou brochure de date relativement récente, on fait
appel, parfois en vain, à dix, vingt dépôts publics et davan-
tage. Ces recherches pénibles et forcément dispendieuses,
alors même qu'elles aboutissent, conservent le grave
inconvénient de ne pas laisser, dans la généralité des cas,
de traces durables parmi cet ensemble de publications
bibliographiques patiemment accru, qui forme le patri-
moine de la science moderne.
Un progrès considérable serait réalisé par la publication
immédiate des catalogues manuscrits des bibliothèques.
Sous ce rapport, l'administration du Brilish Muséum a
donné l'exemple. Il y a déjà plusieurs années que cet
important établissement scientifique a entrepris l'impres-
sion du catalogue de ses collections. Toutefois, celte
publication, patronnée à grands frais par le gouvernement
britannique, eût-elle reçu son entier achèvement — ce qui
n'est pas prochain, — ne pourrait représenter qu'une
minime partie des richesses bibliographiques de la seule
Europe. Il est évident, en effet, que des lacunes considé-
rables persistent et persisteront toujours dans toute biblio-
thèque, si largement pourvue de ressources pécuniaires
qu'on puisse la supposer.
Il faut que les catalogues de tous les dépôts de l'Europe
soient imprimés.
Or, pourquoi ne publie-t-on pas ces catalogues?
\° Parce que les répertoires existant dans les biblio-
thèques, bien que suffisants pour les besoins ordinaires du
service, sont généralement trop défectueux, dans leur état
actuel, pour être livrés à l'impression,-
( 69:2 )
2° Parce qiie les accroissements apportent perpétuelle-
ment un appoint nécessitant des suppléments d'inventaires
sans cesse renouvelés; et cet afflux ininterrompu d'œuvres
et d'acquisitions nouvelles complique outre mesure, à
notre époque de production enliévrée, tout essai de classi-
fication méthodique;
5° Parce qu'on recule devant les frais qu'entraînent les
entreprises de ce genre : tous les initiés savent, en effet,
que le catalogue d'une bibliothèque même médiocrement
outillée, nécessite des impressions étendues et très oné-
reuses. Que dire lorsqu'il s'agit d'un de ces immenses
dépôts comme il s'en trouve aujourd'hui dans la plupart
des capitales?
Mais supposons que l'on parvienne à surmonter tous ces
obstacles et que l'initiative du gouvernement britannique
soit imitée par tous les dépôts scientifiques, la question ne
serait pas pour cela résolue. Nous n'aurions pas encore le
Catalogue des catalogues, desideratum de tous les zélés du
livre.
Ce qui manquerait toujours, c'est un moyen rapide
d'information, un répertoire général qui puisse être tou-
jours accru, c'est-à-dire dont le cadre fût suffisamment
élastique pour que ni additions ni relouches n'en altèrent
les dispositions initiales.
Un catalogue unique servant à tous les travailleurs,
résumant ce que renferment toutes les bibliothèques, tou-
jours ouvert aux accroissements, tel est le but à atteindre.
Mais une pareille simplification de travail, la suppression
de tant de frais — toujours les mêmes pour chaque biblio-
thèque — sont-elles choses réalisables ?
Nous pensons pouvoir résoudre affirmativement la ques-
tion, après plusieurs années de réflexion et des expériences
décisives. Nous nous sommes arrêté à un système coopéra-
( 693 )
tir, dont le caractère pratique n'échappera à aucun de ceux
qui se sont intéressés à la question.
Le titre de chaque ouvrage serait porté sur une (iche
séparée, après avoir été préalablement communiqué, en
épreuve-placard, à tous les bibliotiiécaires fédérés qui
indiqueraient les dépôts où se conservent des exemplaires
de l'ouvrai^e inventorié. Chaque dépôt recevrait un nombre
à déterminer de chaque fiche et demeurerait libre d'opérer
simultanément tels systèmes de classification que l'on juge-
rail utile, procédant par ordre de date, alphabétiquement,
par genre de matière traitée, noms d'imprimeurs, etc.
Les recherches, si ardues aujourd'hui, effectuées en vue
de constituer des répertoires de bibliographies nationales
ou locales, se réduiraient désormais à un simple travail de
classement. D'autre part, les garanties de conservation se
trouveraient augmentées, car l'existence d'un livre rare,
une fois de notoriété publique, il ne serait plus possible
de le faire disparaître du dépôt où il s'est trouvé enregistré.
Une telle entreprise serait d'utilité universelle. Aussi
appartiendrait-il aux gouvernements de tous les pays de
l'Europe où la science et l'étude sont en honneur, de
subvenir, proportionnellement au nombre et à l'importance
des dépôts affiliés, aux frais de ce catalogue, dont la réali-
sation constituerait en somme une notable économie de
temps et d'argent.
Le catalogue universel par fiches serait imprimé dans
un pays neutre. Le bureau de rédaction et d'impression
des Bulletins aurait pour siège une ville possédant un
dépôt de livres important et bien organisé. Le bureau qui,
successivement, s'adjoindrait des employés de diverses
nationalités, dépouillerait tous les catalogues anciens et
modernes, ainsi que tous les recueils bibliographiques.
( 694 )
La publication en projet pourrait débuter dans de fort
modestes proportions; mais, une fois sa viabilité et son
caractère pratique affirmés par l'expérience, une large
extension serait donnée aux travaux du Bureau interna-
tional de bibliographie, et c'est par un très grand nombre
de milliers que seraient réparties annuellement les fiches
destinées au catalogue.
Tel est, Messieurs et très honorés confrères, exposé
dans ses grandes lignes, le projet dont la réalisation serait,
pensons-nous, une rénovation des procédés d'investigation
et des moyens d'étude.
Les détails de mise en pratique seraient aisément arrêtés
une fois le principe accepté. Ce qui importerait tout
d'abord, c'est de connaître l'opinion que les spécialistes
professent au sujet d'un tel projet.
L'exposé sommaire que nous avons fait de la question,
laisse une large place à toutes les améliorations ou modi-
fications que l'expérience personnelle pourrait suggérer.
Semblables à l'avare du vieux temps, nous n'avons guère
songé, jusqu'à présent, à accumuler les trésors que pour
les serrer soigneusement sur les tablettes de nos biblio-
thèques. Dans notre égoïsme conservateur, nous paraissons
oublier que ces immenses capitaux, aujourd'hui peu uti-
lisés, peuvent et doivent produire des fruits abondants :
hâtons nous donc, si c'est possible — tout en continuant
à prendre des mesures efficaces contre les abus — de les
mettre d'une manière complète à la disposition des hommes
d'étude, par la publication d'un catalogue universel.
La Classe charge MM. Banning, Fétis, Vander Haeghen
et Willems de lui faire un rapport sur les propositions que
renferme la lecture précédente.
( 695 )
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 7 décembre 1893.
M. Ad. Samuel, directeur.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents: MM. J. Stallaerl, vice - directeur ;
Éd. Félis, Ernest Slingeneyer, A. Gevaert, God. Guffens,
Jos. Schadde, Jos. Jaquet, J. Demannez, P.-J. Clays,
G. Biot, Henri Hynoans, Alex. Markelbach, Max. Rooses,
J. Robie, G. Huberli, A. Hennebicq, Éd. Van Even,
membres; F. Lanreys, Paul de Vigne et Alb. De Vriendl,
correspondants.
M. le directeur, en ouvrant la séance, annonce, au
nom de la famille, la mort de Charles-Auguste Fraikin,
membre de la section de sculpture, né à Hérenthals
le \A juin 1817, et décédé à Schaerbeek le 22 novembre
dernier. M. Samuel a regretté, dit-il, qu'une indisposition
l'ait empêché de représenter la Classe, en sa qualité de
directeur, aux funérailles. Il remercie M. Marchal d'avoir
bien voulu parler au nom de l'Académie.
Le discours de M. Marchal paraîtra dans le Bulletin de
la séance.
Une lettre de condoléance sera adressée à 1\I°" veuve
Fraikin et ses enfants.
( 696 )
CORRESPONDANCE.
M. le Minisire de l'Inlérieiir et de l'Inslruclion publique
envoie, pour la bibliothèque de l'Académie, un exemplaire
des OEuvres de Grétrxjy quinzième livraison. Colinette à la
Cour, comédie lyrique en trois actes, publiée aux frais du
Gouvernement par la Commission académique chargée
d'éditer les œuvres des anciens musiciens belges. —
Remerciements.
— M. le Secrétaire perpétuel offre, au nom de la
comtesse Marie de Villermont, un exemplaire de son
Histoire de la coiffure féminine. Remerciements. — La
note lue par M. Marchai, en présentant ce livre, paraîtra
dans le Bulletin de la séance.
— M. Verhelle, lauréat du grand concours d'architec-
ture de 1890, envoie de Rome son deuxième rapport
semestriel de voyage. — Renvoi à la section d'architec-
ture.
Discours prononcé aux funérailles de C.-A. Fraikin,
membre de la Classe des beaux-arts, par le chevalier
Edmond Marchai, secrétaire perpétuel de l'Académie
royale de Belgique.
Messieurs,
C'(St sous l'impression d'une bien vive appréhension
que je prends la parole en cet instant douloureux. J'ai
assumé, au nom de l'Académie royale de Belgique, la tâche
( 697)
de rendre un dernier hommage à l'un des membres les
plus estimés el des plus considérés de la Classe des beaux-
arls, à l'un des plus éminenls représentants de noire art
national, que la mort vient de nous enlever après d'hé-
roïques souffrances, supportées avec la résignation du
chrétien qui a vu arriver l'heure de l'Éternilé. Je sais que
les courts instants dont je désirerais disposer me manquent
pour m'aider à rendre à cet hommage le caractère que
j'aurai voulu lui donner en raison de la si belle et si longue
carrière parcourue par notre bien-aimé confrère, car
l'heure de TÉternilé pour lui aura été l'heure de l'Immor-
talité. Puissent les sentiments d'amitié qui m'ont uni
pendant de si longues années à celui que nous pleurons
en ce moment, faciliter ma tâche pour rappeler en peu
de mots ce que notre confrère a été, ce qu'il nous a
légué en fait d'œuvres sculpturales qui perpétueront
le souvenir de son nom! Puissiez-vous, Messieurs, en
raison de l'estime et de l'amitié que vous professiez
pour celui dont nous entourons la dépouille mortelle,
suppléer d'esprit et de cœur aux paroles que j'aurais
encore voulu ajouter pour que ce suprême hommage fût
digne de celui à qui il s'adresse.
Charles-Augustin Fraikin est né à Hérenthals le 14
juin 1817. Il venait donc d'atteindre depuis cinq mois à
peine sa soixante-seizième année lorsque la mort l'a
frappé. Il était le plus jeune de neuf enfants, dont
l'éducation fut entourée de la plus vive sollicitude,
malgré les modestes ressources de son père bien-aimé
J.-B. Fraikin, d'origine wallonne, qui exerçait la pro-
fession peu lucrative de notaire de campagne. Contem-
porain, à peu d'années près, de Simonis, des frères Geefs,
de Jeholte, de Du Caju, notre confrère était doué comme
( 698 )
eux de ce senlimeni intuitif du beau, du grandiose, de
l'élégance des proportions humaines qui constituent l'art
de la statuaire dans sa plus sincère acception. Comnie ces
illustres maîtres que l'Académie se glorifie d'avoir comptés
dans ses rangs, il a su se créer une place des plus bril-
lantes dans son art de prédilection ; aussi son nom est déjà
indélébilement inscrit parmi cette pléiade d'artistes que je
viens de citer et qui, avec les Gallait, les De Keyser, les
Navez, les Verboeckhoven, les Leys et tant d'autres encore,
ont reculé jusque dans les deux Amériques les frontières
de la renommée artistique de la Belgique. Aussi nous ne
saurons jamais oublier qu'ils ont placé, avec les savants et
les littérateurs, noire chère patrie au rang des nations où
brille en premier lieu la haute culture des idées.
Né loin de tout grand centre d'activité intellectuelle,
orphelin à 15 ans, dénué de fortune, Auguste Fraikin
montrait déjà dès son enfance un goût des plus prononcés
pour les arts. Il avait à peine 12 ans lorsque son père,
accédant à ses désirs et à une vocation déjà fortement
décidée, l'amena à Anvers oij il parvint à le faire admettre,
malgré son jeune âge, à l'Académie que dirigeait Mathieu
Van Brée. Notre confrère sut s'attirer bientôt, par son
application et l'ardeur qu'il mit à suivre les cours, les
sympathies et la bienveillante sollicitude de ses profes-
seurs. Sous cette puissante égide, ses progrès incessants
lui valurent, dès la première année, d'être élevé d'emblée
du dernier au premier rang de sa classe. C'était alors la
peinture qui était l'objet de ses aspirations. La mort
inopinée de son père vint malheureusement entraver
ses études commencées sous d'aussi heureux auspices.
Accédant aux sollicitations de son frère aîné, qui était
devenu son tuteur, Fraikin parvint, grâce au peu de latin
( 699 )
qu'il avait appris au collège d'Hérenlhals, à se faire accepter
comme élève chez le pharmacien Van Tilborg, à Bruxelles,
qu'il abandonna volontairement, au bout de peu de temps,
à la suite d'un incident. Il avait été surpris peignant une
aquarelle dans l'officine en ses moments de repos. Cet
acte bien inoffensil" avait tellement courroucé son maître
que Fraikin jura de le quitter. Il fut immédiatement
accueilli chez le célèbre pharmacien et chimiste de Hem-
ptinne, de si haute et vénérée mémoire dans le monde
académique; il y passa trois années comme praticien
mais sans abandonner la peinture, à laquelle il consacrait
ses instants de liberté.
Les liens de la plus étroite parenté unissaient de
Hemptinne à notre éminent peintre Navez qui dirigeait
alors l'Académie de Bruxelles. Ce fut à la suite d'un inci-
dent semblable à celui qui s'était passé chez Van Tilborg
qu'Auguste Fraikin reçut, au lieu d'une admonition immé-
ritée, les encouragements du célèbre élève de David, lequel,
mis en présence d'une esquisse de notre confrère, encou-
ragea fortement celui-ci à continuer à peindre.
La lâche de Fraikin fut luborieuse et difficile. Ses pre-
mières années d'apprentissage furent des plus pénibles.
S'il a su se roidir contre les obstacles, si son énergie n'a
jamais faibli, s'il ne s'e^t laissé abattre ni par le découra-
gement, ni par l'adversité, c'est qu'il a toujours ressenti
ce qui s'appelle le réel amour de l'art. Aussi a-t-il eu la
satisfaction d'atteindre le but de ses efforts; sa vie est
un enseignement pour les jeunes artistes. Elle prouve
ce dont est capable celui qui est mû par de hautes
aspirations et par une volonté inébranlable. En voici la
preuve. C'était en 1842. Guillaume Geefs venait de doter
Bruxelles d'une œuvre magistrale : on venait d'inaugurer
( 700 )
sa slatue du général Belliard. Fraikin, qui gérait alors une
pharmacie à Genappe, était venu le même jour passer
quelques heures à Bruxelles et assistaiten curieux à la céré-
monie. Envoyant s'élever sur son piédestal la plus remar-
quable production de la sculpture belge de celte époque,
l'émotion ou plutôt l'amour du beau suscita en notre
vieil ami ce cri du cœur : « Il me semble que moi aussi je
» saurais faire cela! » Fraikin avait alors 25 ans. Cette
pensée qui semble si audacieuse était cependant bien natu-
relle chez celui qui ressentait déjà des aspirations gran-
dioses; ce sont des sentiments semblables qui, le plus
souvent, ont été le promoteur de la réalisation de grandes
choses. La sculpture venait de captiver notre confrère. Il
abandonna immédiatement Genappe pour venir suivre les
cours de l'Académie de Bruxelles; au bout de six mois de
courage, de persévérance, il parvint à être classé premier
dans le cours pour la figure antique, dans lequel Navez
l'avait placé d'emblée. La même année, il prenait part avec
succès à l'Exposition triennale de Bruxelles. C'est de celle
année que date sa « Vénus à la Colombe », ce sujet si gra-
cieux, qui fui le premier essor ou plutôt la première en-
volée du talent de Fraikin. Trois années après apparaissait
son a Amour captif », l'une des gloires du Musée de
Bruxelles.
Le Gouvernement ratifia l'opinion publique en donnant
à Fraikin, peu de temps après, la croix de chevalier de
l'Ordre de Léopold ; elle lui fut remise par le Roi lui-même.
Après un assez long voyage en Italie, il fut élu à l'âge de
29 ans, le 10 janvier 1846, membre de la Classe des
beaux-arts,
il n'entre pas dans mes intentions d'énumérer ici tout
ce que Fraikin a produit depuis cette année 1842 qui a
( 701 )
VU éclore son beau talent. Son œuvre est considérable, si
considérable même qu'il est impossible de le rappeler en
son entier dans ces instants si douloureux. Ses productions
se comptent par centaines; elles ornent les temples reli-
gieux, les palais, les musées, les hôtels de ville, les
demeures seigneuriales el bourgeoises et les champs
d'éternel repos. Je ne citerai ici que son monument consa-
cré à notre première reine Marie -Louise dans l'église
d'Ostende. Cette œuvre reflète à elle seule tout ce que
celui qui l'a conçu renfermait de sentiments élevés en son
âme d'artiste. On se sent profondément ému devant ce
marbre tout à la fois sublime el touchant d'expression-
A son biographe est réservée la mission de parler lon-
guement de la vie el des travaux de Fraikin, ainsi que
des hautes distinctions et des honneurs que les souverains
el les associations artistiques ont accordés à notre illustre
confrère (1).
A deux reprises, en 1870 el en 1887, l'unanimité des
suffrages de ses confrères appela Fraikin aux fonctions de
directeur de la Classe des beaux-arts.
Fraikin avait l'amour de la statuaire dans la plus haute
acception. Le sentiment des proportions, la pureté de la
ligne, l'élégance des formes ont été sa constante préoccu-
(1) Fraikin était commandeur de Tordre de Léopold, comman-
deur de Tordre royal et militaire du Ciirist de Portugal, chevalier
de la légion d'honneur, chevalier de Tordre du mérite de Saxe,
membre correspondant de l'Institut de France, membre effectif du
corps académique d'Anvers, membre honoraire de l'Académie impé-
riale et royale de Vienne, membre non résident de la Société de la
Trinité de Dallas (Texas, Amérique», membre effectif de la Com-
mission royale des monuments, membre de la Commission directrice
des Musées royaux.
( 702 )
palion. Le culle du beau, du vrai, fui l'objectif de toute sa
carrière. Il était mû par ce sentiment si élevé qui a pré-
sidé à réclosion des grandes œuvres de la sculpture grecque
et qui a immortalisé celle-ci. Aussi professait-il pour l'art
hellénique une admiration et une vénération sans bornes.
On peut donc dire de notre confrère que l'art a été pour
lui un sacerdoce. Il y a consacré tous ses instants, toute
sa vie. Celle-ci n'a été qu'un labeur constant. Il n'a pas
connu le repos, car, frappé déjà du mal qui devait l'em-
porter, il cherchait, il y a peu de temps encore, à adoucir
ses souffrances en puisant dans le travail la plus suprême
des consolations.
Fraikin avait souvent songé que pour nombre d'artistes
la mort amène ordinairement la dispersion de tout ce qui
constituait leur atelier, de ce milieu dans lequel ils avaient
passé tonte leur existence. Son vœu le plus cher en ce sens
a été noblement compris par la ville d'Hérenthals. Toutes
les répliques de ses œuvres, tous ces moulages qui garnis-
saient jadis sa demeure et qui auraient pu vous rappeler
plus éloqiiemment que mes paroles ce que Fraikin a fait
pour l'art belge, toutes ces productions constituent actuel-
lement, à l'hôtel de ville d'Hérenthals, le musée Fraikin.
Honneur à la ville d'Hérenthals qui a rendu ce suprême
hommage au plus illustre de ses enfants !
Adieu, cher et bien-aimé confrère et ami, ou plutôt au
revoir dans ce monde meilleur auquel nous aspirons tous.
Tu as bien mérité la célébrité qui s'est attachée an nom
que porte déjà noblement ton fils, et ton souvenir sera pré-
cieusement gardé par tes amis et par les admirateurs de
ton beau talent.
( 705)
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE.
J'ai l'honneur d'offrir à la Classe des beaux-arls, au
non) de M"' Marie de Villermonl, iille du comle de Viller-
monl — l'historien que le monde lettré vient de perdre —
un exemplaire de son Histoire de la coiffure féminine. Ce
magnifique volume grand in-8*, de 822 pages, sortant des
presses de la maison Ad. Mertens, à Bruxelles, est orné
d'une chromolithographie, de vignettes, de gravures, de
dessins, etc., la plupart dus au crayon de l'auteur. Peu de
sujets, tout à la fois littéraires et ariisliques, pouvaient
être aussi attrayants à élucider pour une femme que l'His-
toire de la coiffure féminine dans tous les pays et à toutes
les époques. La jeune comtesse, si bien connue déjà dans
le monde des arts, vient, délaissant un moment ses pin-
ceaux, de conquérir définitivement parla plume une place
qu'elle occupera dorénavant avec distinction dans le monde
des lettres, où, au surplus, elle était déjà avantageusement
connue par plus d'un élégant écrit.
La coiffure de la femme me semble dériver des causes
qui ont présidé à la formation de la coiffure de l'homme.
C'est l'idée de domination qui semble avoir présidé à l'arran-
gement de la partie la plus élevée de l'atiifage humain
dès les temps primitifs, ainsi qu'on en trouve encore
des exemples dans les peuplades non civilisées. C'est le
sommet de sa personne que l'homme a d'abord songé à
orner en signe de commandement, sans se préoccuper du
reste de son individu. C'est là qu'il a placé la marque de
son autorité. La femme a instinctivement imité l'homme,
mais au lieu de la force impérative, elle a employé toutes
( 704 )
les ressources de son imagination, pour donner à sa coiffure
l'élégance, le charme el la grâce nécessaires en vue d'arri-
ver, sa beauté aidant, à la conquête et, subséquemment, à
la domination de celui à qui la nature l'a destinée. D'abord
simple fleur, plume ou coquillage placé dans les cheveux,
la coiffure féminine se développe, s'amplifie, se caractérise
de siècle en siècle, se simplifie ou prend des proportions en
dehors du vraisemblable, selon les époques et les mœurs. La
mode, en ce genre d'attifement, suit l'état social des peuples:
aux mœurs austères, la coiffure simple et sévère ; aux mœurs
somptueuses, la coiffure telle que la France en a offert les
effrayants spécimens au temps de Louis XV. Arrivée à cet
état, la coiffure des femmes est tout à la fois un art et une
science, la science de la construction. Les échafaudages
d'alors étaient de réels travaux d'architecture combinée.
Citons à ce sujet les célèbres coiffures à frégate, à vaisseau
de haut bord, à moulin à vent, etc., pour l'arrangement
el la surveillance desquelles les élégantes du milieu du
XVIII" siècle avaient toujours auprès d'elles un servant
armé d'une fourche enrubannée; il était chargé de sur-
veiller et de soutenir ou redresser au besoin le produit
fantastique et extravagant qui, combiné avec les cheveux,
omait la tête des belles mondaines de la cour de Louis le
Bien-Aimé.
Je ne veux pas faire ici l'analyse du livre de M"' de
Villermont. Je laisse aux curieux de son œuvre la sur-
prise de le parcourir. Ils trouveront dans ces huit cent et
quelques pages l'histoire pittoresque et anecdolique de
la coiffure féminine depuis le voile de Sarah, la femme
d'Abraham. Le livre que je me permets de mettre sous vos
yeux est, comme vous le jugerez, empreint de ce charme
et de l'élégance qui distinguent l'auteur.
(70S )
La quantité de documcnls accumulés est réellement
effrayante, et la plus judicieuse érudition a présidé à leur
classement chronologique. On ne peut que féliciter la
jeune comtesse d'avoir entrepris d'écrire cette histoire, qui
intéressera vivement, non seulement les admirateurs de
son beau talent, mais tous ceux qui aiment à rendre à la
femme l'hommage dû à sa beauté et à son rôle dans la
société.
Edmond Marghal.
PROGRAMME DE CONCOURS POUR 1895.
La Classe s'occupe de la formation de son programme
de concours pour l'année 1895. Ce programme sera com-
plété dans la prochaine séance.
ÉLECTIONS.
La Classe procède au renouvellement de sa Commission
spéciale des finances pour l'année 1894. Les membres
sortants sont réélus. M. Robie remplacera feu Ch. Fraikin.
Elle se constitue en comité secret pour prendre connais-
sance de la liste des candidatures présentées par les sections
pour les places vacantes. Elle arrête définitivement cette
liste après adoption de candidatures nouvelles.
3'"* SÉRIE, TOME XXVI. 46
( 706 )
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 45 décembre 1893.
M. Ch. Van Bambeke, directeur, président de l'Aca-
démie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Mourion, vice-directeur; P.-J. Van
Beneden, le baron Edm. de Selys Longchamps, G. De-
walquc, E. Candèze, Brialmont, Éd. Dupont, Edouard
Van Beneden, C. Malaise, F. Folie, Alph. Briart, F. Pla-
teau, Fr. Crépin, Jos. De Tilly, Alf. Gilkinet, G. Van der
Mensbrugghe, W. Spring, Louis Henry, P. Mansion,
J. Delbœuf, P. De Heen, C. Le Paige, Ch. Lagrange,
F. Terby, J. Deruyts, membres; Ch. de la Vallée Poussin,
associé; Léon Fredericq, A. Renard, L. Errera et Alb.
Lancaster, correspondants.
CORRESPONDANCE.
M. le comte de Borchgraved'Allena, chef du cabinet du
Roi, exprime les regrets de LL. MM. le Roi et la Reine de
ne pouvoir assister à la séance publique de la Classe.
MM. les Ministres de l'Intérieur et de l'Instruction
publique, de la Guerre, des Affaires étrangères et le Bureau
de l'Académie royale de médecine remercient pour les
invitations à la même solennité.
( 707 )
— La Classe prend nolKicalion de la mort de sir John
Tyndall, associé de l'Académie, décédé à Hasiemere
(Angleterre) le 4 décembre dernier.
Une lettre de condoléances sera adressée à M"* veuve
ïyndall.
— M. Beaupain, ingénieur des mines à Liège, demande
le dépôt d'un pli cacheté dans les archives de l'Académie.
— Accepté.
— La Classe décide le dépôt dans les archives de
nouvelles notes manuscrites de M. Delaey.
— Travaux manuscrits à l'examen :
i" A. Application du réfractomèlre à Vélude des réac-
tions chimiques ; B. Indices de réfraction de mélanges
d'eau, d'alcools et d'acides gras; par J. Verschaffeit,
préparateur adjoint à l'Université de Gand. — Commis-
saires : MM. De Heen et Van der Mensbrugghe;
2° Sclérotes et cordons mycéliens; par Charles Bommer
lils. — Commissaires : MM. Gilkinet, Errera et Crépin.
RAPPOBTS.
Formation de l'opale noble par l'action de l'acide hydro-
fluosilicique sur le verre; par G. Cesàro, chargé du
cours de minéralogie à l'Université de Liège.
Mtappafi de lU. d« la Vallée §^ou**it*, pt'etnief comtniêêaii'e .
a L'objet de ce travail est l'élude des produits résultant
de l'action prolongée de l'acide hydrofluosilicique en divers
points d'un flacon de verre, où il était renfermé depuis
une douzaine d'années.
(708)
L'auteur reconnaît d'aliord à l'intérieur du verre de
petites cavités arrondies, résultat de la corrosion, où se
trouvent de petites masses blanchâtres, teslacées, à reflets
irisés, d'aspect semblable à l'opale noble; rapprochement
entièrement confirmé par leur composition.
En second lieu, des cristaux limpides, hexagonaux,
ayant jusqu'à 1 millimètre de grandeur, lesquels sont
implantés sur l'opale ou sur le bouchon de verre, ou au
fond du flacon. M. Cesàro démontre par l'examen chimique
que les cristaux appartiennent à ce fluosilicate de sodium
NaaSiHe, rencontré fréquemment aujourd'huf dans l'ana-
lyse microchimique des minéraux inattaquables aux acides
ordinaires, et renfermant un silicate sodique. L'auteur se
livre sur ces cristaux à une étude optique détaillée et
qu'on n'avait pas exécutée jusqu'à présent, à notre con-
naissance. H détermine notamment leur biréfringence en
employant la méthode approximative et très pratique qu'il
a exposée lui-même dans un mémoire antérieur présenté
à la Classe (1).
En troisième lieu, M. Cesàro reconnaît au fond du
flacon d'autres petits cristaux limpides, ayant tantôt
l'aspect quadratique, tantôt l'aspect hexagonal. Les essais
chimiques de l'auteur y décèlent un fluosilicate à base de
potassium, auquel s'ajoute probablement un peu de
sodium. Le fluosilicate de potassium KaSiHg est donné
comme cubique par Boricky. Tel n'est pas celui découvert
par M. Cesàro. A la suite d'observations des plus précises
el des plus délicates, il y reconnaît un prisme ortho-
rhombique dont les paramètres fondamentaux sont à peu
près 1 : 1 : V/3, qui donne donc tout à la fois une forme
(1) Bull, de l'Acad. roy. de Belgique, 3« sér., t. XXVI, 1893,
pp. 208-227.
( 709 )
limite du système hexagonal et du système quadratique.
M. Cesàro le fait voir avec évidence en reproduisant dans
trois figures les diverses modifications qui donnent tour à
tour aux cristaux l'apparence de l'un ou de l'autre système.
Le caractère orlhorhombique de la substance est d'ailleurs
parfaitement établi, tant par la symétrie des modifications
mesurées au goniomètre, que par les propriétés optiques
qui sont celles d'un corps biaxique négatif, et dont les axes
d'élasticité coïncident avec les droites paramétriques.
Je propose très volontiers l'insertion dans les Bultelins
de l'Académie de ce travail si précis, avec la reproduction
des figures, et je propose également des remerciements à
son savant auteur. »
M. Spring, second commissaire, s'étant rallié aux con-
clusions du rapport de M. de la Vallée Poussin, la Classe
adopte les propositions de ses commissaires.
JUGEMENT DU COlNCOURS ANNUEL DE 1893.
SCIENCES iUATHÉMATIQUES ET PHYSlf^WES.
Deuxième question.
Apporter une contribution importante à l'étude des
correspondances que l'on peut établir entre les éléments
géométriques fondamentaux.
Mtapitot't a» m. Oe Ttlly, pfemie»- contutiatnifm.
« Je n'examinerai pas si ce Mémoire, supposé irrépro-
chable dans ses déductions, pourrait constituer une
réponse à la question posée.
Je ne m'arrêterai pas davantage à discuter la partie que
(710)
l'on pourrait appeler « lilléraire » dans le Mémoire dont il
s'agit.
Je me bornerai à signaler l'erreur formelle, capitale, que
ce travail contient, et qui en vicie toutes les conclusions.
On la découvre aisément à la page 62, dans les passages
suivants :
a On trouve...
a4e — {p — r) (1)
On en déduit
-y<l (2)
L'angle e tendra vers zéro, et à cause de la relation (2),
l'angle y tendra vers (3.
L'angle a tend aussi vers zéro, en vertu de la rela-
tion (1). p
On voit que l'auteur raisonne sur les inégalités comme
si c'étaient des égalités.
Si, au lieu de (1) et de (2), on avait :
« = f — (p — r),
le raisonnement serait inattaquable; mais, à cause des
inégalités, il reste évidemment à prouver que § — y est
une quantité positive, démonstration qu'on ne fera pas.
Je propose à la Classe d'ordonner le dépôt du Mémoire
aux Archives. »
MM. Le Paige et Mansion se rallient à cette proposition,
qui est adoptée par la Classe.
( 711 )
Troisième question.
Poser les équations du mouvement de rotation de l'écorce
solide du globe, en tenant compte des actions extérieures,
du frottement de l'écorce sur la partie fluide du noyau et
des réactions intérieures.
Indiquer le mode d'intégration qui pourrait être appli-
qué à ces équations.
La Classe se prononcera ultérieurement sur les conclu-
sions des rapports de ses commissaires.
SCIENCES IVATIJREI.E,ES.
TROISIÈME QUESTION.
On demande de nouvelles recherches morphologiques
pouvant éclairer la phylogénie d'un des grands embranche-
ment des Invertébrés.
ttappot'l <fe M. Éd. Vai* Beneilern, pfemief cotntnisêaifff,
a La Classe a reçu un volumineux mémoire en réponse
à la question suivante portée à son programme de concours
pour l'année 1893 :
On demande de nouvelles recherches morphologiques
pouvant éclairer la phylogénie d'un des grands embran-
chements des Invertébrés.
Ce mémoire a pour devise : Toujours tout droit; il a
pour titre : Recherches sur divers Opisthobranches.
En posant la question, dont je viens de rappeler les
termes, l'Académie a voulu, tout en laissant aux auteurs
une entière liberté, tant dans le choix du sujet que dans
(712)
la manière de le traiter, obtenir un ensemble de recherches
originales, à la fois analytiques et synthétiques, sur un
groupe important du règne animal, à la seule exclusion
des Vertébrés.
Deux voies se présentent à celui qui se propose d'éclairer,
par de nouvelles études, la morphologie et, partant, la
phylogénie d'un groupe naturel : l'une, que j'appellerais
volontiers la voie monographique, conduit, par l'étude
détaillée et approfondie d'une ou d'un petit nombre de
formes convenablement choisies, à une conception plus
complète du type d'organisation auquel ces formes se
rattachent. Elle nous permet de pénétrer plus avant dans
la connaissance de la constitution et de la genèse de tout
l'ensemble des organismes auquel appartiennent la ou les
formes choisies; en nous donnant une vue plus claire du
type d'organisation, elle nous permet de mieux apprécier
ses origines et sa filiation.
La méthode comparative, au contraire, cherche à déter-
miner, par l'analyse morphologique du plus grand nombre
possible de formes d'un même groupe naturel, les rapports
analogiques qui existent entre ces formes, en vue d'arriver,
par une appréciation plus exacte des ressemblances et des
différences, à la détermination des liens phylogéniques qui
rattachent entre eux les divers représentants de ce groupe
naturel. Elle vise à faire mieux connaître les variations
d'un type, afin de déterminer les liens génétiques qui
relient entre elles les formes diverses qui réalisent ce
type.
L'auteur du mémoire que nous avons à analyser et à
juger a choisi la seconde méthode : son travail est une
étude anatomique, à la fois descriptive et comparée, des
Mollusques Gastéropodes et plus particulièrement des
Euihyneures, Opisthobranches et Pulmonés.
(715)
Dans la première partie de son œuvre, il fait connaître
i'analomie d'un grand nombre de Mollusques Opislho-
branches el Pulmonés. Ses éludes onl porté sur une,
parfois sur plusieurs espèces cboisies dans Irenle-six
genres différents, dont neuf appartiennent à la famille des
Bulléens, auxquels il rattache les Ptéropodes Thecosomes;
dans ce dernier groupe, il a étudié les genres Limacina el
Clio; il a fait I'analomie de deux genres de la famille des
Aphysiens, de deux Gymnosomes, de trois genres de Pleu-
robranchiens, de cinq genres de Triloniens, de deux
Doridiens, de trois Éolidiens, de quatre Élysiens, enfin
des genres Auricularia, Chilina, Amphibola et Siphonaria
parmi les Pulmonés.
L'exposé descriptif des résultats fournis par l'analyse
analomique est fait suivant une méthode rigoureuse, avec
une grande sobriété el une remarquable concision. L'auteur
se borne à signaler, parmi les résultats de ses recherches,
les faits qu'il considère comme nouveaux, à rectifier,
quand il y a lieu, les erreurs ou les inexactitudes com-
mises par ses devanciers, à exposer ses observations per-
sonnelles sur les points controversés.
Loin de rendre compte, pour chacune des formes
étudiées par lui, de tous les fails que l'analyse à laquelle il
s'est livré a dû lui révéler, il ne mentionne, parmi les con-
statations qu'il a faites, que celles qui lui paraissent avoir de
l'importance au point de vue de l'objectif qu'il poursuit :
éclaircir la phylogénie des Mollusques Eulhyneures et plus
particulièrement des Opislhobranches. Mais s'il s'est gardé
d'allonger ses descriptions au delà du strict nécessaire; il
a eu soin de consigner ses observations dans un magni-
fique atlas qui ne comprend pas moins de vingt-cinq
planches, artislemenl dessinées, d'une correction et d'une
( 714 )
clarté parfaites, témoignant d'une sûreté de main remar-
quable. Tous ces dessins, exécutés à la plume, sont faits
de main de maître et vraiment dignes d'admiration.
Dans la seconde partie de son mémoire, l'auteur discute,
en se fondant, d'une part, sur l'ensemble des faits acquis
par ses devanciers, d'autre part, sur ses recherches per-
sonnelles, les relations mutuelles des Opisthobranches et
les rapports entre ces Mollusques et les autres Gasté-
ropodes, Pnlmonés et Streploneures. Il discute, à la lumière
des faits brièvement résumés, les rapports des Tecli-
branches entre eux, des Nudibranches entre eux, puis les
rapports entre les Tectibranches et les Nudibranches.
Il cherche à distinguer les caractères archaïques de
ceux qui paraissent être le résultat d'une adaptation ou
d'une spécialisation et arrive à déterminer, dans chaque
groupe et dans chaque sous-groupe, les formes les plus
primitives, les plus voisines des formes ancestrales. 11
estime que les Nudibranches sont plus spécialisés que les
Tectibranches et que, parmi ces derniers, les Aclœon sont
les plus archaïques. La même étude, faite chez les Pul-
monés, le conduit à la conclusion que, de tous les Gasté-
ropodes à respiration pulmonaire, les Auricularia sont les
moins spécialisés. Comparant ensuite l'organisation des
Auriculaires à celle du genre Actœon^ il conclut à une
affinité originelle entre les deux groupes réunis sous le
nom d'Euthyneures.
V. Jheving a soutenu l'origine diphylétique des Gasté-
ropodes; l'auteur du mémoire combat cette manière de
voir et cherche à démontrer que les Opisthobranches sont
plus spécialisés que les Streptoneures; ceux-ci, conlraire-
menl à l'opinion généralement admise, seraient les plus
archaïques des Gastéropodes.
( 715 )
La différence essenlielle entre les deux grou[)es,
Slreploneures et Eulhyneures, résulterait de ce que la
torsion de la commissure viscérale que l'on constate
chez les uns, fait défaut chez les autres. L'absence de la
torsion s'expliquerait par le fait qu'après avoir été soumis
à la même torsion que les Streptoneures, les Euthyneures
ont subi une délorsion en sens contraire. Dans les derniers
chapitres de son mémoire, l'auteur montre comment, à
son avis, s'est constituée la torsion et l'asymétrie caracté-
ristique des Gastéropodes.
Ses conclusions quant à la systématique des Gasté-
ropodes, l'auteur les formule sous la forme d'un arbre
généalogique qui n'a et ne peut avoir d'autre prétention
que d'exprimer, par une formule simple et expressive, les
idées de l'auteur sur la classification des animaux dont il
a fait l'étude. La valeur de ce tableau est donc en raison
directe de la science et de l'autorité de celui dont il émane.
Or, il saute aux yeux que l'auteur du mémoire a con-
sacré de longues années à l'étude des Mollusques; qu'il
connaît à fond leur organisation, qu'il possède d'une
manière complète la bibliographie relative à son sujet. Si
ses idées sur la classification et la filiation des Mollusques
ne s'imposent pas d'emblée, il est hors de doute qu'elles
seront disculées avec déférence par les spécialistes, et
prises, en tous cas, en sérieuse considération. L'auteur
doit être lui-même un spécialiste et une autorité. Aussi,
je me garderai de discuter ses conclusions. Tout au plus
me permettrai-je de regretter que, tant dans la partie
descriptive que dans la partie synthétique de son mémoire,
l'auteur n'ait pas accordé une plus grande attention à
certains organes, qu'il ait concentré son attention sur un
nombre assez limité d'appareils, que la part faite à l'analyse
(716)
microscopique soil fort réduite, qu'enfln l'embryologie soit
pour ainsi dire passée sous silence.
Ces réserves ne m'empêchent nullement de donner mon
entière approbation au mémoire que nous avons à juger.
J'estime que la Classe a lien de se féliciter d'avoir obtenu,
en réponse à la question posée, un mémoire aussi remar-
quable à bien des points de vue. Je n'hésite donc pas à
proposer à l'Académie de couronner l'auteur et de lui
accorder le prix.
Je propose en outre de décider l'impression du manu-
scrit dans le recueil des Mémoires in-4°. La reproduction
des planches par la lithographie exigerait une grosse
dépense; mais ces planches se prêtent parfaitement à être
rendues par un procédé photographique peu dispendieux,
la phototypie ou la glyptographie. Je propose à la Classe
de décider l'impression des planches, dans les conditions
que je viens d'indiquer. Si j'en juge par une note manu-
scrite jointe aux planches, celte décision répondrait com-
plètement aux vœux de l'auteur. »
ttapport de lU. Plalentê, dcuxiêinc cotntnitsaifc
« Mon savant confrère, M. Éd. Van Beneden, premier
commissaire, a si nettement caractérisé la valeur et les
tendances du mémoire de concours, qu'il serait inutile de
faire une nouvelle analyse de celui-ci.
Comme SI. Van Beneden, j'estime que l'auteur a
répondu à la question de façon à mériter largement le prix,
et que son travail est de nature à figurer avec honneur
dans les pubhcalions de l'Académie. »
(717)
Rapport «fe 9i. Van Batnbeke, t»'oi»iè*ne cotntn4êta4»'».
« Comme le remarque avec justesse notre savant con-
frère M. F. Plateau, le premier commissaire, notre savant
confrère M. Éd. Van Benetlen a si nettement caractérisé
la valeur et les tendances du mémoire de concours portant
pour devise : Toujours tout droit, qu'il serait inutile de
faire une nouvelle analyse de ce travail.
Conformément à ce que dit le premier commissaire à la
tin de son rapport, j'estime que la Classe a lieu de se féli-
citer d'avoir obtenu, en réponse a la question posée, un
mémoire aussi remarquable à bien des points de vue.
Je n'hésite donc pas à me joindre à mes deux savants
confrères pour proposer à l'Académie de couronner
fauteur, en lui accordant le prix attaché à la question.
Je propose également de décider l'impression du travail
ainsi que des superbes planches qui l'accompagnent. »
La Classe, adoptant les propositions de ses commissaires,
décerne à ce travail sa médaille d'or de six cents francs, et
en décide l'impression dans le recueil des Mémoires in-4°.
L'ouverture du billet cacheté a fait connaître comme
auteur M. Paul Pelseneer, professeur à l'École normale
de Gand.
PRIX CHARLES LEMAIRE.
(Phemière période, du ^" juillet 1891 au 50 juin 1893.;
Happort de MU. r«n de»' Metfbi'ugghe, Briaft et Oe Been,
< Un arrêté royal du 28 février 1891 a accepté, au
nom de l'Académie, le legs de 25,000 francs donné à la
Classe des sciences de Belgique par testament mystique
( 7d8 )
de M"' Adélaïde Lemaire, domiciliée à Beaiimonl et
décédée à Paris, le 2 décembre 1890. Conformément à la
volonté de la testatrice, les revenus de cette somme ont
été affectés à la formation d'un prix de 1,420 francs à
décerner, tous les deux ans, sous le nom de Prix Charles
Lemaire, à l'auteur du meilleur mémoire publié sur des
questions relatives aux travaux publics.
Pour la première période du concours (du 1" juillet
d891 au 30 juin 1893), la Classe a reçu les ouvrages
suivants :
1° Mémoire relatif à des travaux publics excessivement
importants et impérieusement nécessaires. — Le problème
de la Montagne de la Cour, première et seconde partie,
avec carte, Gand 1893, par le major Inghels.
2° Les fondations à l'air comprimé sans incorporation
de fers dans les maçonneries, et leur application à la
reconstruction de la passe navigable du barrage de Rivière,
Bruxelles, 1892, par Paul Christophe, ingénieur des Ponts
et Chaussées.
Les commissaires chargés par la Classe d'examiner ces
ouvrages, ont soulevé la question de savoir s'ils avaient à
s'enquérir d'autres travaux du même genre, publiés
pendant la première période du concours ; mais cette
question est tranchée négativement par un article formel
du règlement du concours Charles Lemaire; voici cet
article :
a Le délai pour la remise des ouvrages expirera le
» 30 juin 1895; ils devront être adressés, francs de port,
» à M. le Secrétaire perpétuel de l'Académie, au palais
» des Académies. »
En conséquence, les commissaires n'ont eu à s'occuper
(719)
que des deux ouvrages dont les litres se Irouvenl indiqués
plus haut.
En ce qui concerne les deux brochures du major Inghels,
relatives au problème de la Montagne de la Cour, à Bru-
xelles, l'auteur y traite d'une question d'un intérêt pure-
ment local; lors même que les idées et les plans du major
Inghels seraient adoptés, on ne serait nullement avancé
pour l'exécution de travaux publics du même genre dans
d'autres localités ; ce motif, que les commissaires regardent
comme péremploire, a fait écarter l'ouvrage du premier
concurrent, abstraction faite de sa rédaction qui est fort
loin d'être académique.
Le second ouvrage présenté au concours est un mémoire
déjà imprimé dans les Annales des travaux publics, t. L,
1892, Le travail est divisé en deux parties; dans la pre-
mière, M. Christophe passe en revue les divers procédés
employés jusqu'à présent pour établir les fondations dans
l'eau au moyen de l'air comprimé, soit pour des piles de
ponts, soit pour des barrages, des murs de quai ou
d'écluse, etc. Il montre clairement, d'une part, les incon-
vénients des anciens procédés qui entraînaient toujours
l'abandon d'une partie plus ou moins grande du caisson
métallique, d'autre part, les avantages sérieux des procé-
dés récents, par lesquels on cherche à réduire au minimum
le poids des fers délaissés dans les fondations. Cette ten-
dance a fait recourir successivement aux fondations soit
par caissons et puits en maçonnerie, soit par caissons-
clochers ou clochers mobiles, soit enfin par caissons-
balardeaux.
L'examen comparatif de ces divers genres de caissons
est très intéressant; les descriptions de l'auteur sont très
( 720 )
concises, bien que fort claires, et les dessins qui les accom-
pagnent répondent pleinement au but de bien faire com-
prendre le texte.
La deuxième partie du mémoire est destinée à rendre
compte des travaux de reconstruction de la passe navi-
gable de Rivière, sur la Meuse, à 14 kilomètres de Dinant.
Après avoir exposé les motifs qui rendaient cette recon-
struction nécessaire et fait connaître les différents projets
mis en avant à ce sujet, l'auteur insiste longuement sur
celui qui a été réellement exécuté, et qui était fondé sur
l'emploi d'un caisson-batardeau; il entre dans tous les
détails de la mise en œuvre, des fouilles dans le gravier
d'abord, ensuite de la maçonnerie à air comprimé. Enfin,
dans un dernier chapitre non moins intéressant, il donne
les calculs de résistance des diverses parties du caisson-
batardeau, et arrive à la conclusion que les principales
membrures auraient dû avoir des dimensions plus fortes,
et que, notamment dans le sens longitudinal, sa raideur
n'était pas suffisante.
Le mémoire de M. Christophe est donc à la fois
descriptif et critique : susceptible d'une application géné-
rale, il pourra être consulté très utilement pour des tra-
vaux publics analogues. S'il ne contient pas d'idées
absolument originales, il témoigne cependant d'un esprit
fort judicieux et d'une grande érudition.
Après mûre délibération, les trois commissaires ont été
d'accord pour proposer à la Classe de décerner le prix
Charles Lemaire à M. Paul Christophe, ingénieur des
Ponts et Chaussées à Liège. » — Adopté.
( 72i )
COMMUNICATION ET LECTURE.
Formation de l'opale noble par l'action de l'acide hydro-
(luosilicique sur le verre; par G. Cesàro, chargé du
cours de minéralogie à l'Université de Liège.
Dans un flacon contenant, depuis une douzaine d'années,
une solution d'acide hydrofluosilicique, j'ai recueilli quel-
ques produits intéressants et, entre autres, un corps iden-
tique, comme composition et comme propriétés physiques,
ù l'opale noble.
L'attaque du verre s'est faite très inégalement : la partie
située au-dessus du niveau du liquide, ainsi que la partie
inférieure du bouchon, est fortement attaquée; le fond
l'est légèrement, le reste des parois est presque inattaqué.
L'attaque se fait par sphères : elle commence en un point
et continue en produisant des cavités sensiblement sphé-
riques; il se produit ainsi une suite de cellules dont les
centres sont à un ou deux millimètres de distance, et qui
finissent par se rejoindre. Sur la paroi immergée, il n'y a
que quelques cavités, dont une très nette.
Les cellules qui existent à la partie supérieure du
flacon sont remplies d'une matière blanche, translucide,
se moulant dans la cavité et ressemblant à l'opale.
Dans ces masses opalescentes, vers l'intérieur du flacon,
on peut recueillir de beaux cristaux limpides, ayant sou-
vent plus d'un millimètre de largeur : ce sont des prismes
S"* SÉRIE, TOME XXVi. 47
( 722 )
hexagonaux 1res nels, porlanl rarement, el peu déve-
loppées, les faces du prisme inverse, d'un prisme dodéca-
gonal, ou celles d'un dihexaèdre, tantôt direct, tantôt
inverse. Ces mêmes cristaux ont été trouvés attachés à la
partie inférieure du bouchon; ils sont parfaitement ma-
niables el produisent sur les doigts l'impression de grains
de sable; aussi est-il très aisé de les séparer de la matière
amorphe friable qui les entoure. Sur le fond du flacon se
trouvent, comme incrustés, outre quelques prismes hexa-
gonaux identiques à ceux dont nous venons de parler,
d'autres cristaux paraissant être des prismes hexagonaux
allongés suivant la hauteur et arrondis sur toutes les
arêtes.
Enfin, sur le fond du flacon, mais non adhérents, j'ai
recueilli d'autres cristaux tout aussi limpides que les pré-
cédents, mais d'une forme toute différente : les plus
simples ont la forme d'un octaèdre à base carrée très
aplati suivant l'axe vertical.
a) Matière ressemblant à C opale.
La matière dont il a été parlé en premier lieu constitue
des masses blanches, translucides sur les bords, à texture
lestacée; leur partie convexe se moule dans la cavité
formée dans le verre; leur partie concave forme, vers
Tinlérieur du flacon, une géode dans laquelle sont venus
s(! déposer les prismes hexagonaux dont il a été parlé
ci-dessus. Les fines couches sphériques se séparent facile-
ment; elles présentent de beaux reflets irisés. La matière
dont il s'agit paraît amorphe au microscope, en lumière
polarisée; lorsqu'on la chauffe au chalumeau, elle décré-
pite, perd de sa iranslucidité el ne fond pas; quoique très
( 723 )
fragile, elle raye fortement le spalh d'Islande, faiblement
l'apatite. Après dessiccation à l'air, on en a pesé 0*',1 ; an
rouge il y a eu une perte de 0'",0I ; le résidu, fondu avec
les carbonates alcalins, a donné une masse entièrement
soluble dans l'eau ; sa composition est donc :
SiO*. . . 90
H«0. . . iO
100
C'est précisément la composition de Vopale noble de
Hongrie. Au point de vue chimique, elle correspond à
l'acide polysilicique
0 SiO^ H*0 = HO — Si — 0 — Si — 0 — Si — OH
0 0 0
obtenu par Fuchs eu desséchant, en présence de l'acide
sulfurique concentré, le précipité produit par l'action^du
fluorure de silicium sur l'eau (*).
La formation de cet acide dans les conditions que nous
examinons est d'ailleurs très plausible : si l'on compare,
en eflet, les cinq formules données pour les différentes
espèces de verre {Dict. de Wurtz, t. III, p. 680), on voit
que ce corps peut toujours être représenté par 3 SiO^.RO;
de sorte que la réaction très simple qui aurait donné
naissance à l'opale, serait :
G SiO*. Na'O. CaO+2H'SiFi«=Na'SiFl* -t- CaSiFl" + 2 (SSiOlH^O).
verre opale
(*) Théoriquement, cet acide contient 9,1 »/» d'eau. Fuchs a trouvé
de 9,1 à 9,6,
( 724. )
b) Cristaux hexagonaux se trouvant dans l'opale.
Le corps hexagonal est solnble dans l'eau chaude et
ciislallise, par l'évaporation, en reprenant sa forme primi-
tive; il se dissout dans l'acide suMurique concentré en
laissant, après calcination, un résidu complètement soluble
dans l'eau ; cette solution ne contient pas de potassium et
colore fortement la flamme en jaune; si, à une goutte de
cette solution, on ajoute une trace de chlorure barylique
cl que l'on évapore, on obtient des cubes. Chauffés sur
une lame de platine, ces cristaux hexagonaux dégagent
un gaz qui dépose de la silice au contact de l'eau.
On voit que l'on a affaire au fluosilkale de sodium
Na^SiFIG.
Les prismes de fluosilicate sodique portent rarement
des modifications sur les arêtes; d'ailleurs, les faces ne
sont pas réfléchissantes, et il a été impossible d'obtenir
des mesures permettant d'établir la forme primitive. Les
faces latérales de ces prismes portent des figures caracté-
ristiques : stries interrompues parallèles à l'arête verticale.
Propriétés optiques du fluosilicate sodique. — Au
microscope, en lumière convergente, on obtient une
figure d'interférence uniaxe très nette; la double réfrac-
tion est négative, c'est-à-dire que l'axe d'élasticité maxima
se trouve dirigé suivant l'axe du prisme. J'ai pu mesurer
la biréfringence, c'est-à-dire la dilîérence entre les indices
extrêmes, en employant la méthode que j'ai exposée dans
un mémoire antérieur [Bull, de CAcad. royale de Belgique,
5« série, t. XXVI, n° 8, 1893, p. 208). Un petit prisme
très net a été d'abord couché sur une face latérale; il
donnait entre les niçois croisés le jaune du deuxième
( 725 )
ordre, entre les niçois parallèles une teinte voisine d'nn
violet. Le relard du hiseau de quartz employé était donné
par
R,= 152,71 — îj,lôn.
On a obtenu, par soustraction, le violet fj = 28,1 (*)
pour n = 13,9; de sorte que R, = 61,4; R — R^ = 28,1
et R = 89,5. La compensation a été obtenue pour
n == 8,4, ce qui donne R = 89,6. Après avoir placé le
cristal sur sa base, on a mesuré l'épaisseur comprise entre
la face primitivement placée sur la lame porte-objet et sa
parallèle, à l'aide de la platine mobile par une vis micro-
métrique; on a obtenu e = 22,6; par conséquent, la
biréfringence est
X = 4.
On voit que la biréfringence est très faible; c'est celle
de l'apatite.
Cela signifie que, le cristal étant négatif, l'indice ordi-
naire surpasse l'indice extraordinaire de 4 millièmes.
L'indice ordinaire a été obtenu par la méthode du duc de
Chaulnes, qui consiste, comme on sait, à comparer l'épais-
seur réelle du cristal à son épaisseur apparente lorsque sa
face inférieure est vue à travers le cristal : celui-cf étant
placé sur sa base, la première correspondait à 91 divisions
de la vis micrométrique, la seconde à 70, de sorte que
i 91
et
^=^''^
= - = 1 ,296.
(*) Pour les unités adoptées, voir loc. cit., p. 210.
( 726 )
c) Cristaux hexagonaux incrustés dans le fond du flacon.
Ces cristaux sont aussi formés de fluosilicate sodique; les
prismes sont allongés suivant la hauteur, et portent sur
les faces latérales les stries verticales caractéristiques. Les
teintes qu'ils offrent en lumière polarisée sont peu homo-
gènes, à cause du peu de constance de l'épaisseur; pour la
biréfringence, on a obtenu approximativement X = 4-.
d) Cristaux à apparence quadratique.
Ils sont aussi formés d'un fluosilicate soluble. Ils se
dissolvent dans l'acide sulfurique concentré avec dégage-
ment de gaz. Le résidu de sulfate présente une particula-
rité singulière : après fusion, il a l'apparence d'un verre
amorphe parsemé d'aiguilles cristallines; si, sous le
microscope, on y ajoute une goutte d'eau froide, on voit
des aiguilles se détacher, nager dans le liquide, puis se
dissoudre; pendant celte réaction, la masse devient
progressivement claire entre les niçois croisés, comme si,
sous l'action de l'eau, la masse se dévitrifiail et cristalli-
sait, avant de se dissoudre. Par l'addition d'une goutte de
chlorure platinique en solution alcoolique, on voit appa-
raître, en grande abondance, les cristaux caractéristiques
de chloroplatinate potassique; cependant la matière colore
la flamme en jaune.
Il est probable que les bases sont la potasse et la
soude ('). L'absence du calcium a été certifiée par l'action
des sulfates et des oxalates alcalins.
(*) La soude pourrait bien provenir d'un mélange superficiel d'une
petite quantité de fluosilicate de sodium, car les faces des cristaux que
nous examinons montrent, au microscope, de petites excroissances.
Cependant le fluosilicate de potassium est connu en cristaux cubiques.
( 727 )
Les plus simples parmi ces cristaux présenlenl l'aspect
d'octaèdres quadratiques (fig. 1); mais cette forme n'est
qu'apparente : l'examen optique montre que la substance
est biaxe. Leurs faces donnent des images très peu nettes
et les mesures ne sont qu'approximatives. On peut les
dériver approximativement d'un prisme orthorhombique
de 90", dans lequel ^ = l^, comme l'indique la corres-
pondance :
Angles. Calculés {*). Mesurés.
mm
90»
88» à89'i
a,
= im sur /i'
53» 8'
54» à 55»
P
= 6«6'' opp. sur p
78°28'
76»i à 78»
Y
= bht adj.
55° 8'
51»^ à o3°^
i"
= angle qu'une arête basique '
)
de roctaèdre
fait avec
> 52°14',5
51» (au micr
une arête culminante. .
)
Ces cristaux présentent trois types différents :
Premier type (fig. 1). Octaèdres 6* simples. Les sec-
FiG. 1
(•) On a : a = Y et cot | = 2, séc ? = 5, séc 2 | = — 4.
( 728 )
lions xz et yz sont des rhombes de 420". Au microscope,
on aperçoit toujours des traces de biseau h^ sur l'angle ac,
ce qui permet d'orienter le cristal dans les recherches
optiques qui vont suivre.
Deuxième type (fig. 2). Octaèdres 6* modifiés latérale-
ment par les faces m du prisme primitif, ainsi que par /j<
et h^.
Fig. 2.
Troisième type (fig. 3). Ce type présente la forme
parfaitement hexagonale. Cette particularité provient de
ce que, comme le montre le tableau ci-dessus, « == y. Le
développement égal des faces li^ et 6» donne donc un
( 729 )
fliliexaèdre dont l'axe pseudo-sénaire est dirigé horizonla-
Icmenl el parallèlement au spectateur (*).
Le corps que nous examinons présente donc cette
curieuse particularité de pouvoir offrir des formes rigou-
reusement quadratiques, en même temps que des formes
rigoureusement hexagonales.
Propriélés optiques. — Il m'a été impossible de tailler
ces cristaux parallèlement à un plan principal de l'ellip-
soïde d'élasticité optique ; mais, de l'observation faite à
travers deux faces M parallèles, on peut déduire plusieurs
conséquences importantes sur l'orientation de cet ellip-
soïde.
La biréfringence de la face b^ est très faible : pour un
cristal d'épaisseur e = 47,47, on a obtenu, par soustrac-
tion, ^5= 28,1 pourn = 3,75, cequi donne R,, = li5,47
et, comme R, — R = 28,1, R = 85,57. La compensa-
tion a été obtenue pour n = 9,2, ce qui donne R = 85,51 ,
puis X = 1,8: la section faite par 6^ dans l'ellipsoïde
inverse est donc très voisine d'un cercle.
L'extinction se produit sensiblement suivant l'arête s
(fig. 1); il est facile de voir que cela ne peut arriver rigou-
reusement que si l'ellipsoïde est de révolution autour de oc;
on en conclut que les élasticités dirigées suivant y el z
sont sensiblement égales, et qu'elles diffèrent plus nota-
(*) Cette particularité est indépendante de la forme de la base;
elle a lieu quelle que soit la longueur de l'axe dirigé suivant y, si
£u=^5; seulement, quand la base est carrée, la section passant
par l'axe pseudo-scnairc et une arête culminante du dihexaèdrc est
un rhombe de 120».
( 750 )
blement de celle dirigée suivant x. La direction d'extinc-
tion dirigée suivant s est positive, c'est-à-dire que le
grand axe de l'ellipse de section ou le plus grand indice
est dirigé suivant s.
En lumière convergente, on aperçoit le pôle d'un axe
optique incliné sur b^\ en tournant la platine jusqu'à ce
que la barre noire (*) soit parallèle à la section d'un nicol,
on voit que cela arrive lorsque l'arête / est parallèle à
cette section et que, par conséquent, le plan des axes
optiques est g^.
On conclut facilement de ce qui précède que les axes
d'élasticité maxima, moyenne et minima, sont dirigés
respectivement suivant x, y et z, et que la bissectrice
négative normale à /i* est la bissectrice aiguë.
Examen du liquide.
F.a solution d'acide hydrofluosilicique, après traitement
par le chlorure de potassium, séparation du précipité,
saturation par l'ammoniaque et traitement par Toxalate
ammonique, a donné un précipité d'oxalate de calcium.
Le fïuosilicate calcique, produit par l'attaque du verre, est
donc resté en solulion.
(*) Il est facile de dcmonlrcr que : Pendant la rotation de la
plalin",, à un moment quelconque, la trace dit plan des axes optiques
et la lantfente menée par le pôle de l'axe visible à la branche hyperbo-
lique qui y passe, sont également inclinées sur la sec/ion d'un nicol.
(731 )
ÉLECTIONS.
La Classe procède aux élections aux places vacantes.
La proclamation des résultats ainsi que des résultats des
concours aura lieu en séance publique.
PRÉPARATIFS DE LA SÉANCE PUBLIQUE.
Conformément à l'article 37 de son règlement, MM. Van
Bambeke et L. Fredericq donnent lecture de leurs com-
munications destinées à la séance publique.
( 732 )
CLASSE DES SCIEUGES.
Séance publique du i6 décembre 1895,
M. Ch. Van Bambeke, directeur, président de i'Aca-
démie.
M. le chevalier Edm. Marchal, secrétaire perpétuel.
Sont présents : M. Mourlon, vice-directeur; MM. P.-J. '
Van Beneden, G. Dewalque, E. Candèze, Brialmont,
Éd. Dupont, Éd. Van Beneden, C. Malaise, F. Folie,
Alph. Briart, Fr. Crépin, G. Van der Mensbrugghe, Louis
Henry, P. Mansion, J. Delbœuf, P. De Heen, C. Le Paige,
F. Terby, J. Deruyts, membres; E. Catalan, Ch. de la
Vallée Poussin, associés; Léon Fredericq, L. Errera,
A. Lancaster et Maurice Delacre, correspondants.
Assistent à la séance :
Classe des lettres. — MM. Alph. Wauters, P. Wil-
leras, Ch. Polvin, T.-J. Lamy, G. Tiberghien, Al. Henné,
E. Banning, L. De Monge, A. Giron, membres; Alph.
Rivier, associé.
Classe des beaux-arts. — MM. J. Stallaerl, vice-
directeur; Éd. Fétis, Ern. Slingeneyer, Godfr. Guffens,
Th. Radoux, Jos. Jaquel, J. Demannez, G. De Grool,
Gustave Biot, Henri Hymans, Éd. Van Even, membres.
(735)
Les matériaux de Vorganisme humain ; discours par
Ch. Van Bambeke, directeur de la Classe, président de
l'Académie.
Dans un livre resté célèbre, Bichat, Tillustre fondateur
de l'anatomie générale, disait : a Tous les animaux sont un
assemblage de divers organes qui, exécutant chacun une
fonction, concourent, chacun à sa manière, à la conserva-
tion du tout. Ce sont autant de machines particulières dans
la machine générale qui constitue l'individu. Or, ces
machines particulières sont elles-mêmes formées par plu-
sieurs tissus de nature très différente, et qui forment véri-
tablement les éléments de ces organes. La chimie a ses
corps simples, qui forment, par les combinaisons diverses
dont ils sont susceptibles, les corps composés... De même,
l'anatomie a ses tissus simples, qui, par leurs combinai-
sons..., forment les organes (1). »
« Quand vous voulez n'avoir que des notions générales
d'anatomie, vous pouvez considérer chaque organe en
masse; mais il est absolument nécessaire d'en isoler les
tissus, si vous avez envie d'analyser avec rigueur sa struc-
ture intime (2). »
Nous savons aujourd'hui que les tissus dont parle
Bichat sont des parties complexes qui ne représentent pas
(1) Bicuât, Anatomie yéncrale, nouvelle édition. Paris, 1821,
page 48.
(2) Loc. cit., page M.
(734 )
les vraies unités, les vrais éléments anatomiques ; mais si
nous appliquons à ces éléments ce qu'il dit des tissus, les
lignes qui précèdent écrites au début du siècle n'ont rien
perdu de leur actualité.
J'ai l'intention de donner une idée générale de la texture
intime de l'organisme humain, d'esquisser, à grands traits,
le mode de genèse et les principaux caractères de ses élé-
ments constitutifs.
Il importe, pour me faire mieux comprendre, de jeter
d'abord un coup d'œil sur ce qui se passe au bas de
l'échelle animale. Là, nous rencontrons des organismes
d'une simplicité toute primitive, en quelque sorte idéale ;
ils consistent en une petite masse de dimensions micro-
scopiques, de forme sphériqueà l'état de repos, de consis-
tance molle, semi-liquide, de composition chimique très
compliquée; la petite masse renferme, entre autres parties
constituantes, un petit corps, le plus souvent arrondi,
distinct du reste par ses propriétés physiques et chimiques.
La petite masse, dans son ensemble, porte nom cellule,
de xoîXoç, creux, parce qu'on considérait autrefois la
cellule comme une vésicule, essentiellement délimitée par
une membrane; fréquemment une vraie membrane fait
défaut, mais le mot est resté, détourné de sa signification
première. Au risque d'abuser des termes scientifiques,
j'ajouterai que la substance organisée du corps cellulaire
et du noyau est désignée sous le nom de protoplasme,
c'est-à-dire première substance formée, cl qu'il importe
de faire une distinction entre le protoplasme du corps
cellulaire, le cytoplasme, et le protoplasme du noyau ou
caryoplasme.
Les anatomisles ne sont pas d'accord sur le point de
{ 735 )
savoir si le protoplasme, nolammenl le cytoplasme, est
homogène ou slrueluré, et ceux qui admettent une struc-
ture la comprennent de façons différentes. Je nediscutenu
pas ici cette importante question; mais je liens à faire
remarquer que les auteurs qui en ont fait une élude spé-
ciale ont souvent eu le tort de vouloir généraliser les
résultats obtenus par eux. En effet, les caraclèresdu proto-
plasme, ses caraclères physiques en particulier, ne sont
pas les mêmes pour toutes les cellules, et, pour une
cellule donnée, aux diverses époques de son existence.
Toutefois, dans la majorité des cas, on peut se convaincre
de la présence d'une véritable structure, consistant en une
charpente plus dense, quelle que soit d'ailleurs la forme
qu'elle revêt, et en une subslance intermédiaire moins
consistante.
Quant au protoplasme nucléaire ou caryoplasme, il est
structuré, à part quelques rares exceptions; un histologiste
des plus autorisés, Walther Flemming, met même en
doute l'existence, à l'état normal, de noyaux homogènes.
Ajoutons encore qu'indépendamment du noyau, on
trouve, au sein du cytoplasme, une autre formation, la
sphère allractive avec son corpuscule central ou centro-
some; elle est destinée à jouer un rôle actif, au moment
de la division cellulaire dite indirecte ou mitosique; mais,
comme notre savant confrère. Éd. Van Beneden,le premier,
en a fait la remarque, elle représente très probablement
un organe permanent de la cellule, au même titre que le
noyau lui-même (1),
(1) D'après les rcchcrclics récentes d'AucusTE Bbai er, chez les
spcrmalocyles de la forme tmicalcns d'Ascaris me(jaloccphula, le
ccntrosomc serait primitivcmcut renfermé dans le noyau cellulaire.
( 736)
La cellule est vivante, et le microscope nous permet
d'assister aux diverses manifestations dont elle est le siège.
S'agit-il d'un de ces êtres inférieurs auxquels nous venons
de faire allusion, d'une Amibe, par exemple, on peut voir
l'organisme en miniature émettre des prolongements, par
conséquent changer de forme, se déplacer aussi, saisir, à
l'aide de ces prolongements, véritables bras rudimentaires,
les particules à sa portée, les englober dans sa substance.
Voici que nous constatons un phénomène plus intéres-
sant encore : le noyau subit des transformations spéciales,
en vertu desquelles il se partage en deux parts égales. Le
noyau primitif est maintenant remplacé par deux noyaux,
et, autour de ces jeunes noyaux comme centres, le corps
cellulaire se divise à son tour. Ainsi la cellule-mère que
nous avions d'abord sous les yeux a donné naissance à
deux cellules-filles, et, si nous faisons abstraction des
différences de volume, ces cellules sont en tout compara-
bles à celle dont elles proviennent. Notons, en passant,
que le noyau, ou plus exactement certaines parties consti-
tuantes du noyau servent très probablement, sinon de
support unique, du moins de principal support aux pro-
priétés héréditaires. C'est surtout chez les êtres sexués
que ce fait acquiert de l'importance.
Les phénomènes auxquels nous venons d'assister nous
fournissent la preuve que cet organisme élémentaire appelé
Amibe, quoique dépourvu d'organes véritables, possède
néanmoins tous les attributs d'un organisme plus parfait :
{Zur Kenntniss der Spcrmatogcnese von Ascaris megaloccphala, dans
Archiv f. mikr. Anat., Bd. 42, 1. Hcft, 1893, p. 155.) Ceci vient à
l'appui de l'opinion émise par 0. Hertwig, dans son livre : Die Zelle
und die Gcwebe, p. 165.
(737)
ii se nourrit, s'accroît, se meut, se multiplie; seul, le pro-
toplasme suffit à remplir toutes ces fonctions.
Les jeunes Amibes issues de la division de l'Amibe-
mère vont se diviser à leur tour, et ainsi de suite pour les
diverses générations qui se succèdent.
Mais supposons que les cellules nées d'une première
cellule, après des divisions successives, au lieu de se
séparer, de s'isoler pour vivre d'une vie indépendante, se
groupent, au contraire; il en résultera un amas, un
agrégat de cellules, soit plein et ressemblant à une mûre,
d'où le nom de morula, soit creux, une couche cellulaire
délimitant une cavité centrale; cette sphère creuse s'appelle
la blaslule ou blastosphère. L'organisme pluricellulaire de
la blastule présente ainsi une surface externe et une
surface interne. La surface externe, correspondant au pôle
dit animal des cellules, préside surtout aux fonctions ani-
males, tandis que la surface interne ou basale se charge
<le l'absorption et de la digestion des substances alimen-
taires. Mais toutes les cellules délimitant la blastosphère se
ressemblent, tontes jouent le même rôle. Aussi a-t-on
comparé ces organismes à de petites républiques où tous
les citoyens sont égaux ou à peu près égaux entre eux.
Telles se présentent les colonies de Volvocines et certaines
formes larvaires d'un grand nombre d'animaux.
En remontant un peu l'échelle animale, nous trouvons
une forme plus complexe. La blastosphère, pour subvenir
aux besoins de l'organisme en voie de croissance, s'inva-
gine; de là une double rangée cellulaire, l'une externe,
l'autre interne. L'interne, formée par les cellules inva-
ginées, circonscrit une cavité qui s'ouvre au dehors par un
orifice; au niveau de cet orifice, la rangée interne se con-
tinue avec la rangée externe ; celle-ci délimite la surface
3"°* SÉRIE, TOME XXVI. 48
( 738 )
du corps. La division du travail a commencé. Les cellules
de la ran'^ée externe président surtout aux fonctions dites
animales, motililé et le reste; dans ce but, elles sont sou-
vent munies de petits appendices filiformes, susceptibles
de mouvements, les cils vibratiles. Les cellules internes
ont repris le rôle que remplissait, dans la blastule, Textré-
mité interne ou basale des cellules, c'est-à-dire qu'elles
servent à l'absorption des aliments, à leur digestion. En
effet, la cavité délimitée par les cellules de la rangée
interne est une vraie poche digestive, un intestin rudimen-
taire. Aussi la forme organique qui nous occupe est-elle
désignée sous le nom de gastrula. L'ouverture, appelée
blastopore, par l'intermédiaire de laquelle la poche com-
munique avec l'extérieur, fait office de bouche donnant
accès aux substances alimentaires, et c'est aussi par cet
orifice unique que sont éliminés les résidus de la diges-
tion.
La forme larvaire appelée gastrula se rencontre, plus ou
moins modifiée, dans presque tous les embranchements
du règne animal, et dans le groupe des Cœlentérés
(Méduses, Actinies, Anémones de mer), par exemple; elle
se rapproche beaucoup de la forme adulte et nage, en
tournoyant, dans le liquide qui l'a vue naître.
Déjà, lors de la formation de la gastrula, au phénomène
de la division cellulaire est venu se joindre un principe
nouveau : celui de Vinégalité de croissance. Ensuite de cet
accroissement inégal, naissent des replis, les uns internes,
les autres externes. Comme conséquence, deux nouvelles
assises cellulaires apparaissent, de chaque côté de la ligne
médiane, entre les deux couches déjà existantes; de vrais
organes, tels notamment le système nerveux central et les
organes des sens, s'ébauchent; l'organisation se complique
(739)
ail fur et à mesure; en même temps, la division du travail
physiologique devient de pins en plus grande.
Dès lors, l'organisme est encore une république, mais
une république dont les citoyens ne sont restés ni égaux
ni semblables; ils ont fini par former des classes ou, si
l'on veuf, des corporations pour réaliser les avantages
(le la division du travail ; par suite de cette division, qui
ira s'accentuant, ils sont respectivement dans un état de
dépendance mutuelle. En d'autres termes, les cellules
jouissent bien, jusqu'à un certain degré, d'une vie indépen-
dante, mais elles sont en même temps soumises aux lois
générales de l'organisme, de l'ensemble dont elles foni
partie.
De même que les organismes les plus simples sont des
êtres unicellulaires, de même aussi, — l'embryologie nous
l'apprend, — tout végétal, tout animal, au début de son
existence individuelle, n'est rien de plus qu'une cellule.
L'homme ne fait pas exception à la règle commune. Son
organisme pluricellulaire si compliqué, avec tous ses
divers organes, provient d'une seule cellule. Celle cellule,
c'est Vovulc fécotulé. L'ovule fécondé, qui renferme les
éléments d'hérédité apportés par les deux parents, n'est
pas construit autrement que l'ovule d'autres animaux. A
celle phase primordiale de son existence, le futur organisme
humain est l'équivalent des êtres les plus simples, des
êtres monocellulaires. Nous avons tous passé par cette
humble phase.
Guidés par l'analogie et en nous basant sur les phéno-
mènes bien connus dont les ovules des autres Vertébrés,
notamment ceux des Mammifères, sont le siège, nous pou-
vous afïirmer, sans crainte de nous tromper, que l'ovule
humain subit alors une série de transformations qui rap-
{ 710 )
nellenl certains Invertébrés ou certains stades du dévelop-
pement d'Invertébrés, par conséquent d'animaux très infé-
rieurs à l'homme et aux Vertébrés en général, par
l'ensemble de leur organisation.
D'abord la cellule ovulaire se segmente, pour employer
le langage des embryologistes, c'est-à-dire qu'elle engendre
une infinité d'autres cellules qui proviennent des divisions
successives de la première. Cette scission répétée aboutit à
des formes larvaires que nous connaissons déjà : à une
sphère primitivement pleine, d'apparence mûriforme, la
morula, qui se creuse ensuite et se transforme en blastula
ou blastosphère.
Il existe, en effet, une relation incontestable entre le
développement individuel ou l'ontogénie et le développe-
ment dans la série ou la phylogénie. En suivant l'orga-
nisme animal le plus élevé depuis sa toute première
apparition dans le sein maternel jusqu'à sa naissance, nous
le voyons se métamorphoser, traverser des phases succes-
sives qui rappellent les phases évolutives de la série animale
considérée dans son ensemble, et surtout celle du groupe
nuquel il appartient. C'est ce que l'on énonce en disant ;
L'histoire de l'évolution individuelle d'un être est une répé-
tition courte et abrégée, une récapitulation en quelque
sorte de l'histoire de l'évolution de sa race; l'ontogénie est
une courte récapitulation de la phylogénie.
Je le sais, certains biologistes nient l'existence de ce paral-
lélisme, connu sous le nom de loi biogénétique fondamen-
tale. Récemment encore, le savant naturaliste Cari Vogt a
tâché de démontrer que la prétendue loi n'est qu'un
dogme (1). Le professeur Paul Hallez, tout en se rangeant
(1) Carl Vogt, Les dogmes scienlifîques. Revue scientifique, 1892.
( 741 )
à celte manière de voir, a pourtant soin d'ajouter : « Mais le
savant professeur genevois me parait aller trop loin en
laissant au lecteur Tinipression qu'il n'y a pas de lien entre
la phylogénie et l'onlogénie. Celle-ci, en vertu de la irans-
missibilité des caractères par l'hérédité, doit être comme un
reflet de celle-là. Si les rapports de la phylogénie et de
l'onlogénie ne sont pas simples, s'ils ont été mal compris,
exagérés jusqu'à l'absurde, il ne s'ensuit pas qu'ils n'existent
nullement (1). »
Je dois me contenter de glisser rapidement sur le déve-
loppement ultérieur de la blastosphère, appelée vésicule
blastodermique ou blastoctjste, quand il s'agit de l'œuf des
Mammifères. En un point de la surface du blastoderme, —
c'est ainsi qu'on nomme la paroi de la vésicule, — apparaît
une aire, d'abord arrondie, puis pyriforme, et qui, s'étran-
glant bientôt dans son milieu, prend ensuite la forme d'un
biscuit, d'une guitare. On appelle cette aire : aire embivjon-
naire, écusson embryonnaire; c'est là, en effet, que se
montrent les premiers linéaments, les premiers organes de
l'embryon.
A ce moment de l'évolution, tous les Vertébrés crànioles,
c'est-à-dire les Vertébrés pourvus, plus tard, d'une boîte
cartilagineuse ou osseuse renfermant le cerveau (Poissons,
Amphibicns, Reptiles, Oiseaux, Mammifères), se ressem-
blent ; seules, d'insignifiantes particularités de forme, de
volume, de texture les séparent. Chez tous, on dislingue
une traînée foncée, en rapport avec la gastrulation : le
sillon primitif, l'homologue du blastopore, situé sur la
(i) Paul Hallez, Quelques réflexions sur la classification embryolo-
gique des métazoaires et sur la nécessité d'un nouvel embranchement
des cœlentérés. (Revue biologique du Nord de la France, t. VI^
1893-94, pp. 33-34 du tirage à part.)
( 742 )
ligne médiane, et occupant une étendue variable de la partie
postérieure de l'aire embryonnaire. Une autre traînée, qui
part de l'extrémité antérieure du sillon primitif, est le
premier indice d'un cordon cellulaire désigné sous le nom
de corde dorsale; la corde dorsale elle-même constitue la
première ébauche de la colonne vertébrale future.
A celte période du développement, le blastoderme com-
prend trois feuillets qui, dans le langage scientifique, ont
reçu les noms d'ectoderme, d'endoderme et de mésoderme,
ou, plus simplement, feuillets externe, interne et moyen.
Ces feuillets méritent le nom d'organes primaires que leur
a donné l'illustre von Baer, car ce sont eux qui vont
donner naissance à tous les tissus, à tous les organes du
corps.
Bientôt, chez tous les Vertébrés, depuis les Poissons
jusqu'aux Mammifères, l'un des trois feuillets du blasto-
derme, l'externe ou ectoderme, à la suite d'une proliféra-
tion cellulaire locale plus active, se creuse, au niveau de la
ligne médiane et en avant du sillon primitif, en une gout-
tière, la gouttière médullaire, délimitée par deux bourrelets,
les bourrelets médullaires ou replis dorsaux. Nous assistons
ainsi à la première apparition du système nerveux central.
Chez tous également, certains Poissons exceptés, cette
gouttière se ferme ensuite et se transforme en tube, le tube
médullaire; ce dernier ne tarde pas à se partager, à son
extrémité antérieure, en trois, puis en cinq vésicules,
premiers indices des grandes divisions cérébrales..
En même temps ont apparu, de chaque côté du tube
médullaire, des segments d'origine mésodermique, les
segments primitifs, plus improprement désignés sous le
nom de protovertèbres. En dehors de ces segments, le
inésoderme s'est dédoublé en deux lames, les lames laté-
( 743 )
raies, bordant une cavité sous forme de fente, la future
cavité du corps, ou cavité coelomique.
Ces diverses parties constituantes, tube médullaire,
segments primitifs, lames latérales, sont délimitées supé-
rieurement par la partie de l'ecloderme qui s'est séparée
de la plaque médullaire, après la fermeture de la gouttière
médullaire : c'est la lame coimée ou épidermique; la déli-
mitation inférieure est représentée par la portion restante
de l'endoderme primitif, après séparation de ce feuillet de
la corde dorsale et de la partie du mésoderme qui lui
doit son origine.
Mais j'oublie que je dois m'en tenir aux grandes lignes.
Je passe donc sous silence bien d'autres particularités
intéressantes de l'aire embryonnaire, également communes
à tout le groupe des Vertébrés, depuis le crâniote le plus
inférieur jusqu'à l'iiomme, pour m'occuper de la destinée
histologique des diverses ébauches que nous avons main-
itnant sous les yeux.
Aux deux principes jusqu'à ce moment à l'œuvre dans
la formation de ces ébauches, la division cellulaire et
l'accroissement inégal, vient s'ajouter un nouveau pro-
cessus, celui de la différenciation histologique, qui est une
conséquence de la division du travail. Toutefois son inter-
vention ne diminue en rien l'importance des autres
principes déjà en jeu. La division cellulaire notamment
n'en devient que plus active, et l'on peut dire qu'elle
participe en quelque sorte à la différenciation dont il
s'agit.
Nous avons vu la division cellulaire faire son apparition
dès le début du développement, à partir de la segmenta-
tion de l'œuf. Pendant toute la durée de l'organisme, à
( 744 )
une époque où l'inégalilé de croissance n'a plus guère de
raison d'être, le corps et les divers organes ayant acquis
leur forme définitive, la division cellulaire persiste; c'est
elle qui préside au renouvellement des éléments anato-
miques de nos tissus et de nos organes.
Revenons à nos organes ébauchés. Tous sont formés de
cellules. Celles-ci présentent sensiblement les mêmes
caractères. Leur forme est généralement cubique ou
cylindrique; une minime quantité de substance intermé-
diaire les sépare. Ce sont les premières pierres du futur
édifice, mais pierres microscopiques et vivantes qui
élaborent elles-mêmes le ciment interposé. Partout où le
besoin s'en fait sentir, elles se multiplient. Contrairement
aux pierres inertes qui servent à édifier nos bâtisses, ce
sont elles encore qui, en se transformant ou en fabriquant
certaines substances, vont devenir l'origine des matériaux
si variés que renferme l'organisme après son achèvement.
Les cellules montrant la forme et l'aspect dont nous
venons de parler sont dites épithéliales ; aux assises ou aux
couches qui résultent de leur groupement, on donne le
nom d'épi thé Ihwis, On l'a vu, ce caractère épilhélial appa-
raît dès les premiers stades du développement, à partir de
la blastosphère; il persiste, conservant le plus souvent
toute sa pureté, dans les deux feuillets de la gastrula, et
nous le retrouvons encore, sans qu'il ait subi de notables
modifications, dans les aires embryonnaires montrant déjà
les principaux organes à l'état d'ébauche.
Or, comme tous les éléments constitutifs de l'organisme
et les tissus résultant de leur agrégation, si éloignés
fussent-ils de leur forme primordiale, descendent en réalité
de ces cellules, on peut dire, avec Haeckel, que tous sont
d'origine épithéliale, et, à l'exemple du célèbre professeur
( 7^3 )
d'Iéna, on peut les désigner sous le nom de tissus apothé-
lianx.
« Les éléments cellulaires des feuillets possèdent, dès
le début de leur différenciation,... la propriété d'évoluer
dans un certain sens. Ils le font en obéissant à la loi
d'adaptation fonctionnelle en vertu d'une plasticité le plus
souvent très large, mais cependant limitée et déterminée...
Quand les limites des feuillets sont bien acquises, et que
ceux-ci commencent à se modeler en organes, le sort de
leurs éléments cellulaires respectifs est déterminé pour
toujours » (1).
En formant les tissus de l'organisme, les cellules
évoluent de façons très différentes. Jl en est qui conservent,
la vie durant, leur caractère épitliélial, parfois, il est vrai,
assez notablement modifié. Ce sont spécialement celles qui,
tapissant les surfaces tant externes qu'internes du corps,
constituent les épithéliums de revêtement; de même, les
cellules qui, dérivées de ces épithéliums, fournissent les
divers produits de sécrétion, d'où le nom d'épithéliums
glandulaires.
D'autres cellules, soit à la suite d'actions mécaniques,
de pressions subies, soit en vertu d'un mode d'évolution
spécial, dévient de la forme primitive pour revêtir des
aspects variés. Ici l'élément épilhélial s'allonge notable-
ment et se transforme en une bandelette homogène et
transparente. Telles les fibres cristallines formant la
majeure partie de la minuscule lentille que renferme le
globe oculaire. Ailleurs, la cellule, en perdant son carac-
tère épithélial, s'allonge aussi, mais en même temps le
noyau prolifère activement, sans que le corps cellulaire
(1) J. Renal't, Traité d'histologie pratique (préface, p. xviii).
( 746 ) #
,)9r(icipe à la division. Les éléments formant la plus grande
masse de nos muscles en fournissent un exemple. Et
remarquez comme la transformation subie est bien adaptée
au rôle à remplir. La fibre musculaire ne larde pas à se
mettre en rapport avec une fibre nerveuse, sous Tinfluenee
de laquelle auront lieu ses contractions. Or, l'influx nerveux
se propagerait moins facilement et moins uniformément
si, à la division nucléaire, avait succédé une division du
cytoplasme en cellules nettement délimitées (1).
Ailleurs encore, des cellules, déjà profondément modi-
fiées dans leur forme, sont munies de prolongements plus
ou moins nombreux. S'agit-il de cellules nerveuses, certains
de ces prolongements acquièrent une longueur considé-
rable et représentent les parties essentielles des cordons
appelés nerfs.
Souvent les cellules sont unies entre elles par l'inter-
médiaire de leurs prolongements. Le phénomène semble
très répandu chez les plantes, et, pour être moins fréquent,
il n'est pas rare non plus dans l'organisme animal. Dans
la plupart des cas, sa véritable signification est encore
discutée. Heitzmann et, à son exemple, quelques autres
anatomistes, exagérant la valeur de cette union, ont com-
paré l'organisme à une masse multinucléée, vaste syncy-
tium, représentant, dans son ensemble, la vraie substance
vivante, contractile. Une telle manière de voir ne saurait
être admise. Non seulement, à côté de cellules reliées
entre elles, il en est d'autres absolument indépendantes,
mais toutes, comme le remarque von Kôlliker, conservent
leur individualité cellulaire; les nombreuses cellules qui
entrent dans la constitution de l'organisme n'ont pas la
(I) Voir nolamnicnt P. Schiefferdecker und A. Kossel, Gewc-
belehre, Erste Abtheilung, zwcilcr Band, 1891, p. 140.
(747)
même signification, la même destination. II y a division
du travail; les organismes supérieurs sont des hétéroplas-
tides (1 ).
Les changements de forme totale de la cellule s'accom-
pagnent en même temps de modifications de texture de
rélémenl, et ces modifications elles-mêmes marchent de
pair avec des transformations de la composition chimique.
A mesure que les cellules se spécialisent, apparaissent
souvent, dans le corps cellulaire, soit des produits élaborés
par le protoplasme, les enclaves, soit des produits venus
du dehors, les inclusions. Le glycogène, la graisse, le
pigment et maintes autres substances que les cellules
renferment, sont ou des inclusions, ou des enclaves. A
l'exemple de notre savant confrère Éd. Van Beneden, on
peut désigner l'ensemble de ces produits sous le nom de
deutoplasme, par opposition à protoplasme.
Le protoplasme montre aussi une tendance spéciale à
élaborer des fibrilles de nature et de destination très
variées : fibrilles contractiles, comme dans les éléments
musculaires; conductrices, comme dans les cellules et les
fibres nerveuses. Dans ces cas, elles continuent à faire
partie intégrante des cellules dont elles proviennent.
D'autres fibrilles, de nature collagcne ou élastique, surtout
destinées à jouer un rôle purement mécanique, se séparent
des éléments qui leur ont donné naissance. Elles sont
caractéristiques des tissus de soulénement des organes, et
les cellules dont elles dérivent sont d'origine mésoder-
nu'que.
A côté de ces transformations, de ces adaptations de
(1) Voir V. KÔLLiKER, Handbuch der Gcwebclehrc des Menschcn,
G. Auflage, 1889, pp. 8-9.
( 748 )
l'élémenl cellulaire, il en est d'autres encore; mais il serait
oiseux d'insister davantage. Aussi bien les exemples que
je viens de citer suffisent pour démontrer la plasticité
considérable dont les cellules sont douées.
Les éléments anatomiques identiques, de même nature,
forment, par leur réunion, les tissus simples ou élémen-
taires. On y range : le tissu épithélial, tant de revêtement
que glandulaire, le tissu nerveux, le tissu musculaire, les
tissus de substance conjonctive. Souvent on y ajoute les
humeurs à éléments morphologiques, savoir le sang, la
lymphe, le chyle, auxquels, il faut l'avouer, la dénomina-
tion de tissu ne convient guère, mais que certains histo-
logisles considèrent comme des tissus à substance inter-
cellulaire liquide.
Les tissus simples ou élémentaires, en se réunissant en
proportion variable, vont former, à leur tour, les organes.
Jl en résulle qu'on trouve le même tissu élémentaire dans
des régions bien distinctes, et souvent très éloignées les
unes des autres.
Les noms donnés aux divers tissus nous renseignent
sur leur mode d'intervention dans l'édification des organes
auxquels ils appartiennent. Sans admettre, à l'exemple du
professeur W. His, une démarcation absolument nette, au
point de vue de leur genèse, entre les tissus de substance
conjonctive et le sang, d'une part, et tous les autres tissus
du corps, de l'autre, on constate néanmoins, en ayant
simplement égard au rôle à remplir, une sorte d'opposition
entre ces deux catégories de tissus. En effet, sans parler
du sang, les tissus de substance conjonctive, la dénomina-
tion l'indique d'ailleurs, servent de moyens d'union, de
soutien à tous les autres tissus du corps; partout ils rem-
plissent les intervalles entre ces derniers, sauf dans les
( 749)
centres nerveux, dont la charpente a, du moins parlielle-
menl, une signification différente. Cette destination spéciale
des tissus de substance conjonctive nous explique, en
partie, la grande variabilité de leurs caractères physiques.
On y rencontre des tissus mous, gélatiniformes, comme le
tissu muqucux, à côté de tissus de consistance ferme,
comme les tissus cartilagineux et osseux, l'ivoire dentaire.
Et pourtant tous ces tissus forment un groupe des plus
naturels; il existe entre eux une parenté incontestable,
comme nous l'apprennent l'histoire de leur genèse, leur
structure intime, l'existence de formes intermédiaires et
la substitution des diverses variétés de tissus conjonctifs
les unes aux autres.
Outre les cellules fixes, qui forment la majeure partie
de nos tissus et de nos organes, il existe des cellules
mobiles.
La motilité est une propriété que possède toute cellule
à son origine, aussi longtemps qu'elle se trouve, comme
on dit, à l'état de protoblaste, c'est-à-dire qu'elle est
dépourvue de membrane. Sans doute, la motilité s'observe
encore, — pour ne parler que de l'organisme animal, —
chez des éléments devenus fixes, limités par une enveloppe
cellulaire et adaptés à des fonctions spéciales : telle la
conlraciilité musculaire. Mais nous avons en vue la moti-
lité avec déplacement et celle qui consiste en la préhension
et en l'introduction, dans le corps de la cellule, de substances
alimentaiies ou autres. C'est le genre de motilité que nous
avons rencontré chez les organismes unicellulaires, comme
les Amibes.
Dans l'organisme complètement développé, indépen-
damment des globules rouges ou hématies qui, chez les
Mammifères, sont des éléments profondément transformés
( 750 )
n'ayant plus la valeur de cellules, et mus passivement clans
les voies préformées de l'appareil circulatoire, on trouve
des cellules comparables aux Amibes. Ce sont les globules
blancs, leucoblasles ou leucocytes. A l'instar des Amibes,
elles émettent des prolongements ou pseudopodes, soit
dans le but de saisir les particules à leur portée, soit dans
celui de se déplacer, et cela parfois à travers des membranes
et des tissus peu perméables. Aussi ne les rencontre-t-on
pas seulement dans le sang et dans la lymphe, leur séjour
habituel, mais dans d'autres régions du corps. Eu égard
aux propriétés dont elles sont douées, on les appelle
cellules mobiles, cellules amiboïdes, cellules migratrices,
cellules errantes.
Un des principaux rôles qui leur sont échus a été mis en
lumière par les belles recherches d'un savant russe,
Melchnikoff, aujourd'hui chef de service à rinslilul Pasteur.
Ici, comme dans la plupart des circonstances où il s'agit
de résoudre un problème biologique, ce n'est pas en
s'adressant directement aux organismes supérieurs, mais
en observant d'abord ce qui se passe chez des organismes
inférieurs, que l'auteur a été conduit à émettre sa remar-
quable théorie, connue sous le nom de théorie de la phagu-
ci/lose. Elle doit nous arrêter un instant.
Le corps des Métazoaires du groupes des Invertébrés
renferme, tout comme celui des Vertébrés, des cellules
mobiles, et elles y apparaissent à une époque précoce du
développement. Chez les Oursins et les Étoiles de mer,
par exemple, déjà au slade de la blastule, des cellules se
séparent de la couche délimitante et pénètrent dans la
masse gélatiniforme qui remplit la cavité de la vésicule.
En général, la transparence de celle-ci permet d'observer
celte immigration sur le vivant. Pendant l'évolution ulté-
(781 )
rieiire de la larve d'Échinoderme, surtout au moment ou
cette larve se transforme en Étoile de mer, certaines de
ses parties constituantes, celles notamment qui ne seront
pas transmises à l'animal adulte, subissent un développe-
ment régressif. Des fragments de ces parties, sous la
forme de granulations albuminoïdes de volume variable, se
trouvent bientôt disséminés à l'intérieur du corps larvaire.
Or, Melchnikoff a vu les cellules errantes s'emparer de
ces granulations et les englober à Taide de leurs pseudo-
podes. Mais le fait intéressant consiste surtout en ceci :
les particules ne sont pas seulement entourées, j'allais dire
avalées, mais aussi digérées par les cellules migratrices.
On peut voir les granulations perdre la netteté de leur
contour, se dissoudre, et enfin être assimilées. De là le
nom de phagocytes donné, par Melchnikoff, aux cellules
mobiles.
La découverte faite, par le savant russe, du mode
d'intervention des phagocytes dans les métamorphoses
larvaires, ne tarda pas à recevoir une éclatante confirma-
tion par les recherches de plusieurs biologistes, qui nous
montrèrent les phagocytes à l'œuvre dans les métamor-
phoses des Insecteset des Amphibiens.Metchnikoff lui-même
avait déjà attiré l'attention sur la présence, à l'intérieur de
cellules amiboïdes, de fragments de fibres nerveuses, de
fibres musculaires, dans la queue du têtard en voie d'invo-
lution, alors que la larve va se transformer en Grenouille.
Kn contrôlant ces reherches, le D' C. De Bruyne a vu les
cellules pigmentaires ou chromatophores de la peau du
têtard se comporter comme de vrais phagocytes (1).
(1) C. De BRvynE, Delà Phagocytose. III. Annales de la Société
de médecine de Gand, 1891.
( 732 )
Fait remarquable, chez les Insectes à l'état de pupe,
pendant que les anciens organes deviennent la proie des
phagocytes, les organes nouveaux qui s'ébauchent en des
points appelés disques imaginaux, sont respectés, comme
si ces disques étaient doués d'une vitalité plus grande, qui
leur permet de résister à l'attaque des phagocytes.
Metchnikoff avait émis l'opinion que les phagocytes
semblent choisir certaines substances de préférence à
d'autres, et que celles en voie de destruction constituent
leur aliment de prédilection. II voulut fournir la preuve
de celte manière de voir. Les expériences auxquelles il se
livra dans ce but furent, en effet, démonstratives; le
choix existe. Mais aujourd'hui la science a fait un pas de
plus; elle sait la cause de cette sélection; elle explique
pourquoi certaines substances attirent, pourquoi d'autres
repoussent les cellules migrantes. Celles-ci aperçoivent la
différence dans la composition du milieu, à condition
toutefois que celte composition change dans une propor-
tion déterminée. Nous sommes donc en présence de vrais
phénomènes de sensibilité.
Ce fut un savant botaniste, Pfeffer, qui, le premier,
attira rattenlion sur ces faits. Il institua ses remarquables
expériences chez plusieurs cryptogames : fougères, mousses,
sélaginelles. Il établit que les organes femelles attirent les
spermatozoïdes dans un but tout autre que la nutrition, n
il désigna toutes ces manifestations de sensibilité aux agents
chimiques par le nom général de chimiotaxie positive ou
négative.
Beaucoup de faits d'une haute importance se rattachant à
cette question ont été fournis par deux savants belges,
MM. Massart et Bordet. Guidés par les connaissances
acquises antérieurement, ils ont porté leurs recherches sur
(7S3 )
l'influence et le rôle de la chimiotaxie à la suite d'injec-
tions de substances virulentes ou infectieuses (1).
Ceci nous amène à envisager un autre côté du rôle
prophylactique des phagocytes, et ce n'est pas le côlé le
moins important. En effet, ces cellules migratrices ne se
bornent pas à débarrasser l'organisme des éléments et des
substances en voie de destruction, déchets désormais inu-
tiles et pouvant même devenir nuisibles; elles ne sont pas
seulement, comme on les a souvent appelées, les balayeurs
de l'organisme, elles s'emparent aussi de parasites vivants,
qu'elles enlacent et qu'elles dévorent. Parmi ces parasites,
se rangent ces ennemis minuscules et pourtant si à
craindre, les microbes pathogènes, origine des maladies
infectieuses.
Combien intéressantes et instructives sont les expériences
faites par Metchnikoff et d'autres dans le but d'élucider
cette question. Elles nous font assister à toutes les péri-
péties de la lutte entre les microbes et les phagocytes, lutte
dans laquelle, suivant les circonstances, tantôt les phago-
cytes l'emportent, tandis que d'autres fois ils succombent.
Je sortirais du cadre que je me suis tracé si j'insistais
davantage, mais je crois en avoir dit assez pour faire
comprendre la haute importance du rôle des cellules
mobiles dans l'organisme.
Si, avec Huxley, nous comparons le corps à une armée,
dans laquelle la cellule joue le rôle de soldai, l'organe
celui de la brigade, le système nerveux central celui du
quartier général et du télégraphe, le système circulatoire
celui de l'intendance, nous pourrons ajouter que les pha-
gocytes sont les soldats chargés de veiller au bon entretien
(1) Jean Massart et Charles Bordet, Recherches sur l'irritabilité
des leucocytes. (Journ. des se. méd. et nat. de Bruxelles, 1890.)
3°" SÉRIE, TOME XXVl. 4-9
C 754 )
et à lâ sécurité du camp. Ce sont eux qui lont disparaître
les déchets inutiles et nuisibles; ce sont eux aussi qui
accourent aux rciranchements quand ceux-ci sont menacés,
et qui se jettent sur l'agresseur.
J'ai tâché de donner une idée générale du mode de
genèse et de la nature des éléments qui entrent dans la
structure du corps humain. Cette structure, ainsi comprise,
est connue sous le nom de théorie cellulaire. L'illustre
Théodore Schwann, que nous pouvons revendiquer comme
un des nôtres, — car il avait fait de la Belgique sa patrie
d'adoption, — en a été le fondateur. Schleiden venait de
démontrer que, chez les végétaux, tous les organes, malgré
leur apparente diversité, procèdent d'un seul et même
élément analomique, la cellule. Appliquant au règne
animal la découverte faite par le célèbre botaniste dans le
domaine des plantes, Schwann prouva que la cellule est le
point de départ de tout organisme; que, chez l'animal
comme chez la plante, tous les tissus ont une origine cel-
lulaire; il établit, par conséquent, qu'un même mode de
développement des éléments anatomiques se retrouve chez
les animaux aussi bien que chez les végétaux. [1 ramena
ainsi tous les faits épars avant lui à des lois générales.
Comme le disait un de nos confrères, lors de la splendide
manifestation dont le grand biologiste fut l'objet en 1878:
« Par ses admirables recherches microscopiques, Schwann
n'a pas seulement mérité le titre de réformateur de Vana-
tomie générale : la création de la théorie cellulaire a été
pour toutes les sciences morphologiques et physiologiques
le début d'une ère nouvelle et féconde (1). »
(1) Manifestation en l'honneur de M. le professeur Th. Schwann.
— Exposition de l'œuvre scientifique de Schwann, par M. Éd. Van
Beneden, p. 56.
( 7oS )
Serail-il \rai que celle ère est close? Serail-il vrai que
la cellule ne ri'irésenie pas rélément anatomique par
excellence? D'aucuns le prélcndenl; mais, j'ai hâte de
l'ajoulcr, jusqu'à présent les tentatives failes dans le but
de renverser la théorie cellulaire et de la remplacer par
une théorie nouvelle, n'ont guère trouvé d'écho dans le
monde scientifique. Je n'en veux citer qu'un exemple ;
Pour Altmann, les unités morphologiques de la matière
organisée ne sont pas les cellules, mais les granules que les
cellules renferment. La cellule devient ainsi une colonie de
granules, les bioblasles, comme les appelle l'auteur. Dans la
nature actuelle existent encore des bioblastes à l'état de
liberté, les bactéries. D'après leur inventeur, les bioblasles
ont une grande importance morphologique et physiolo-
gique; ils servent de support, de véhicide à l'oxygène;
dans l'organisme, les synthèses et les décompositions ont
lieu par leur intermédiaire.
Cette théorie, comme d'autres théories similaires, prèle
le flanc à la critique : ainsi, il n'est pas prouvé que les
prétendus bioblastes se rencontrent dans toute cellule, et
que partout ils sont le siège des fonctions essentielles de
celle dernière; il n'est pas prouvé davantage que des
granules de même nature que ceux que les cellules
renferment vivent à l'état de liberté; tout au contraire, on
passe, par une transition insensible, des microorganismes
les plus infimes, tels ceux d'une Zoogloée, à des orga-
nismes plus volumineux, par exemple, les champignons
de la levure, dont la signification cellulaire n'est pas
douteuse, et qui, dans la manière de voir d'Allmann,
consistent en des colonies de bioblastes. Ajoutons à cela
que la nature cellidaire des bactéries est, sinon démontrée,
du moins bien près de l'être.
Wiesner, dont la ihéorie des plasomes (par abréviation
( 736 )
pour plasmosomes) se rapproche, à certains égards, de
celle d'AIlmann, fait remarquer que la présence plus ou
moins constante, à rinlérieur de la cellule, d'individualités
organisées, telles que le noyau, les corps chlorophylliens, les
centrosomes, etc., prouve que la cellule ne représente pas
l'élémenl ullime de la matière vivante. Mais, VV. Flemming
le remarque avec justesse, c'est là une vérité qu'accepte
tout biologiste quelque peu au courant de la signification
morphologique et physiologique de la cellule; seulement,
dans sa forme actuelle, la théorie cellulaire ne considère
pas la cellule comme étant un organe rudimentaire, mais
bien comme représentant un organisme élémentaire {\),
Cette dénomination, introduite par Brûcke, se justifie
parfaitement. La cellule, véritable organisme en miniature,
renferme des parties constituantes qui, nonobstant leurs
dimensions microscopiques, méritent le nom d'organes.
Parmi ces organes rudimenlaires, le plus important est,
sans contredit, le noyau cellulaire. De curieuses expé-
riences, dites de mérotomie, instituées surtout par Balbiani,
Brandt, Gruber, Nussbaum et Verworm, en fournissent la
preuve. Elles consistent à diviser en fragments des orga-
nismes monocellulaires, notamment des Infusoires. Or,
seuls les fragments ou mérozoïles qui contiennent tout ou
partie du noyau, sont susceptibles de régénération; ceux
qui ne renferment aucune partie nucléaire ne se régé-
nèrent jamais en un individu complet.
En résumé, comme l'ajoute encore Flemming, après
avoir discuté les opinions d'Altmann et de Wiesner, si les
travaux de ces biologistes ont ouvert des horizons nou-
(1) W. Flemming, Article Zclle, dans Ergebnisse der Ânatomie
und Entwickelungsgeschichte, 1892, p. 88.
( 757 )
veaux, ils n'ont nullement ébranlé la théorie cellulaire;
ils l'ont simplement enrichie et approfondie (1).
Je lermifie. De la courte excursion que nous venons de
faire sur le terrain de l'histologie et de l'histogenèse, ressort
un fait important : c'est que, pour arriver à connaître la
structure de l'organisme humain, pour acquérir la saine
notion du mode de genèse, des caractères de texture de
nos éléments anatomiqucs et de nos tissus, il ne suffît pas
d'étudier cet organisme isolément, à l'exclusion de tous
les autres. Les résultats ainsi obtenus ne seront jamais
complets pour un élément anatomique ou un tissu donné,
si l'on n'y joint en même temps l'étude des parties ana-
logues, soit dans la série animale, soit même dans la série
organique tout entière.
De même que la signification des organes chez l'homme
nous échapperait sans la lumière de l'anaiomie comparée,
de même, en histologie générale, les divers éléments, les
divers tissus nous seraient très imparfaitement connus, si,
en même temps que chez l'homme adulte et l'embryon
humain, nous n'en faisions pas l'analyse histologique dans
la série.
C'est qu'en effet, comme l'a dit excellemment un grand
anatomiste contemporain. Cari Gegenbaur : « L'orga-
nisme humain n'est pas isolé dans la nature, mais il n'est
qu'un terme d'une série infinie, dans laquelle la connais-
sance d'un individu quelconque n'est rendue compréhen-
sible que par celle des connexions qui l'unissent aux
autres (2). »
(1) Loc. cit., p. 58.
(2) Carl Gegenbaur, Traité d'anatomie humaine, traduit par
Charles Julin. Paris, 1889, p. 3.
( 758 )
Vautotomie ou la mutilation active dans le règne animal;
par Léon Fredericq, conespondanl de l'Académie.
Une observation superficielle de la nature nous porte à
concevoir la terre comme représentant le centre de l'uni-
vers. C'est l'idée la plus simple, celle qui a été adoptée pen-
dant une grande partie de l'antiquité et pendant tout le
moyen âge; c'est en même temps l'idée qui flatte le plus
notre orgueil.
Il est naturel de grelïer sur cette conception géocen-
trique du monde, l'idée anthropocentrique, qui considère
l'homme comme l'objet principal de la création, pour
l'utilité ou l'amusement duquel ont été tirés du néant le
soleil, la lune, les étoiles et tous les objets animés ou
inanimés que l'on rencontre à la surface de la terre. Cette
conception primitive de la nature a régné, pour ainsi dire
sans contradiction, jusqu'à uneépoque relativement récente;
et de nos jours encore, bien des personnes instruites sont
pénétrées de cette conviction optimiste, que tout dans
l'univers a été calculé et machiné à l'avance pour notre
commodité exclusive.
La fable de la Fontaine le Gland et la Citrouille est très
caractéristique à cet égard. Un paysan se permet de criti-
quer l'œuvre du Créateur : il trouve que les citrouilles
feraient meilleure figure au haut des chênes et que les
glands seraient mieux placés à terre; puis « sous un chêne
aussitôt il va prendre son somme. » Il est réveillé par la
chute d'un gland qui lui tombe sur le nez. Heureusement,
( 759 )
le gland est pelil el ne pcul lui faire de mal. « Dieu fait
bien ce qu'il fait, » nous dit le fabuliste. S'il a placé les
grosses citrouilles à lerrc et s'il a créé les glands tout petits,
c'est afin que les fruits du chêne ne vinssent pas, en tombant
du haut de l'arbre, écraser les imprudents qui font leur
sieste à l'ombre.
Fénelon a développé la même idée dans une langue
admirable. L'air, nous dit-il, a juste la densité qui convient
le mieux à nos poumons. L'eau douce a été créée pour nous
désaltérer, l'eau salée, pour assaisonner nos aliments et
nous permettre de les consever au moyen du sel. Les miné-
raux, les plantes, les animaux sont faits pour noire usage.
Et quant à la voùle céleste el aux astres brillants dont elle
est constellée, «c'est pour nous donner un beau spectacle
qu'une main toute-puissante a mis devant nos yeux de si
grands et de si éclatants objets. « El plus loin : <n Tout
m'étonne, j'usqu'au moindre moucheron. Si on les trouve
incommodes, on doit remarquer que l'homme a besoin de
quelques peines mêlées avec ses commodités. Il s'amollirait
et s'oublierait lui-même, s'il n'avait rien qui modérât ses
plaisirs et qui exerçât sa patience. » La vermine elle-même
a été créée pour exciter l'homme à lo propreté et secouer
sa paresse.
Cette conception des «harmonies providentielles» de la
nature nous parait aujourd'hui enfaniine et passablement
orgueilleuse. Un contemporain de la Fontaine et de Féne-
lon, l'illustre Descartes se moquait déjà de ceux qui croient
« assister au conseil de Dieu». • C'est, dit-il, une chose pué-
rile et absurde de s'imaginer que Dieu, à la façon d'un
homme superbe, n'aurait point eu d'autre fin, en bâtissant
le monde, que celle d'être loué pur les liommes. Il n'aurait
( 760)
créé le soleil, qui est plusieurs fois plus grand que la terre
à autre fin que d'éclairer l'homme, qui nen occupe qu'une
petite partie. » « Que de choses, ajoute Descartes, sont main-
tenant dans le monde, ou y ont été autrefois et ont cessé
d'être, sans qu'aucun homme les ait jamais vues ou connues
et sans qu'elles aient jamais été d'aucun usage pour l'huma-
nité. »
Toul, dans la partie de rijnivers que nous connaissons,
démontre la fausseté de la conception anthropocentrique.
Le gland du chêne a un autre rôle à remplir dans l'éco-
nomie de la nature que celui de ne pas blesser dans sa
chute le nez des dormeurs imprudents. Sa véritable des-
tinée, c'est de produire une petite plante, un futur chêne
assez robuste pour conquérir sa place au soleil et pour
triompher dans la lutte pour l'existence. De même, le bleu
du ciel, le vert des plantes, n'ont pas été choisis exprès
pour reposer agréablement nos yeux; et la brillante parure
des fleurs a une autre fin à remplir que celle de donner
satisfaction à nos aspirations artistiques. Nous savons
aujourd'hui qu'elle est destinée à attirer les insectes afin
d'assurer la fécondation de la fleur.
La nature n'a donc pas cette signification idyllique que
lui prête un optimisme par trop utilitaire. Pour l'observa-
teur dégagé de tout parti pris, la nature est un vaste
champ de bataille, où régnent en maîtres la ruse et la vio-
lence, où d'innombrables combattants se livrent perpétuel-
lement des assauts furieux, sans se soucier de la présence
de l'homme. Détruire ou être détruit, manger ou être
mangé, tel est le dilemme auquel se heurte tout être vivant,
Ce struggle for life auquel tous sont soumis, doit être étudié
pour lui-même, en dehors de toute préoccupation utili-
( 761 )
taire. Les merveilles révélées par celte étude ne le cèdent
d'ailleurs en rien aux prétendues merveilles des harmonies
providentielles. En effet, dans celte lutte incessante pour
l'existence, l'attaque aussi bien que la défense savent mettre
en jeu les ressources les plus variées et les plus ingénieuses.
L'année dernière, notre savant collègue, M. Félix Plateau,
vous entretenait des étonnants moyens de protection qu'un
grand nombre d'animaux tirent de leur ressemblance avec
les objets de leur entourage habituel. La conformité de
teinte avec le milieu dans lequel ils vivent leur permet de
passer inaperçus et augmente leurs chances de salut.
Je désire à mon tour attirer votre attention sur un ordre
de faits tout aussi intéressants que le mimétisme. Je vous
parlerai de Vautotomie, c'est-à-dire des mutilations spon-
tanées, grâce auxquelles tant d'animaux réussissent à
échapper à leurs ennemis, alors que la dent carnassière
s'implante déjà dans leur chair et que touie chance de
salut leur semble refusée. Ils savent casser à propos
l'extrémité saisie et reconquérir la liberté, en faisant
héroïquement l'amputation du membre captif. Le sacrifice
de la partie sauve le tout.
Plus d'un parmi nous, en fouillant dans ses souvenirs
d'enfance, réveillera le remords lointain d'avoir troublé la
béatitude de quelque inoffensif Lézard se chauffant au
soleil. Quel esi l'enfant qui, dans ces circonstances, sait
résister à la tentation de donner la chasse à l'agile el
gracieux reptile? Le plus souvent, le Lézard s'échappe;
lorsqu'on réussit à le saisir, c'est ordinairement par la
queue. La capture n'en est pas moins illusoire : la queue
casse el reste seule à frétiller entre vos doigts, tandis que
la pauvre bête profile de votre déconvenue pour se mettre
( 762 )
bien vile en sûreté dans quelque abri secret. L'Orvet
présente la même fragilité apparente de la queue, ce qui
lui a valu le nom scientifique d'Anguis fragilis, et celui
plus populaire de serpent de verre.
On sait depuis longtemps que les vertèbres de la queue
des Lézards ont une structure exceptionnelle. Le milieu de
chacune est traversé par une cloison transverse non
ossifiée. C'est toujours au niveau d'un de ces lieux de
moindre résistance que s'effectue la rupture de la queue.
Cette disposition analomique semblait rendre un compte
satisfaisant de la facilité avec laquelle se fait la rupture de
la queue des Lacertiliens, et tous les naturalistes s'étaient
contentés de celle explication.
J'eus un jour la curiosité de mesurer sur un Orvet mort
la résistance à l'arrachement que présenterait la queue. Je
fixai à Textrémilé de cet appendice, au moyen de bandelettes
coilodionnées, un lien auquel je suspendis un petit plateau
de balance que je chargeai de poids. Je fus obligé
d'exercer une traction de plus de 490 grammes avant de
produire la rupture. L'Orvet pesait 19 grammes : il avait
donc fallu, pour arracher la queue, un poids plus de vingt-
cinq fois plus fort que celui de l'animal entier (1).
La queue du Lézard mort présente également une
résistance tout à fait inattendue. Frenzel , expérimentant
sur une grande espèce d'Iguane de l'Amérique méridionale
{Tupinambis teguixin), constata qu'il était aussi difficile
sur le cadavre de rompre la queue que d'arracher une
patte, et qu'il n'y parvenait qu'en déployant le maximum
(1) Bull, de l'Acad. roy. de Helgique, 3« sér., t. IV, n» 8, août 1882.
(765)
d'effort musculaire dont il était susceptible (1 ), El cependant
riguane vivante semble se faire un jeu de briser sa queue,
dès qu'on la saisit par cet appendice. En étudiant de plus
près le phénomène, j'aequis la eonviclion que la rupture
de la queue, qui s'obtient si facilement chez le Lézard
vivant, est un phénomène actif, provoqué par la contrac-
tion des muscles de la queue de l'animal (2). Frenzel (3)
et Contejean (4) ont eonlirmé le fait, et ce dernier expéri-
mentateur a décrit en détail le travail des muscles qui
produisent la cassure.
On sait que les mouvements volontaires ne s'exécutent
chez l'homme et chez les animaux supérieurs que grâce à
l'intervention de la substance grise des hémisphères
cérébraux. Les ordres de la volonté partent du cerveau et
descendent le long des nerfs moteurs pour atteindre les
muscles et y provoquer la contraction qui assurera le mou-
vement voulu. Enlevez sur un animal les hémisphères
cérébraux, et vous supprimez du même coup toutes les
manifestations psychiques , y compris les mouvements
volontaires. Dans ce cas, les mouvements involontaires, les
mouvements réflexes, comme on les appelle, persisteront
seuls, tant que les centres nerveux qui président à ces
mouvements, notamment la moelle épinière, sont intacts.
Eh bien, chose curieuse, lorsque le Lézard casse sa
queue, le mouvement de rupture est un mouvement
purement réflexe, dans la production duquel la volonté de
l'animal n'a aucune part. En effet, l'autotomic s'obtient
(1) Arch.f. d. ges. Physiologie, L, 1891, p. 210.
(2) Travaux du laboratoire, II, 1887-88, p. 218.
(3) Arch. f. d. ges. Physiologie, L, 1891, p. 191.
(4) Comptes rendus, 27 octobre 1890.
( 764)
encore sur un Lézard dont les hémisphères cérébraux sont
enlevés et chez lequel, par conséquent, toutes les mani-
festations intellectuelles sont supprimées (1). Coniejean (2)
a montré que le centre nerveux qui préside au mouvement
de cassure est situé dans la moelle épinière, au niveau
de la naissance des pattes postérieures, et qu'un animal
coupé en deux immédiatement en avant des pattes posté-
rieures peut encore rompre sa queue.
L'expérience suivante montre surabondamment que
l'autotomie chez le Lézard n'est pas un acte intentionnel.
Je fixe au moyen d'un emplâtre un lien vers la base de la
queue d'un Lézard des murailles fraîchement capturé, je
retiens le lien et je place l'animal ainsi attaché sur une
surface rugueuse, aux aspérités de laquelle il peut facile-
ment prendre un point d'appui dans ses tentatives de fuite
ou de rupture de la queue. Dans ce cas, l'animal cherche
à se dégager et s'épuise en efforts infructueux ; jamais il ne
se libère par la rupture de la queue. II y a plus, si alors je
pince l'extrémité de la queue, celle-ci se détachera par le
mécanisme habituel, mais au delà du lien par lequel le
Lézard est retenu, c'est-à-dire à un niveau où le sacrifice
ne sera d'aucune utilité à l'animal. On peut varier les
conditions de l'expérience : on arrive toujours à cette
conclusion, que la rupture de la queue a pour point de
départ l'excitation des nerfs centripètes de la queue qui
aboutissent à la moelle épinière lombaire, et que le fait
que l'animal est maintenu captif ou non n'a aucune
influence sur le phénomène. L'absence d'intention intelli-
(1) Travaux du laboratoire, II, 1887-1888.
(2) Comptes rendus, 27 octobre 1890.
( 765 )
génie est manifeste ici : la nature n'a pas laissé le Lézard
juge des cas où il a à faire ou non le sacrifice de sa queue;
elle a assuré la cassure active par un mécanisme nerveux
qui fonctionne en aveugle, chaque fois que les nerfs de la
queue sont froissés. C'est la condition sine qiiâ non de la
mutilation, celle qui se présente d'ailleurs d'ordinaire dans
la nature. Il faut une grande légèreté de main et beaucoup
d'attention pour retenir un Lézard vivant en le saisissant
par la queue entre les doigts, sans comprimer celle-ci et
sans provoquer l'autotomie : on ne peut y réussir qu'en
évitant soigneusement tout froissement.
On sait que la mutilation n'est pas déOnitive chez le
Lézard et que la queue amputée repousse au bout d'un
certain temps. On rencontre fréquemment des Lézards
chez lesquels la queue de nouvelle formation n'a pas encore
acquis tout sa croissance. Frenzel nous apprend que les
Iguanes sans queue sont extrêmement communes dans
l'Argentine, ce qui a donné lieu parmi les indigènes à la
fable d'après laquelle les Iguanes se rongeraient la queue
pendant leur sommeil d'hiver (1). Ce dernier fait n'aurait
cependant rien d'impossible, l'autophagie existant chez
d'autres animaux.
On a vu des Singes de ménagerie se ronger la queue.
Plusieurs espèces de Sauterelles indigènes (Ephippigera
vilium) dévorent leurs pattes de devant quand on les
tient en captivité. Certaines larves de Phryganes (Limno-
philus) agissent de même (2).
(1) Fbenzel, Loc. cit., p. 203.
(2) Grafin Maria v. Linden. ScHsIvcrsliimmelung bei Phryyanci'
denlarven. Dans Biolog. Centralblatt, 1893, XIII, p. 81.
( 766)
On ne peut guère citer d'autres cas d'autotomie vraie
que celui des Lézards dans l'embranchemenldes Vertébrés.
Les faits suivants s'en rapprochent plus ou moins. Frenzel
a constaté que si l'on saisit brusquement un Léroi par la
queue, la peau de celle-ci se détache facilement cl reste
entre les mains de l'assaillant, tandis que l'animal s'en-
fuit (1). Il peut arriver de même qu'un oiseau sauvage
que l'on retient par la queue parvienne, à force de se
débattre, à s'arracher à l'étreinte ennemie en y laissant
quelques plumes.
Les animaux articulés nous offrent, au contraire, des
exemples d'autolomie nombreux et des mieux caractérisés.
La cassure des pattes par mouvement réflexe, l'aïUotomie
évasive, pour me servir d'une expression de Giard, s'observe
chez presque tous les Insectes, les Arachnides el les Crus-
tacés à membres longs el grêles. On ne pourrait citer que
fort peu d'exceptions à celte règle. L'une des plus frap-
pantes concerne les Hydromètres, ces Hémiptères haut
perchés qui courent à la surface des étangs et que les
enfants appellent à lort Araignées d'eau. Les Hydromèires
ne prat'quent pas l'autoloniie. Mais les Crabes, les Lan-
goustes, les Homards, les Araignées, les Sauterelles, les
Tipules et bien d'autres encore jouissent au plus haut
degré de la faculté de se libérer lorsqu'on les saisit brus-
quement par une patte, en provoquant la rupture du
membre captif. Dans tous ces cas, la cassure n'est due en
aucune façon à la fragilité de la patte; elle est produite
activement, par une brus(|ue contraction musculaire; ici
aussi, il s'ngii d'un mouvement réflexe, soustrait à l'action
de la volonté de l'animal, et pour la production duquel
(1) Frenzel, Loc. cit., p. 204.
( m )
l'intégrité des ganglions cérébroïdcs, siège de l'intelligence
chez les Arliculés, n'est pas nécessaire. Une disposition
anatomique spéciale empêche toute hémorragie par la
plaie béante que laisse la chute de la patte. J'ai décrit
tous ces faits en détail, il y a plusieurs années, et je n'y
reviendrai pas ici (1).
Les pattes ne sont pas les seuls appendices que les
animaux articulés soient exposés à perdre.
Les Fourmis ailées, après avoir accompli dans les airs
leur vol nuptial et être redescendues sur la terre,
s'arrachent, parait-il, elles-mêmes leurs ailes devenues
inutiles. Les Termites de l'Amérique du Sud que l'on
relient par une aile, se délivrent en la déchirant brusque-
ment. La déchirure se fait au niveau d'un sillon préexistant,
qui coupe l'aile transversalement et s'étend sur les trois
quarts de sa largeur. Ce silloii, comme le dit Frenzel, c'est
(1) Léon Fredericq, Arch. de biologie, IH, p. 238; Arch. de zool.
expér., J885j lieviie scient., 1886, II, p. 613 et 1887, I; Travaux
du laboratoire, II, 1887-88, p, 21 ; Ibid., IV, 1891-92, p. 1.
Voir aussi H. Dewitz, Biol. Centralbl., juin 1884.
DE Varigny, Revue scient., 1886, II, p. 509 et Gr. encyclopédie,
Art. autotomie.
P. Parize, Revue scient., 1886, 11, p. 379.
D, Oerthel, Revîie scient., 1886, II, p. 107.
Preyer, Mittheil. Zool. Stat. Nr.apel, VII, 1887, p. 205.
P. II ALLEZ, Revue scient., 1887, I, p. 92 et Bull. se. du Nord, 1887.
GiARD, Revue scient., 1887, I, p. 629 et Bull. se. du Nord, XVII,
p. 308.
P, Gacbert, Autotomie chez les Pycnogonides. Bull. Soc. zool. dk
France, XVII, 8, p. 224.
P. Gaubert, Autotomie c/iez les Araignées. Bull. Soc. philomat.
DE Paris, lh92, IV, p. 78.
(768)
le trail de diamant entamant légèrement la surface d'une
vitre et marquant à l'avance la ligne suivant laquelle la
vitre se brisera {\).
L'Abeille, la Guêpe qui se lance sur l'agresseur et le
pique pour défendre la ruche ou le nid commun, aban-
donne son dard dans la plaie qu'elle fait. La perte de cet
organe est fatale à la Guêpe : son dévouement lui coûte la
vie.
Au point de vue étroit de la conservation de l'individu,
Guêpe ou Abeille, l'acte peut paraître insensé. Au point de
vue de la défense de la république ailée, c'est un acte
héroïque : c'est Léonidas mourant aux Thermopyles pour
sauver la Grèce.
On ne connaît qu'un petit nombre de Mollusques qui
pratiquent l'autotomie. Lin Escargot des îles Philippines,
appartenant au genre Helicarion, s'ampute la partie posté-
rieure du pied au moyen du bord tranchant de sa coquille.
Pendant que l'ennemi dévore le succulent morceau de
chair qui lui est abandonné, VHelicarion a le temps de se
soustraire à sa poursuite. Harpa ventricosa et deux Hélices
de Cuba opèrent de même. Les Solen, dont les coquilles
semblables à des manches de couteaux se ramassent sur
notre côte, savent également se libérer en sacrifiant une
partie de leur pied. Telhys fimbriata, Mollusque nu de la
Méditerranée, dont la forme générale rappelle celle d'une
énorme Limace, porte à la surface du dos deux rangées
d'excroissances charnuesvolumineuses. Ala moindre alerte,
l'animal rejette une ou plusieurs de ces papilles, qu'ilofFre
en pâture à ses ennemis, et échappe ainsi au danger d'être
(1) Frenzel, Z,oc. ci7., p. 202.
(769)
dévoré lui-même (I). Tels les chasseurs de loups de Russie
cmporlenl avec eux un jeune porc qu'ils abandonnent à la
voracité des loups, dans le cas où ceux-ci deviennent trop
nombreux ou trop entreprenants.
Pendant longtemps on s'est mépris sur la signification
des papilles dorsales de la Téthys. Plusieurs naturalistes
éminents les avaient prises pour des parasites externes,
simplement greffés sur le corps de la Téthys. On les avait
classées dans Tembranchement des Vers et on \os avait
appelées Phenicurus redivivus. Comme ce nom l'indique,
elles repoussent rapidement après être tombées. Citons
encore Doris cruenla (autotomie d'une partie du manteau)
et jEoUs papillosa (papilles dorsales) parmi les Mollusques
qui pratiquent l'autotomie.
Depuis que l'attention des naturalistes a été appelée sur
ce singulier moyen de défense, les exemples d'aulotomie
vont en se multipliant. Il serait facile de donner ici une
longue liste de Vers, d'Echinodermes, de Cœlentérés, de
Protozoaires, qui savent rejeter à propos une partie plus ou
moins impoitante de leur corps. Mais je dois me borner.
Quelle est la signification de rautotomie? Pourquoi ren-
contre-t-on chez tant d'animaux celle singulière faculté de
mutilation active? Et d'abord, dans la plupart des cas
d'aulotomie, le bénéfice que l'animal poursuivi retire du
sacrifice de l'extrémité captive, ce bénéfice saute aux yeux :
la perte de la partie assure le salut de l'organisme entier.
Il est d'ailleurs entendu que nous écartons l'explication
anthropocentrique, celle qu'auraient sans doute donnée
Fénelon ou la Fontaine. On ne peut raisonnablement
admettre que c'est dans l'intérêt de l'homme que le Lézard
(i) C. Parona, Atti délia Società Ligustica di Scienze naturali, M,
1891. Genova cl Atti délia R. Università di Genova, 1891.
3'"* SÉKIE, TOME XXVI. 50
( 770)
a élé doué de la faculté de briser sa queue et que les
Crabes se débarrassent de leurs pattes, à moins de pré-
tendre que Taulolomie a pour but d'exercer la sagacité des
nalnralistes cl de leur fournir matière à dissertation
académique.
Si nous nous demandons comment s'est développé le
mécanisme si remarquable qui fait à propos éclater et
rompre la patte du Crabe, nous en sommes réduits à des
conjectures plus ou moins vraisemblables. Mais, hypothèse
pour hypothèse, celle de l'évolution semble, dans l'état
actuel de nos connaissances, la seule qui puisse donner une
explication tant soit peu satisfaisante.
Prenons, pour fixer les idées, l'exemple des Crustacés.
Il est probable que les premiers Crustacés qui ont prati-
qué Tautotomie, l'ont fait à la façon de l'oiseau que l'on
retient par quelques plumes. Ils se sont tant et si bien
débattus de tout le corps qu'ils ont fini par déchirer
l'attache du membre qui les retenait captifs. Cette façon
brutale de se délivrer s'est perfectionnée dans le cours des
générations. Les contractions des muscles, primitivement
désordonnées, se sont faites avec plus d'ensemble, partant
avec plus d'efficacité. Les muscles ont concentré leurs
efforts sur un seul point de la patte. La coque de celle-ci
s'est modifiée en ce point, de manière à éclater facilement
à un moment donné, sans nuire cependant d'une façon
générale aux usages habituels de la patte. Ce perfection-
nement anatomique s'est réalisé conformément aux lois de
l'évolution que je n'ai pas à exposer ici ; production de
variations accidentelles utiles, transmission et exagération
de variations utiles par la génération sexuelle et l'hérédité,
combinée avec la survivance des plus aptes.
Les Crustacés de la nature actuelle nous présentent à
l'état permanent quelques-uns des stades de cette curieuse
( 771 )
évolution. Aux deux extrémités de la série se trouvent d'une
part le Homard et de l'autre le Crabe.
Le Homard, que l'on saisit par une patte autre que
celles qui portent les pinces, entre dans une véritable
fureur; tout son corps est agité de violents soubresauts.
Grâce à ces mouvements désordonnés, l'animal se libère
souvent, la patte saisie s'arrachant au niveau de la mem-
brane qui sépare le deuxième article du troisième. C'est
l'exemple de l'autotomie primitive, brutale, provoquée par
la peur et par l'instinct de la conservation. Ici, les mouve-
ments faits par l'animal pour se délivrer sont sans doute
des mouvements volontaires.
Les choses se passent tout autrement chez le Crabe.
Pincez l'une des pattes à son extrémité ; aussitôt l'animal
s'arrête, soulève légèrement le membre saisi, de manière
à l'appuyer contre les parties dures voisines. On entend un
léger craquement : l'éclatement s'est produit au même
niveau que chez le Homard et la patte tombe. La cassure
est réalisée par la contraction d'un seul muscle, le muscle
auiotomiste (l);clle se produit au niveau d'un sillon circu-
laire préexistant, qui marque la place de la soudure du
deuxième et du troisième article de la patte. Ces deux
articles qui, chez le Homard, sont séparés par une mem-
brane, sont ici soudés en une seule pièce. Cette pièce
présente une grande résistance à la traction dans le sens
de l'axe du membre ; elle éclate au contraire avec facilité
sous l'influence d'un effort léger, dirigé dans le sens du
tendon du muscle auiotomiste. Nous avons affaire à un
mécanisme très spécialisé, très perfectionné, bien mieux
adapté à son rôle que les contractions générales dont use
H) Mém. cour, et autres de l'Acad. roy. de Belgique, 1891 et
Travaux du laboratoire, IV, 4891-92, p. 1.
( 772 )
le Homard. De plus, comme nous Pavons vu, le mouve-
ment d'aulotomie qui, chez le Homard, paraissait sous la
dépendance de la volonté de l'animal, s'est transformé,
chez le Crabe, en un mouvement réflexe.
L'autotomie serait donc un mouvement primitivement
volontaire et intentionnel, ayant pour point de départ
l'instinct de la conservation et tendant à arracher violem-
ment le corps de l'animal à l'étreinte ennemie, quitte à
sacrifier la partie saisie. Ce mouvement se serait peu à
peu perfectionné et adapté d'une façon plus parfaite au but
à atteindre : en même temps, il aurait perdu son carac-
tère intentionnel et serait devenu un réflexe pur.
C'est d'ailleurs une règle d'une portée générale que les
mouvements volontaires fréquemment répétés se trans-
forment insensiblement en mouvements réflexes, pour la
production desquels l'intervoniion de la volonté n'est plus
nécessaire. Tout le monde sait que l'éducation des exercices
corporels chez l'homme est basée en grande partie sur ce
phénomène. Le cavalier novice, qui monte à cheval pour
la première fois, n'a qu'une préoccupation : c'est de se
maintenir en selle ; tous les efforts de sa volonté se
concentrent sur les mouvements destinés à conserver
l'équilibre. Peu à peu, sous l'influence de l'exercice, notre
débutant s'habitue à être plus sobre de ses mouvements
et à les exécuter inconsciemment. Au bout d'un certain
temps, ces mouvements deviennent de purs réflexes. De
même, le patineur exercé décrit sur la glace les courbes
les plus correctes et souvent les plus compliquées, pour
ainsi dire machinalement, sans Tinlervention ou le contrôle
incessant de la volonté. Il n'y a donc aucune impossibilité
à ce que la même transformation se soit réalisée au cours
de l'évolution des mouvements d'autotomie.
( 775 )
— Proclamalion par M. le secrélaire perpétuel des
résulals ci-après des concours et des élections :
CONCOURS ANNUEL DE LA CLASSE POUR 1893.
SCIENCES IMATnÉIll/l^TI^SUES ET PHYSIQUES.
Un mémoire a été reçu en réponse à la question ;
Apporter une conlribulion imporlante à l'étude des
correspondances que Con peut établir entre les éléments
géométriques fondameûtaux.
Ce mémoire porte poux- devise : Et si fateor ab eo quod
est absùlute minimum ad ed quod minimo proximiim non
ttbique tulam esse collectionem. (Kepler, Slereometria ;
Arghimed. supplem. Thèse XXV.)
La Classe, raliliant les conclusions des rapports de ses
commissaires, n'a pas décerné le prix proposé.
— Un mémoire portant pour devise : Les phénomènes
de la précession des éqiiinoxes et de la nutation de Caxe
du monde sont exactement les mêmes que si la mer formait
une masse solide avec les sphéroïdes qu'elle recouvre
(Laplage, Mécanique céleste, t. H, p. 339), a été reçu en
réponse à la question :
Poser les équations du mouvement de rotation de l'écorce
solide du globe, en tenant compte des actions extérieures,
du frottement de l'écorce sur la partie fluide du noyau et
des réactions intérieures.
Indiquer le mode d'intégration qui pourrait être appliqué
à ces équations.
La Classe se prononcera ultérieurement sur les conclu-
sions des rapports de ses commissaires.
(774)
Un mémoire portant pour devise : Toujours tout droit,
a été reçu en réponse à la question :
On demande de nouvelles recherches morphologiques
pouvant éclairer la phylogénie d'un des grands embran-
chements des invertébrés.
Le manuscrit est intitulé : Recherches sur divers Opis-
thobranches.
La Classe, adoptant les conclusions des rapports de ses
commissaires, a accordé sa médaille d'or de six cents francs
à l'auteur de ce mémoire, M. Paul Pelseneer, professeur à
l'École normale de Gand.
PRIX CHARLES LEMAIRE EN FAVEUR DE QUESTIONS RELATIVES
AUX TRAVAUX PUBLICS.
Institution.
M"' Adélaïde Lemaire, domiciliée à Beaumonl (Belgique),
et décédée à Paris le 2 décembre 1890, avait inscrit la
disposition suivante dans son testament mystique :
Je donne à l'Académie des sciences de Belgique la
somme de vingt-cinq mille francs pour que les revenus en
soient affectés à la formation d'un prix qui sera décerné
tous les deux ans, sous le nom de prix Charles lemaire,
à l'auteur du meilleur mémoire publié sur des questions
relatives aux travaux publics.
Conformément à la volonté de la testatrice, la Classe
avait offert pour la première période de ce concours
(773 )
{i" juillet i89 1-30 juin 1893), un prix de l/t20 francs k
l'auteur du meilleur mémoire se rapportant à la fondation.
Ce prix a été décerné à VI. P. Christophe, ingénieur
des ponts et chaussées à Liège, pour son livre intitulé :
Les fondations à Vair comprimé sans incorporation de fers
dans les maçonneries, et leur application à la reconstruc-
tion de la passe navigable du barrage de rivière.
ÉLECTIONS.
Depuis ses dernières élections, la Classe a perdu un
de ses memhres titulaires, M. Henri Mans, et cinq de ses
associés : sir Richard Owen, Alph. de Candolle, Jacques
Moleschotl, DionysSlur et John Tyndall.
Ont été élus, dans la section des sciences mathématiques
el physiques :
Membre titulaire, saut" approbation royale : M. H. Valé-
rius, correspondant.
Correspondant : M. Maurice Delacre, professeur à
l'Université de Gand.
Dans la section des sciences naturelles :
Associés: MM. O.-C. Marsh, professeur de paléontologie
an Yale Collège de New Haven (États-Finis; Jules von Sachs,
professeur à l'Université de Wurtzbourg, et Th.-W. Engel-
mann, professeur à l'Universilé d'Utrecht.
( 776 )
OUVRAGES PRESENTES.
Lavaleye {Emile de). Essais cl Études, première série,
1861-1873. Gand, 1894; vol. in-8».
Brialmont. Discours prononcé à l'inauguration du monu-
ment élevé au lieutenant général Liagre, à l'École militaire, le
28 novembre 1893. 4 pages in-folio.
Errera {Léo). Les juifs russes. Extermination ou émancipa-
tion,avec une lettre-préface de Th. Mommsen. Bruxelles, 1893;
gr. in-8» (184 p.).
Monchamp {Georges). Rapport historique lu au cinquante-
naire du petit séminaire de Saint-Trond. Liège, 1893; in-8"'
(81 p.).
— Un correspondant belge de Descartes : le Père François
Fournct, S. J. Bruxelles, extr. in-8» (4 p.).
Harroy{E.) et Ronvaux {L.). Freya, poème lyrique. Namur,
1887; in-12. (77 p.).
Harroy iE.). Cromlechs et Dolmens de Belgique. Notes de
préhistoire. Namur, 1893; in-8"* (181 pages, 1 plan),
— Les Éburons à Limbourg : le véritable Aduatuca Castel-
lum de César. Namur, 1889; ia-8° (108 p.).
Picard {Edmond). Scènes de la vie judiciaire. Bruxelles,
1893; pet. in-8''.
Gamond {de). De la revision constitutionnelle. Discours pro-
noncé le 2 octobre 1 893 à la Cour d'appel de Gand. Gand, 1 893 ;
in-8» (27 p.).
H uhlard {Emile). De l'utilité des collections d'histoire natu-
relle régionale. Mons, 1893; in-8" (27 p.).
Matthieu (Ernest). Un artiste brainois : André Du Broecq,
horloger. Louvain. 1892 ; extr. in-8'' (7 p.).
( 777 )
Peetera {le D' L.). De l'applicnlion de la suggeslion hypno-
tique à la pédagogie. Bruxelles, 1893; iii-S" (12 p.).
Laer {Van). Sur quelques modifications apportées à la
technique de M. Hansen. pour l'oblenlion de cultures pures de
saccharorayccs et d'autres micro-organismes analogues. Paris,
I893;cxtr. in-S" (13 p.).
Becquet [Alfr.). Les grands domaines et les villas de l'Entre-
Sainbre-et-Mcuse, sous l'Empire romain. Naraur, 1893; extr.
in-8" (18 p.).
— Les bagues franques et mérovingiennes du Musée de
Namur. Namur, 1893; extr. m-^" (32 pî).
Ollet (Paul). Les sentences indéterminées et la législation
belge. Bruxelles, 1893 ; in-8° (21 p.).
Gréthy. OEuvres : 15* livraison : Colinette à la cour, comédie
lyrique en trois actes. 1893; in-4''.
Lemaitre (Alexis). Roses et violettes. Intimités (1840 à
187...). Namur, 1894; pet. in-8».
Villermont {la comtesse Marie de). Histoire de la coiffure
féraininine. Bruxelles, 1891 ; vol. gr. in-8° (822 p.).
Ministère de l'Agriculture, de l'Industrie et des Travaux
publics» — Rapport sur la situation des sociétés de secours
mutuels, pendant les années 1888-90. Bruxelles, 1893 ;
gr. in-8°. — Bulletin pour 1892-93. In-8».
Ministère de l'Intérieur. — Bulletin, 1892-93; in-8°.
La Cellule, recueil de cytologie et d'histologie générale,
tome IX, 2"* fasc. Louvain, 1893 ; gr. in-8".
Charleroi. Société paléontologique et archéologique. Docu-
ments et Rapports, tome XIX, 1" livr. 1893; in-8°.
Gand, Kon. Vlaamsche Académie voor taal- en lelterkunde.
Verslagen en mededeclingen, 1893. In-8°.
Liège. Bulletin de Folklore, 1892, 2« semestre; 1893, tome II,
a** fasc. In-8».
( 778 )
Allemagne et Autriche-Hongrie.
Kûkenthal {Willy). Vergleichend-analomische und enl-
wickelungsgeschihtliohe Untersuchungen an Walthieren,
TheilII. 1893; vol. m-i"
Weyr {Emil). Ueber abgelcitete J"_i anf Trâgern vom
geschlechte Eins. Vienne, 1892; extr. in-8° (14 p.),
— Ueber Vervollstândigung von Involutionen auf Trâgern
vom geschlecbte Eins, und iiber Steiner'sche Polygone, I .und 2.
Mittbeilung. Vienne, 1892-93; 2 extr. in-8° (27-47 p.).
Berlin. K. Akadenrie (1er Wissenschaften. Sitzungsberichte,
1892-93. In-S»
Breslau. Gesellschaft fur vaterlàndisclie Cullur. 70 Jahres-
bericht mit Erganzungsbeft, 1893; 2 vol. in- 8°.
FR\novî{G-E^-BR\sG\v. lyalur/orschcndeGesellscliaft Berichte,
Band XVII, I. und 2. Heft 1895; in-8°.
GoRLiTz. Oberlausitzische Gesellschaft der Wissenschaften.
Neues Magazin, 39. Band. 1895; in-8°.
Gratz. IVulurwissenschafltkherVerein. Miltheilungen,1 892.
In-8°.
Halle. Verein fur Erdkunde. Milleilungen, 1893. In-8°.
Munich. Akademie der Wissenschaften. Abbandlungen nnd
Silzungsbericbte, 1892-95. — Gedacbtnisrede auf Karl Nageli
(K. Goebel). Erkennen, Erleben, Erschliessen, Festrede (Car-
rière),
Ratisbonne. Hislorischer Verein. Verbandlungen,45. Band.
1893; in-8°.
Thorn. Coppernicus-Verein fiir TF«ssensc/ia/i!. Mitteilungen,
HeftVIII. 1893; in-8°.
Vienne. K.k. Akademie der Wissenschaften. Anzeiger, 1893.
In-S».
( 779 )
Amérique.
Very {Frank-W.). The bail storm of may, 20, 1893. In-8»
(12 p.).
AusTiN. Texas Academy of Science. Transactions, vol I,
nuniber 2. 1895; in-8°.
Washington. National Academy of sciences. Report for 1 892.
1893; in-S".
Washington, War-department. Report of the surgeon-
gcneral of the army, 1895; in-8°.
Washington. Department of agricultttre. Certain climatic
features of the two Dakotas (John Finley). 1893; vol. in-4°.
France
Oppert (Jules). Adad-Nirar, roi d'Ellassar. Paris, 1895;
extr. in-8» (1 9 p.).
— Les inscriptions du Pseudo-Smerdis et de l'usurpateur
Nidintabel, fixant le calendrier perse Leyde, 1893; extr. in-8°
(14 p.).
Rey-Pailhade (J. de). Essai sur l'unification internationale
de l'heure. Toulouse, 1895; in-8'' (35 p.).
Pascaud (Henri). Le domicile de secours à l'étranger et en
France. 1895. In-8° (22 p.).
Chavée-Leroy. La fermentation, étude mise à la portée des
viticulteurs. Bordeaux, 1895; in-8° (64 p.).
De Bâcher [Louis). Louis XIV, socialiste. Beauvais, 1893;
10-8° (8 p.).
Foucarl {Paul). Isaac et Jacques Lemaire. Valenciennes,
1892; in-8 (14 p.).
Nancy. Académie de Stanislas. Mémoires, 5* série, t. X.
1895;in-8°.
( 780 )
Paris. Académie de médecine. Bulletin, 1893.10-8".
Institut de France. Comptes rendus des séances de l'Aca-
démie des sciences et de l'Académie des inscriptions, 1893.
Grande-Bretagne et Irlande.
Casey (John). A sequel to tlie first six books of ihe élément
of Euclid, containing an easy introduction to modem geo-
metry, with numerous exercices. Edited by Patrick A. E. Dow-
ling. Dublin, 1892; pet. in-8» (302 p.).
— A treatise of the analytical geometry of the point, line,
circle and conic sections; Second édition by P. Dowling.
Dublin, 1893; vol. in-S" (564 p.).
Anderson{\ViUiam).The interdependenceofabstract science
and engineering. Londres, 1893; in-8'* (52 p.).
Londres. Linnean Society. Zoology : Journal, n»' 152-4:
Transaction, vol, V, pars 8-10. Botany : Journal, n"' 202-204;
Transactions, vol. lîl, 8.
Londres. Royal Society. Proceedings, n"' 317-327. Tran-
sactions, vol. 183, A and B. 1893.
Italie.
Guccia {G. B.). Una definizione sinletica délie curve polari.
Palerme, 1893; extr. in-S" (10 p.).
— Ricerche sui sistemi lineari di curve algebriche piane,
dotali di singolarità ordinarie. Palerme, 1893; extr. in-8*
(62. p.).
Vincenti {Giuseppe). Biograpbia del professore cavalière
Antonio Michela, seguita da alcunc considerazioni relative alla
invenzione del suo sistema fonografico universale a mano, e da
una monografia sulla sua machina stenofonografica. Ivrée,
1887;in-8°(55 p.).
(m)
Vincenti (Guiseppé). La fonog?'afia universale Michela e la
fonotelegrafia universale Vincenti. Turin, 1893; in-4'' (40 p.).
Naples. Zoolofjisclie Station. Zoologischer Jahresbericht,
1892. Berlin, 1893; vol. in-8°.
Pays divers.
Ferron {Eug.). Mémoire analytique sur les divers systèmes
suivis pour établir les équations fondementales de la théorie
de la lumière. Luxembourg, 1893; in-8'' (80-xiv p., pi.).
Blok [P.-J). Geschiedenis van het nederlaandsche volk,
deel IL Groningue, 1893; vol. in-S".
Lie [Sophus). Arcbiv for Malbematik og Nalurvidenskab,
V, 4, VI, 1.
Luxembourg. Institut grand-ducat. Publications de la sec-
tion des sciences naturelles et mathématiques, tome XXII,
1893; in-8».
Bale. Naturforschende Gesellschaft. Veihandlungen der
Versammlung von 189:2. In-8°.
— Nouveaux mémoires, vol. XXXIII, l""" liv. 1895; in-4°.
Berne. Naturforschende Gesellschaft. Mittheilungen, 1892.
In-8».
Christiania. Meteorologisches Institut. Jahrbuch, 1891.
In-i".
— Physiographiske Forening. Nyt Magazin, Bind XXXIII;
1-3 Hefte. 1893; in-8°.
Stockholm. Académie royale des .sciences. Projet de mesure
d'un arc du méridien de i°ilO', au Spilzberg (P. Rosén). 1893;
in-8'' (31 p.).
— Bihang till Handlingar, Bandet XVIll. 1893; in-8°.
Saint-Pétersbourg. Commission impériale archéologique.
Comptes rendus pour les années 188:2-1890. (Avec un allas).
Matériaux pour servir à l'archéologie de la Russie, n"' 4 12.
In -4».
( 782 )
L'Académie a reçu en outre, pendant l'année 1893, les publi-
cations des Sociétés savantes et les Recueils dont les noms
suivent :
■envers. Académie d'archéologie. — Société royale de géo-
graphie. — Société de médecine. — Société de pharmacie.
Bruges. Société d'émulation.
Bruxelles. Académie royale de médecine. — Analecla Bol-
landianu. — Annales de médecine vétérinaire. — Annales
des travaux publics. — Bidlelin de statistique démographique
et sanitaire (D'^ iansaens). — Association belge de photogra-
phie. — Bibliographie de la Belgique. — Ciel et Terre. —
Commission royale d'histoire. — Commissions royales d'art
et d'archéologie. — Institut de droit international et de
législation comparée. — Moniteur belge. — Moniteur industriel
belge. — Observatoire royal. — Presse médicale belge. —
Becueil consulaire. — Bévue sociale et politique. — Bévue
bibliographique belge. — Sociétés : d'Agriculture, d'Anthro-
pologie, d'Architecture, royale de Botanique, d'Électriciens,
Entomologique, de Géologie et d'Hydrologie, royale belge
de Géographie, royale Malacologique, de Microscopie, royale
de Médecine publique, royale de Numismatique , royale de
Pharmacie, des Sciences médicales et naturelles, Scientifique
Charleroi. Société paléontologique et archéologique.
Enghien. Cercle archéologique.
Gand. Le Drapeau. — Messager des sciences historiques. —
Bévue de l'instruction publique. — Société de médecine.
Genibloux. Association des anciens élèves de l'Institut
agricole.
Huy. Cercle des sciences.
Liège. Écho vétérinaire. — Institut archéologique. — Société
géologique de Belgique. — Société médico-chirurgicale. —
Wallonia.
Louvain. Le Muséon.
Namur. Société archéologique.
( 783)
Nivelles. Soriélé archéologique.
Saint-Nicolas. Cercle archéologique.
Berlin. Deutsche chemische Gesellschaft. — Geologische
Gesellschaft. — Gesellschaft fiïr Erkunde. — Gesellschaft fiir
Anthropologie, Ethnologie und Urgeschichte. — Meteorolo-
gisches Institut.
Bonn. Naturhistorischer Verein der preussischen Rhein-
lande und Wesphalens.
Budapest. Inslilut de géologie. — Académie des sciences.
Cracovie. Académie des sciences.
Francfort-sur-Odor. Sucietatœ litterœ.
Goiha. Geographische Anstall.
Halle. Nalurwiss. Verein fur Sachsen und Thicringen.
Heidelberg. Universitàt.
léna. 3/édizinich-naturwissenschafUiche Geselschaft.
Leipzig. Archiv der Mathematik und Phijsik. — Astrono-
mische Gesellschaft. — Beihlaller zu den Annalen der Physik
und Chemie — Kôn. Gesellschaft der Wissenschaften. —
Zootogischer Anzeiger.
Marbourg. Jahresbericht ûber die Fortschritle der Chemie.
— Universitàt.
Prague. Société mathématique.
Strasbourg. Société des sciences, agriculture et arts.
Vienne. Anthropologische Gesellschaft. — Kais. Geologische
Reichsanstalt. — Kais. Naturhislorisches Hofmuseum.
Wurzbourg. Physikal.-medizinische Gesellschaft.
Albany. New-York State Library.
Baltimore. John Hopkins University
Buenos-Ayres. Sociedad cientifica Argentina. — Bulletin
mensuel de statistique municipale.
Cambridge. Muséum of comparative zoôlogy.
Chicago. Ki-7iwood Observatory.
Mexico. Sociedad <i Antonio Alzate > .
( 784 )
Montevideo. Universidad.
New-Haven. Journal 0/ sciences and arts.
New-York. Geogrnphical Society. — Academy of sciences.
Philadelphie. Franklin Institute. — The american natu-
ralist. — Philosophical Society.
Rio de Janeiro. Sociedade de geographia.
Washington, Department of agriculture. — U. S. national
muséum.
Copenhague. Société royale des sciences. — Société des
antiquaires.
Madrid. Sociedad geografica. — Real Academia de la his-
loria.
Manila. Ohservalorio meteorologico.
Amiens Société industrielle.
Caen. Société linnéenne. — Faculté des sciences.
Lille. Société géologique du Nord. — Société des architectes.
Marseille. Société scientifique industrielle.
Paris. L'Astronomie (Flammarion). — École normale supé-
rieure. — École nationale des chartes. — Journal de l'agri-
culture. — Journal des savants. — Le Cosmos. — La Nature.
— Le Progrès médical. — Le Polybiblion. — Moniteur
scientifique. — Revue britannique, — Revue de.t questions
historiques. — Revue générale des sciences pures et appli-
quées. — Revue politique et littéraire. — Revue scientifique.
— Revue de la science nouvelle. — L'Électricien, revue
internationale de l'électricité. — Semaine des constructeurs.
— Sociétés : nationale d'agriculture, d'anthropologie, de
biologie, chimique, géologique, de géographie, mathématique,
météorologique , philomatique.
Adélaïde. Royal Society of South Au stralia.
Birmingham. Philosophical Society.
Calcutta. Asiatic Society of Bengal. — Meteorological
Department. — Geological survey.
(78S)
Cambridge. Philosophical Society.
Dublin. Roijal Irisli Academy.
Edimbourg. Geological Society. — Royal Society.
Londres. Antltropologicul Institute. — Royal Astronomical
Society. — Chemical Society. — Royal Geographical Society
— Geological Society. — Institution of mechanical engineers.
— Royal Institut of british architects. — Institute of civil
engineers. — Royal Institution of'Great Rritain. — Mathema-
tical Society. — Meteorological Society. — Royal Microsco-
pical Society. — Nature. — Numismatic Society. — Royal
Statistical Society. — Zoological Society.
Manchester. Philosophical and literary Society.
Montréal. Natural history Society.
Neweastle-upon-Tyne. Institute of mining and mechanical
engineers.
Sydney. Linneun Society. — Department of mines. —
Government stalisticiaji's Office.
Toronto. Canadian Institute.
Florence. Ribiioteca nationale centrale. — Société entomo-
logica italiana. — Rivista scientifico-industriale.
Milan. Société di scienze nalurali. — // nuovo Risorgimento.
— Reale Instituto di scienze e lettere.
Modène. Socielà dei naturalisti.
Naples. Société Reale.
Padoue. Société veneto-trentina di scienze naturali.
Palerme. Circolo giuridico. — Circolo matematico.
Pise. Société toscana di scienze naturali.
Rome. Reale Academia dei Lincei. — Academia pontificia
de nuovi Lincei. — Ribiioteca nazionale centrale Vittorio
Emanuele. — Comitato di artigliera e genio. — Ministerio
dei lavori pubblici. — Rassegna délie scienze geologiche. —
Société per gli studi zoologiche.
Turin. Academia reale délie scienze.
3°" SÉRIE, TOME XXVI. 51
C 786 )
Batavia Genootschap van kunsten en wetenschappen.
Dclfl. École polytechnique.
Harlem. Société hollandaise des sciences.
La Haye. Instiluut voor... volkenkunde.
Leydc. Maatschappij der Nederlandsche lellerkunde.
Coïmbre. Jornal mathcmalicas (Tcixeïra).
Bucharcsl. Insliltil méléorologiqne. — Société des sciences
physiques.
Jassy. Société scientifique et littéraire
Knzan. Université impériale.
Moscou. Société impériale des naluralisles.
Saint-Pétersbourg. Archives des sciences biologiques. —
Jardin impérial de botanique. — Société impériale de géogra-
phie. — Société de chimie. — Comité géologique.
Beli,raJc. Académie des sciences.
Christiania. Société des sciences.
Stockholm. Nordiskt medicinsk Arkiv. — Acta mathema-
lica. — Société des antiquaires.
Berne. Le droit d'auteur.
Genève. Archives des sciences physiques et naturelles. —
Société de géographie.
Lausaime. Société vaudoise des sciences naturelles.
Zurich. Naturforschende Gesellschaft. — Astronomische
Mittheilungen (Wolf )
Alexandrie. Institut égyptien.
Le Caire. Société khédiviale de géographie.
Tokyo. Gesellschaft fiir Natur- und Vôlkerkunde Ostasiens.
— Impérial Universily.
BULLETIN UE LA(;ADÉMIK ROYALE DE BELGIQUE
TABLES ALPHABÉTIQUES
DU TOME VJNGT-SIXIÈME DE LA TROISIÈME SÉRIE.
1893.
TABLE DES AUTEURS.
Albert I"de Monaco (Le prince). Hommage d'ouvrage, 247.
Albert (Isidore). Lauréat du concours des cantates, 366, 417.
American philosophical Society. Envoie le programme du prix Henry
Phillips, 664.
Anonyme. Mémoire de concours sur les éléments géométriques fon-
damentaux (rapport de MM. De Tilly, Mansion et Le Paige), 709,
7d0.
Bambeke (Ch. Van). Les matériaux de l'organisme humain, 733.
Hommage d'ouvrages, 2, 170. — Rapports : voir Francotle (P.),
Pelseneer (P.).
Bnstelaer (René Van). Mémoire couronné sur le rôle de la gravure en
taille-douce (rapports de MM. Demannez, Markelbach et Hymans),
371, 378, 379; proclamé lauréat, 396, 415; remercie, 548.
Bcaitpain (J.). Sur quelques produits indéfinis (Mém. couronné in-4°,
t. LUI), 171, 255; rapports de MM. Catalan, Mansion et Le Paige,
249, 252, 255. Dépose un pli cacheté, 707.
Beneden (Éd. Van), Rapports : voir Chapeaux (M.), Francotle (P.),
Pelseneer (P.).
78H TABLE DES AUTEURS.
Beneden {P.-J. Van). Un mot sur le Squale Pèlerin, 33. Membre de la
Commission des finances. 564.
Benoit (P.). Rapport : voir Diiyse (Flor. Van).
Bequet (Alfr.). Hommage d'ouvrage, 663.
Berge (Albert). Dépose un pli cacheté, 247.
Bertolotti [Ant.). Décès, 367.
Blok{P.-J.). Hommage d'ouvrage (Geschiedenis van het nederlandsche
volk, t. Il), 663; avec note par P. Fredericq, 665.
Body (Michel). Dépose un billet cacheté, 247.
Bommer (Cli.). Sclerotes et cordons mycéliens, 707.
Barmans (Slan.). Membre de la Commission des finances, 666.
Bouglon (B. de\ Hommage d'ouvrage, 274.
Brialmont (Alexis). Discours prononcé aux funérailles de H. Maus, 173;
accepte de rédiger pour VAn7iuaire la notice du défunt, 170. Hom-
mage d'ouvrage (discours prononcé à l'inauguration du monument
élevé au lieutenant général Liagre^ 562. Réélu membre de la Com-
mission spéciale des finances, 564.
Briart (Alph.). Hommage d'ouvrage, 2. — Rapport : voir Chris-
tophe [P.).
Briquet (John). Hommage d'ouvrages, 3.
Brunner (H.). Remercie pour son élection et pour son diplôme, 108.
Buschmann (PaiU). Mémoire couronné sur le rôle de la gravure en
taille-douce (rapports de MM. Demannez, Markelbach et Hymans),
371, 378, 379; proclamé lauréat, 396, 415; remercie, 548.
Candèze(Ern.). Rapport : voir Meunier (F.).
Casey (Feu John). Voir Dowling (Patrick) et Neuberg (/.).
Catalan (Eug.). Remarques sur la théorie des nombres et sur les frac-
tions continues (Mémoires ïn-¥, t. LU), 258. — Rapport : voir
Beaupain (J.).
Cercle archéologique du Pays de Waes. Lettre relative k la repro-
duction de la grande carte d'Europe de Mercator (1592), 272; lecture
du rapport de MM. Wauters et Vander Haeghen, 547.
Cesàro (G.). Sur une méthode simple pour mesurer le retard des miné-
raux en lames minces, 208; rapport de MM. de la Vallée Poussin et
Renard, 177, 180. Formation de l'opale noble par l'action de l'acide
hydrofluosilicique, 721 ; rapport de MM. de la Vallée Poussin et
Spring, 707, 709.
TABLE DES AUTEURS. 789
Chapeaux (Murcellin). Sur la nutrition des Échinodermes, 2-27; rap-
port de MM. Éd. Van Beneden et Plateau, 180, 182.
Chavée-Leroy . La température du moût de vin pendant la fermen-
tation, 563.
Chcstrel de Haneffe {Le baron J. de). Hommage d'ouvrage, 27 i.
Christophe (P.). Prix Ch. Lemaire pour son ouvrage sur les fondations
à l'air comprimé (rapport de MM. Van der Mensbrugghe, Briart et
DeHeen), 717; proclamé lauréat, 77S.
Comité géologique de Saint-Pétersbourg. Hommage d'ouvrage, 171.
Crépin Œr.). Membre de la Commission des finances, 1564.
Culsem [Henri Van). Don de mille francs à la Caisse centrale des
artistes, l,o6.
D
Daneau (Nicolas). Lauréat (mention honorable) du grand concours de
composition musicale de 1893, 367. 418.
De Backer (Louis). Hommage d'ouvrage, 108.
Defrecheux (Joseph^ Hommage d'ouvrage, 171.
De Heen (P.). Rapport : voir Christophe (P.).
Delaborde {Le comte Henri). Hommage d'ouvrage, 549.
Delacre (Maurice). Action du zinc-éthyle sur le benzile, 268. Action
de la chaleur sur la dypnone, 534; rapports de MM. L. Henry et
Spring, 255, 257, 461, 462. Nouvelle synthèse graduelle de la ben-
zine, 563. Élu correspondant, 775.
Delaey (C.-H.). Projets de prise d'eaux potable et industrielle et de
ports de mer belges, 172; avis de M. De Tilly, 248; dépôt de cette
note et de diverses autres aux archives, 248, 707.
De la Royère { VV.i. Sur de nouveaux procédés permettant de déceler
les huiles végétales et animales, 654; rapport de MM. Henry et
Spring, 571, 572.
de la Vallée Poussin (Ch.). Rapport : voir Cesàro (G.).
de la Vallée Poussin (Ch.) fils. Hommage d'ouvrage, 247.
Delbœuf{J.). Hommage d'ouvrages, 2, 246.
Demannez (J.). Membre de la Commission des finances, 705. - Rap-
port : voir Bastelaer (R. Van) et Buschmann (P.).
De Quéker {Ch.). Des grèves en 'Amérique. Leurs causes et leurs
résultats les plus récents, 144.
Deruyts {F.). Sur les groupes d'éléments neutres communs à deux
évolutions quelconques, 232; rapport de M. Le Paige, 182 Sur les
790 TABLE DES AUTEURS.
groupes d'éléments neutres communs à un nombre quelconque
d'involutions, 248.
Dermjts (/.)• Sur une propriété des fonctions invariantes, 258.
De Sncrck {J.-B.). Lauréat du concours des cantates, 366, 417. Lady
Macbeth (poème couronnés 419; traduction par Emm. Hiel, 431.
Detroz. Hommage d'ouvrage, 545.
De Voogkt {Louis). Lauréat (mention honorable) du grand concours
d'architecture de 1893, 240, 417.
DoneuxiA.). Hommage d'ouvrage. 247.
Donny {Lucien). Sur un cas de germination parasitaire chez les gra-
minées, 248; remis en possession de son manuscrit, 455.
Dowling (Patrick). Hommage d'ouvrage (A sequel to Euclid.-Analyti-
cal geometry; by J. Casey^. Nouvelles éditions, 563; note sur ces
volumes par P. Mansion, 564.
Dupont {Éd.). Rapport : voir Meunier (F.).
Duyse {Flor. Van). Mémoire couronné sur l'histoire de la chanson
mondaine française et flamande, depuis le W siècle (rapports de
MM. Huberti, Gevaert et Benoit), 397, 398; proclamé lauréat, 415;
remercie, 548.
Eekhoud [Georges). Pi'ix quinquennal de littérature française (neu-
vième période), 272; proclamé lauréat, 416.
Engebnann {Th. W.\ Élu associé, 775.
Errera (L.). Sur le « pain du ciel » provenant du Diarbékir, 83. Hom-
mage d'ouvrage, 562.
Félix {Jules). Hommage d'ouvrage, 247.
Perron (Eug.). Hommage d'ouvrage, 454.
Folie (F.). Revendication de priorité, 24. Détermination de la con-
stante de l'aberration, de la parallaxe de la polaire, de la vitesse-
du système solaire et des constantes de la nutation diurne, au
moyen des observations de latitude de Gyldén et de Peters à
Poulkova, 183. Recherche correcte de la constante de l'aberration
par des observations dans le premier vertical, 194. Essai sur les
variations de latitude, 577. Bolides remarquab'es dans la nuit du
6 au 7 novembre 1893, 614. Hommage d'ouvrage, 170.
TABLE DES AUTEURS. 791
traikin (Ch-A.). Décès, 695. Discours prononcé k ses funérailles par
le chevalier Edm. Marchai, G96.
Francotle (P.) Hommage d'ouvrage, 171. Sur l'œil pariétal, la para-
physe de Selenka et les plexus choroïdes du troisième ventri-
cule, 171 ; rapport de MM. Éd. Van Beneden et Van Bambeke, 457,
461, S65. Quelques essais d'embryologie pathologique expéri-
mentale, 563.
Frederichs {Jules). Hommage d'ouvrages (Bataille des Éperons d'or. —
Cri de guerre des Matines brugeoises\ 274; note par P. Frede-
ricq, 277.
Fredericq {Léon). L'autotomie ou la mutilation active dans le règne
animal, 758.
Fredericq (P.). Notes bibliographiques : voir Blok (P.-J-), Frede-
richs ,/.), Pirenne(H.}.
Frère-Orban ( VV.). Hommage d'ouvrage, 108.
Gailhabaud {Jules). Décès, 367.
Gamond (de). Hommage d'ouvrage, 664.
Geleyn {Jos.). Lauréat du concours de gravure en médaille, 403, 416.
Génard (P.). Sur un portrait du musée d'Anvers, 549.
Gevaert (F.-A.). Mort de son fils Paul (condoléances), 239; remercie,
366. Hommage de l'Annuaire du Conservatoire, 371. — Rapport:
voir Duyse {Flor. Van).
Gillet {€.). Constitution du camphre et de ses dérivés, ^63.
Gilson (P.). Premier envoi réglementaire, 367.
Giron {Alfred). Notice sur Ch. Faider pour l'Annuaire de 1894, 544.
Gluge (Tliéoph.). 3Iembre de la Commission des finances, 564.
Goblet d'Alviella {Le comte Eug.). Rapport : voir Hurlez {de).
Goeij (Roger de). Hommage d'ouvrages, 237, 274.
Gounod ^Ch.). Décès, 370.
Graftiau (J.). Hommage d'ouvrage, 247.
U
Haneuse (L.). Hommage d'ouvrage, 108.
Harlez (Le chevalier Ch. de). La religion et les cérémonies impériales
delà Chine moderne (imprimé dans le tome LU desA/m. in-4»), 237;
792 TABLE DES AUTEURS.
lecture des rapports de MM. Le Roy, Willems et le comte Goblet
d'Alviella, 278. — Note bibliographique : voir Scerbo (F.). —
Hommage d'ouvrages, 237, 274, 5iS.
Harroy (£). Hommage d'ouvrages, 663.
Hecq (Gaëtan). Hommage d'ouvrage, 237.
Henrard (P.). Membre de la Commission des finances, 666.
Henry (Louis). Recherches sur les dérivés monocarbonés, 200, 615.
— Rapports : voir Delacre (M.), De la Royère{W.), Sonay (A. De),
Swarts (F.), Voget (F.).
Hiel (Emm.). Traduction de la cantate Lady Macbeth, 431.
Houwaert (J.B.). Voir 0. Yan den Daele.
Huberti (Gust.). Rapport : voir Duyse(Flor. Van\
Hublard {Emile). Hommage d'ouvrage, 563.
Hymans (H.). Rapport : voir Bastelaer (fi. Van) et Buschmann (P.).
Institut royal "des sciences, des lettres et des arts de Venise. Adresse
le programme de ses concours, 2.
Jonghe (Le vicomte B. de). Hommage d'ouvrages, 545.
Joîweneau (A.). Phénomène optique nouveau que l'on doit observer
si l'éther ne participe pas au mouvement de la Terre, 171; dépôt
aux archives avec le rapport de M. Lagrange, 565.
Kockerols (Ad.). Premier rapport, 368.
Kurth (God.). La frontière linguistique en Belgique et dans -le nord
rie la France (revision de la seconde partie), 546.
Laer (J. Van). Hommage d'ouvrage, 663.
Laçasse (Ch.). Hommage d'ouvrage, 247,
TABLK DKS AUTEURS. 793
iMgrange (Cfi). Rapports : voir Joiiveneau ( A.), Ronkar {Éin.}.
Lambot {Emile). Lauréat (mention honorable) du grand concours
d'architecture de 1893, 240, 417.
Lancaster (Alb.). Hommage d'ouvrage. 3.
Laveleye (M"'" veuve E. de). Hommage d'ouvrage, 663.
LavùseiErn.). Remercie pour son élection et pour son diplôme, 108.
Hommage d'ouvrage, 108.
Leemans {Conrad). Son décès, 544.
Lemaitre (Alexis). Hommage d'ouvrage, 664.
Le Paige {Ch.). Rapports : voir Anonyme, Bcaupain (J.), Deruyts {F.),
Servais iClém.).
Le Boy {Alpk.). Rapport : voir Mariez (de).
Lethierry (L.). Hommage d'ouvrage, 454.
Liagre (Feu J.-B.-J.). Inauguration de son monument, 562.
Lobatchewsky (Nicolas"*. Centième anniversaire de naissance, 455.
Li\bke{Wilhem\ Décès, 367.
Ltinssens (J.-M.). Lauréat (premier second prix) du grand concours de
composition musicale de 1893, 367, 418.
M
Manelli (Ant.^. Hommage d'ouvrage, 3.
Mansion {P.K Rapport : voir Anonyme, Beaitpain (i.). - Note biblio-
graphique : voir Dowling (Patrick) et Neuberg (J.).
Marchai {Le clievalier Edm.) Présente le deuxième fascicule du
tome XII de la Biographie nationale, 545. Discours prononcé aux
funérailles de Ch.-A. Fraikin, 696. — Note bibliographique. Voir
Viller mont {Comtesse Marie de).
Markelbach (Alex.). Rapport : voir Basielaer {H. Van) et Busch-
mann(P.).
Marsh iO.-C). Élu associé, 775.
Martens [Fréd. de). Remercie pour son élection et pour son diplôme,
108.
Masius{J.-B.). Rapport : voir Metzler (J.-P.).
Matthieu {Ern.). Hommage d'ouvrage, 664.
Mans {H.). Décès, 170; discours prononcé à ses funérailles par le
général Brialmont qui est également chargé de rédiger pour
YAnnuaire la notice du défunt, 173.
794 TABLE DES AUTEURS.
Mertens [Franc.). Second prix du grand concours d'architecture de
1893, 240, 417.
Mesdachde ter Kiele{Ch.-J.). Hommage d'ouvrage, 274.
Metzler J -P.). Le choléra, le mal de mer et l'hypocondrie (lecture
du rapport de iWM. Masius et C Vanlair), 455.
Meunier (Fernand). Contribution à la faune des diptères fossiles de
l'ambre tertiaire (dépôt aux archives\ 248, 576; rapports de
MM. Dupont et Candèze, 572, 574.
Ministre de l'Agriculture, de Vlndustrie et des Travaux publics.
Envoi d'ouvrages, 246, 663.
Ministre de la Guerre. Envoi d'un exemplaire du plan de Bru-
xelles, 170.
Ministre de la Justice. Envoi d'ouvrage, 273.
Ministre de llntérieur et de l'Instruction publique. Envoi d'ouvrages,
170, 236, 246, 273, 454, 545, 562, 662, 696.
Ministre des Affaires étrangères. Envoi d'ou\rage, 237.
Mommsen (Théodore). Son cinquantième anniversaire de doctorat
(liste de souscription), 237.
Monchamp [G.]. Hommage d'ouvrage, 663. — Note bibliographique :
voir Sociétés de littérature française et de littérature flamande du
petit séminaire de Saint-Trond.
Mortelmans [Louis-Ch.-Anl.\ Premier prix du grand concours de
composition musicale de 1893, 367, 418; exécution de sa cantate
Ladij Macbeth, 418.
Mourlon (M.). Membre de la Commission des finances, 564.
Sadaillac (Le marquis de). Hommage d'ouvrage, 108.
Neuberg (J.). Hommage d'ouvrages (A sequel to Euclid.-Analytical
geomelry; by .1. Casey). Nouvelles éditions, 563; note par P, Man-
sion, .564. — Rapport : \oir Servais (Clém.).
Oppert (Jules). Hommage d'ouvrages, 663.
Otlet (P.'. Hommage d'ouvrage, 664.
TABLE DES AUTEURS. 795
Pagart d'Hermansart. Hommage d'ouvrage, 274.
Pasraud {H.). Hommage d'ouvrage, 663.
Pauli (Adolphe). Membre de la Commission des tinances, 705.
Peeters (L.). Hommage d'ouvrage, 663.
Pelseneer (Paul). Mémoire couronné sur divers Opisthobranches (rap-
ports de MM. Éd. Van Beneden, Plateau et Van Bambeke), 711, 716,
717; proclamé lauréat, 774.
Petermann (A.). Hommage d'ouvrage, 247.
Philippe de Saxe-Cobourg et Gotha \S. A. R. le prince). Hommage d'ou-
vrages, 274.
Piot (Ch.). Hommage du tome X de la Correspondance du Cardinal
de Granvelle, avec note bibliographique, 274. Membre de la Com-
mission des finances, 666.
Pirenne (H.). Hommage d'ouvrage (Bibliographie de l'Histoire de
Belgique) avec note par P. Fredericq, 108, 109.
Plateau (F.). Rapports : voir Chapeaux {M.\ Pelseneer (P.).
Pregaldino [Pierre). Hommage d'ouvrage, 171.
Puisage (Jules). Hommage d'ouvrage, 237.
R
Reiny (L.). Hommage d'ouvrage, 247.
Renard (À.). Rapport : voir Cesàro [G.).
Rey-Pailhade (J. de). Hommage d'ouvrage, ^63.
Robie [Jean). Membre de la Commission des finances, 705.
Robyns (F.-A.)- Remercie comme lauréat du concours Guinard, 2,108.
Hommage d'ouvrage, 563, 664.
Rowbaux (Égide). Premier rapport et premier envoi réglementaire,
156, 240 ; lecture de l'appréciation de la section de sculpture, 368;
second rapport, 368.
Ronkar (E.). Sur la propagation de la chaleur dans les milieuît résis-
tants (rapport de MM. Ch. Lagrange et De Tilly), 4, 17. Hommage
d'ouvrage, 170.
Rooses (Max.). Notice sur Ch. Verlat pour {'Annuaire de 1894, 367.
796 TABLE DES AUTEURS.
Sacfis {Jules von). Élu associé, 775.
Samuel (Ad.). L'art libre et l'enseignement de la musique, 405.
Membre de la Commission des finances, 705.
Scerbo (Francesco). Hommage de divers opuscules de philologie et de
linguistique avec note par le chevalier Ch. de Harlez, 237, 238.
Selys Longchamps (Le baron Edm. de). Sur l'acclimatation de deux
espèces de Tétras en Belgique, 72.
Servais (Clém.). Sur les cubiques gauches (Mémoires in-8«), 3, 457;
rapport de MM. Le Paige et Neuberg, 456. Sur les sphères bitan-
gentes à une surface de second degré, 91; rapports de MM. Le
Paige et Neuberg, 18, 21.
Severin (G.). Hommage d'ouvrage, 454.
Sleeckx (D.). Rapport : voir Veerdeghem {F. Van) en Van den Daele.
Slingeneijer [Ern.]. Membre de la Commission des finances, 705.
Sociétés de littérature française et de littérature flamande du petit
séminaire de Saint-Trond. Hommage d'ouvrages avec note par
G. Mongchamp, 545, 546.
Société hollandaise des sciences à Harlem. Adresse le programme de
ses concours pour les années 1894 et 1895, 171.
Société industrielle d'Amiens. Adresse le programme de ses questions
de concours, 247.
Sonay (A. De). Sur l'ordre de substitution de l'hydrogène par le
chlore dans l'oxyde de méthyle et le méthylal, 629; rapport de
MM. Henry et Spring, 565, 570.
Spring (W.). Rapports : voir Cesàro (G.), Delacre (M.), De la
Hoyère (W.), Sonay [A. De), S^uarts (F.), Vogel (E.).
Stecher (J.). Rapport : voir Veerdegfiem {F. Van) en Van den Daele.
Stroobant (P.^. Dépose un billet cacheté, 455.
Stur (DionyS-R.-J.). Décès, 455.
Sugg (E.). Hommage d'ouvrage. 247.
Simrts (F.). Sur le fluorchlorbromméthane, 102; rapports de
MM. Spring et Henry, 22, 23.
Tackels{C.-J.). Hommage d'ouvrage, 171.
Terby (F.). Sur une photographie représentant des effets de dédou-
blement analogues à la gémination des canaux de Mars, obtenus
par le procédé de M. Stan. Meunier, 30. Hommage d'ouvrage, 2.
TABLE DES AUTEURS. 797
Thomas (P.). Remarques sur quelques passages de Térence et de Sénè-
que, 660.
Tilly {J. De). Essai de géométrie analytique générale {Mémoires in-S»,
t. XL VII), 258. — Rapports : voir Anonyme, Bonkar (E.).
Tylor {Edw. Burnett). Remercie pour son élection et pour son
diplôme, 108.
Tijndal (John). Décès, 707.
Valérius (H.). Élu membre titulaire, 775.
Van den Daele lO.) en Van Veerdegliem(F.\ Drie onuitgegeven wer-
ken van J.-B. Houwaert, 344; rapports : de MM. Steclier et Sleeckx,
278, 279.
Vander Haeghen (Ferd.). D'un catalogue général des bibliothèques
publiques, 690. Rapport : voir Comité archéologique du Pays de
Waes.
Vanderkindere {Léon). Rapport : voir Waltzing {P.-J.).
Van der Mensbrugghe {G.). Sur la cause commune de la tension super-
ficielle et de l'évaporisation des liquides, 37. — Rapport : voir
Christoplie (P.).
Van der Meulen {J.-P.). Lauréat (deuxième second prix) du grand
concours de composition musicale de 1893, 367, 418.
Van der Stricht (0.). Hommage d'ouvrage, 247.
Van der Waals {J.-D.). Hommage d'ouvrage, 3.
Vanlair (C). Déterminations chronométriques relatives à la régéné-
ration des nerfs, 489. — Rapport : voir Metzler {J.-P.).
Veerdeghem (F. Van) en Van den Daele (0.). Drie onuitgegeven wer-
ken van J.-B. Houwaert, 344; rapports de MM. Stecher et Sleeckx,
278, 279.
Vereecken (Emile). Premier prix du grand concours d'architecture de
1893, 240, 417.
Verhelle {Arthur;. Premier et deuxième rapports semestriels et
premier envoi réglementaire, 240, 696.
Verhoogen (J.). Hommage d'ouvrage, 3.
Verschaffelt (J.). 1° Application du réfractomètre à l'étude des réac-
tions chimiques; 2° Indices de réfraction de mélanges d'eau,
d'alcools et d'acides gras, 707.
Villermont [Comtesse Marie de). Hommage d'ouvrage (Histoire delà
coiffure féminine) avec note par le chevalier Edm. Marchai, 696, 703.
798 TABLE DES AUTEURS.
Yirchow (Biid.). Médaille frappée à l'occasion de la manifestation qui
a eu lieu en son honneur, à Berlin (hommage d'un exemplaire en
bronze), 562.
Vogel{E.). Les déterminations des poids atomiques de Stas, 469; ra|v
ports de MM. Spring et Henry, 462, 466.
Wagener (Auguste'. Observations complémentaires sur la lecture de
M. Giron relative à & La liberté de conscience, à Rome », 283, 808.
— Rapport : voir Waltzing (P.-J.).
Wallzing [P.-J.)- Étude historique sur l'organisation, les droits, les
devoirs et l'influence des corporations d'ouvriers et d'artistes chez
les Romains (révision), 546; rapport de MM. Wagener, Willems et
Vanderkindere, 667, 674.
Wauters (Alph.), Nouvelle note à propos des dépouilles mortelles du
célèbre Antoine Arnauid, 130. De l'emploi des termes « style
gothique » et « style ogival », 675. Membre de la Commission des
finances, 666. — Rapport : voir Comité archéologique du Pays de
Waes.
Willems (P.). Membre de la Commission des finances, 666. — Rap-
ports : voir Harlez (de), Waltzing (P.-J.).
TABLE DES MATIÈRES.
Architecture. Wauters (Alph.)- De l'emploi des termes « style
gothique » et « style ogival », 675
Astronomie. Folie (F.). Revendication de priorité, 24. Détermination
de la constante de l'aberration, de la parallaxe de la polaire, de
la vitesse du système solaire et des constantes de la nutation
diurne, au moyen des obs' rvations de latitude de Gyldén et de
Peters à Poulkova, 183. Recherche correcte de la constante de
l'aberration par des observations dans le premier vertical, 194.
Essai sur les variations de latitude, 577. — Jouvenau (A). Phéno-
mène optique nouveau que l'on doit observer si l'éther ne participe
pas au mouvement de la Terre, 171; dépôt aux archives avec le
rapport de M. Lagrange, .%5. — Terby (F.). Sur une photographie
représentant des effets de dédoublement analogues à la gémi-
nation des canaux de Mars obtenus par le procédé de M. Stan.
Meunier, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris, 30.
Beaux-arts. Voir Architecture, Concours (grands), Prix de Rome,
Concours de la Classe des beaux-arts, Histoire de l'art, Musique.
Bibliographie. Vander HaeghExN (F.k D'un catalogue général des
bibliothèques publiques, 690. - Notes sur les ouvrages suivants :
Blok(P.-J.). Geschiedenis van het Nederlandsche volk, deel II;
par P. Fredericq, 665. — Dowling (Patricki et Neuberg (J.).
a. A sequel to Euclid. b. Analytical geometry, by J. Casey; par
P. Mansion, 564. - Frederichs (Jules^ a. Bataille des éperons
d'or; b. Le cri de guerre des Matines brugeoises ; par P. Fre-
dericq, 277. — PiOT (Ch.). Correspondance du cardinal de Gran-
velle, tome X, 274. — Pirenne (H.^ Bibliographie de l'histoire
de Belgique; par P. Fredericq, 108. — Scerbo (Franc). Opu-
scules de philologie et de linguistique; par le chevalier Gh. de
Harlez, 238. — Sociétés de littérature du petit séminaire
de Saint-Trond : a) Essais littéraires, troisième recueil; b) Letter-
oefeningen van het taalminnend genootschap ; par G. Monchamp,
546. — ViLLERMONT (Comtesse Marie de). Histoire de la coiffure
féminine; par le chevalier Edm. Marchai, 703.
800 TABLE DES AUTEURS.
Billets cachetés déposés par MM. Beaupain (J.)., 707; Berge (Alb.),
247; Body (Mich.), 247; Stroobant (P.), 455.
Biographie. Discours prononcés aux funérailles de Henri Maus,
par le général Brialmont, 173; de Ch. Fraikin, par le chevalier
Edm. Marchai, 696. — Voir Commission, Notices Biographiques
pour l'Annuaire et Prix de Stassart.
Biologie. Bambeke (Ch. Van). Les matériaux de l'organisme humain,
733. _ Voir Embryologie, Physiologie.
Botanique. Bommer (Charles). Sclérotes et cordons mycéliens, 707.
— DoNNY (Lucien). Sur un cas de germination parasitaire chez
les graminées, 248; remis en possession de son manuscrit, 455. —
Errera (Léo). Sur le « pain du ciel » provenant du Diarbékir, 83.
Caisse centrale des artistes. Don de mille francs par M. Henri Van
Cutsem, 156.
Célologie. Beneden (P.-J.). Un mot sur le Squale Pèlerin, 33.
Chimie. Delacre (Maurice). Action du zinc-éthyle sur le benzile, 268 ;
rapport de 3IM. L, Henry et Spring, 255, 257. Action de la chaleur
sur la dypnone, 534; rapport de MM. L. Henry et Spring, 461,
462. Nouvelle synthèse graduelle de la benzine, 563. — De la
Royère (W.). Sur de nouveaux procédés permettant de déceler les
huiles végétales et animales, 654; rapport de MM. Henry et Spring,
571, 572. — Gillet (C). Constitution du camphre et de ses dérivés,
563. — Henry (Louis). Recherches sur les dérivés monocarbonés,
200, 615. — SoNAY (A. De). Sur l'ordre de substitution de l'hydro-
gène par le chlore dans l'oxyde de méthyle et le méthylal, 629;
rapport de MM. Henry et Spring. 565, 570. — Swarts (Fréd.).
Sur le fluorchlorbromméthane, 102; rapports de MM. Spring et
Henry, 22, 23. — Vogel (E.). Les déterminations des poids ato-
miques de Stas, 469; rapports de MM. Spring et L. Henry, 462, 466.
— Voir Minéralogie.
Commission chargée de la publication d'une biographie nationale.
Présentation du deuxième fascicule du tome XII de la Biographie,
545.
Commission pour la publication des œuvres des grands musiciens du
pays M. le Ministre envoie la quinzième livraison des œuvres de
Grétry, 696.
TABLE DES MATIÈRES. 801
Comynmions spéciales des finances. Membres élus : Sciences, 564;
Lettres, 66ij ; Beaux-Arts, 705.
Concours. Envoi de programmes : Amiens, Société industrielle, 247.
Harlem, Société hollandaise des sciences, 171. Philadelphie,
American philosophical Society (prix Henry M. Phillips), 664. Venise,
Institut royal des sciences, dos lettres et des arts, 2.
Concours de la Classe des beaux-arls (1895). PARTIE LITTÉRAIRE.
Rapports de JIM. Demannez, Markelbach et Hymans (Rôle de la
gravure en taille-douce depuis les derniers perfectionnements de
la photographie), 371, 378, 379. MM. P. Buschmann et René van
Bastelaer, lauréats, 396, 415. Rapports de MM. Huberti, Gevaert et
Benoit (Histoire de la chanson mondaine française et flamande,
à une seule voix, depuis le XI« siècle), 397, 398; M. Florimond
Van Duyse, lauréat, 402, 415. Remerciements des lauréats, 548. —
sujets" D'ART APPLIQUÉ. Peinture (Grand panneau pour une
Cour d'assises). Dessins reçus, 368; prix non décerné, 403. Gravure
en médaille (Médaille commémorative de la mort de S. A. R. le
prince Baudouin). Projets reçus, 369; M. J. Geleyn, lauréat, 403.
Proclamation des résultats des concours, 415. — (1894). Les
programmes seront publiés dorénavant en français et en flamand,
157^ Programme en français, 157; en flamand, 161. SUJETS D'ART
APPLIQUE. Musique. Quatuor pour instruments à archet, 369.
Concours de la Classe des lettres (1889). Waltzing (P.-J.). Étude
historique sur l'organisation, les droits, les devoirs et l'influence
des corporations d'ouvriers et d'artistes chez les Romains (Revi-
sion, 546: rapport de MM. Wagener, Willems et Vanderkindere,
667, 674. — (181)4). Les programmes seront publiés dorénavant en
français et en flamand, 109 Programme pour l'année 1894 (pro-
gramma voor het jaar 1894), 110, 119; pour l'année 1895 (voor
het jaar 1895), 111, 121.
Concours de la Classe des sciences (1895). Mémoires reçus, 172.
Les éléments géométriques fondamentaux (rapport de MM. De Tilly,
Mansion et Le Paige), 709, 710. Mouvement de rotation de l'écorce
solide du globe (le jugement est remis k une date ultérieure), 711.
Sur divers Opisthobranches, par P. Pelseneer (rapports de
MM. Ed. Van Beneden, Plateau et Van Bambekej 711, 716, 717.
Proclamation du résultat du concours, 773.
Concours {Grands). Prix de Rome. Architecture (1890). Premier et
deuxième rapports et premier envoi réglementaire du lauréat
3"* SÉRIE, TOME XXVI. 52
g02 TABLE DES MATIÈRES.
Verhelle, -240, 696. (1895). Lauréats, 240; proclamation, 417.
Musique (1889). Envoi réglementaire du lauréat Gilson {La Mer
et Derniers rayons), 367. (1895). Lauréats, 367; proclamation,
418; exécution de la cantate de M. L. Mortelmans, premier pi'ix,
418. — Sculpture (1891). Premier rapport et premier envoi régle-
mentaire de M. Egide Rombaux, lo6, 240; lecture de l'apprécia-
tion de la section de sculpture, 368. Deuxième rapport du même
lauréat, 240.
Concours des cantates. Lauréats, 366; proclamation, 417. Lady
Macbeth, par J.-B. De Snerck (cantate couronnée), 419; traduction
en langue flamande par Emman. Hiel, 431.
Cristallographie. — Voir Minéralogie.
Dons. Ouvrages imprimés : Albert I" de Monaco (le prince), 247 ;
Bambeke (Ch. Van\ 2, 170; Bequet (Alfr.), 663; Blok (P.-J.), 663;
Bouglon (R. de), 274; Brialmont (A.), o62; Briart (Alph.), 2;
Briquet (J.), 3; Chestret de Hanetfe (le baron J. de\ 274; Comité
géologique de Saint-Pétersbourg, 171; De Backer (L.), l08;Defre-
cheux (J.), 171; Delaborde (le comte H.), 549; de la Vallée Poussin
(Ch.) fils, 247; Delbœuf (J.), 2, 246; Detroz, 545; Doneux (A.\ 247;
Dowling (Patrick), 563; Errera (Léo), 562; Félix (J.), 247; Per-
ron (,Eug.),454; Folie (F.), 170; Francotte (P.», 171; Frederichs (J \
274; Frère-Orban ^W.), 108; Gamond (de), 663; Gevaert (A ), 371;
Goey (Roger de), 237, 274; Graftiau (J.', 247; Haneuse (L.), 108;
Harlez (le chevalier de^, 237,274,545; Harroy (E), 663; Hecq (G.>,
237; Hublard ^E ), 563; Jonghe (vicomte B. de), 545; Laer (Van), 563;
Lagasse(Ch.),247; Lancaster (Alb.), 3; Laveleye (M-'c veuve É. de ,
663; Lavisse (Ern.), 108; Lemaitre (A.), 663; Lelhierry (L.), 454;
Manelli (A), 3; Matthieu (Ern.), 663; Mesdach de ter Kiele (Ch.-J.),
274; Ministre de l'Agriculture, de l'Industrie et des Travaux publics,
246; Ministre de la Guerre, 170; Ministre de la Justice, 273; Ministre
de l'Intérieur et de l'Instruction publique, 170, 236, 246, 273, 454,
545, 562, 662, 696; Ministre des Atfaires étrangères, 237; Mon-
champ(G.*, 663 ; JNadaillac (le marquis de), 108; Neuberg iJ.), 563;
0ppert(J.),663; Otlet ;P.), 663; Pagart d'Hermansart, 274; Pas-
caud (H.), 663; Peelers (L.), 663; Pelermann (A.), 247; Philippe de
Saxe-Cobourg-Gotha (S. A. R. le prince), 274; Piot (Ch.), 274;
TABLE DES MATIÈRES. 805
Pirenne (R.), 108; Prégaldino (P.), 171; Puisage (J.), 237; Remy (L.),
247; Rey-Pailhade(J.deSf)63;Robyns(F.-A.\\m3, 663;Ronkar(E.),
170; Scerbo (F.;, 237; Severin (G.), 454; Sociétés de littérature du
petit Séminaire de Saint-Trond, 543; Sugg (E.\ 247; Tackels (C.-J.),
171; Terby tP.), 2; Van der Strieht(0.), 247; Vander Waals J.-D.),3;
Verhoogen (J.>, 3 ; Villermont (comtesse Marie de), 696. — Médaille
en bronze (manifestation Rud. Virchow), 562.
Élections. Classe des scie>xes. H. Valérius, membre titulaire ; U^n-
rice helacre, -correspondant ; O.-C Marsh, J. von Sachs, Th.W. En-
gelmann, associés, 775. - Classe des lettres. Remerciements des
associés pour leurs diplômes, 108.
Embryologie. Francotte(P.). Note sur l'œil pariétal, la paraphyse et
les plexus choroïdes du troisième ventricule, 171; Rapport de
MM. Éd. Van Beneden et Van Bambeke, 4.57, 461, 565. Quelques
essais d'embryologie pathologique expérimentale (communication
préliminaire), 563.
Entomologie. Voir Paléonentomologie.
Géographie. Cercle archéologique du pays de Waes. Lettre relative
à la reproduction de la grande carte d'Europe de Mercator (édition
de 1592,1, 272; lecture du rapport de MM. Wauters et Vander
Haeghen, 547.
Géologie. Voir Minéralogie et Paléonentomologie.
Il
Histoire. Wauters (Alphonse). Nouvelle note à propos des dépouilles
mortelles du célèbre Antoine Arnauld, 130. — Voir Prix de Sta.ssart.
Histoire des religions. Harlez (le chevalier Ch. de). La religion et les
cérémonies impériales de la Chine moderne, (tome LU des Mémoires
in-4o), 237 ; lecture des rapports de MM. Le Roy, Willems et le comte
Goblet d'Alviella, 278. — Wagener (Aug.). Observations complé-
mentaires sur la lecture de M. Giron relative à « La liberté de
conscience, à Rome ». 283, 808.
804 TABLE DES MATIÈRES.
Histoire littéraire, Veerdeghem (F. Van) en 0. Van den Daele, Drie
onuitgegevenwerken van J.-B. Houwaert, 344; rapports de MM. Ste-
cher et Sleeckx, 278, 279.
Histoire de l'art. Génard (Pierre). Sur un portrait du musée
d'Anvers, 549.
J
Jubilés, Manifestations. Lobatchewsky (Nicolas). Centième anniver-
saire de naissance, 455. — Mommsen iThéodore). Cinquantième
anniversaire de doctorat, 237. — Virchow ;Rud.V Médaille frappée
en son honneur, 562.
Législation. Wagener (Aug.). Observations complémentaires sur la
lecture de M. Giron relative à « La liberté de conscience à Rome »,
283, 808.
Mathématiques. Beaupain {L\ Sur quelques produits indéfinis (Mém.
couronnés in4o, t. LUI), 171, 255; rapports de MM. Catalan, Man-
sion et Le Paige, 249, 252, 255, 808. - Catalan (EuG.). Remarques
sur la théorie des nombres et sur les fractions continues (imprimées
dans le tome LU des Mémoires in-4°), 258. — Deruyts (François).
Sur les groupes d'éléments neutres communs à deux évolutions
quelconques, 232; rapport de C Le Paige, 182. Sur les groupes
d'éléments neutres communs à un nombre quelconque d'involu-
tions, 248. — Deruyts (Jacques^ Sur une propriété des fonctions
invariantes, 258. — Ronkar (E.). Sur la propagation de la chaleur
dans les milieux cristallins (rapport de MM. Ch. Lagrange et De
Tilly), 4, 17. — Servais iClém.). Sur les cubiques gauches [Mém.
in-8°, t. XLIX), 3, 457; rapport de MM. Le Paige et Neuberg, 456
Sur les sphères bitangentes à une surface du second degré, 91
rapports de MM. Le Paige et Neuberg, 18. 21. — Tilly 'J. De). Essai
de géométrie analytique générale, suite et fin (tome XL VII des
Mémoires in-8"), 258.
Météorologie et physique du globe. Folie (F.). Bolides remarquables
dans la nuit du 6 au 7 novembre 1893, 614.
Minéralogie. Cesaro (G.). Sur une méthode simple pour mesurer le
retard des minéraux en lames minces, 208; rapport de MM. de la
Vallée Poussin et A. -F. Renard, 177, 180. Formation de l'opale
TABLE DES MATIÈRES. 805
noble par l'action de l'acide hydrotluosiliciquc sur le verre, 721;
rapport de MM. de la Vallée Poussin et Spring, 707, 700.
Monument élevé au fi;énéral Liagre (Inauguration du), .^S.
Musique. Samuei. (Ad.). L'art libre et l'enseignement de la musique,
405. — Voir Concours {grands). Prix de Rome et Concours de la
Classe des beaux-arts.
N
Nécrologie. Décès : Bertolotti (A.), 367; Fraikin (Cb.), 695; Gailba-
baud (J.), 367; GevaertiP. fils', 239; Gounod (Ch.), 370; Lcemans
(Conrad), 544; Lubke(W.), 367; Maus iH.), 170; Stur, 455; Tyndall
(sir John), 707.
Notices biographiques pour IWnyvuairc. Notice de H. Maus, par
M. Brialmont, 170. Ch. Verlat, par Max. Rooses, 367. Ch. Faider.
par Giron, 544.
Orientatisme. Voir Histoire des religions.
Ornithologie. Selys Longchamps (Baron B]dm. de). Sur rncclimatalion
de deux es|!èces de Tétras en Belgique, 72.
Ouvrages présentes. hiïWel, 165; août, 241; octobre, 443; novembre,
557; décembre, 776.
Paléonentomologie. Meunier (Ferd.K Contribution à la faune des
diptères fossiles de l'ambre tertiaire (dépôt aux archives), 248,
576; rapports de MM. Dupont et Candèze, 572, 574.
Philologie. Thomas iP.). Remarques sur quelques passages de Térence
et de Sénèque, 665. — Voir Concours de la Classe des lettres et
Prix de Stassart.
Physiologie. Chapeaux (Marceulin). Sur la nutrition des Échino-
dermes, 227; rapport de MM. Éd. Van Beneden et F. Plateau, 180,
182. — Fredericq (Léon). L'autotomie ou la mutilation active dans
le règne animal. — Vanuair (C). Déterminations chronométriques
relatives à la génération des nerfs, 489.
Physique. Van der Mensbrugghe (G.). Sur la cause commune de la
tension superficielle et de l'évaporation des liquides, 37 - Ver-
schaffelt (.L). a. Application du réfractomètre à l'étude des
806 TABLE DES MATIÈRES.
réactions chimiques; b. Indices de réfraction de mélanges d'eau,
d'alcools et d'acides gras, 707.
Poésie. Voir Concours des Cantates.
Prix Anton Bergmann: Programme de la deuxième période, 117, 127.
Pi'ix Castiau. Programme de la cinquième période, 116, 1"26.
Prix Charles Lemaire (première période) Ouvrages soumis au
concours, 3; rapport de MM. Van der Mensbrugghe, Briart et
De Heen, 717. M. P. Christophe, lauréat, 774.
Prix de Saint-Génois. Troisième période, 114, 124.
Prix de Stassart. Question d'histoire nationale. (Cinquième
période ) Klrth (God.V La frontière linguistique en Belgique et
dans le nord de la France (revision de la seconde partie, 546.
(Sixième période.) Programme, 1 13, 123. — Notice sur un Belge
CÉLÈBRE. (Septième période.) Programme, 114, 124.
Prix Godeehar le {[890). Premier rapport du lauréat Kockerols, 368.
Prix Guinard (cinquième période). Remerciements adressés aux
membres du jury et remerciements de M. F. -A. Robyns, lauréat, 2.
107; exemplaires du rapport du jury offerts par M. le Ministre de
l'Agriculture et par M. Robvns, 246, 563, 664.
Prix Henry M. Phillips. Programme, 665.
Prit Joseph De Keyn. Programme : septième concours, seconde
période, 118, 128.
Prix Joseph Gantrelle. Première et deuxième périodes. Programme.
115,125.
Prix Teirlinck. Programme, quatrième période, 117, 128.
Prix quinquennaux. Littérature française (neuvième périodei.
M. Georges Eekhoud, lauréat, 272, 416. - Sciences physiques et
mathématiques (neuvième période). Candidats pour le choix du
jury, 454, 564.
Prit triennaux. Littérature dramatique en langue française
(douzième période). Candidats pourle choix du jury, 662, 666.
S
Sciences médicales. Metzler (F. -P.). Le choléra, le mal de mer et
l'hypocondrie (dépôts aux archives après lecture des rapports de
MM. Masius et C. Vanlair), 455. — Vanlair (C.\ Déterminations
chronométriques relatives à la régénération des nerfs, 480.
Sciences .sociales. De Quéker (Ch.^. Les grèves en Amérique. - Leurs
causes et leurs résultats les plus récents, 144.
TABLE DES MATIÈRES. 807
Technologie, Travaux publics, elc. Delaey [C„ H.), a) Avant-supplé-
ment du projet de prise d'eaux potable et industrielle; b) Projet de
ports de mer belges, 171, 172; dépùt aux archives sur l'avis de
M. J. De Tilly, 248. c) Nouvelles notes sur divers sujets (dépôt aux
archives), 707.
Viticulture. Chavée-Leroy. La température du rnoùt de vin pendant
la fermentation, 563.
TABLE DES PLANCHES ET DES FIGURES.
Pages 214. — Cesaro (G.). Sur une métliode simple pour mesurer le
retard des minéraux en lames minces (1 figure).
— 727-728. — Id. Formation de l'opale noble par l'action de l'acide
hydrofluosilicique sur le verre (3 figures).
— 7. — Lagrange iCh.). Sur la propagation de la chaleur dans les
milieux cristallins, par E. Ronkar (1 figure).
— y4, 100. — Servais (Clém.). Sur les sphères bitangentes à une
surface du second degré (2 figures),
— 4!, 53, 55, 58, 70. — Van der MeiNSBRLGGhe G.). Sur la cause
commune de la tension superficielle et de l'évapora-
tion des liquides (5 figures.)
ERRATA.
Rapport de M. P. Mansion sur quelques produits indéfinis; par
J. Beaupain, p. 249.
L'avant-dernière expression de la page 234 et les deux premières
de la page 255 doivent être corrigées comme il suit :
b (2n -f- a -+- p -I- 1 , )3)
2n -4-1 \ i3
0„
{in + 1,3) ('2n -t- 1)^ b (^n -+- « -+- 3 -4- 1. 13) (2/i h- « -t- ;3 -+- 1 ) /'^
r/3 r/3
Lecture de M. Wagener sur La liberté de conscience à Rome,
page 283.
Page 322, ligne 8 : lisez 104 au lieu de 650.
— 323, — 30 : lisez 139 au lieu de 615.
— 325, — 13 : lisez aetas au lieu de actas.
— 327, — 5 : lisez Graecina au lieu de Graccina.
— 340, dernière ligne : lisez o-uvstéXouv au lieu de auvsxeAouv.
— 341, note 2 : lisez Domit. au lieu de Domiet.
— 341, note 2 : lisez memini, quum au lieu de cremini, quam.
Lecture de M. Delbœuf, tome XXV de la 3* série, page 695, ligne 6,
au lieu de : or, comme je crois l'avoir démontré, du moment qu'il y
aura un observateur, il s'apercevra du cliangement et, s'il s'en aper-
çoit...^ il faut lire : et s'il s'en apercevra.
PUBLICATIONS ACADÉMIQUES.
Depuis la réorganisation, en 1816.
Nouveaux mémoires, tomes I-XIX (1820-1845); in-4°.- Mémoire.,
tomes XX-LI (1846-1895); )n-4°. - Prix : 8 fr. par volume a partir du
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Annuaire, 1'^ à 60"'» année, 1833-1893; 111-I8 _ ,
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Blbllogrkphle académique, 1« édit., 1854, 2' édit., 1874, 3» édit.,
1886:io-18. . ^ ., ,
Catalogue de la Bibliothèque de l'Académie, 1-^ partie : Sociétés savantes
et Recueils périodiques jad"- partie -.sciences, lettres, arls, 1881 90; 4 vol. in-8°.
Catalogue de la bibliothèque du baron de Stassart, 1863; in-8».
Centième anniversaire de fondation (1772-1872). 1872; 2 vol. gr. in-8«.
Monuments de la littérature flamande.
OEnvres de Van Mnerlaut s Der natuuen BLOEME,tome 1", publié par
J. Bormans, 1837; 1 vol. in-8»; — Rvmbybel, avec Glossaire, publié par
J.David. 1858-1860; 4 vol.; — Alexanuers Geesten, publié par Snellaert,
1860-1862; 2 vol — Wederlandsche gedicbten, etc., publiées par Snel-
laert, 1869; 1 vol. - Parthonopeus van itloys, publié par J. Bormans,
1-871 ; 1 vol. — .Ipeghel der iVysheIt, van Jan Praet, publié par J. Bor-
mans, 1872; 1 vol.
OEuvres des grands écrivains du pays.
oeuvres de chastellain, publiées par le baron Kervynde Lettenhove.
1863-1865, 8 vol. iii-8". — l.e •" livre des Chroniques de Frolssart,
par le même. 18G5, 2 vol. — Chroniques de Jehan le Bel, par L. Polain.
1865, 2 vol — Ll Koumans de CIconiadès, par André Van Hasselt. 1866,
2 vol. — nits et contes de Jean et Baudouin de Condé, par Auguste
Scheler. 1866, ô vol. — 1.1 ars d'amour, etc., par J. Petit. 1866-1872,2 vol.
— oeuvres de Frolssart : Chroniques, par le baron Kervyn de Letten-
hove 1867-1877, 26 vol ; - Poésies, par Aug. Scheler. 1870-1872. 3 vol;.—
Glossaire, jiar le même. 1874, un vol. — «.ettres de Commines, par
Kervyn de Lilt<Miliove. 1867, 5 vol. — Dits de VTatriquet de Couvln,
par A. Scheler. 1868, 1 vol. — i.es enfances Ogier, par le même. 1874,
1 vol. — Buevesde Commarchis, par Adenès li Rois, par le même. 1874,
1 vol — IJ Itoumans de Kerte ans grans pies, par le même. 1874,
1 vol. — Trouvères belges «lu xil* au x.iv« siècle, par le même.
1876 1 vol. - Nouvelle série, 1879, 1 vol. — l>l Bastars de Bulllon, par
le même. 1877, i vol. — Kécits d'un Bourgeois de Valenciennes
(XI W siècle), par le baron Kervyn de Lellenliove. 1877, 1 vol. — OEu-
vres de Ghlllebert de Lannoy,' par Cli Potvin. 1878, 1 vol. — Poésies
de Gilles li Muisis, par Kervyn de Leltenhove. 1882,2 vol. — OEuvres
de Jean Lemaire de Belges, par J. Slecher. 1882-91, 4 vol. avec notice.
— l-l Itegret Guillaume, par A. Scheler. 1882, vol.
liiotjraphie nationale.
Biographie nationale, t. I à XII. Bruxelles, 1866- 1893, gr. in-S».
Commission royale d'histoire.
Colicctiou de Chroniques belges inédites, publiées par ordre du
Gouvernement; CD vol. in-4''. (Voir la liste sur la couverture des Chroniques.)
Comptes rendu.« des séances, U-^ série, avec table (1857-1849), 18 vol.
iii-H"^ — 2"'« série, aveo table (1850-1859), 13 vol. in-8». — ô™" série (1860-
1872), 15 vol. iii-8». — 4™» série, tomes 1-XVII (1873-1891). — S»» série,
lûmes l-lll; IV, ii"s \ ot 2.
Annexes aux Bulletins, 17 volumes in-8». (Voir la liste sur la couverture
des Cliroiiiciues et des Comptes rendus.)
2044 093 256 394